lundi 28 février 2022

Intelligent, vraiment ?

Qu'est-ce que l'intelligence ? Qu'est-ce qui caractérise un bon chef de guerre ? Notamment sa capacité à prévoir les effets des actions qu'il mène, ce qui signifie douter, envisager les effets collatéraux de ses actes et les réactions qu'ils pourraient entraîner et qui peuvent parfois aboutir à l'exact contraire ce qui était visé.

Visiblement ce serpent venimeux de Poutine était trop sûr de son coup, pensait ne faire qu'une bouchée de l'Ukraine en une guerre éclair. Que pensait-il ? Que son sifflement allait hypnotiser son pays et même la terre entière ? La Russie trouve peu de soutiens affirmés. Juste l'Iran, la Corée du Nord, la Syrie, la Birmanie, le Venezuela et la Tchétchénie. Rien que des Etats parias. La Chine, elle, a pris ses distances et de nombreux Etats dansent d'un pied sur l'autre ou restent prudemment muets.
La résistance des forces ukrainiennes s'avère plus importante que Poutine ne l'avait imaginé et Volodymyr Zelinsky, ancien humoriste devenu président de l'Ukraine, est à la hauteur de son rôle de chef de la résistance. Des Ukrainiens de l'étranger reviennent au pays défendre leur patrie au péril de leur vie. De nombreux Ukrainiens ont pris les armes. D'autres, nombreux, ne craignent pas de s’interposer devant des chars ou des militaires russes, ce qui contredit le discours du président russe qui parle de l'armée russe « libératrice » du « peuple frère » ukrainien.
Poutine ne s'attendait sans doute pas non plus à l'unanimité de réaction d'une Union européenne qu'il jugeait faible et divisée et sans capacité d'attitude voire d'action commune. Voilà qu'elle se montre enfin capable de donner priorité à ses principes démocratiques et solidaires plutôt qu'à des intérêts économiques ou particuliers. Même la Suisse est sortie de sa neutralité pour suivre les mesures financières prises par l'U.E. Le président russe ne s'attendait sûrement pas à ce que, pour la première fois de son histoire, l'U.E. décide d'armer un pays en guerre.
Poutine refuse que l'Ukraine soit membre de l'U.E. et de l'OTAN, mais sa guerre ne fait que renforcer l'envie des Ukrainiens d'en être et le vite possible. D'autres pays - la Suède, la Finlande - se posent la question de s'affilier à une OTAN dont tout le monde se demandait encore il y a peu si elle avait une quelconque utilité.

Même si une majorité de ses concitoyens suit le président russe dans ses délires dangereux, manipulée par les médias d'Etat, une minorité se dresse courageusement contre cette guerre qu'elle n'accepte pas. Un mouvement antiguerre qu'il n'attendait sans doute pas tente de s'organiser, même si les arrestations d'opposants pacifiques se multiplient : plus de six mille actuellement. Dans une lettre ouverte publiée par Le Monde, un collectif de 664 chercheurs et journalistes scientifiques russes dénonce l’entière responsabilité de la Russie dans le déclenchement du conflit. Par cet acte, affirment-ils, « la Russie s’est condamnée à l’isolement sur la scène internationale et à un destin de pays paria ».

Paria, la Russie l'est aussi dans le sport. Le monde du sport, d'habitude si frileux à tout positionnement, prend fermement ses distances avec la Russie et appelle à annuler des compétitions en Russie ou avec des équipes russes. Déjà, la Russie est exclue de la prochaine coupe du monde de football.
Des organismes culturels annulent des tournées d'artistes russes et les démissions de directeurs occidentaux dans des institutions culturelles russes se succèdent.

Reste qu'au-delà de toutes ces réactions on se demande comment arrêter la folie de ce va-t-en-guerre, comment mettre fin à cette brutalité, à cette barbarie. Qui peut encore accorder la moindre confiance à Poutine, croire cet homme ? Il est aussi crédible qu'il est souriant. Il promet de ne pas s'attaquer aux civils ukrainiens pendant que ses troupes bombardent des immeubles d'habitation. Il menace d'utiliser l'arme nucléaire. Est-il devenu à ce point ivre de sa puissance pour être capable de l'utiliser ?

vendredi 25 février 2022

Lettre aux ambassadeurs russes

Voici le courrier que je viens d'envoyer aux ambassadeurs russes de Belgique et de France.
Et voici leurs adresses :  amrusbel@skynet.be - ambrusfrance@mid.ru
Je me doute bien que cette lettre est peu de choses par rapport à cette guerre insensée, mais nous nous trouvons tellement désemparés face à un telle folie...

Voir l'appel d'Avaaz :
https://secure.avaaz.org/campaign/fr/stop_the_war_loc/?baluBfb&signup=1&cl=19125523496&v=138329&_checksum=7103eb5f3c7c59580bdc76eddf1fd33d240953751f110d097141bb5e4d50c416
Et celui d'Amnesty International : 
https://www.amnesty.fr/actualites/ukraine-guerre-russie-la-protection-des-civils-doit-etre-la-priorite-absolue?utm_source=newshebdo&utm_medium=email

Monsieur l’Ambassadeur,

Comme l’immense majorité des citoyens européens, je suis scandalisé par l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.
Votre pays viole de manière flagrante le droit international, usant de mensonges qui ne trompent personne pour justifier cette action totalement inacceptable.
Je me doute que ce courrier ne recevra pas de réponse, mais je ne peux rester muet face à cette guerre que vous menez à un Etat de droit, à son gouvernement et à ses citoyens.
Combien d’innocents ont déjà payé et vont payer de leur vie votre volonté de puissance ?
L’usage de la violence est toujours un aveu de faiblesse. La diplomatie et le dialogue sont les seules voies de résolution de tout conflit. 
Vous êtes aujourd’hui les plus forts grâce à votre armée et ses moyens, mais votre président et votre pays paieront devant l’Histoire cet acte de guerre.
Si votre pays a perdu de sa grandeur, c’est à cause des guerres de conquête qu’il mène. Elles sont indignes du grand peuple russe.
Cette guerre, vous pouvez la gagner physiquement, mais vous l’avez déjà perdue moralement aux yeux du monde. L’agresseur est toujours le perdant.

Monsieur l’Ambassadeur, l’avenir de notre planète était déjà sombre, vous l’obscurcissez plus encore. 
Je vous en conjure : mettez tout en œuvre pour que cesse au plus vite ce conflit inutile et insensé. 

Au nom du sentiment d’humanité qui doit tous nous guider, 

Michel Guilbert,
Ancien Sénateur (Belgique)

Post-scriptum : une autre lettre, adressée à Poutine celle-ci et signée Laurent De Sutter :
https://www.rtbf.be/article/laurent-de-sutter-cher-vladimir-poutine-vous-avez-choisi-de-foutre-en-lair-la-vie-de-milliers-de-personnes-10943348:
Ecrivons, écrivons !

jeudi 24 février 2022

Monstrueux

Il est passé à l'acte. L'armée russe attaque et frappe violemment l'Ukraine qu'elle a envahie. Le monstre froid qu'est Poutine se fait menaçant vis-à-vis de qui aurait l'outrecuidance de se mettre en travers de sa route. "(Ceux) qui tenteraient d’interférer avec nous (...) doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues”. Récemment, il rappelait froidement que son pays est une grande puissance nucléaire. On le sent, on le sait capable du pire.

On le décrit comme paranoïaque, comme seul, incapable d'écouter, de dialoguer. Au pouvoir depuis vingt-deux ans, il a perdu le sens des réalités, disent certains analystes. Sa seule réalité, c'est son rêve de reconstruction de l'empire russe. Quoi qu'il en coûte tant au peuple russe qu'au peuple ukrainien (et géorgien, tchétchène et tant d'autres). Et à l'équilibre du monde.
"Ce n'est pas une guerre, c'est une opération miliaire", affirme en novlange poutienne l'ambassadeur russe à l'ONU. Tous les arguments sont bons pour justifier cette guerre : "dénazifier" l'Ukraine, mettre fin à un "génocide", faire tomber "la junte au pouvoir à Kiev". Il est bien le seul à voir une Ukraine nazifiée, un génocide dans le Donbass, une junte. Il est bien le seul, mais personne ne peut l'arrêter et c'est ce qui est le plus inquiétant. Il est prêt à mettre la planète à feu et à sang pour sa folie. Pierre le Grand pourrait être Néron. 

Certains le présentent comme un homme intelligent. ll le fut peut-être, mais ne l'est plus. Il n'a rien compris aux leçons de l'Histoire ou s'en moque. Aucun empire n'a réussi à s'installer durablement et la roue de l'Histoire ne tourne pas en arrière. Toute aventure guerrière est coûteuse en vies humaines (mais comptent-elles à ses yeux ?), en matériel, en argent, et extrêmement polluante. Sa priorité, comme celle de tout homme d'Etat, devrait être la lutte contre le réchauffement climatique, pour sauver l'humanité. Lui se lance à corps perdu dans un désastre. Cet homme n'a aucun souci pour l'humanité.


L'ONG MEMORIAL exige l'arrêt des combats en Ukraine.
" La guerre déclenchée par le régime de Poutine contre l’Ukraine est un crime contre la paix et l’Humanité. Cette guerre restera à jamais une page honteuse de l’histoire russe. Nous sommes contre la guerre avec l’Ukraine et exigeons une cessation immédiate de cette agression."
Déclaration conjointe de Memorial International et du Centre des droits Humains « Mémorial » du 24 février 2022.
"Ce soir, rendez-vous à 19h Salle Jean Dame, 17 rue Léopold Bellan à Paris 2e où nous pourrons, après la projection du film, parler de Mémorial et débattre de l'absurdité de cette guerre et de la falsification de l'histoire faite par les autorités russes pour justifier l'injustifiable."

mercredi 23 février 2022

L'homme froid

Il entend recréer l'empire russe avec des méthodes soviétiques. Vladimir Poutine appelle "mission de maintien de la paix" une intervention de son armée dans les républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Et tant pis s'il s'agit là d'une violation flagrante du droit international. La novlange poutinienne a des accents du passé, celui du KG dont il fut un agent. Il servait un régime qui justifiait les pires exactions par l'affirmation de sa volonté de protection du bien collectif. Chaque phrase veut dire le contraire de ce qu'elle avance. On pense à 1984 d'Orwell: "La guerre, c'est la paix". On repense à la Hongrie de 1956, à la Tchécoslovaquie de 1968, où les interventions soviétiques ont eu lieu pour le bien du peuple.
Mais le tsar est aussi un homme de son temps, celui du mensonge, de la réécriture de l'Histoire, du mépris, de l'agressivité, du virilisme. Donald T. ne s'y trompe pas, lui qui vient de dire toute son admiration pour ce "coup de génie", signé de son quasi ami.

Ces dernières semaines, Poutine a répété que si ses troupes se massaient à la frontière ukrainienne, c'était uniquement dans le cadre d'exercices. Pourtant, dès décembre, on pouvait lire dans un article du Ministère russe des Affaires étrangères que "L'implication de l'Ukraine dans les jeux géopolitiques des Etats-Unis et le déploiement militaire de l'Otan à proximité immédiate de nos frontières auront de lourdes conséquences et nous contraindront à prendre des mesures de rétorsion afin de rétablir l'équilibre militaire et stratégique" (1). Il était clair qu'il passerait à l'acte. Mais que faire face à des propos qui se présentent comme rassurants, même si on ne peut y croire ?
Poutine ne considère pas comme légitime l'existence de l'Etat ukrainien. Il en méprise la douloureuse histoire, dont l'Holodomor, cette famine provoquée par le régime stalinien qui fit des millions de morts dans les années 1932-1933 et que le Parlement européen considère comme un « crime contre le peuple ukrainien et contre l'humanité ».

Poutine est plus nostalgique de l'empire russe que de l'URSS, dit de lui Andreï Gratchev, politologue et ancien porte-parole de Gorbatchev (2). Il aime faire peur, constate un autre expert. Ce que confirme Harald Malgrem, ancien conseiller des présidents Kennedy, Johnson, Nixon et Ford : "En Russie, lui a dit un jour Poutine, les litiges sont généralement résolus de façon pratique. Si un litige porte sur une forte somme d'argent ou un bien important, les deux parties vont envoyer des représentants qui se retrouvent pour dîner. Toutes les personnes présentes sont armées. Face à la possibilité d'un résultat fatal, sanglant, les deux parties trouvent toujours une solution mutuellement acceptable. La peur est le catalyseur du bon sens." (3)
Il est d'une "brutalité prudente", affirme un analyste, tous ses coups sont calculés, mais personne ne sait lequel il va jouer. Témoin cet incroyable échange entre le tsar et son chef du Service des renseignements extérieurs, Sergueï Evguenievitch Narychkin (4). Ce dernier ne parvient pas à comprendre ce que Poutine veut lui faire dire et n'est qu'une marionnette bafouillante qui répète péniblement les propos que lui souffle son président.

Dans quelle sinistre aventure s'embarque, nous embarque celui qui s'imagine être l'incarnation de Pierre le Grand mais qui pourrait être celle d'Ivan le Terrible ? Le sait-il lui-même ? L'homme le plus froid de la planète sait qu'il fait peur. Sous son masque de cire, il en jouit sans doute.

 (1) "De l'Union des soviets à l'union des voisins", Kommersant (Moscou), 20.12.2021, in Le courrier international, 27.1.2022.
(2)  France Inter, Journal de 13h, 22.2.2022.
(3) "L'homme qui voulait être Pierre le Grand", Unherd (Londres), 13.1.2022, in Le courrier international, 27.1.2022.
(4) https://www.lalibre.be/international/europe/2022/02/22/le-lapsus-ahurissant-du-chef-du-service-des-renseignements-russes-lors-de-son-dialogue-avec-poutine-SZNXD6GPPFFYVLZQ64O5X27LUQ/

lundi 21 février 2022

Pays fatigué

Penchons-nous sur la France. Elle a le moral en berne. On la voit souffreteuse, déprimée, ronchonne. On a envie de la prendre dans ses bras et de la rassurer. De lui dire qu'elle est belle, qu'elle va mieux qu'elle ne le croit, qu'elle doit avoir confiance en ce qu'elle est et ce qu'elle peut être, et non en ce qu'elle croit avoir été.

Peut-on se permettre une suggestion ? Eric Zorglub, la Fille à papa et l'Ambassadrice du foie gras devraient écouter régulièrement Carnets de campagne (1). Ils ouvriraient leurs esprits paresseux, verraient devant eux plutôt que derrière (ce qui peut aider à imaginer l'avenir), se diraient que tout problème a sa solution (positive) et que la créativité et la solidarité sont générateurs d'énergie.
Un Français sur trois est aujourd'hui prêt à voter pour l'extrême droite à l'élection présidentielle et la candidate de la bonne vieille droite penche de ce côté, rêvant de murs et de retour à un passé mythifié et partageant la même théorie du "grand remplacement" que les extrémistes de droite.
"Même dans un pays de râleurs autoproclamés comme l'Hexagone, on s'étonne de voir le patriotisme en vogue si passéiste et si renfrogné, écrit la journaliste allemande Nadia Pantel (2). Tout le monde est tellement occupé à évoquer la grandeur passée de la France qu'on n'a plus beaucoup d'énergie à consacrer à l'avenir. Et, au lieu de se féliciter de la vitalité du pays, on parle de la France comme d'une morte. Le déclin, on n'a que ça à la bouche. Comme si tous ces sauveurs de la France étaient nécrophiles."
La droite et l'extrême droite nous vendent une France qui n'existe pas ou n'a jamais existé que dans leurs discours nostalgiques. Elles veulent oublier que, comme la plupart des pays, la France s'est construite et enrichie de migrations diverses et que toute fermeture est sclérosante et appauvrissante. "L'extrême droite aime la France comme un chien de garde aime sa courette, écrit encore Nadia Pantel. Il jappe et montre les crocs - ce qui compte, c'est que personne n'entre."

Il y a une trentaine d'années, la droite française était présentée comme "la droite la plus bête du monde". Aujourd'hui, elle est devenue la plus hargneuse et la plus rétrograde et la gauche a pris la relève côté bêtise. Elle sait comment aller au combat en étant sûre de le perdre : il suffit de se voir en sauveur exclusif. MelenChe a décidé le premier, il y a un an, de se porter candidat à la présidence, ne consultant personne d'autre que son ego qui lui indiquait qu'il était le meilleur. Les autres ont suivi, nombreux. La Primaire populaire est une initiative sans doute sympathique, mais organisée beaucoup trop tardivement qui donne l'impression de n'avoir été pensée que pour permettre à Christiane Taubira, flattée, d'ajouter sa candidature à trop d'autres. Pas tendre (mais rappelant qu'il écrit dans un journal voué à la caricature et à la satire), Philippe Lançon fait un portrait peu flatteur de ces candidats de gauche : "la vieille égocentrique à moulinets verbeux qui se la joue Ave Césaire, le Vert sans joie ni chlorophylle, le Rouge qui boit du rouge et mange de la viande rouge, la fière Hidalgo d'un parti dont je ne veux pas me rappeler le nom, le taureau de comptoir russophile et encornant les capes retournées par l'air du temps, les deux petits Zébulon du Grand Soir. Plus il y a de fous, moins on rit." (3) Tous les candidats de gauche ne dépassent pas - actuellement du moins - un score qui leur permette de rêver au second tour. Les ego sont les plus forts, mais vont tomber de haut. "La lutte des candidats moribonds de la gauche pour se placer est devenue un spectacle et la campagne continue à être dominée par la droite", constate The Guardian (4).

Il fut un temps pas si lointain où les Belges suivaient avec admiration la politique française. Aujourd'hui, elle ne fait plus rêver. Elle ressemble plutôt à un cauchemar. La France est partagée entre conservatisme, réaction, racisme et nostalgie. Et la campagne de l'élection présidentielle est devenue une parade d'ego boursouflés plutôt qu'un débat d'idées. Depuis quinze ans au moins, il semble qu'une large majorité de Français se plaigne de son président, ce roi élu dont ils attendent qu'il soit proche et distant à la fois. Mais la volonté de changement est presque inexistante : un récent sondage (5) indique que sept Français sur dix sont attachés à la Ve République, celle qui fut créée par et pour le Général. 

La France est dépressive. Quand deux Français se quittent, ils ne se disent pas au revoir, mais bon courage. En Allemagne, à quelqu'un qui part travailler on dit : bien du plaisir au travail, ou sois créatif (6). En France, on dit bon courage, comme si la vie elle même était fatigante, comme si elle était un fardeau. Allo, docteur ?

(1) "Carnets de campagne, le journal des solutions", France Inter, du lundi au vendredi, de 12h30 à 12h45.
(2) Nadia Pantel, "La France fantasmée de la droite", Süddeutsche Zeitung, 28.12.2021, in Le Courrier international, 27.1.2022.
(3) 
Philippe Lançon, "La gauche en solde", Charlie Hebdo, 9.2.2022.
(4) 
"La gauche avance vers sa chute", Le Courrier international, 27.1.2022.
(5) France Inter, Journal de 13h, 21.2.2022.
(6) Excellente séquence de "Karambolage" sur Arte qui explique comment la religion a pu influencer notre vision du travail : 
https://www.arte.tv/fr/videos/103994-007-A/karambolage/

mercredi 16 février 2022

Tout va bien

Il ne se passe plus un jour sans qu'un journal télévisé ne nous invite à le constater en plongeant dans le caddy d'un consommateur : tout augmente. Les produits de première nécessité, tels que pâtes, poissons et légumes, mais encore le carburant ou l'électricité. Mais il y a pire augmentation : La Libre Belgique nous apprend (1) qu'à Knokke, station huppée de la côte belge, des places de parkings se vendent jusqu'à 250.000 € (oui, deux cent cinquante mille). Ces boxes de six mètres sur trois sont indispensables pour qui veut mettre à l'abri son luxueux véhicule sous la place dite "m'as-tu-vu". Les cent cinquante places se sont vendues comme des petits pains, nous dit-on. Pour le même prix, on peut acheter cinq maisons avec jardin en Indre ou en Creuse. Des départements qui ignorent les problèmes de parking. 

On ne peut s'empêcher de penser à ce qu'on pourrait faire avec 250.000 €. Des projets en matière de mobilité, de relance d'une économie vert(ueus)e, d'accueil de migrants, de lutte contre le réchauffement climatique, contre la pauvreté ou la faim. Selon le Programme alimentaire mondial, nourrir un enfant de la Corne de l'Afrique coûte moins de 50 centimes par jour. Avec le prix d'une place de parking, on pourrait nourrir 1.400 enfants pendant un an. 210.000 enfants pour le prix de 150 places. Il est vrai qu'on dormirait mal, inquiet de ce qui pourrait arriver à notre voiture. 

(1) https://www.lalibre.be/economie/immo/2022/02/15/150-places-de-parking-vendues-juqua-250000-euros-partent-comme-des-petits-pains-a-knokke-Z4VU4RABYRCPRHVN6DDDL7DGQA/

jeudi 10 février 2022

En rire ou en pleurer ?

D'accord, on a tous ses contradictions. Mais quand même...
Le Convoi de la liberté s'est ébranlé hier de Nice et d'autres villes de France. S'inspirant du même convoi canadien, ses membres veulent dire au gouvernement leur opposition au passe vaccinal et aux restrictions sanitaires. Certains entendent aussi en profiter pour dénoncer le prix des carburants. Et que font-ils pour protester ? Marcher ? Rouler à vélo ? Circuler à cheval, à rollers ou à trottinette? Non, rouler en voiture de tous les coins de France jusque Paris, voire Bruxelles. Leur convoi est constitué de voitures individuelles et de motos. Soit une belle source de pollution qui va leur coûter cher. A la planète aussi. Mais la liberté n'a pas de prix. 


mercredi 9 février 2022

Très tendance cette année

Autant avoir pour modèles des gens auxquels on peut espérer ressembler. Le dirigeant européen dont Z comme Zorglub dit se sentir le plus proche est Boris Johnson. Il ne se trompe pas. Bo'Jo est vu - même dans ses propres rangs - comme menteur, prétentieux, incompétent, incapable d'assumer ses responsabilités. C'est un modèle à la mode. Il se vend bien actuellement.

vendredi 4 février 2022

Jeux de passe-passe

Début aujourd'hui des Jeux olympiques d'hiver à Pékin. A quoi va-t-on jouer ?

A faire semblant qu'il y a de la neige. Elle n'est qu'artificielle. Des centaines (trois cents, selon certains) de canons à neige utiliseront 185 millions de litres d'eau pour créer de la neige dans cette région connue pour son climat certes froid, mais archisec. Hors des pistes, écrit De Volkskrant, "on ne voit que rochers, gravier, et une multitude de (jeunes) sapins" (1). En outre, certaines pistes ont été construites dans une réserve naturelle. Mais il y a mieux encore : le Gouvernement chinois est soupçonné de jouer avec le climat. Pour se garantir un beau ciel bleu pour les retransmissions télévisées, il expérimenterait sa technologie de contrôle de la météo. Selon le Washington Post, "au cours de trois derniers mois, au moins 250 obus ont été tirés sur des nuages près de Zhangjiakou (une des villes hôtes des Jeux) tandis que douze avions d'ensemencement de nuages sont en alerte à l'aéroport de la région". Une scientifique indienne s'en inquiète : "on ne sait pas du tout quelles seront les répercussions sur les différents écosystèmes". (2)

On va jouer à faire semblant que tout se passe pour le mieux à Pékin et alentour. D'ailleurs, le Gouvernement chinois a clairement fait savoir que toute critique "sur l'esprit olympique, en particulier envers les lois et les règlements chinois" serait passible de poursuites pénales.  L'Union des athlètes allemands a recommandé à ses membres de ne pas exprimer leur opinion. (3) Tous les sportifs - en raison de la pandémie bien sûr ! - ne pourront avoir aucun contact avec la population chinoise. Au point qu'il est préventivement interdit à tout Chinois de venir en aide à un véhicule olympique qui serait en panne ou victime d'un accident. On voit par là que les Jeux rapprochent les peuples.

On va jouer à croire que les Jeux sont, comme l'affirme le Comité international olympique, "le seul évènement qui rapproche le monde entier dans une compétition pacifique" et que le milieu sportif est une grande bande de chouettes copains qui sont loin au-dessus des petits soucis que peut connaître la Chine. Par exemple, la menace d'invasion de Taïwan par la Chine, l'enfermement des Ouïgours dans des camps, l'absence de libertés individuelles et d'expression dans tout le pays, le recul de la démocratie à Hong Kong, etc. Quelques pays boycottent diplomatiquement ces Jeux, mais les sponsors, tels Coca-Cola, Airbnb et bien d'autres, jouent à croire que tout va bien et que le monde doit tourner comme avant, parce que les Jeux, c'est quand un même beau rendez-vous qu'il serait dommage de rater.

Pourquoi les instance sportives internationales ne sont-elles pas capables d'imposer comme conditions à l'accueil d'une compétition le respect des droits de l'homme et de l'environnement? Ces jeux se jouent de nous...


Post-scriptum:
https://www.huffingtonpost.fr/entry/neige-artificielle-jo-une-controverse-qui-sapprete-a-fondre_fr_61fd2f1ce4b0b69cfe8dff9a
https://www.blogger.com/blog/post/edit/8993495683617394128/6042329074632908318


(1) "Blanc comme neige, vraiment ?", De Volkskrant (Amsterdam), 21.1.2022, in Le Courrier international, 3.2.2022.
(2) "Extravagances environnementales",  Le Courrier international, 3.2.2022.
(3) Volker Kreisi, "Pékin, les jeux de trop", Süddeutsche Zeitung (Munich), 25.1.2022, in Le Courrier international, 3.2.2022.
Lire le dossier "Pékin, les jeux de l'absurde", Le Courrier international, 3.2.2022.

jeudi 3 février 2022

Ne disez pas soixante-dix. Dites septante.

" Monsieur Jourdain. - Quatre mille trois cent septante-neuf livres douze sols huit deniers à votre marchand.
Dorante. - Fort bien. Douze sols huit deniers. le compte est juste. "
(Molière, "Le Bourgeois gentilhomme" (acte III. Scène IV).

Ainsi donc, du temps de Molière, soixante-dix se disait septante. Aujourd'hui, nombreux sont les Français qui rient en entendant des Belges ou des Suisses utiliser septante ou nonante. Et, le plus souvent, ils ne comprennent pas. Il faut leur expliquer qu'ils qualifient pourtant de septuagénaire quelqu'un qui a soixante-dix ans et plus et de nonagénaire une personne qui a entre quatre-vingt-dix et quatre-vingt-dix-neuf ans. Souvent, ils reconnaissent que septante et nonante - et huitante comme disent les Suisses - sont nettement plus logiques. La même logique que celle de la langue italienne (et de tant d'autres) : settanta, ottanta, novanta. C'est vous qui avez raison, reconnaissent-ils. Il est vrai qu'il est beaucoup plus facile d'apprendre à compter - notamment à des adultes qui suivent un cours de français langue étrangère - avec la logique en -ante qu'avec le système de comptage français, très complexe.

Certains expliquent qu'autrefois en France on comptait par paquets de vingt, une vieille pratique celtique.  30 se disait vingt-dix ; 40 deux-vingts ; 50 deux-vingt-dix ; 60 trois-vingts ; 70 trois-vingt-dix ; 80 quatre-vingts et 90 quatre-vingt-dix. On disait même quinze-vingts pour 300. Tel l'hôpital des quinze-vingts lits créé par Saint-Louis.
A la fin du Moyen-Age, on se met à compter par dix. Apparaissent ainsi trente, quarante, cinquante, soixante, septante, octante, nonante.
C'est avec l'édition des premiers dictionnaires au XVIIe siècle que la règle actuelle est fixée, un curieux mélange des deux systèmes avec un passage intermédiaire : on conserve le comptage en -ante jusqu'à soixante, on y ajoute dix pour faire 70 (qui se prononçait autrefois trois-vingt-dix) et ensuite on retrouve l'ancien système : quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce qu'on est en France ?

https://www.caminteresse.fr/economie-societe/pourquoi-dit-on-soixante-dix-1163441/
https://mathematiques42.enseigne.ac-lyon.fr/spip/spip.php?article75