mardi 25 décembre 2012

Le nucléaire patine

"Quand je vois le risque (que représente l'énergie nucléaire), j'aurais choisi une autre énergie." Ce n'est pas un "khmer vert" qui s'exprime ainsi, mais le futur ex-patron de l'Agence fédérale du contrôle nucléaire, ancien directeur de la centrale de Doel. Il quitte sa fonction dans quelques jours. Il se lâche. En cas d'accident à Doel, la situation serait pire qu'à Fukushima, estime-t-il (1). 
Mais, lui répond le porte-parole du Forum nucléaire, deux tiers des Belges, sont favorables au nucléaire. Peut-être faudrait-il dire "étaient" favorables. Et, de toute façon, depuis quand l'opinion publique décide-t-elle des politiques à mener?
Les communes, en tout cas, font ce qu'elles peuvent pour faire vivre le lobby nucléaire: nombre d'elles ont installé, durant la période des fêtes, une patinoire sur leur grand-place. Vu les températures automnales et la pluie, on n'y patine pas, on y patauge. Mais la magie de Noël n'a pas de prix et le ridicule et l'absurde n'ont jamais tué aucun élu.

(1) JT de la RTBF, 25 décembre 2012.

samedi 22 décembre 2012

C'est reparti

Le monde n'a pas (encore) pris fin. On n'en est pas vraiment surpris. Hier soir, aux fours à chaux de Chercq, nous étions quatre cents à suivre les ateliers de coaching que nous proposait l'I.P.I. Entendez par là l'Institut de Pompefunébrisme International et ses experts. Leur objectif: nous permettre d'affronter la fin du monde et donc la mort avec sang froid et dans la bonne humeur. Nous étions fin prêts. Mais voilà: la fin du monde n'a pas eu lieu. Nelson Leglas s'est trompé dans ses calculs. C'est partie remise.
Pendant ce temps-là, à Bugarach dans l'Aude, des centaines de journalistes accourus de partout nous signalaient qu'il n'y avait rien à voir et qu'à part eux, il n'y avait personne. L'information valait le déplacement.
Allez, aujourd'hui les jours allongent.

jeudi 20 décembre 2012

Tout a une fin

En quoi croit l'homme? En sa perte et en l'apocalypse qui est à sa porte. C'est pourquoi il n'ose plus l'ouvrir. Même au facteur qui ne peut être porteur que de mauvaises nouvelles. L'apocalypse profite de la moindre porte entrouverte. Elle devrait se manifester demain. On voit par là que l'homme a raison d'être prudent.
L'homme aime croire en sa fin. Il se sait mortel. On ne peut lui donner tort. Mais il n'aime pas mourir seul, il préfère les voyages collectifs. 
Certains s'organisent pour survivre. La survie a un prix. On peut s'acheter un bunker. En Andalousie, des bergeries en ruine se vendent 200.000 euros. Ce qui n'est pas cher payé si on ne veut pas connaître le funeste sort du commun des mortels. Les bunkers ne protègent pas de la bêtise. C'est là l'un de leurs défauts. L'autre est que leur toiture est percée.
Des gourous auto-proclamés comme Patrick Geryl appellent à les suivre pour affronter l'apocalypse. Il en coûte 20.000 euros. On peut aussi acheter le kit du parfait survivaliste. Il est vendu par Gérard le Flamand, qui visiblement n'est autre que Patrick Géryl. Les deux qui ne font qu'un se préparent une vie confortable dans l'après-apocalypse.
L'homme aime avoir peur, mais il est "capable d'être un être christique qui peut supporter toute cette énergie" qui se déchaînera demain. 
Je crains de n'avoir pas cette force. Adieu.

voir Questions à la Une, RTBF, la Une, 19 décembre 2012.

lundi 17 décembre 2012

De braves gens d'armes

On dit - et on a raison de le dire - que c'est un pays qui s'est conquis et forgé les armes à la main. Les Indiens et les bisons ne sont plus là pour en témoigner. Des Américains affirment que leur retirer leur arme serait leur couper le bras. Leur laisser leur arme, c'est aussi leur retirer leurs enfants.
Une ixième agression dans une école primaire a fait vingt-sept morts il y a trois jours. L'émotion est énorme et compréhensible. Mais, nous dit un observateur (1), ces morts ne sont que le quotidien de ce pays qui en dénombre chaque année 30.000 par armes à feu. Soit 82 par jour en moyenne. 
Des Américains amateurs d'armes (ils sont 47% des habitants de ce pays) estiment que ces tueries ne sont l'affaire que "de gens qui pètent un câble". Les braves gens savent que eux ne pèteront jamais un câble et qu'il est indispensable de disposer d'une arme pour se défendre contre les gens qui en ont une et l'utilisent contre eux. C'est à cela qu'on reconnaît les braves gens: à leur clairvoyance. S'ils pètent un câble, c'est qu'ils n'étaient pas de braves gens, mais des péteurs de câble déguisés.  
La NRA, lobby des possesseurs d'armes, se mobilise déjà. Elle regroupe quatre millions de braves gens. Pas question de toucher au sacro-saint droit, garanti par la constitution, de posséder une arme. Même de guerre. C'est que les Américains sont constamment en guerre. Si ce n'est pas à l'autre bout de la terre, c'est chez eux, contre leurs semblables. Certains estiment que les instituteurs devraient posséder une arme pour défendre leurs enfants. "Où est l'humanité quand on empêche les faibles de se défendre?", demande un amateur d'armes (2). Peut-être faudrait-il armer les enfants eux-mêmes. Comme la mère du tueur de Newtown qui collectionnait les armes et emmenait ses enfants au stand de tir. 
Après trop de tueries, l'Australie a décidé en 1996 de réglementer la possession d'armes. L'Etat en a racheté 600.000 d'entre elles et a sévèrement restreint le droit de possession d'une arme. Résultat: le nombre de meurtres par arme à feu a diminué de 60% (2). 
Obama va-t-il oser affronter la NRA? He can? 

(1) JP de France Inter, 16 décembre 2012, 13h.
(2) JT de France2, 17 décembre 2012, 20h.

samedi 15 décembre 2012

Réfugié pathétique

Que deviennent les incarnations de la jeunesse rebelle? De grands enfants qui jouent à "chat". Gérard Depardieu a passé de quelques mètres la frontière franco-belge pour échapper à la taxation de ses revenus élevés et de sa grande fortune. Il nargue le gouvernement Ayrault: "tu ne sauras pas m'attraper!", lui dit-il.
La rébellion, voilà bien longtemps que Gégé a oublié ce que c'est. Sauf si c'est pour défendre son bout de gras (qu'il a "conséquent", il faut le dire).
Sa fortune, ces dernières années, il l'a augmentée en tournant n'importe quel film. Voilà longtemps qu'il n'en a plus tourné d'excellents. Il en est quelques moyens, voire de sympathiques. Il y a surtout de navrants navets.
Mais ce qui le distingue sans doute des autres stars du cinéma français, voire mondial, c'est qu'il met désormais sa notoriété au service de quelques-uns des pires régimes de la planète (1). En octobre, il célébrait l'anniversaire de Ramzan Kadyrov, l'autocrate mafieux qui dirige la Tchétchénie au nom de Vladimir Poutine. "Gloire à Grozny, gloire à la Tchétchénie, gloire à Kadyrov", a-t-il déclaré sans rire. Son contrat ne le prévoyait sans doute pas. 
En Russie, on peut le voir dans un spot publicitaire, vantant la carte Visa Gold Sovietsky. Il l'a choisie, explique-t-il, parce qu'il "aime la Russie et les Russes". En 2011, il vantait les saveurs de la cuisine de l'Azerbaïdjan, dont le président Aliev n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler un démocrate (1).
En échappant à l'impôt français, Gérard Depardieu est donc cohérent avec lui-même. La solidarité, il s'assied dessus.

(1) Gérard Biard: "Obélix mange avec des tenailles", Charlie Hebdo, 7 novembre 2012.
En couverture de Charlie Hebdo de ce 12 décembre, Charb pose cette question: "La Belgique peut-elle accueillir tout le cholestérol du monde?".

jeudi 6 décembre 2012

Un cirque face à la folie

La décision du gouvernement israélien de construire plus de trois mille nouveaux logements en Cisjordanie et à Jérusalem Est est une honte. Elle fait l'unanimité contre elle. Mais rien n'y fait, ce gouvernement qui ne veut pas de la paix poursuit sa fuite aveugle en avant. Il s'était pourtant engagé auprès des Etats-Unis à ne pas construire en lisière de Jérusalem Est. Par ces constructions nouvelles, Israël couperait en deux la Cisjordanie, morcelant un peu plus encore les territoires palestiniens. Ce projet "porterait un coup fatal aux dernières chances de garantir une solution à deux Etats", estime Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'ONU.
Dans le mouchoir de poche qu'est la Bande de Gaza, les habitants deviennent fous d'être confrontés à la mort quotidiennement, fous de tourner en rond dans ce non Etat aux frontières fermées. L'émouvant reportage de la journaliste Caroline Bourgeret (1) indique combien l'attitude du gouvernement israélien et les attaques de son armée finissent par pousser dans le camp du Hamas des Palestiniens qui ne l'étaient pas. Elle montre aussi que, malgré la violence, les humiliations, nombreux sont ceux qui témoignent d'un courage hors norme, qui leur permet de vivre. Malgré tout.
La Palestinian Circus School, née dans les territoires occupés et les camps de réfugiés, croit aussi, malgré tout, en la vie. Elle est en Belgique ces jours-ci avec sa nouvelle création: "Kol Saber!" (2).
« Kol Saber » nous plonge au cœur des réalités de la rue en Palestine ; d’étranges silhouettes dansent pour exister… Elles s’éloignent, se retrouvent, s’affrontent, cohabitent dans une atmosphère de tensions, jusqu’à ce qu’une nouvelle et mystérieuse silhouette tombe du ciel et change les règles du jeu. Un pouvoir puissant mène la danse, divise, pollue et manipule…"

(1) 
http://www.rue89.com/2012/12/03/couvrir-gaza-sous-les-insultes-je-ne-me-tairai-pas-237525
(2) à Bruxelles, Tournai, Antwerpen, Durbuy, Charleroi, Namur (voir www.pac-g.be)

mardi 4 décembre 2012

Premiers communiants

Les conseils communaux nouveaux sont comme le Beaujolais pareillement qualifié. Un peu rêches, toujours un peu décevants, avec un goût écœurant de banane. Ils se sont mis en place hier dans toutes les communes de Wallonie.
Une nouvelle règle est apparue: ils peuvent être désormais présidés par un autre conseiller que le bourgmestre. Il s'agit de faire mieux vivre la démocratie. Le Conseil communal est le législatif, le collège l'exécutif. Il n'est pas normal que les deux se confondent et que le bourgmestre arbitre des débats au centre desquels il se trouve. Très peu de conseils communaux wallons ont choisi de fonctionner de la sorte. C'est que "les bourgmestres sont souvent jaloux de cette prérogative" de présider les débats, affirme Paul Furlan, ministre wallon des Pouvoirs locaux (1).
Prenons deux exemples au hasard, à Thuin et à Tournai. A Thuin, les débats du conseil seront arbitrés par le "bourgmestre en titre". Il s'appelle Paul Furlan. C'est une vraie surprise. A Tournai, ils le seront par Rudy Demotte, ministre-président de la Région wallonne et "bourgmestre en titre" de Tournai. En voilà une autre. No Télé le présente d'ailleurs sous cette fonction de "bourgmestre en titre" (2), même si elle n'existe pas (3). Mais le Napoléon de la Wallonie picarde entend bien qu'on l'appelle de la sorte. D'autant qu'il "communie avec la ville" qu'il a conquise. Même si sa victoire ne fut pas à la hauteur de ses espérances: 7.000 voix alors qu'il en espérait le double. Ce ne fut pas Waterloo, mais ce ne fut pas non plus Arcole ou Austerlitz. "Je dois prouver que je suis présent dans la ville", déclare celui qui n'entend pas être bourgmestre empêché, même si c'est ce qu'exige une loi qui n'arrivera pas à contraindre ses ambitions. Pour ce faire, il animera les débats du conseil communal, "ce vivier de la démocratie". Le rédacteur en chef de No Télé interroge Paul-Olivier Delannoy, "l'échevin délégué à la fonction de bourgmestre" (celui qui n'est donc pas bourgmestre faisant fonction, une fonction inenvisageable pour Rudy Ier qui n'aime que le soleil): "si le roi vient à Tournai, c'est Rudy Demotte qui le recevra; s'il y a une explosion dans le zoning de Marquain, c'est vous qui allez en correctionnelle....?" Autrement dit: à lui les honneurs, à vous les emmerdes. Polo, en bon petit soldat, acquiesce. Il affirme même qu'il s'en réjouit, qu'il l'a toujours voulu ainsi. On voit par là que Rudy Demotte est un artiste. Peu lui chaut les diminutions des subventions à la création théâtrale, c'est un créatif inné. Du grand art. Avec les applaudissements du public et d'une partie de la presse. Et des rappels?

(1) Matin Première, la Première (RTBF radio), 3 décembre 2012.
(2) No Télé, 4 décembre 2012.
(3) lire "Pêcheurs empêchés" (13.10.2012) et "Le bal des hypocrites" (12.11.2012).

dimanche 2 décembre 2012

Belle jeunesse

Passant devant l'église romane de Ruffec-le-Château, dans le centre de la France, on en pousse la porte, mu par une simple curiosité architecturale. C'est un premier novembre - celui de 2012, précisons-le, jour de Toussaint, en fin de matinée. De nombreuses femmes habillées et voilées de noir sont en prière. Une à une, elles quittent leur prie-dieu et s'éclipsent via la sacristie. Quelques-unes traversent la nef pour sortir par la grande porte. La plupart sont jeunes. L'une d'entre elles se place derrière nous, sans un mot, attendant qu'on la regarde. Elle nous propose alors de nous faire visiter l'église. On décline l'invitation. Poliment, comme il se doit.
Un dépliant nous apprend que ces religieuses sont membres des Soeurs de la Fraternité Saint-Pie X, une congrégation fondée par Marcel Lefebvre. Celui qui est plus connu sous le nom de Monseigneur Lefebvre fut un intégriste catholique, en lutte comme Pie X contre le "modernisme" de l'église. Il fonda le Séminaire d'Ecône pour y former des prêtres. Sa soeur, Marie-Gabriel, prit en charge la formation des religieuses qui s'installèrent à Albano, à quelques kilomètres de Rome. Mais très vite, elles se voient contraintes de quitter l'Italie pour la France, "pour laisser la place aux séminaristes d'Ecône", nous dit le dépliant. On voit par là qu'on se fait parfois des idées fausses. Contrairement à ce que l'on croit, dans les religions intégristes, la femme ne doit pas rester à la maison : elle a le droit d'en changer. Surtout si c'est pour faire place aux hommes. Et pour leur éviter les basses besognes. Le rôle de ces religieuses est  clair : "elles déchargent les prêtres des soucis matériels tels que : cuisine, couture, ménage, les rendant ainsi plus libres pour accomplir leur ministère". Bref, elles sont les bonnes du curé, même si elles ont aussi en charge le catéchisme et les visites aux pauvres et aux malades. Chaque jour, elles ont "une heure d'adoration réparatrice". Le feuillet ne précise pas ce qu'elles réparent. 
On sort de l'église. On croise sur le parvis un groupe de fidèles, adultes, jeunes et enfants, devisant avec un prêtre en soutane, comme on n'en voit plus depuis les années soixante, un homme heureusement déchargé des soucis matériels. On se demande laquelle de ces jeunes filles sera la prochaine à s'enfermer dans cet espace du passé. Laquelle aura "la vocation". Celle de devenir boniche d'un dieu et de ses officiers.