dimanche 29 avril 2018

R2D2, le retour

A quoi reconnaît-on un bourgmestre empêché? A son casque de vision. C'est un bourgmestre virtuel. Entendez par là qu'on ne peut jamais être sûr, même si on est face à lui, que c'est bien lui. Tout comme lui ne sait pas dans quelle proportion la réalité qu'il entrevoit est augmentée. Celle de Rudy Demotte est passée au carré. Il s'est mué en R2D2. On le savait depuis longtemps, l'homme tient un discours si complexe qu'il échappe au citoyen lambda. Le R2D2 de La Guerre des Etoiles n'est pas plus aisé à  comprendre.
R2D2 is alive and well and living in Tournai.



Photo du Courrier de l'Escaut:
http://www.lavenir.net/cnt/dmf20180427_01162672/mettre-la-technologie-au-service-de-la-population

jeudi 26 avril 2018

Nos peurs

Je l'ai écrit déjà: je me suis rendu compte que je n'osais plus lire Charlie Hebdo dans une gare ou un train, de peur d'être agressé. Je le reçois chaque semaine emballé dans un plastique opaque. Je suppose qu'il s'agit de le rendre inaperçu des employés de la Poste, du facteur, des voisins. Qui aujourd'hui oserait lire en public "Les Versets sataniques"?
Au lendemain des attentats de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles, nous affirmions notre absence de peur. Mais c'est faux: les islamistes ont réussi à l'installer, cette peur. Nous avons peur de leurs réactions insensées et en plus nous craignons de choquer non pas les islamistes mais les musulmans. Le terrorisme n'est pas que physique, il est aussi intellectuel. Nous craignons de blasphémer. De nombreux enseignants avouent ne plus oser aborder en classe, en cours d'histoire, de sciences, de philo, des sujets qui risquent de fâcher, liés à la religion, aux normes, aux règles, aux interdits qu'elle serait censée imposer . "Dénoncer l'emprise de la religion est devenu aussi angoissant que dénoncer Al Capone", écrit Gérard Biard (1).
"N'ayons plus peur! Enquête sur une épidémie contemporaine (et les moyens d'y remédier)", c'est le titre d'un ouvrage d'Ali Magoudi (2). Le psychanalyste explique qu'après les attentats certains de ses amis affirmaient qu' il faut respecter le sacré de l'autre. Ce qui ne veut rien dire. "Je m'aperçois qu'on n'a pas compris ce qu'était la laïcité ni ce qu'impliquait la liberté de religion: l'autre a le droit d'avoir la religion qu'il veut..., mais, du coup, ses pensées eu égard aux miennes, seront obligatoirement blasphématoires." (3) La liberté de religion implique que l'autre a le droit de blasphémer. C'est-à-dire, tout simplement, de contester. Finalement, dit-il, "la peur d'avoir des pensées blasphématoires nous empêche de penser". Et de toute façon toute religion constitue un blasphème par rapport à une autre, puisqu'elle la contredit. "Qu'est-ce que c'est que ce monde qui n'arrive pas à laisser se déployer des vérités contradictoires? On sait bien que la vérité avec un grand V n'existe pas."
"Je rêve, dit encore Ali Magoudi, d'un monde où l'indifférence au blasphème aurait droit de cité. (...) Que l'autre se foute de ce que je pense. Qu'il se foute de ce que je pense de l'avortement, de l'euthanasie, de ce que je pense des choses essentielles: que l'autre me foute la paix."
Mais nous voilà dans la peur que l'autre pense que ce que nous pensons, ce que nous lisons, ce que nous écrivons est une agression envers lui. "Le paradoxe dans le monde actuel, c'est que les vérités religieuses dans leur portée collective ont énormément régressé, et dans la mesure où il n'y a pas un discours collectif qui vient porter la pluralité comme norme, il n'y a plus de norme qui protège d'une pluralité de peurs. On avait une seule peur, celle de l'Autre, un Autre organisé, un Dieu, mais maintenant on est comme des enfants de 2-3 ans, les peurs sont multiples, elles s'accrochent à tout ce qui passe. Et tous les énoncés du discours collectif contemporain sont sur le mode Ayez peur!": les menaces sont diverses et les dangers sont imminents."
Il faudrait cesser d'avoir peur. Il faudrait.

(1) "Laïcité: les profs au tableau", Charlie Hebdo, 11 avril 2018.
(2) éditions La Découverte.
(3) Entretien avec Ali Magoudi, Charlie Hebdo, 4 avril 2018.
(Re)lire sur ce blog "Islamofolies", 19.4.2013, "Vade rétro", 22.4.2013, "Charlie est bien vivant", 14.1.2015, "Blablasphème", 17.1.2015, "Blasphème?", 13.3.2007.

samedi 21 avril 2018

Qu'est-ce qu'une info?

Est-ce une information? "A Anvers, la liste Open VLD comptera un jeune candidat juif". C'est le site de la Libre Belgique qui l'annonce, relayant l'agence Belga qui elle-même rediffuse une info du Morgen (1). Si c'est une information, laquelle? Des juifs sur des listes électorales en Belgique, il a dû y en avoir des milliers, sans que cette étiquette soit jamais précisée. Comme il y a eu (au moins) des centaines de musulmans, des dizaines de milliers de gens d'origines et de croyances diverses. Y a-t-il eu des candidats dont on a précisé qu'ils étaient catholiques ou athées? Alors, cette non-information serait-elle l'expression d'autre chose? Le signe que notre société se divise désormais en catégories, en communautés? Chacun est porteur d'identités diverses. Faut-il maintenant afficher sur les listes électorales telle étiquette plutôt que telle autre, comme un message à telle ou telle communauté?
D'autres infos bientôt:
- la liste A présentera une candidate zadiste et buveuse de bière.
- la liste B présentera un candidat bouddhiste et insomniaque.
- la liste C présentera un candidat noir et youtubeur.
- la liste D présentera une candidate retraitée et agnostique.
- la liste E présentera une candidate végan et protestante.
- la liste F présentera un candidat geek et gaucher.
Finalement, l'info n'en était peut-être pas une. Elle a en tout cas rapidement disparu du site de la Libre ce samedi.

(1) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/elections-communales-a-anvers-la-liste-open-vld-comptera-un-jeune-candidat-juif-5adb06c0cd709bfa6b6d3bbe

jeudi 19 avril 2018

Absences

La démocratie représentative élective a ceci (notamment) de désespérant que si vous êtes dans l'opposition vous devez absolument critiquer vertement tout projet ou toute attitude de la majorité. Quitte à nier la vérité jusqu'à en être ridicule. C'est ce que vient de faire Rachida Dati, députée européenne de droite. Invitée ce mercredi matin sur France Inter, elle interrompt agressivement l'éditorialiste qui évoque l'accueil chaleureux qu'a reçu Emmanuel Macron la veille au Parlement européen. Discours très applaudi sur la plupart des bancs, disait-il. "Vous y étiez?, lui demande-t-elle. Eh bien, moi, j'étais dans l'hémicycle. Il n'a pas été du tout ni ovationné, ni super-applaudi." Mais si, lui rétorque le journaliste qui a assisté à la télé à la rencontre: "beaucoup d'applaudissements du PPE, du PSE..." 
"Vous n'y étiez pas, le coupe Rachida Dati, alors je vous invite à regarder en replay les réactions à son discours." Ce que s'est empressé de faire France Inter en demandant à Quentin Dickinson, son spécialiste des questions européennes, à quoi il a assisté (1). "Emmanuel Macron est resté dans l'hémicycle pendant trois heures. C'est sans précédent, explique-t-il. Il aura été interrompu huit fois par des salves d'applaudissements, dont deux ovations debout. En dehors des élus d'extrême droite, tous les groupes ont salué le propos ou la performance." 
Comment se fait-il alors que Rachida Dati n'ait pas assisté aux mêmes réactions? Elle a bien participé aux votes qui ont suivi la prestation du président français, mais si on observe, comme l'a fait Quentin Dickinson, les présences en séance durant les trois heures précédentes, on se rend compte que le fauteuil de l'ancienne garde des sceaux "était le plus souvent inoccupé". 
On ne sait comment qualifier son attitude: stupide? grotesque? suicidaire? en tout cas contre-productive. Certains élus ont l'art de laisser passer les occasions de se taire. Mais peut-être est-ce la mémoire de Rachida Dati qui lui joue des tours, peut-être a-t-elle eu des absences? 

(1) https://www.franceinter.fr/emissions/le-7h43/le-7h43-19-avril-2018

mercredi 18 avril 2018

L'illusion universitaire

J'avoue ne pas bien connaître le projet Parcours Sup porté par l'actuel gouvernement français. Et j'avoue aussi ne pas bien comprendre les oppositions à ce projet. Qu'il complexifie à l'extrême les conditions d'entrée à l'université et soit difficile à mettre en œuvre, je peux l'imaginer. Mais j'ai du mal à croire qu'il veuille à tout prix opérer une sélection aveugle à l'entrée.
Cette sélection, comme le faisait remarquer ce matin le président de l'Université de Nanterre (1), s'opère actuellement et depuis toujours: c'est la sélection par l'échec. Est-elle tolérable?
J'ai enseigné durant une dizaine d'années dans une haute école en communication. Chaque année, nous, enseignants, faisions le constat que certains étudiants n'avaient pas le niveau nécessaire pour ce cursus. Notamment en français, dont la maîtrise est indispensable pour devenir plus tard journaliste, animateur socioculturel ou chargé de communication. Certains présentaient de telles lacunes en vocabulaire, en syntaxe, en grammaire que leurs textes étaient absolument incompréhensibles. Ce sont en général ces mêmes étudiants qui soit disparaissaient très rapidement, soit, opiniâtres, effectuaient leurs études non pas en trois ans, mais en cinq, voire six ans. Pour, le plus souvent, se trouver ensuite un emploi dans un tout autre secteur. Ces étudiants n'auraient-ils pas pu plus utilement suivre plus tôt des formations qui leur convenaient mieux? 

On ne peut évidemment accepter que l'université sélectionne ses étudiants sur base de leurs origines socio-économiques et socioculturelles. L'enseignement supérieur doit être accessible à tous. Et il ne s'agit évidemment pas de laisser les lycéens s'enfermer dans des choix qu'ils auraient fait trop jeunes en leur coupant toute possibilité de changer de discipline. Mais on ne peut non plus bercer les étudiants d'illusions en leur laissant croire que n'importe qui peut effectuer n'importe quelles études. 
Un lycéen (entendu récemment dans un journal de France Inter) déplorait qu'étant en filière scientifique, il lui serait interdit d'accéder aux études à caractère social qu'il a envie d'entreprendre. Prendre en compte, au-delà des compétences de base, les motivations du futur étudiant me semble dès lors tomber sous le sens. Et être plus démocratique que le système du tirage au sort, actuellement pratiqué.

L'école de la réussite est un objectif ambitieux et généreux. Qui ne souhaiterait voir tous les écoliers, tous les élèves, tous les étudiants réussir? Mais les systèmes mis en place pour parvenir à cet idéal s'avèrent parfois pervers. En Communauté française de Belgique, les étudiants peuvent, s'ils n'ont pas réussi leur année mais cependant obtenu un certain nombre de crédits, passer dans l'année supérieure. A charge pour eux de réussir les crédits ratés précédemment. Trop heureux d'accompagner leurs camarades qui ont réussi pleinement, ils délaissent souvent ce qu'on appelle leurs crédits-casseroles. Plus dure est la chute. En fait, ils se rendent compte que ce système de fausse réussite alourdit leur barque. Et qu'elle devient parfois impossible à manœuvrer. 

L'Université de Nanterre, affirme son président, reçoit chaque année 100.000 demandes (ce qu'on appelle en France les vœux) pour 6.000 places de néo-étudiants. On peut bien sûr regretter que toutes ne soient pas acceptées. On a bien sûr le droit de se mettre la tête dans le sable.
Finalement, cette volonté que tout post-lycéen puisse entreprendre n'importe quelles études, quelles que soient ses compétences de base et ses motivations, est très égalitariste. Comme si tout le monde était capable de tout. N'est-elle pas aussi ultra-libérale? Tout le monde a le droit de tout faire et tant pis pour les étudiants qui se trompent de voie. Cette ouverture totale fait le jeu d'universités et d'écoles qui savent bien qu'elles acceptent des étudiants qui n'ont pas le niveau de base pour entreprendre ces études mais font entrer de l'argent dans les caisses de l'école, avec le soutien de la collectivité.

Au-delà de cette contestation du projet de loi Parcours Sup en lui-même, il semble que certains aient envie de célébrer à leur manière les 50 ans de mai '68. De le rejouer en fait. Même si la situation, l'Etat français, les rapports avec l'autorité, le travail, la religion, la sexualité, les parents, l'école, les médias, la liberté d'expression n'ont strictement plus rien à voir (2). Il faut être sacrément conservateur pour vouloir faire revivre le passé. S'il y a des situations et des projets à contester (et ils ne manquent pas), pourquoi faudrait-il attendre un anniversaire pour le faire? Et pourquoi faudrait-il ressusciter un modèle plutôt que d'inventer le sien?

(1) France Inter, 18.4.2018, 8h20.
(2) (Re)lire sur ce blog "Pour ne (surtout) pas en finir avec mai '68", 22 mai 2007.

mardi 17 avril 2018

Zone à défoncer vs pépinière

Revenons, une fois encore, sur l'évacuation de la ZAD de Notre-de-Dame-des-Landes (voir billet précédent). Sophia Aram s'interrogeait hier (1): pourquoi empêcher certains de créer des potagers dans une terre dont les autorités publiques, une fois abandonnée l'idée d'en faire un aéroport, ne savent plus que faire? C'est idiot, dit-elle, de dégager de cette zone les seuls qui savent quoi en faire. Mais, vu de l'Etat, il n'y a pas de place dans cet espace immense pour des projets collectifs. Dès lors, la gendarmerie a fait de la ZAD (zone d'aménagement différé devenue zone à défendre) une "zone à défoncer". Suscitant ainsi une saine réaction de citoyens indignés revenus défendre la zone et ses projets. Résultat: après les opérations d'évacuation, il y a encore plus de monde à NDDL, comme le fait remarquer Sophia Aram.
Les interventions des zadistes sont malheureusement ternies par les actions de certaines personnes qui ont une curieuse conception de l'écologie et du pacifisme, balançant billes d'acier et bouteilles d'acide sur les gendarmes, parsemant le terrain de carcasses de voitures et incinérant des pneus. On peine à croire que l'écologie fasse partie de leurs valeurs. Ou alors ils n'en ont pas bien compris le sens. En tout cas, ils participent à renforcer les clichés sur les zadistes et à permettre à certain chef d'Etat de parler de "professionnels du désordre" en mettant dans le même sac tous les défenseurs de cette zone.  

A Tournai, le week-end prochain, sera inaugurée la Pépinière, à prendre au sens propre comme au sens figuré: pépinière pour végétaliser la ville avec ses habitants et pépinière pour changer le monde. Le lieu se veut aussi rassembleur en mettant en lien et en faisant connaître les associations qui tendent vers la transition énergétique. Une vingtaine d'activités, parmi lesquelles une conférence-débat, permettront de mettre en exergue et de faire progresser les initiatives citoyennes en la matière (2). 

Résumons-nous: si on ne va pas dans le mur, ce sera grâce aux citoyens.

(1) https://www.franceinter.fr/programmes/2018-04-16
(2) http://lapepiniere-tournai.be/ 


jeudi 12 avril 2018

Cas isolés

L'opposition au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en région nantaise (1), a généré sur place, chez ceux qui se sont baptisés zadistes, de nombreux autres projets, notamment agricoles. L'idée de construire un nouvel aéroport ayant été abandonnée, la préfète du département a décidé que, dans cette zone, les projets agricoles individuels pourraient se poursuivre. Mais elle fait déloger par la gendarmerie les porteurs de projets collectifs. On se demande pourquoi.
Partout, on apprend à travailler en équipe, dans les écoles, dans les services publics, même - on peut le parier - dans les services départementaux. Des entreprises n'hesitent pas à payer très cher parfois formateurs, coachs, consultants pour faire comprendre à leurs travailleurs qu'ensemble on est plus fort, pour les aider à travailler en groupe, pour les faire adhérer aux valeurs de solidarité, de complémentarité, d'entraide. Partout, mais pas dans cette ex(?)-ZAD visiblement. Là, seul celui qui travaille et réussit seul sera respecté.
L'agriculteur est un travailleur solitaire. Certains semblent vouloir qu'il le reste.

(1) (re)lire sur ce blog "Balance ton aéroport", 18 janvier 2018.

mercredi 11 avril 2018

Il n'est point de pire sourd

Etre parlementaire, c'est, notamment, représenter ses électeurs et même, finalement, représenter les citoyens. Ou en tout cas certains d'entre eux. Quand on est dans la majorité, c'est aussi faire le lien entre le gouvernement et le terrain qu'on peut aussi appeler la base. Les élus sont censés faire remonter auprès des ministres et de leurs cabinets les attentes et opinions de leurs électeurs.
Il est cependant de bon ton d'affirmer que les élus ont perdu le lien - pour autant qu'il ait existé - avec la population. Ils vivent, dit-on, dans une tour d'ivoire qu'on appelle, selon les cas, Assemblée nationale, Chambre, Sénat, Parlement régional ou communautaire. Ils passent leur temps dans un entre-soi agréable, préservés de la fureur du monde et des difficultés du quotidien. D'ailleurs, ils forment une classe, la classe politique qui, comme chacun le sait (au Café du Commerce en particulier), est totalement coupée de la société civile.
Il y a quelques jours, un député de La République en Marche (LREM) a cru bien faire en allant à la rencontre de grévistes de la SNCF pour les entendre et s'entretenir avec eux. Mal lui en a pris. Sa démarche a été vue comme une provocation. Il n'y eut aucune place pour le dialogue, juste des huées d'une meute hurlante et vociférante (1).
Dans le même temps, un de ses collègues essayait de discuter avec les occupants de la fac de Tolbiac. Il ne reçut que projectiles et injures, notamment racistes, avant de se faire voler sa tablette (2).
Je me souviens de cet épisode que m'a raconté un ami, alors député wallon: comme d'autres élus, il est invité à se joindre à une manifestation organisée par un collectif de citoyens. Ceux-ci l'invitent à prendre place en tête du cortège. Il décline la proposition, considérant que ce sont les organisateurs et non les élus politiques qui doivent conduire cette manifestation populaire. Ses confrères n'ont pas ces scrupules et ouvrent la marche. Je me suis retrouvé, m'a-t-il expliqué, au cœur de la manif et j'ai été agressé et insulté de toutes parts, au nom de tous les autres, au nom de cette politique coupée du peuple. La prochaine fois, concluait-il, ou je marche en tête de manif, sans contact avec les manifestants, ou je n'y vais pas.
On peut reprocher bien des choses à nos élus et nos gouvernements, quels qu'ils soient. Aucun d'entre eux ne sera, quoi qu'il veuille et fasse, totalement en phase avec une illusoire opinion publique traversée de multiples contradictions et de points de vue opposés, mais cracher sur des élus qui ouvrent la porte au dialogue ne sert qu'à pouvoir continuer à marteler que cette maudite classe politique est décidément incapable d'écouter un peuple dont elle est totalement coupée. On voit par là qu'il est difficile d'appeler à la négociation tout en hurlant.

(1) Journal de 19h30, France 3, 9 avril 2018.
(2)  https://www.huffingtonpost.fr/2018/04/09/buon-tan-un-depute-lrem-agresse-par-des-occupants-de-la-fac-de-tolbiac_a_23406902/?utm_hp_ref=fr-homepage

dimanche 8 avril 2018

Cinq minutes de courage politique

Ils se sont choisi un nom simple, qu'ils estiment rassembleur. Leur parti s'appelle tout simplement Islam. Et ils se disent prêts à présenter des listes dans 28 communes en Wallonie et à Bruxelles aux élections communales d'octobre. Ils veulent faire de la Belgique un état islamique et y appliquer la charia. Mais qu'on se rassure: ils sont bien sûr démocrates. La preuve, c'est qu'ils acceptent des femmes sur leurs listes. Mais pas en tête de liste, la démocratie est plaisante mais il ne faudrait quand même pas la laisser glisser vers de telles dérives. "Ce que l'on prône, explique un de ses fondateurs, c'est qu'il y ait d'office un homme qui soit positionné en tête de liste. Un homme vrai, courageux. (...) L'homme devant, la femme derrière, et comme ça elle se sent en sécurité." (1) Il propose les mêmes places dans les transport en commun: les hommes devant, les femmes derrière. Une question de sécurité toujours. Et de bon sens, dit-il.
On peut se demander ce qu'est "un homme vrai, courageux". L'écrivain algérien Boualem Sansal a des réponses: chez les islamistes, "la rigidité, le formalisme, le refus de la négociation et du compromis sont vus comme des valeurs viriles donc positives par définition, alors que la souplesse, le pragmatisme et la composition sont des valeurs négatives, propres aux femmes" (2).
On peut imaginer que les femmes élues sur ces listes, ces femmes de l'arrière, se poseront comme les représentantes des femmes au foyer, des mères, des bonnes épouses. Que, si certaines d'entre elles devaient être élues au niveau fédéral, elles se battraient pour repénaliser l''avortement, pour ne plus obliger les filles à aller à l'école, pour obliger les femmes à se voiler. Mais peut-être ne devront-elles même pas perdre leur temps à tirer la société en arrière: le grand avantage de la charia, c'est qu'on n'a plus besoin de parlement. Les lois ont été écrites une fois pour toutes. Plus besoin de juges et de tribunaux non plus, les imams rendront leurs sentences. La charia, c'est une sacrée économie pour un Etat.

Ce parti a donc choisi de s'appeler Islam, mais aurait dû, plus pertinnement, s'appeler Islamisme. C'est à une récupération politique des musulmans qu'on assiste. Le parti entend les représenter tous, dans sa volonté de renforcer le communautarisme.
Pour l'instant, à ma connaissance, seuls des partis de droite (NVA, VLD, MR) ont protesté contre ce parti et ses positions antidémocratiques. Richard Miller, député réformateur, veut même interdire ce parti dont le projet "va à l'encontre de nos libertés et des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution" (3). A gauche (ça devient une habitude sur les questions d'islamisme), on n'entend qu'un silence gêné. Ce serait bien que - enfin - les partis de gauche osent aussi dire non, osent rappeler qu'il y a des règles à la démocratie, que les droits de l'homme - et plus encore de la femme - doivent être respectés. Qu'ils cessent de se taire par crainte de perdre des électeurs, qu'ils cessent, par leur silence, de jeter des électeurs dans les bras de l'extrême droite. Ce serait bien aussi que les musulmans démocrates s'opposent à cette dérive totalitaire de leur religion.

Post-scriptum: à lire à ce sujet, l'opinion d'Etienne Dujardin:
http://www.lalibre.be/debats/opinions/ignorer-l-islamisme-ou-le-parti-islam-ce-n-est-pas-la-solution-opinion-5acb1adccd702f0c1aca7e6b

(1) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/communales-une-femme-ne-peut-pas-etre-tete-de-liste-selon-le-fondateur-du-parti-islam-5ac71f9bcd702f0c1abcc741
(2) Boualem Sansal, "Gouverner au nom d'Allah - Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe", Gallimard, 2013.
(3) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/richard-miller-mr-veut-interdire-le-parti-islam-5ac89a3bcd702f0c1ac20354
http://www.levif.be/actualite/belgique/le-parti-islam-croit-en-l-avenir-islamiste-de-bruxelles-maingain-veut-le-faire-interdire/article-normal-823059.html
http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/vives-reactions-du-monde-politique-flamand-au-programme-du-parti-islam-5ac7bce4cd709bfa6b37b88b
http://www.lesoir.be/149912/article/2018-04-07/zuhal-demir-n-va-le-parti-islam-nest-que-la-partie-emergee-de-liceberg