mercredi 27 avril 2016

Général La Hargne

La fille à papa Le Pen a visiblement décidé de la jouer cool. Elle veut se donner des allures de chef(fe) d'Etat. Sa dernière campagne a pour slogan "La France apaisée". Elle se fait plus discrète, évite d'offrir le flanc à la critique. Elle l'a assez fait. L'ancien président de la République en profite pour occuper le créneau de la hargne. Ce serait dommage de le laisser libre. Il vient de présenter à Nice son nouveau sketch qui doit s'intituler "Tous des cons sauf moi" (1). Nicolas Sarkozy ne supporte pas "une école où on ne respecte plus rien et où il n'y a plus d'autorité". Il n'a pas précisé de laquelle il parle. Il ne peut accepter "que des étrangers en situation irrégulière occupent des établissements publics et des églises". Il n'a pas expliqué comment il compte les régulariser. Il ne peut accepter "que des gens qui n'ont rien dans le cerveau viennent sur la place de la République donner des leçons à la démocratie française". Et là, on ne peut qu'être d'accord avec lui: que deviendra la démocratie si le peuple s'en mêle? Pour résoudre tous ces problèmes, il va monter une armée, annonce-t-il. Elle sera immense.
Napoléon Sarkozy a rebaptisé récemment son parti en "Les Républicains", il aurait pu l'appeler "Front national nouveau".
L'homme qui a fait du mépris une valeur et de Donald Trump un modèle sait-il que les gens méprisants sont méprisables?

(1) http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/26/sarkozy-nuit-debout-indignes-rien-dans-le-cerveau_n_9777022.html?utm_hp_ref=france

lundi 25 avril 2016

Fuir la gueule du requin

Le candidat d'extrême droite arrive largement en tête du premier tour de l'élection présidentielle en Autriche. Le rôle du président n'est qu'honorifique. Mais comment donc les Autrichiens pourraient-ils se sentir honorés d'être représentés par un président d'extrême droite? En Allemagne, le nouveau parti AfD a récemment créé la surprise lors des denières élections régionales. Il n'a pourtant aucun programme, sinon de s'opposer à l'accueil de réfugiés. En Belgique, la NVA paie sa participation au gouvernement fédéral et plonge dans les sondages. C'est tout bénéfice pour le Vlaams Blok / Belang qui pourrait récupèrer ces voix nationalistes. En France, la fille à papa Le Pen arrive toujours en tête dans les sondages. Dans les pays scandinaves, on assiste aux mêmes poussées des partis nationalistes qui crient haro sur l'étranger.
On aimerait entendre tous ces populistes qui n'aiment pas les autres réagir à ce texte de la jeune poétesse somalienne Warsan Shire, pour voir, savoir quelle part il y a en eux d'empathie, de compréhension, de sens de la solidarité. Quelle part il y a en eux d'humanité.

Personne ne quitte sa maison à moins
Que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin
Tu ne cours vers la frontière
Que lorsque toute la ville court également
Avec tes voisins qui courent plus vite que toi
Le garçon avec qui tu es allée à l’école
Qui t’a embrassée, éblouie, une fois derrière la vieille usine
Porte une arme plus grande que son corps
Tu pars de chez toi
Quand ta maison ne te permet plus de rester.
Tu ne quittes pas ta maison si ta maison ne te chasse pas
Du feu sous tes pieds
Du sang chaud dans ton ventre
C’est quelque chose que tu n’aurais jamais pensé faire
Jusqu’à ce que la lame ne soit
Sur ton cou
Et même alors tu portes encore l’hymne national
Dans ta voix
Quand tu déchires ton passeport dans les toilettes d’un aéroport
En sanglotant à chaque bouchée de papier
Pour bien comprendre que tu ne reviendras jamais en arrière
Il faut que tu comprennes
Que personne ne pousse ses enfants sur un bateau
A moins que l’eau ne soit plus sûre que la terre ferme
Personne ne se brûle le bout des doigts
Sous des trains
Entre des wagons
Personne ne passe des jours et des nuits dans l’estomac d’un camion
En se nourrissant de papier journal à moins que les kilomètres parcourus
Soient plus qu’un voyage
Personne ne rampe sous un grillage
Personne ne veut être battu
Pris en pitié
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ou la prison
Parce que la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et qu’un maton
Dans la nuit
Vaut mieux que toute une cargaison
D’hommes qui ressemblent à ton père
Personne ne vivrait ça
Personne ne le supporterait
Personne n’a la peau assez tannée
Rentrez chez vous
Les noirs
Les réfugiés
Les sales immigrés
Les demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays
Ils sentent bizarre
Sauvages
Ils ont fait n’importe quoi chez eux et maintenant
Ils veulent faire pareil ici
Comment les mots
Les sales regards
Peuvent te glisser sur le dos
Peut-être parce leur souffle est plus doux
Qu’un membre arraché
Ou parce que ces mots sont plus tendres
Que quatorze hommes entre
Tes jambes
Ou ces insultes sont plus faciles
A digérer
Qu’un os
Que ton corps d’enfant
En miettes
Je veux rentrer chez moi
Mais ma maison est comme la gueule d’un requin
Ma maison, c’est le baril d’un pistolet
Et personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne te chasse vers le rivage
A moins que ta maison ne dise
A tes jambes de courir plus vite
De laisser tes habits derrière toi
De ramper à travers le désert
De traverser les océans
Noyé
Sauvé
Avoir faim
Mendier
Oublier sa fierté
Ta survie est plus importante
Personne ne quitte sa maison jusqu’à ce que ta maison soit cette petite voix dans ton oreille
Qui te dit 
Pars
Pars d’ici tout de suite
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Ce sera plus sûr qu’ici.

vendredi 22 avril 2016

La danse des sept voiles

Les beaux jours sont devant nous. Des étudiantes parisiennes en sciences politiques ont eu la lumineuse idée de faire, dans le hall de leur université parisienne, la promotion du voile islamique. Des jeunes qui se préparent à prendre plus tard des responsabilités politiques défendent donc le port d'un vêtement très politique qui indique la soumission de la femme. On voit par là que l'avenir a parfois tendance à nous tirer vers l'arrière et que des idées lumineuses mènent à l'obscurantisme.
Visiblement, la manifestation a eu plus de succès auprès de la presse que des étudiants. "Rendez-vous manqué, mais provoc' réussie", titre l'hebdomadaire Marianne (1). On respire. Mais quand même... "Le voile, c'est un rapport obsessionnel au corps, à la chair, au sexe, estime Djemila Benhabib (2). Le voile, c'est le contrôle de la sexualité des femmes." Elles ont beau dire qu'elles le portent librement, elles doivent cependant savoir ce qu'elles manifestent, les femmes qui l'arborent tel un drapeau. "Les islamistes rendent les femmes coupables de leurs désirs, de leurs misères et de leurs frustrations sexuelles, dit encore Djemila Benhabib. Ce sont des malades du sexe. La haine et la soumission des femmes cristallisent leur idéologie."
Céline Pina, ex-élue PS d'Ile-de-France, ne dit pas autre chose: le voile, "c'est un uniforme total, un linceul. (...) C'est une forme de revendication politique. Il dit des femmes qu'elles sont impures, qu'elles sont des sexes ambulants et qu'elles doivent cacher cela. Il dit surtout qu'elle sont inférieures à l'homme. Et si on introduit l'inégalité en raison du sexe, pourquoi ne pas l'introduire à raison de la couleur de peau ou de la conviction religieuse?" (3).
Soufiane Zitouni, professeur de philosophie, considère que l'excision ou le port du voile islamique "est à l'évidence le fruit d'une société patriarcale qui impose une domination masculine absolue sur le corps féminin. (...) Cela me sidère de voir aujourd'hui, dans l'espace public français, de plus en plus de femmes voilées, et de plus en plus de jeunes de surcroît." (4)
L'initiative du Hijab Day affirme partir d'un bon sentiment. Ses organisatrices veulent permettre à celles qui auraient testé le voile de "mieux comprendre l'expérience de la stigmatisation vécue par de nombreuses femmes voilées en France" (5). Je me permets de leur adresser une suggestion: organiser
une journée du naturisme pour sortir les naturistes de l'ostracisme et de l'incompréhension dont ils sont les victimes.

(1) http://www.marianne.net/hijab-day-science-po-paris-rendez-vous-manque-provoc-reussie-100242207.html
(2) "Ma vie à contre-Coran", VLB éditeur, 2011.
(3) http://www.marianne.net/celine-pina-islamisme-ce-n-est-pas-invasion-barbus-c-est-beaucoup-plus-insidieux-100242188.html
(4) Soufiane Zitouni, "Confessions d'un fils de Marianne et de Mahomet", Les Echappes, 2016.
(5) http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/20/le-hijab-day-organise-a-sciences-po-pour-sensibiliser-sur-le-voile-divise_4905430_3224.html


"Le voile, c’est un rapport obsessionnel au corps, à la chair, au sexe. Le voile, c’est le contrôle de la sexualité des femmes. Ne soyons pas assez naïfs pour croire que le hijab serait acceptable, voire progressiste alors que la burqa serait rétrograde et inacceptable. La différence entre les deux ne tient qu’à la taille du tissu. La signification reste la même : la manifestation archaïque de l’oppression et de la soumission des femmes. Ces femmes prétendent qu’elles se voilent pour ne pas attirer le regard des hommes et réveiller leurs pulsions. Cette conception qui considère la femme comme une        « tentatrice inassouvie » et l’homme comme un « perpétuel prédateur » est totalement infantile et primaire.
Je n’ai pas honte d’être née femme. Je n’ai pas à m’en excuser. Je n’ai pas à m’en cacher. Les Islamistes rendent les femmes coupables de leurs désirs, de leurs misères et de leurs frustrations sexuelles. Ce sont des malades du sexe. La haine et la soumission des femmes cristallisent leur idéologie. Il ne peut y avoir des femmes libres et émancipées dans un Etat islamique, ni d’hommes d’ailleurs. Engels avait raison de dire que « le degré d’émancipation de la femme est la mesure du degré d’émancipation générale ». 
Il n’y a que dans les pays qui chosifient les femmes que la chair devient l’objet de fantasmes permanents, que la misère sexuelle s’installe et que des névroses et démences collectives se développent, allant même jusqu’à autoriser le               « mariage provisoire » ou « mariage de plaisir », véritable couverture religieuse à la prostitution."
[Djemila Benhabib , extrait de "Ma vie à contre-Coran"]

lundi 18 avril 2016

Des bas

Alain Finkielkraut a été faire un tour avec son épouse à la "Nuit Debout" à Paris, histoire d'écouter ce qui s'y dit. Ce fut une mauvaise idée. Il s'est fait expulser sous les insultes, traité de "facho", de "connard", de "salaud". Il a répliqué en traitant ceux qui le chassaient de "fascistes" et de "pauvre conne" (1).
On voit par là que la culture d'Internet est passé du virtuel à la réalité, on sait s'injurier dans la rue aussi bien que sur la Toile. Que l'insulte est devenue un mode de communication tant pour ceux qui veulent refaire le monde que pour un néo-académicien. "Tandis qu'avec les formes disparaissent les égards envers l'autre empirique, le culte idéologique de l'Autre bat son plein. Le fascisme ne passera pas, mais la muflerie s'installe." Cette citation est tirée de "L'identité malheureuse", ouvrage d'un certain Alain Finkielkraut (2). C'est lui aussi qui cite ce texte de Libération  publié à l'occasion de son forum consacré en 2011 au respect: "Il faut être coupé des réalités pour ne pas voir que le lien social s'est étiolé, que nous ne savons plus dire bonjour, accepter l'autre dans sa différence et qu'à force d'accepter cette accumulation de petites indifférences, on se retrouve un jour avec une énorme masse d'incivilités qui débouche sur une société de plus en plus individualiste, violente, dans laquelle l'avidité a tendance à supplanter la fraternité." 
On voit aussi par là que la démocratie est un exercice difficile, que pour certains de ceux qui la défendent elle n'est réservée qu'à ceux qui pensent comme eux, ce qui - allez savoir pourquoi - la rend beaucoup moins séduisante.
Enfin, on voit que le qualificatif de fasciste est totalement galvaudé et que les années seront longues encore avant que le monde soit refait.

Pendant que certains se voient interdits d'écouter, d'autres sont interdits d'écrire. C'est - il en fut beaucoup question ici (3) - ce qui est arrivé à l'écrivain et journaliste Kamel Daoud, accusé d'islamophobie par un groupe de sociologues français pour avoir eu l'outrecuidance d'écrire que "le sexe est la plus grande misère dans le monde d'Allah". L'écrivain algérien vient de recevoir un prix de journalisme  (4) et s'est, à cette occasion, réjoui que "la francophonie se porte mieux que la cacophonie". Hier, dans son billet dominical (5), Antoine Perraud est revenu sur les attaques dont a été victime l'écrivain qui a décidé de ce fait d'abandonner le journalisme. Il le défend avec virulence face à ces "sociologues et anthropologues pas très brillants, voire complètement obscurs" à la "mentalité de chaisières dictant la bienséance politique". A la lecture de leur "texte niaiseux", il constate que "l'intellectuel sera reconnu à condition qu'il s'avère harki des flics de la pensée en métropole".

Dans ces deux cas, c'est la défaite du débat et de l'intelligence. Celle de l'écoute aussi et du respect.

http://www.lesoir.be/1183648/article/actualite/france/2016-04-17/alain-finkielkraut-expulse-par-nuit-debout-sous-quolibets-cette-democratie-est-u
http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/18/alain-finkielkraut-nuit-debout-place-republique-paris_n_9721826.html?utm_hp_ref=france
A écouter: le blllet de Sophia Aram ce matin (8h55) sur France Inter.
(2) Stock, 2013.
(3) Sur ce blog: "Les fils des Joseph", 24 février 2016, et "Les fils des Joseph (suite)", 29 février 2016, et leurs commentaires.
(4) http://www.france24.com/fr/20160414-kamel-daoud-recoit-le-prix-jean-luc-lagardere-journaliste-lannee
(5) Le Monde selon Antoine Perraud, France Culture, 17 avril 2016, 12h45:
http://www.franceculture.fr/emissions/le-monde-selon-antoine-perraud
(4) A propos des Nuits Debout:
http://www.huffingtonpost.fr/caroline-fourest/nuit-debout_b_9658618.html?utm_hp_ref=france

vendredi 15 avril 2016

Voir

Ils sont nombreux à gauche ceux qui continuent à analyser le terrorisme avec la tête dans le sable. Les rien-à-voiristes, comme les appelle Jean Birnbaun, ceux qui, tel Olivier Roy, nous expliquent doctement que l'islam n'est que le vernis des motivations des djihadistes. Le journaliste sénégalais Souleymane Elgas dénonce (1) leur "maternalisme envers l'islam", leur "quête inextinguible d'orphelins à materner". Une telle analyse, dit-il, est "un voile douillet" pour "prolonger le sommeil et doper les gages moraux de la gauche". Il leur reproche de ne mener leurs analyses qu'à partir des djihadistes qui ont mené des attentats sur le sol européen et il cite les travaux de David Thomson qui a recueilli la parole de candidats djihadistes qui "ne font pas mystère de leur attachement à la foi". Il constate que "leur dénominateur commun, quelle que soit leur origine sociale, c'est leur assentiment à des valeurs et des principes communs d'un certain islam autour d'un corpus scripturaire on ne peut plus irréfutable".
Souleymane Elgas cite aussi Sophie Bessis qui retrace l'histoire de l'islam rigoriste "dont l'emprise, dit-il, a donné en partie le sein au terrorime d'aujourd'hui". Il rappelle l'importance, dans l'analyse à mener, du (vieux) conflit chiites - sunnites. Et s'il souligne la responsabilité des Etats occidentaux qui ont soutenu pour des raisons économiques des régimes dictatoriaux, il estime cependant que "seuls les acteurs moyen-orientaux décideront de leur sort". Il déplore le manque de véritables études "sans inclinations partisanes" entre les fantasmes de l'invasion chers à l'extrême droite et le rien-à-voirisme
Derrière le djihadisme, dit-il, "avance à l'ombre un islamisme quiétiste, dont la régence des mœurs et une volonté d'affirmation sont les moteurs".
"La terreur a des objectifs, dit-il encore, ceux de contraindre et de servir une vision politico-religieuse." En conclusion, répondant à Olivier Roy, il affirme que "l'islam n'est pas le vernis, mais l'aimant du terrorisme".

(1) https://printempsrepublicain.fr/non-olivier-roy-l-islam-n-est-pas-le-vernis-du-terrorisme-32ce76e8d4ec#.tmr6s5iej

vendredi 8 avril 2016

Ces textes glaçants

Les textes religieux ont ceci d'avantageux: on y trouve ce qu'on a envie d'y lire. C'est-à-dire tout et son contraire. C'est évidemment dans les textes bibliques que les croisés et les inquisiteurs ont trouvé une légitimité à leurs actes violents et guerriers. Quand les mêmes textes appelaient à l'amour du prochain.
Aujourd'hui, avec l'arrivée au pouvoir du P.I.S., la religion catholique s'impose à travers toute la Pologne et une loi oblige les médias à "observer les valeurs chrétiennes" (1). Mais que sont-elles et comment s'expriment-elles? Entre un pape François qui affirme que "si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s'attendre à un coup de poing et c'est normal" (2) et J.C. qui nous appellait à tendre la joue gauche si on est frappé sur la joue droite, qui suivre?
Interrogé sur les liens entre islam et terrorisme, le philosophe libanais Ali Harb (3) estime qu'une religion ne peut jamais être réduite à un livre fondateur. "Il faut aborder l'islam sous un autre angle, dit-il: en tant que doctrine du salut, c'est-à-dire comme un système de pensée qui, à l'instar du christianisme et du judaïsme, mais également des religions du XXe siècle, telles que le communisme et le fascisme, prétend détenir la vérité absolue." Il voit le terrorisme comme une attitude intellectuelle et comme une manière d'agir. Une attitude de l'homme qui se croit seul détenteur de la vérité absolue, qu'elle soit religieuse, politique, sociale ou morale, et qui agit en excluant, en excommuniant ou en tuant celui qui ne pense pas comme lui. "Les promoteurs des nouveaux projets religieux, dit-il, ont sans doute été influencés par les exemples de Franco, de Hitler et de Mussolini, par leurs moyens de gouverner et leurs techniques pour contrôler les hommes en les mobilisant et en les remodelant pour en faire un troupeau scandant inlassablement un même slogan."
Le philosophe voit ""toute religion comme un réservoir inépuisable de pratiques violentes. (...) Tant que la religion est fondée sur l'exclusion de l'autre, sur le dualisme du croyant et de l'impie, du fidèle et de l'apostat, il est impossible de la comprendre autrement. Dans l'islam, la violence est encore accrue par un dualisme supplémentaire, celui de la pureté et de la souillure". Ce qui l'amène à affimer "qu'il n'y a pas de musulman fidèle aux dogmes et aux pratiques de sa religion qui soit modéré ou tolérant, sauf s'il est hypocrite, ignorant de sa doctrine ou en a honte".
Ali Harb se dit convaincu que l'islam ne peut être réformé, constatant que toutes les tentatives en ce sens ont échoué. "La seule issue est la défaite du projet religieux tel que l'incarnent les institutions et les pouvoirs islamiques, avec leurs idées momifiées et leurs méthodes stériles." Il estime que le projet de l'islam, même reformulé, se réduit à une réaction motivée par un désir de vengeance contre l'Occident et qu'il n'y a "pas de réconciliation possible entre l'islam et la modernité ou l'Occident".
Certains entrevoient cependant des espoirs chez des penseurs musulmans modérés et "modernistes", tel un Tariq Ramadan. Qui apparaît pourtant, à ceux qui décodent ses discours, comme un praticien du double langage. L'homme moderne qu'il est n'hésite pas à demander un "moratoire" sur la lapidation des femmes (quel courage!) et à déclarer (à un congrès de l'UOIF) que la lapidation des femmes est une sentence juste, qui garantit la sécurité familiale (4). Il a écrit un livre faisant l'apologie des Frères musulmans dont il se présente comme un des membres et, sur les plateaux de télévision, se défend d'en être. (5) Quand on lit le programme totalitaire des Frères musulmans, on ne peut être qu'effrayé par l'écoute que peuvent avoir de tels agents doubles. Et on ne peut que se dire qu'il est loin encore le temps où sera "défait" le projet religieux, seule issue selon Ali Harb.

(1) "Nina Sankari: Etre athée en Pologne, c'est être traître à la patrie", Charlie Hebdo, 6 avril 2016.
(2) http://www.lalibre.be/actu/international/pape-francois-si-un-grand-ami-parle-mal-de-ma-mere-il-peut-s-attendre-a-un-coup-de-poing-54b7b0c63570c2c48ad4f54d
(3) "L'islam ne peut pas être réformé", L'Orient littéraire (Beyrouth), 1er mars 2016, in Le Courrier international, 7 avril 2016.
(4) Arte - Thema consacré aux menaces sur la laïcité en France et en Europe, 9 décembre 2008 (voir sur ce blog "Ces religions conquérantes", 7 janvier 2009).
(5) https://carolinefourest.wordpress.com: "Le double discours de Tariq Ramadan jamais prouvé?", 1er avril 2016.

lundi 4 avril 2016

Education, culture et bêtise

Les talibans, Boko Haram et les islamistes en général ne veulent pas que les filles aillent à l'école. Les filles éduquées deviennent des femmes incontrôlables. Alors que leur place est à la maison, elles entendent travailler à l'extérieur. Mais il y a bien pire: elle se mettent à réfléchir, à réclamer des droits, à se mêler de politique. Il y a de quoi se fâcher.
En 2009, le mollah Maulana Fazlullah et ses hommes ont interdit l'accès à l'école aux cinquante mille filles de la vallée de Swat au Pakistan. L'une d'elles était Malala. On connaît son histoire: devenue porte-parole des filles condamnées à l'ignorance, elle est, en 2012, violemment agressée sur le chemin de l'école par des talibans, échappe miraculeusement à la mort et devient la porte-voix internationale de toutes celles et tous ceux qui ne peuvent aller à l'école. (1)
Les filles ne sont pas les seules à se mettre en danger en voulant se former. Il y a tout juste un an, quelque 147 étudiants et étudiantes de l'université de Garissa, la seule du nord du Kenya, étaient assassinés par des islamistes Chabab. Depuis janvier, les cours y ont repris pour une poignée d'étudiants. La peur s'est installée. (2)
Au-delà des menaces, dans de trop nombreux pays encore, les écoles souffrent d'un manque de moyens: enseignants, bâtiments, livres, matériel.

Pour protester contre la loi travail du gouvernement Valls, des individus ont saccagé la bibliothèque de l'université de Caen. (3) On s'interroge: quel est le message? Les auteurs de cet acte incompréhensible veulent-il nous dire qu'ils entendent rester stupides? Demeurer crétins, mais avec un bon contrat de travail? Savent-ils que quand la ville de Tombouctou tomba en 2012, sous le contrôle du mouvement salafiste Ansar Dine et d'Al Qaida au Maghreb islamique des citoyens sont venus de tout le Mali pour, au péril de leur vie, mettre en lieu sûr les Manuscrits médiévaux de Tombouctou?

Une bibliothèque, c'est là qu'aurait dû se rendre cet élu FN d'Arcueil qui refuse que la ville consacre de l'argent à célébrer le cent-cinquantième anniversaire de son plus célébre citoyen: Erik Satie. Il le considère comme un "hypocrite", un "lâche", un "médiocre", un "illuminé" et refuse que "l'argent public serve à honorer un membre du Parti communiste alcoolique". Il ferait bien de s'intéresser à la créativité de ce compositeur de réputation internationale, lui a rétorqué le maire. S'il s'était rendu, avant cette intervention, dans une bibliothèque, cet élu d'extrême droite aurait pu y lire, dans sa "Correspondance presque complète" (5) cette lettre qu'Erik Satie avait adressée au compositeur Roland Manuel et qui aurait pu l'être à lui, élu ignare.
"Arcueil-Cachan, le 15 Mars 1919
Mon Cher Ami. Je ne vous en ai jamais voulu, croyez-le. Vous avez le droit de ne pas aimer Socrate qui est, en somme, une œuvre conçue en dehors de ce que vous affectionnez.
... Il est même naturel que cet ouvrage vous fasse rire, ou simplement sourire. Encore une fois, c'est votre droit, & cela ne me fâche nullement contre vous...
... Comment pourriez-vous, Mon Cher Roland, penser différemment? Du reste, ce contraste n'a rien de déplaisant, & sa sincérité est absolue:... Nous n'aimons pas le même potage... (...)
... La lutte sera bien rude, Mon Pauvre Vieux; & hélas! nous ne sommes pas dans le même camp. Je vous l'ai déjà écrit: Nous ne pouvons pas y être...
Pendant ce temps, le fossé se creuse, ... s'élargit... Vos amis ne sont pas les miens; les miens ne sont pas les vôtres... Alors? (...)"

On voit par là que si certains cultivent leur inculture, ils feraient bien non seulement de respecter les bibliothèques, mais aussi d'en user.

(1) "Malala, résistante à rude école", Télérama, 23 mars 2016.
(2) http://www.lemonde.fr/international/article/2016/04/02/a-l-universite-de-garissa-un-anniversaire-amer_4894366_3210.html
(3) http://www.liberation.fr/direct/element/luniversite-de-caen-porte-plainte-apres-des-degradations-en-marge-de-la-manif-contre-la-loi-travail_34268/
(4) http://www.erik-satie.com
(5) Fayard / Imec