lundi 28 mars 2016

Répugnante manifestation et saine colère

Face à la violence aveugle, ils sont venus cracher leur haine. Hier après-midi à Bruxelles, plutôt que le recueillement à la mémoire des victimes innocentes, ce fut - un moment - la haine pour dire non à la haine, la bêtise pour s'opposer à la bêtise, des fachos pour contrer des fachos. L'extrême droite djihadiste gagne si l'extrême droite blanche tente de s'en prendre à la démocratie. Bart De Wever, jamais avare de commentaires et de critiques, s'est tu dans toutes les langues, contrairement à ses collègues présidents de partis démocratiques. Il ne veut pas "faire de la publicité aux hooligans". Si le contexte n'était pas aussi dramatique, on rirait d'une excuse aussi hypocrite.
Il y a cependant largement de quoi être en colère contre ces nihilistes qui assassinent sans scrupules et il faut cesser de trouver des justifications à ces enfants perdus de la république ou du royaume qui n'auraient pas été assez intégrés par nos sociétés. Leurs confrères en dieu qui ont tué hier au Pakistan septante-deux personnes, dont la moitié d'enfants, dans un attentat suicide, ceux qui ont tué quarante-sept personnes au sud de Bagdad au début du mois, tous ceux qui assassinent un peu partout à travers la planète, qu'ils se réclament de Daesh, de Boko Haram ou des talibans, s'en prennent à l'autre, qu'il soit chiite, sunnite, chrétien, juif, athée, européen, africain, asiatique ou américain. Ce n'est pas d'intégration à la société européenne qu'ils manquent, mais de réflexion, d'intelligence, d'ouverture. En un mot, d'humanité. C'est l'autonomie qui leur fait défaut, eux qui tombent si facilement sous la coupe de prédicateurs qui leur disent que "c'était nous les radicaux extrémistes, parce que nous prenions les lois démocratiques trop au sérieux. Pour qui c'était la souveraineté d'Allah qui devait régner, pas la démocratie" (1). C'est ce que rapporte la journaliste Hind Fraihi dans son livre "En immersion à Molenbeek", sorti en néerlandais en 2006 et tout récemment seulement en français. On y lit, me dit un correspondant (2), que des Belges musulmans non salafistes en arrivent à voter pour le Vlaams Belang, jugeant l'attitude des autorités belges trop "timorée face au phénomène" djihadiste. Fatima, habitante de Molenbeek, fustige "la discrimination et le racisme trop hâtivement invoqués comme excuses. Et par-dessus le marché, les jeunes fainéants comme ceux-là sont encouragés par une kyrielle d'organisations multiculturelles et de mécanismes d'intégration".
Hamadi, qui est l'auteur et avec son fils Soufian l'un des deux acteurs du remarquable spectacle "Sans racines et sans ailes" (3), n'utilise pas la langue de bois avec ces "jeunes fainéants" devenus assassins. Dans sa "Lettre ouverte à tous les connards - Dégage, terroriste!", il les traite de "lâches", de "traitres", de "tas de cloportes". Et cette colère-là fait du bien. A lire sur
 http://www.lesoir.be/1160584/article/culture/2016-03-23/hamadi-degage-terroriste-lettre-ouverte-tous-ces-connards


Post-scriptum: intéressant article de Libé sur la manif des hooligans:
http://www.liberation.fr/france/2016/03/29/comment-les-identitaires-belges-instrumentalisent-le-milieu-du-foot_1442622

(1)
http://www.marianne.net/hind-fraihi-nous-avons-collectivement-nie-ce-qu-il-se-passait-quelques-minutes-du-centre-ville
(2) lire les commentaires de mon billet "Padam Padam Algam", 25 mars 2016.
(3) https://www.youtube.com/watch?v=lUf78ZGQATQ

dimanche 27 mars 2016

La modernité réjouit le cœur de l'homme

En ce dimanche de Pâques qui devrait fleurer bon le printemps, il pleut et vente. La grêle est annoncée. Les événements récents et l'évolution du monde nous rendent aussi gris que le ciel. On pense à Verlaine. "Oh, triste, triste était mon âme".
Et voilà qu'avec son journal du week-end on trouve un catalogue commercial qui nous réjouit et nous démontre qu'on peut être un homme bien dans sa peau, heureux de vivre. Il suffit pour cela d'être un homme moderne. Ce qu'on peut être à tout âge et peu de frais.
L'Homme Moderne éloigne les oiseaux de sa terrasse et de son balcon grâce à des flash et des ondes à haute fréquence; il tient à distance de son jardin chats, chiens et rongeurs grâce à des ultrasons; il porte des lunettes pour lire tout en restant allongé; il s'équipe d'un barbecue qui retourne automatiquement ses brochettes; il utilise un balai électrique et une brouette du XXIe siècle qui possède quatre roues. Ce qui est une invention révolutionnaire. L'homme moderne de 2016 ressemble un peu à celui des années '60. Mais sa modernité est plus moderne.

vendredi 25 mars 2016

Padam Padam Algam

Les ignobles attentats de Bruxelles, comme tous ceux qui les ont précédés ailleurs, sont imbéciles à plus d'un titre. D'abord et avant tout pour leurs conséquences directes sur des vies humaines innocentes, ensuite parce qu'ils attisent la haine contre les étrangers, musulmans en particulier, et enfin parce qu'ils continuent à susciter chez les gentils un malaise qui les amène à s'indigner parfois plus des propos révoltés que ces actes provoquent que des actes eux-mêmes. (1)
En Belgique, des déclarations de Bart De Wever font scandale. Il a la rage, dit-il parlant des assassins, "que de tels gens nés ici agissent de la sorte, des gens qu'on a choyés toute leur vie, bien plus qu'ils ne l'auraient été partout ailleurs dans le monde". Il est furieux de constater que les suspects "continuent souvent à bénéficier de soutien au sein de leur propre communauté" (2).
Qu'y a-t-il là d'inacceptable? N'est-il pas légitime de s'indigner de voir certains de nos jeunes, éduqués dans nos écoles, massacrer aveuglément les leurs sans même que qui que ce soit n'en comprenne la raison? N'est-il pas normal de se fâcher de les voir ainsi tomber dans une folie meurtrière? Que faut-il faire? Se flageller? Les excuser? En faire des victimes et s'en prendre aux morts et aux blessés coupables d'être ce qu'ils sont (c'est-à-dire des gens de toutes  nationalités, de toutes origines et de toutes confessions qui, on peut le penser, vivaient dans le respect des autres)?
Il y a quelques jours, peu après l'arrestation de Salah Abdeslam, j'entendais un expert (était-ce sur France Inter? Sur Arte?) affirmer que oui, il y a une certaine omerta qui règne, que c'est tout simplement humain, qu'on ne balance pas ceux de sa communauté. Et c'est vrai que c'est ainsi partout et pas seulement chez les Corses, c'est ainsi chez les bourgeois, chez les cathos (voir ce qui passe dans l'église catholique avec les faits de pédophilie), chez les Gitans, sans doute chez les expat dans n'importe quel pays, entre les membres d'un même parti politique ou d'une même entreprise. Est-ce une honte de dire qu'on a tendance si pas à protéger  les siens, du moins à ne pas les dénoncer?
Hier, Tahar Ben Jelloun, qui n'a pas grand-chose d'un nationaliste flamand, dénoncait la responsabilité des parents des jeunes djihadistes (3). Les responsabilités sont partagées, dit-il, entre les pays où sont nés ces enfants de la troisième génération et leurs parents qui n'ont pas pu ou pas su leur transmettre des valeurs et une culture qui auraient été le barrage contre la barbarie". Il ne leur jette pas la pierre, les plaint, mais fait un constat, dit-il. Trop de parents "laissent faire la rue" et il rappelle que les assassins sont souvent d'abord des délinquants, "de la mauvaise graine" qui s'est laissé séduire par les discours pervers du djihadisme. "Les musulmans devraient prendre les choses en mains et réagir plus", estime-t-il. Va-t-il, lui aussi, se faire traiter d'islamophobe? Il y a, dans une certaine gauche (et je suis fatigué de le dire) (4) une volonté d'omerta qui dessert en fin de compte les musulmans. A quoi et à qui servent ces silences gênés qui sous prétexte d'éviter tout amalgame trouvent des justifications à l'islamo-fascisme? Ils font le lit de l'autre extrême droite.
Tout le monde doit se mobiliser, dit encore Tahar Ben Jelloun. Il faut une prise de conscience générale. Il en appelle à un travail pédagogique dans les écoles: "il faut enseigner la haine de la violence, la haine de la haine, arrêter d'en vouloir à l'Europe et aux musulmans paisibles".

A lire: deux billets intéressants sur le même sujet:
http://www.lalibre.be/debats/opinions/il-est-temps-d-arreter-la-complaisance-aveugle-envers-la-communaute-musulmane-56f5496a35708ea2d3e794ce
http://www.lalibre.be/debats/opinions/hamid-benichou-nos-responsables-politiques-avertis-par-mes-cris-et-mes-coleres-n-ont-pas-reagi-56f5582235708ea2d3e7b848

Post-scriptum (qui n'a strictement rien à voir mais peut faire sourire en ces jours noirs):
"je l'avais choisi parce que je n'avais pas trop le choix". Un vrai et beau commentaire d'un joueur de foot français à propos du numéro de son maillot qui est le même que celui de Johan Cruyff. (France Inter, journal de 8h, ce matin)

(1) Et j'ajoute qu'ils sont aussi imbéciles parce qu'ils m'amènent à faire ce que je n'aurais jamais imaginé faire un jour: défendre des propos de Bart De Wever, que j'ai tellement critiqué ici.
(2) http://www.lalibre.be/actu/belgique/de-wever-furieux-que-des-jeunes-choyes-en-belgique-ont-pu-commettre-ces-attentats-56f2ab2f35708ea2d3d73239
(3) France Inter, Journal de 13h, 24 mars 2016: http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1259143
(4) voir tout le débat qu'ont suscité récemment les propos de Kamel Daoud; (re)lire sur ce blog "Les fils des Joseph", 24 février 2016, et "Les fils des Joseph (suite)", 29 février 2016, et leurs commentaires.

jeudi 24 mars 2016

Vive la vie

A quoi consacrons-nous notre vie?
Les djihadistes vouent la leur à semer mort et terreur, à mettre fin, aveuglément, à la vie de tous ceux qui ne pensent pas comme eux et finalement à la leur, pensant mourir en martyrs là où ils disparaissent en sombres crétins psychopathes. Des vies gâchées, des vies ratées. Ils pensent aller en paradis et ne rejoindront que l'enfer des êtres malfaisants de sinistre mémoire. Ceux qui déshonorent le genre humain.
La fille à papa Le Pen s'est trouvé une mission: "alerter la population face aux dangers de l'immigration, du multiculturalisme et de la mondialisation" (1). Elle veut sauver le monde, mais le monde ne la comprend pas. Elle vient de se rendre au Canada pour donner des leçons à toute la classe politique et s'étonne qu'aucun politique n'ait voulu la rencontrer, qu'aucune entreprise ne lui ait ouvert ses portes et que même des hôtels lui aient refusé l'accès. Madame Culot-Monstre tance le premier ministre québecois et s'étonne, éternelle victime, d'être rejetée. 
Les semeurs de haine sont surpris d'être mal aimés et incompris. Les gens qui sont dans leur vérité sont dans l'arrogance qui va rarement de pair avec l'intelligence. L'éducation et la culture sont les seules voies de secours.
Il y a ceux qui vouent leur vie à la violence et/ou à la haine des autres. Et il y a heureusement ceux qui se rangent résolument du côté de la vie, ceux qui pensent que pour qu'elle ait du sens leur vie doit être consacrée à créer du lien, à intégrer, à imaginer, à construire, à faire évoluer positivement la société. Les acteurs qu'ont rencontrés les réalisateurs du documentaire "Demain" sont de ceux-là et le succès de ce film est réjouissant. Le sont aussi les responsables d'associations qu'interviewe chaque jour Philippe Bertrand dans son émission "Carnets de campagne" (2) qui nous rend optimistes. Tous ceux-là nous font croire en l'humanité. 

(1) http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/international/2016/03/21/009-marine-le-pen-entrevue-immigration.shtml
http://www.liberation.fr/france/2016/03/22/les-mesaventures-quebecoises-de-marine-le-pen_1441301
(2) France Inter, du lundi au vendredi, de 12h30 à 12h45.

mercredi 23 mars 2016

L'insondable

Ce sont encore et toujours les mêmes questions. Elles restent sans réponse pour tout être humain un tant soit peu rationnel. Comment des jeunes de vingt à trente ans peuvent-ils se lever le matin en se disant que le programme de leur journée sera de se faire exploser en tuant un maximum de gens, enfants, femmes, hommes, peut-être leur mère ou leur petit frère? Quelle part humaine reste-t-il chez ces lâches assassins? Comment comprendre de telles ignobles attitudes? "Par le vertige, l'attrait du vide, c'est là qu'est leur dieu", me répond un ami. Tomber et faire tomber, sacré projet de vie.
Leurs actes sont crapuleux à plus d'un titre. Par tous ces morts évidemment, ces blessés, ces centaines de vies brisées. Par cette peur qui s'installe. Par l'impact sur l'accueil de réfugiés tout aussi catastrophés que les Belges. Une de mes sœurs qui vient en aide à des réfugiés à Tournai me dit combien ils sont fâchés, effrayés, attristés. Un quinquagénaire irakien en larmes lui a demandé pardon, lui qui n'y est pour rien, lui qui a fui la guerre et ses horreurs et se voit rattrapé par les mêmes fous de dieu qui se sont fait de la violence une religion.
Mais, comme l'exprimait ce matin sur France Inter Charline Vanhoenacker, "on ne va pas s'arrêter de vivre parce que des imbéciles veulent mourir".

A (re)lire sur ce blog "Les crétins psychopathes", 17 novembre 2015.

mardi 22 mars 2016

Les barbares

L'horreur a frappé Bruxelles. De lâches fanatisés ont semé la mort. Aveuglément.
L'avocat de Salah Abdeslam, qui revendique le titre d' "avocat des crapules" (1), a un sens de l'éthique qui lui est propre. Il défendra "tout le monde, à l'exception de l'extrême droite" (2).
Y a-t-il pourtant plus monstrueux que les djihadistes qui tuent, blessent, violent, en tentant d'imposer par la violence leur manière de vivre, leurs (maigres) réflexions, leur foi en un dieu et son prophète qui les ont mal inspirés? Ne représentent-ils pas une des pires versions de l'extrême droite?
La barbarie ne gagne jamais. Mais, hélas, elle ne meurt jamais totalement.
"Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde", écrivait Brecht.
Et pourtant, avons-nous d'autre choix que de continuer à croire, encore et encore, en l'humanité?

(1) "Sven Mary, hâbleur, attachnt, provocateur", Le Soir, 19 mars 2016.
(2) http://www.huffingtonpost.fr/2016/03/20/sven-mary-avocat-terrorisme-salah-abdeslam-refuse-sagenouiller-_n_9510786.html?utm_hp_ref=france

jeudi 17 mars 2016

Les rustres du XVIe

Les "affreux, sales et méchants" ne sont pas ceux que l'on pense. Des habitants du "saazième" arrondissement de Paris sont venus hurler, en costume cravate et manteaux de fourrure, leur haine des sans abri lors d'une réunion d'information. La mairie de Paris va créer à l'entrée du bois de Boulogne un centre d'accueil d'urgence pour deux cents personnes. Totalement inacceptable pour un millier de personnes dont le principal argument se résume au coût élevé de leur appartement. Peut-on tolérer de voir des sdf depuis un logement payé six cents mille euros? A ce prix-là, on a le droit de ne pas voir la misère.
Les insultes et grossièretés ont fusé à l'adresse de la maire de Paris, absente lors de ce débat, de l'un de ses adjoints, de la préfète de Paris et du recteur de l'université de Paris-Dauphine qui accueillait ce qui devait être une rencontre et s'est transformé en concours de crachats. "Dégage!", ont crié au recteur les voisins en colère, alors qu'ils étaient chez lui. Chez ces braves gens du XVIe,  la grossièreté le dispute à l'irrespect. Le bois de Boulogne n'est pas constructible, hurlent les opposants. Pourtant, leur fait-on remarquer (1), une dizaine de leurs clubs sélects y ont été érigés. Oui, mais en toute légalité, répondent-ils. Le centre d'accueil sera tout aussi légal. Mais cette légalité-là, ils n'en veulent pas. Un sans abri est-il légal?
On se pose une question: a-t-on demandé aux sdf s'ils ont envie de se réfugier dans un quartier de rustres braillards, égoïstes et mal éduqués?

(1) interview de Monique Pinçon-Charlot, Journal, France Inter, 16 mars 2016, 13h
et http://www.liberation.fr/france/2016/03/17/le-xvie-est-l-arrondissement-de-l-entre-soi-bourgeois_1440315

http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-75016/insultes-en-pagaille-a-la-reunion-sur-le-centre-pour-sans-abri-du-bois-de-boulogne-14-03-2016-5626601.php
http://www.liberation.fr/france/2016/03/15/insultes-vociferations-des-habitants-du-xvie-dechaines-contre-un-centre-pour-sdf_1439624

mardi 15 mars 2016

Plus d'Europe

L'Union européenne n'a pas bonne mine ces derniers temps. Face à l'afflux de réfugiés, elle se montre extrêmement frileuse et ferme sèchement ses portes. Certains de ses membres vont jusqu'à reprocher à la Grèce d'être située trop près de la Turquie et d'avoir trop de côtes.
Il en est une, heureusement, qui sauve l'Europe de la honte: c'est Angela Merkel qui n'a pas hésité à prendre ses responsabilités en ouvrant largement les portes de son pays aux candidats réfugiés. Si la présidente de la CDU a perdu les élections régionales dimanche dernier, la chancelière a cependant gagné, estime Daniel Cohn-Bendit (1). Ceux qui la soutiennent, en dehors de son parti, notamment les Verts, l'ont largement emporté dans certains lander. L'ancien eurodéputé relativise la montée de l'extrême droite: il y a toujours eu une Allemagne moisie, dit-il, comme il y a une France moisie, une Italie moisie. Il constate que la politique d'Angela Merkel est soutenue par 75 % des Allemands. Même si elle a peut-être été imprudente, mais dit-il, "je préfère une imprudence morale à une prudence immorale".
En attendant, la défiance envers l'Europe augmente. La Grande-Bretagne se prépare à un référendum sur sa place dans l'Europe. Les Britanniques installés en France, en Espagne et ailleurs en Europe s'inquiètent: quel sera leur sort demain si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne? Auront-ils encore droit à la sécurité sociale, à des aides publiques? Devront-ils rentrer dans leur pays d'origine?
Les Français sont, paraît-il, nombreux à souhaiter que pareil référendum soit organisé chez eux: 54 % le voudraient, selon un récent sondage (2), même si seuls 45 % d'entre eux (ce qui est énorme) se déclarent favorables au retrait de la France de l'Union européenne. Imaginons un instant l'inimaginable, que l'aventure européenne s'arrête et que chacun ferme ses frontières. Que se passerait-il? En serait-il fini de la libre circulation et installation des citoyens de l'U.E. dans les (ex) composantes de celles-ci? Les zones rurales françaises, déjà désertifiées, se transformeraient en cimetières. Un observateur (3) relevait récemment que les Britanniques les plus enclins à la sortie de l'Europe sont ceux qui ne voyagent pas, ne sortent pas de chez eux. Mais les habitants des campagnes françaises le voient: ces Britanniques, ces Néerlandais, ces Belges qui vivent chez eux, font leurs courses dans les commerces du coin, paient leurs impôts, génèrent, même indirectement, des emplois et des ressources et font vivre des villages et des hameaux délaissés.  Auprès de qui se plaindront-ils, ces habitants qui se retrouveront seuls et abandonnés? "Bruxelles" ne pourra plus être évoqué comme responsable de tous leurs malheurs.
L'Union européenne doit se réformer, sortir de la technocratie, se rapprocher des ses populations, mieux se vendre (puisqu'aucun organe politique n'échappe aujourd'hui à la loi de la communication), mais elle n'est pas la première responsable du désamour dont elle est victime. "Le vrai problème de l'Europe, c'est l'égoïsme des nations", estime Daniel Cohn-Bendit. Et, est-on tenté d'ajouter, celui de nombre de ses habitants à la mémoire aussi courte que leurs réflexions.

(1) http://www.franceinter.fr/emission-le-79-daniel-cohn-bendit-la-politique-de-merkel-sur-les-migrants-est-soutenue-par-75-des-al
(3)


mercredi 9 mars 2016

La députée au nez rouge

L'automne dernier ressemblait au printemps et nous n'avons pas eu d'hiver. Aujourd'hui, nous avons un vrai temps de Toussaint. Nous vivons en pleine confusion. Elle s'étend au-delà de l'imaginable. Quand on allume son poste de télé ou de radio, on ne sait plus si on a affaire à un journaliste ou à un chroniqueur, à un politique ou à un humoriste. Ce matin, sur France Inter, Nicole Ferroni était drôle et grinçante sans en avoir l'air, comme à son habitude (1). Mais le rôle de l'humoriste était aussi tenu par la contremaître(sse) de l'entreprise familiale Le Pen et filles. Marion Maréchal Nous Voilà Le Pen nous a fait rire plus d'une fois. Par exemple quand elle affirme que "si Donald Trump était aussi idiot et scandaleux, il ne serait pas là où il est". Là on s'esclaffe, quand on voit comment elle s'adresse à ses électeurs. Elle nous fait rire aussi quand, parlant au nom du parti qui nous promet une "France apaisée", elle cherche une fois encore à nous faire peur, certifiant que nous sommes entrés dans une phase descendante en matière d'espérance de vie: nous vivrons de moins en moins vieux. A cause de la qualité de l'alimentation notamment. Les agriculteurs que la directrice de l'entreprise familiale vient de caresser dans le sens du poil apprécieront cette analyse. Il faut sortir de l'euro et finalement de l'Europe, laisse entendre la-nièce-à-sa-tatie, mais, dit-elle, il est toujours difficile d'avoir raison trop tôt. On a du mal à comprendre comment un parti qui veut revenir en arrière est à l'avance. Voilà qui s'apparente à une forme de novlangue. Enfin, on apprend que les choix culturels de la jeune femme la poussent vers Michel Sardou (un chanteur qui a sans eu raison trop tôt lui aussi) et vers la tradition et les processions. Ainsi, elle a utilisé les fonds de cette bizarrerie française qu'est la réserve parlementaire (2) notamment pour soutenir les scouts d'Europe de Saint-Maurice et les tireurs à l'arc de Saint-Siffrein, pour qu'un groupe de tambourinaires puisse enregistrer un disque de musique traditionnelle provençale et pour que la Confrérie de Saint-Gens puisse aménager les abords d'un sanctuaire. La petite-fille-à-son-papy-chéri est l'audace incarnée. Toujours en avance sur son temps.

(1) à réécouter sur franceinter.fr
(2) http://www2.assemblee-nationale.fr/reserve_parlementaire/plf?idDemandeur=609709&typeTri=dest
http://www2.assemblee-nationale.fr/reserve_parlementaire/plf/2015?idDemandeur=609709&typeTri=dest

mardi 8 mars 2016

Quoi, ma gueule?

Les violences faites aux femmes restent extrêmement nombreuses et toujours inexcusables. Peu de pays sont épargnés. Partout, des hommes ne peuvent s'empêcher de penser, et parfois d'affirmer, que leur femme leur appartient, qu'elle est à leur disposition et qu'ils ont sur elle tous les droits. Y compris celui de la frapper si elle n'agit pas comme ils l'entendent. Les religions n'ont jamais été très féministes. C'est un euphémisme de le dire. Certaines ne reconnaissent des droits qu'aux seuls hommes,   ne concédant aux femmes que ceux de mettre au monde des enfants et de faire la cuisine. Sacré  projet de vie!
Les lois sont faites par et pour les hommes et les tribunaux leur donnent systématiquement raison, même en cas d'agression. C'est que constatent des femmes afghanes, iraniennes ou somaliennes (1).
48 % des migrants sont des femmes. Elles sont les cibles de violences diverses, violées par leur mari, par leurs collègues, par des hommes qu'elles croisent, migrants, passeurs, policiers,  enrôlées de force, mariées de force, excisées. En Arabie saoudite, un congrès tout récemment s'est penché sur la question de savoir si la femme est une personne humaine, signalait  en cette journée internationale des droits des femmes la journaliste et écrivaine Fawzia Zouari (2)
C'est dans ce contexte qu'un jeune chanteur  qui se fait appeler Orelsan écrit et chante des textes d'une violence inouïe. On appelle cela de l'art. Pas de l'art brut, mais l'art de brute. Epaisse.
Extrait d'un morceau qu'il a intitulé "Sale pute" dans lequel un homme s'adresse à sa compagne qu'il a surprise avec un autre;
" Je rêve de te voir imprimée de mes empreintes digitales (...)
On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée
On verra comment tu suces quand j'te déboiterai la mâchoire
T'es juste une truie tu mérites ta place à l'abattoir. (...)
J'vais te mettre en cloque (sale pute)
Et t'avorter à l'opinel." (3)
La chanson est longue et le reste du même tonneau, d'une brutalité qu'on croyait condamnable. Alors qu'il n'en est rien. C'est qu'on a affaire là à de l'art parfaitement respectable. Ainsi en a jugé la cour d'appel de Versailles. Le chanteur avait été condamné en première instance pour "provocation à la violence", suite à une plainte déposée par des associations féministes pour des propos violents à l'égard des femmes dans plusieurs de ses chansons. Cette fois, il a été relaxé, la cour estimant qu'il faut respecter "des modes d'expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d'une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie" (4). 
La femme qui se verra casser la jambe ou déboîter la mâchoire le devra donc à "une société vivante". Après tout, le cassage de gueule a été de tous temps un mode d'expression. 

(1) Arte Journal, 8 mars 2016, 19h45.
(2) "28 minutes", Arte, 8 mars 2016 - lire l'excellent texte de Fawzia Houari:

dimanche 6 mars 2016

Un gouvernement pas cap' ni COP

La planète peut-elle se contenter de mots? Visiblement, nombreux sont les gouvernements qui le pensent. Pour qui de belles paroles valent réalité. Un exemple: le gouvernement français. Il se veut exemplaire en matière d'environnement et multiplie les belles déclarations d'intention. Mais a abandonné l'écotaxe, veut prolonger la vie des centrales nucléaires, entend toujours créer un nouvel aéroport à Notre-Dame des Landes. Il avait annoncé qu'il renforcerait la reconnaissance du préjudice écologique. Et voilà maintenant qu'il envisage de revenir sur le principe, qu'on pensait de simple logique, du pollueur payeur. L'amendement proposé à sa loi sur la biodiversité exonèrerait de toute réparation le responsable d'un préjudice écologique résultant d'une activité autorisée. Aucun ultra libéral n'a dû rêver qu'une telle mesure puisse être prise par un gouvernement qui se dit (encore?) de gauche et est rrèsbfier d'avoir réussi sa COP21. Devant le tollé suscité par une des pires idées que n'importe quel homme sensé puisse avoir, le gouvernement Valls fait machine arrière (1).
Il paraît qu'il y a depuis peu à nouveau des écologistes dans ce gouvernement. Sans doute y a-t-il trop de membres dans ce gouvernement. Ils y sont cachés.

(1) "Environnement: le gouvernement sans cap", Le Monde, 4 mars 2016.

mercredi 2 mars 2016

Perseverare diabolicum

Les agriculteurs n'en peuvent plus. On peut comprendre leur désespoir, mais on ne peut s'empêcher de se demander comment ils ont pu en arriver là aujourd'hui. La FNSEA, leur syndicat productiviste, se plaint de la surproduction qui tue les marchés. Mais c'est lui qui pousse les paysans à s'endetter toujours plus pour produire toujours plus. Cherchez l'erreur. Qui n'a pas compris que depuis des décennies cette agriculture productiviste, encouragée par un des syndicats les plus cyniques et capitalistes qui soit, va dans le mur ? Cette agriculture devenue industrie qui produit des céréales, de la viande et du lait comme d'autres fabriquent des clous, des tuyaux en plastique ou des fers à repasser, cette agriculture s'est détachée de la terre pour partir en spirale dans le gigantisme. Des superficies toujours plus grandes, arrosées de pesticides et gérées par des engins monstrueux pour produire toujours plus (et même trop) de produits de faible valeur alimentaire et à moindre coût.
Comment comprendre que dans cette Europe en surproduction on voit encore aujourd'hui se créer des fermes des mille vaches, des mille veaux et autres délires industriels? (1)
Les paysans devraient traduire la FNSEA en justice, estiment le géographe Gilles Fumey et le philosophe Olivier Assouly (2) qui dénoncent ses reponsabilités et celles de son président (qui a ses intérêts à lui dans une agro-industrie mortifère) dans cet immense échec.
Qui est responsable en premier lieu de cette situation sinon le secteur agricole lui-même, embarqué dans une équipée suicidaire? "On est dans une crise structurelle, au bout du modèle productiviste", affirme Laurent Panitel, porte-parle de la Confédération paysanne (2). Il rappelle que les dix milliards d'euros alloués chaque année par la PAC vont en très grande majorité à l'agriculture productiviste. Celle-là même qui est en crise grave. Il faut "faire tomber cet argent sur une alimentation de qualité, dit-il, et que les consommateurs puissent y avoir accès sans dépenser plus (avec l'argent qu'ils paient déjà comme contribuables)". Il plaide pour des contrats tripartites qui lient les distributeurs, les transformateurs et les paysans qui doivent se structurer collectivement. Il faut en finir avec les monocultures, revenir à des fermes à taille humaine, cesser de consommer des terres agricoles, mettre la rémunération du paysan au centre du projet. La grande distribution impose ses lois impitoyables. Aux consommateurs de jouer, en achetant le plus possible directement aux producteurs, chez eux, sur les marchés, via les AMAP, les "paniers de pays", les coopératives. Et aux agriculteurs de changer leur fusil d'épaule en racourcissant les marchés. Quel sens y a-t-il à vouloir vendre "à tout prix" des produits alimentaires à l'autre bout de la planète? Quel sens y a-t-il à s'opposer à la vente dans son propre pays de produits venant de l'étranger tout en cherchant à vendre les siens à l'extérieur de ses frontières?
La solution ne viendra pas des politiques. Aucun parmi tous ceux qui viennent faire leur cirque affligeant au salon de l'agriculture ne remet en question ce système absurde et suicidaire. Nombre d'entre eux ne font qu'utiliser les agriculteurs et les éleveurs pour se pavaner. La fille à papa Le Pen, est venue, s'il le fallait encore, faire la démonstration de sa vulgarité, elle qui veut "avoir la peau" du commissaire européen à l'agriculture (3). Quand on est si peu assidu au Parlement européen, il serait juste décent d'être plus discret et de respecter un minimum de correction. Mais sans doute est-ce trop lui demander.
Bref, les agriculteurs, s'ils veulent s'en sortir, devraient prendre leurs distances avec la FNSEA et avec les politiques de droite, de la sociale-démocratie et de l'extrême droite. Tout en tentant d'échapper à la grande distribution. On voit par là que le secteur n'est pas sauvé.

(1) (re)lire sur ce blog "Adieu, veaux, vaches, cochons", 21 septembre 2015
(2) http://www.liberation.fr/debats/2016/02/28/crise-agricole-traduire-la-fnsea-en-justice_1436310
(3) http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20160301.AFP8479/marine-le-pen-fn-veut-la-peau-du-commissaire-europeen-a-l-agriculture.html