dimanche 17 juillet 2011

ékrir franC

Avant de me mettre en vacances, quelques perles récoltées cette année au gré de travaux d'étudiants. Avec, entre parenthèses, mes commentaires.

"On m'a demandé de choisir l'animal fard du musée. J'ai proposé l'éléphant"
(le musée demandera un prix de gros pour le fard)
"J'ai été confortée à quelques difficultés"
(ce qui l'a confrontée dans son envie d'apprendre à écrire mieux)
"Les petits déjeuners solitaires: ces rendez-vous se passent tous les mois pour la maudite somme de 5 €"
(c'est vrai que devoir payer 5 € et être obligé de déjeuner seul, il y a de quoi maudire la facture)
"Un quotidien journalier est réalisé par l'équipe"
(et en plus, c'est tous les jours!)
"J'ai choisi la formation Communication aux seins des centres culturels"
(formation qui l'a nourri, nous l'espérons)
"Je n'ai travaillé sur mon TFE que deux jours parce que je devais finir mon rapport de stage et maintenant j'ai attrapé le rhum des foins."
(peut-être un verre de rhume pour se remettre ?)
« C’est un jeune-m’en-foutiste. » (je dis ça, jeune dit rien)
« Nous avons imaginé une mise en abysse. »
(c’est-à-dire une approche sous-marine de la situation)
« Il maîtrise bien son tract sur scène. » (il le distribue d’une main ferme)
« Réussir son stage est primordial, mais le transformer en une réussite est encore plus gratifiant. »
« La formule roule comme sur des roulettes »
(c’est ce qu’on appelle une formule bien formulée)
« Mes progrès se sont considérablement améliorés »
(je dirais même plus : mes améliorations ont beaucoup progressé)
« Si j’étais engagée demain, la première chose que je ferais : remplacer le café par du thé bio, même si c’est un milieu d’hommes, ils boivent beaucoup trop de café »
(sans thé !)
« Ce journal a un encrage idéologique. »
(exemples : le Peuple était imprimé en rouge et le Standaard en orange)
« Le concert a été organisé dans une usine désinfectée » (et sponsorisé par Monsieur Propre ?)
« Cette éducation peut se faire par beaucoup de billets : des animations scolaires ou des actions extrascolaires, par exemple: des mini-camps. » (c’est ce qu’on appelle des biais doux)
« Certaines animations orbitent autour de sujets tels que le gaspillage, le suremballage. » (bref, des sujets qui nous sortent par les yeux)

On peut bien sûr sourire, mais peut-on reprocher à ces étudiants ces erreurs de français, quand on entend s'exprimer le Président de la République française?
Quelques extraits de ses inoubliables saillies:
"On se demande c'est à quoi ça leur a servi."
"Si y en a que ça les démange d'augmenter les impôts..."
"J'écoute, mais je tiens pas compte."
"On commence par les infirmières parce qu'ils sont les plus nombreux." (1)
Et, plus récemment, quelques extraits du discours que Nicolas Sarkozy a prononcé, voici peu, au Salon de l'aéronautique au Bourget, tels que retranscrits sur le site de l'Elysée (2):
"Pour ce partager les usines, tout le monde est candidat"
"non seulement se sont des dizaines de milliers d'emplois"
"je le dit comme je le pense"
les guéguerres franco-françaises doivent cessées"
"je ne pense pas qu'il y ait un pays au monde qui dégage de telles marches de manoeuvre".

Bref, pour maintenir une certaine qualité à la langue française, y a du bouleau à abattre!

(1) voir sur ce blog le billet intitulé "Président people, ça veut dire président populo?", en date du 1er février 2010)
(2) cités par LLB du 25 juin 2011

samedi 16 juillet 2011

Cachez ce sein

Sarkozy assis sur le ventre d'une femme enceinte. Face à lui, DSK coincé entre deux fesses. Le Vif (1) nous apprend que ce dessin de Vadot (pourant très soft: une courbe d'un côté, deux de l'autre) est interdit sur Facebook. C'est que le "réseau social" ne tolère pas "les photos attaquant un individu ou un groupe, qui contiennent de la nudité ou de la violence ou qui présentent l'usage de stupéfiants".
Venant d'un site qui repose précisément sur l'exposition de l'intime et l'indécence, cette censure apparaît pour le moins risible. Et hypocrite, dit le Vif qui constate que le même dessin est représenté sur la page Facebook de Press Cartoon Belgium, puisqu'il est candidat au grand prix 2012.

(1) 15 juillet 2012

vendredi 15 juillet 2011

Ainsi va la vie

Il faut croire que la France s'ennuie. Eva Joly, candidate officielle des Verts, a eu l'outrecuidance de suggérer, pour la prochaine fête nationale, un défilé citoyen plutôt qu'un défilé militaire. Une proposition a priori sympathique. Pas pour ses adversaires politiques, de droite, d'extrême droite et même de gauche. Il ne faut pas être de culture française, lui laisse-t-on entendre, pour oser une aussi blasphématoire remise en question. Le défilé militaire appartient au patrimoine sacré de la Frrrrrrrrance. Les journaux télévisés en font des gorges chaudes. Vu de l'extérieur, on a autant de mal à comprendre où est le problème que les étrangers ont du mal à comprendre l'incapacité belge à former un gouvernement.
On n'est pas là pour se faire engueuler
On est là pour voir le défilé
On n'est pas là pour se faire piétiner
On est là pour voir le défilé
(Boris Vian)

Ceci dit, même de l'intérieur, on a du mal à comprendre l'incapacité belge à former un gouvernement. Au Festival de Dour, un groupe musical gantois exprime son plaisir à jouer en Wallonie: l'accueil y est toujours très chaleureux, disent les musiciens. On pense à ces étudiants flamands venus suivre une année d'études en Wallonie. Il veulent y rester, n'entendent plus rentrer chez eux. Les gens sont plus proches les uns des autres en Wallonie, disent-ils, plus sympas, attentifs les uns aux autres. Mais les Wallons sont des chômeurs, profiteurs des braves Flamands, serinent les nationalo-populistes. Les Flamands qui ont été voir les Wallons de plus près ne le pensent pas. On voit par là qu'il est utile de se rencontrer.

Pendant ce temps-là, la corne de l'Afrique se meurt. Trois ans sans pluie et voilà onze millions de personnes qui souffrent de la sécheresse, quatre cent mille enfants menacés de mort. Mais qui sont-ils par rapport à l'ego de Bart de Wever, à la couardise de Wouter Beke, au sacro-saint défilé militaire du 14 juillet?

C'est ainsi que les hommes vivent. Mais où sont donc leurs baisers qui sont censés me suivre?

mercredi 13 juillet 2011

Cortège publicitaire

Les coureurs du Tour de France portent bien leur nom de forçats de la route. Ils sont de plus en plus nombreux à chuter. On nous dit que c'est parce qu'il y a de plus en plus de voitures de V.I.P. qui paient cher le droit de rouler au milieu des coureurs. On nous dit que les exigences vis-à-vis des coureurs sont de plus en plus fortes. On nous dit que les routes ne sont pas adaptées. On oublie de nous dire que les coureurs sont les pions d'un système financier, les figurants d'un juteux spectacle qui n'a pas de prix. Récemment, un quotidien se posait la question de savoir s'il fallait cesser de retransmettre le Tour. Un spécialiste répondait par la négative à partir du moment, disait-il, où on accepte qu'on a bien plus affaire à un spectacle qu'à une compétition sportive.
Déjà que ces pauvres coureurs doivent supporter que des beaufs qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Eddy viennent leur taper sur l'épaule, leur crier à l'oreille des propos incompréhensibles ou - pire - leur vider une bouteille d'eau sur la tête, mais ils doivent aussi assurer le spectacle, jouer leur rôle d'hommes-sandwichs et, pour cela, tester des produits qui les aideront à surmonter toutes les souffrances qu'impose le calvaire. Au moins, cette année, une équipe est sortie de l'hypocrisie: elle s'appelle Omega Pharma. On ne peut être plus clair.

lundi 11 juillet 2011

Providences

Des hommes. Barbus, vêtus de blanc, armés de bâtons. Ils crient. Ils ont l'air très fâché. Le journaliste nous explique qu'une loi voudrait imposer plus de place à la laïcité dans cet Etat islamique qu'est le Bangladesh. Ils s'y opposent.

Le même jour. D’autres gens ailleurs, chez nous en fait. Hommes et femmes cette fois. Ils ont le sourire. Ils sont drapés de jaune et noir. Ils ovationnent leur héros, un homme fort. Bart De Wever affirme qu’il est fini le temps de se laisser faire par les francophones. Que leur ont fait les francophones ? les ont-ils frappés ? humiliés ? colonisés ? On ne le sait pas. Mais ils sont décidés et fiers.

Des deux côtés, même si comparaison n’est pas raison, on sent le fanatisme. Et qu’il soit religieux ou nationaliste, il fait peur. Même quand il se donne des airs goguenards.
On se demande quelle est la part d’autonomie de gens qui vénèrent un drapeau, la part d’esprit libre chez des gens qui ont peur des autres, ceux qui ne pensent comme eux. On ne peut s’empêcher de penser que leur identité ou leur foi doit être fragile. Et que l’humanité marche à reculons.

Post-scriptum: en ce jour de fête de la Communauté flamande, une bonne nouvelle: Jan Peumans, de la NVA, a déclaré que "la Flandre ne lâchera pas Bruxelles". Ce qui, en d'autres termes, signifie que la Belgique continuera à vivre, puisque les francophones, largement majoritaires à Bruxelles, n'ont évidemment aucune raison d'abandonner Bruxelles à la Flandre. Donc, CQFD depuis longtemps: la Belgique est indivisible. Reste juste à s'accorder sur sa gestion. Allez, juste un petit effort.

dimanche 10 juillet 2011

Un humour de coiffeur

Je suis plein d'admiration pour la créativité des coiffeurs. Non pour leurs talents de capilliculteurs - je ne peux en juger, mon passage chez eux ne se justifiant plus - mais pour les noms qu'ils donnent à leurs salons.
En voici quelques-uns glanés au gré de mes déplacements en Belgique et en France:
- Les mots tifs
- Diminue-tifs
- Atmosp'hair
- Changement d'hair
- l'Ac'tif
- Réac-tif
- Admira-tif
- A'hair coif
- Bel hair
- Hair du temps
- Val Hairie.
On voit par là que les coiffeurs ont de l'humour. En tout cas, un humour qui leur est propre.
Personnellement, j'éviterais d'aller au salon "Réac-tif". On sait que les coiffeurs sont bavards. Celui-là ne doit nous épargner aucune de ses opinions dénigrant les jeunes, le progrès, l'évolution des moeurs. Ou même l'hair du temps.

P.S. Vu ce week-end (13 novembre 2011) dans le Pas de Calais, Fée Hair'ique. En effet.
P.S.bis: repérés aussi: Hair Borist et Addy Tiff
P.S. ter: à Maubray (Antoing): Hair du Large

vendredi 8 juillet 2011

De Wever jusqu'à l'extrême

On sentait bien que, jusqu'à présent, même dans les rangs francophones, on ménageait la NVA et Bart De Wever. Les nationalistes, même dans leurs excès, restaient des gens respectables, avec qui il fallait dialoguer. Ou en tout cas essayer d'entretenir le dialogue. Malgré l'irritation qu'ils aiment visiblement susciter. Mais ce n'étaient pas des extrémistes. Le politologue Carl Devos l'affirmait: "la NVA n'est pas d'extrême-droite, mais c'est un parti de centre-droit qui se déclare par ailleurs ouvertement conservateur" (1). Il affirmait en outre que "Bart De Wever n'est pas un populiste, non".
D'autres observateurs n'hésitent pas à situer De Wever à l'extrême droite ou juste à côté. Marcel Sel souligne que "Bart De Wever n'hésite pas à fréquenter ouvertement des gens d'extrême droite sous des prétextes divers. Il fut photographié avec Jean-Marie Le Pen, mais il n'était là que pour s'informer... Il fut à l'enterrement du fondateur du Vlaams Belang, l'extrême droite flamande, Karel Dillen, mais pour des raisons familiales exclusivement" (2).
Guy Sitbon, dans Marianne, est clair: il le présente comme "président et grand sorcier du parti d'extrême droite nationaliste NVA" (3). "De droite extrême, il est tout sauf révolutionnaire, écrit Sitbon. Son programme tient en un mot: "non". Non à son pays. Le monde entier aime la Belgique telle qu'elle est. Lui la hait. Il veut démontrer qu'elle n'est pas viable. Invivable, pour Bart."
Depuis juin 2010, la NVA n'a rien fait, rien voulu faire, de son éclatante victoire, sinon bloquer le fonctionnement démocratique de la Belgique. Et ainsi prouver son inefficacité. Le parti qui a pour slogan "denken - durven - doen" ne pense qu'à son projet d'indépendance de la Flandre, n'ose rien, sinon enrayer le système fédéral, ne fait rien.
Le "nee" prononcé hier par De Wever à la note de Di Rupo le confirme: la NVA n'aime pas la démocratie. Ce sera son programme ou le chaos (même si on se doute que ce pourrait être aussi son programme et le chaos). Ce parti n'entend pas négocier, veut imposer son programme, son point de vue, sans rechercher le compromis. Une position fermée, typique de partis extrémistes. Faute de gouvernement légitime, la Belgique n'est déjà plus une démocratie depuis un an: le Parlement ne contrôle plus le Gouvernement, puisque celui-ci est démissionnaire. Ainsi en a voulu (et le veut) un parti et un homme qui affirment parler au nom de tous les Flamands. Affirmer parler au nom de tous, affirmer que tout le monde pense comme soi, voilà une autre caractéristique de partis extrémistes.
Ce sont ces extrémistes refusant toute responsabilité qui mènent la danse aujourd'hui en Belgique, avec le soutien passif et incompréhensible d'un CDV qui n'existe plus que dans l'ombre massive de De Wever.
"Rien ne serait plus affligeant que la disparition de notre si sympathique voisine qui aurait pu (aurait dû?) être des nôtres, conclut Guy Sitbon. Magritte, Brel, Grévisse, Hergé, Simenon, Amélie Nothomb, Christine Ockrent, Eddy Merckx et mille autres ravalés, par la faute de ce maudit Bart, à des originaires d'un pays inconnu ? Quelle connerie, la politique!" (3)

(1) LLB, 22 juin 2011
(2) Les secrets de Bart de Wever, Marcel Sel, éditions de l'Arbre (cité par le VIf, 17 juin 2011)
(3) Marianne, 2 juillet 2011

jeudi 7 juillet 2011

Miss Erable

Tournai vaut bien une miss. C'est ce que se sont dits les conseillers communaux de Tournai en attribuant en mai dernier 5600 € à l'asbl Orgamiss qui, comme son nom le laisse entendre, organise des concours de miss et de mini-miss. On peut être miss à vingt ans, à dix ans ou à sept ans. Il n'est jamais trop tôt pour apprendre à être jolie, à minauder, à parader, à montrer ses jambes et à répondre aux fantasmes masculins. Jamais trop tôt pour apprendre à être une poupée qui ferme les yeux quand on la couche. Considérant sans doute que les clichés de genre doivent être entretenus et même renforcés, les conseillers communaux ont apporté à cette organisation, qu'on croyait d'un âge révolu, un soutien financier double à celui attribué aux maisons de jeunes, triple à celui apporté au restaurant social (1). L'électoralisme n'a pas de prix.

(1) Dénoncé par Ecolo Tournai dans "Ecoliens" de ce deuxième trimestre 2011: 2500 € pour chacune des deux maisons de jeunes: Masure 14 et Port'Ouverte; et 2000 € pour l'Assiette pour tous, restaurant social.

De la nécessité de penser

Elio Di Rupo avait à peine rendu publique sa note de formateur qu'il se trouvait déjà un politologue pour la commenter (1). Carl Devos, de l'Université de Gand, que l'on dit relativement proche de Bart De Wever, a salué "une vraie note de formateur" et le courage du candidat premier ministre. Mais il s'interroge: "est-ce qu'il y a actuellement encore dans ce pays un homme ou une femme politique capable de formuler des propositions et une note acceptables par tous?". La réponse à cette mauvaise question est évidemment négative. La question est plutôt celle de la volonté des partis politiques d'entrer en négociation et de rechercher un consensus. Aucun politique ne sera évidemment capable de marier l'eau et le feu si l'eau entend rester glaciale et le feu ardent. Une bonne négociation est celle qui adopte la stratégie du gagnant-gagnant: j'accepte de lâcher une part de mes revendications pour aboutir à un accord acceptable par tous. J'accepte donc de perdre un peu pour qu'ensemble nous gagnions. La NVA est dans une stratégie tout autre, celle du gagnant-perdant, elle s'est elle-même enfermée dans une logique et un projet - l'indépendance de la Flandre et donc la fin de la Belgique - qui l'empêchent de faire le moindre pas vers l'autre communauté. A moins qu'elle en décide autrement aujourd'hui. Mais demain?
A Bart De Wever, cette réflexion d'un très vieil homme dans le film Antares de Götz Spielmann: "je préfère penser, sinon personne ne le fera".

(1) LLB, 5 juillet 2011