dimanche 21 décembre 2014

Le parti de Calimero

Vraiment, c'est trop injuste. Pauvres responsables et porte-parole de l'extrême droite, de la droite extrême, de l'extrême arrière et de tout cet informe magma de pleurnicheurs sur le bon temps qui est mort et qui ne reviendra plus et que c'était tellement mieux à l'époque du franc français quand ils étaient entre eux sans tous ces étrangers!
Tout le monde leur en veut. On reproche au parti de la famille Le Pen d'avoir emprunté neuf millions d'euros à une banque russe, mais il ne pouvait faire autrement puisque les banques françaises ne lui font pas confiance. Allez savoir pourquoi, des gens si respectables. Le maire FN d'Hayange vient d'être condamné à un an d'inéligibilité après le rejet de ses comptes de campagne (1). Mais c'est trop injuste: d'autres élus d'autres partis ont été moins lourdement condamnés que lui, dit-il. Une chaîne de télé a décidé de se passer des lumières noires d'Eric Zemmour, le penseur au rétroviseur, et voilà que la fille à papa Le Pen crie à la censure. C'est vrai que c'est assez intolérable de ne pas laisser ce brave homme dire quotidiennement tout le mal qu'il pense des femmes qui ne restent pas sagement à la maison à faire et élever les enfants, des homos, des écolos, des étrangers, de tous ceux qui font que cette si belle France a perdu tout son éclat et se suicide peu à peu.
Et ces juges qui prétendent s'intéresser aux comptes de la fille à papa, elle qui a toujours "la tête haute et les mains propres". Elle serait soupçonnée de "blanchiment en bande organisée", rien que ça, au sein d'un vaste réseau de fraude au financement public des partis qui s'élèverait à six millions d'euros (2).
Heureusement, le FN peut se consoler: il séduit toujours. Fatima Allaoui par exemple (3). La jeune femme avait claqué la porte de l'UMP, estimant n'avoir pas sur les listes des prochaines élections départementales une place correspondant à ses attentes. Elle s'était alors tournée vers l'extrême droite, rejoignant une petite formation membre du Rassemblement Bleu Marine. Et voilà qu'elle se retrouve nommée à un poste de secrétaire nationale à l'UMP. Avant que celui-ci la destitue, apprenant son affiliation à l'extrême droite. Elle se défend: la tentation de l'extrême droite, c'était "par désespoir de cause", c'était "une crise d'adolescence politique". Comme l'UMP persiste et l'éjecte, elle rejoint finalement le parti de la famille Le Pen. Visiblement, elle a oublié ses propos tout récents. C'est terrible de passer ainsi de la crise d'adolescence à un stade avancé de sénilité précoce. 
On le voit, pour le FN, c'est difficile d'être à la fois le grand méchant loup, le chevalier blanc et Calimero. A moins de faire en permanence le grand écart, et ça, ça fait mal.
Si tous ces chipotages, ces fautes et ces bêtises pouvaient enfin ouvrir les yeux des électeurs du FN, l'année 2015 commencerait de plus belle manière.
Demain, les jours allongent... 

(1) www.liberation.fr/politiques/2014/12/19/extreme-droite-le-retour-de-flamme_1167535
(2)
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20141210.OBS7476/le-magot-cache-de-marine-le-pen.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/le-making-of-de-l-obs/20141211.OBS7635/discretement-marine-le-pen-se-constitue-un-petit-tresor-de-guerre.html
(3) http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/coulisses/2014/12/15/25006-20141215ARTFIG00045-sarkozy-nomme-une-secretaire-nationale-passee-dans-le-giron-du-fn.php
www.lemonde.fr/politique/article/2014/12/19/fatima-allaoui-de-l-ump-au-front-national_4543830_823448.html






mardi 16 décembre 2014

Le parti du culot

Quelle énergie! Quelle capacité de résilience! A peine ont-ils quitté le pouvoir au niveau fédéral (qu'ils ont exercé sans discontinuer pendant neuf mille six cent cinquante et un jours (1) - 9.651, oui -) qu'ils sont dans la rue pour s'opposer au nouveau gouvernement à peine mis en place. Soyons clair: on peut évidemment reprocher bien des choses à ce nouveau gouvernement belge, très à droite, mais tout autant au Ps qui n'a aucune honte, aucune pudeur à manifester et a à peine arraché les costumes-cravates du pouvoir qu'il se noue un foulard rouge autour du cou pour jouer à l'ouvrier. Laurette Onkelinx a été ministre durant vingt-deux ans, non stop, gérant de très nombreux portefeuilles, dont celui de l'Emploi. Elio Di Rupo a été soit ministre, soit ministre-président, soit président du Ps durant la même période: 1992-2014.  Et aujourd'hui, on les entend hurler sur ce nouveau gouvernement à qui ils ont laissé un Etat que tout le monde s'accorde à trouver en triste état. Depuis quand les socialistes ont-ils mis sur la table une idée neuve?, demandait il y a une dizaine d'années le sénateur écologiste Jacky Morael.
Qu'est-ce qui explique la colère actuelle des Belges? Le chômage? Le manque d'idées du gouvernement pour relancer l'emploi et l'économie? "L'économie et l'emploi ont été transférés aux régions en... 1980", rappelle Philippe Engels (1). Et depuis 1980, quel parti a toujours occupé et occupe toujours le pouvoir dans les régions wallonne et bruxelloise? Le Ps. "Les 110.000 manifestants qui ont battu le pavé le 6 novembre dernier auraient été bien inspirés de commencer par demander des comptes aux socialistes eux-mêmes. (1)" 
Immuable Wallonie, voilà un slogan qui, pour une fois, ne serait pas mensonger. Tant que les manifestants se tromperont de cible et de vote, la situation ne s'améliorera pas. Le Ps peut se permettre toutes les affaires, tous les tripotages, traîner tant de casseroles, les électeurs, ses électeurs lui restent très attachés. "L'électeur reste fidèle au parti pieuvre, qui délivre, il est vrai, les accès au logement ou l'emploi public" (1).  "Sans nous, ce serait pire" a longtemps affirmé le Ps, tout heureux de pouvoir démontrer que c'est le cas aujourd'hui. Au niveau fédéral du moins. Aux niveaux wallon, bruxellois et francophone, le pire est arrivé depuis longtemps. Avec le Ps dans tous les gouvernements depuis le début et occupant la grande majorité des postes clés dans l'administration. "Le Gerfa rappelle que, en Belgique francophone, 32 hauts fonctionnaires dirigeants sur 53 sont socialistes. Tous les chefs de gouvernement des entités dites fédérées (Wallonie, Bruxelles, fédération Wallonie-Bruxelles) sont issus du PS. Chaque patron d'une société publique contrôlant la distribution d'énergie, la télédistribution ou le développement économique porte la même étiquette politique. Même chose pour les maires des grandes villes wallonnes et de Bruxelles, par exemple", écrit encore Ph. Engels.
On pourrait soupirer, se lasser, pester, mais le problème devient sérieusement inquiétant quand on découvre que des affaires qui, au fil de ces trop longues années, se sont inscrites dans l'ADN du Ps, resteront impunies grâce précisément à la toute-puissance de ce même Ps. Affaire parmi (beaucoup) d'autres relatées par Philipe Engels toujours: "Dans la région de Mons, le placement financier d'une société publique contrôlée par les socialistes déclenche des perquisitions dans des banques belges et françaises. Gros soupçons de commissions occultes au bénéfice d'individus réfugiés sous la couple du pouvoir. Tant que nous nous attaquions à des seconds couteaux socialistes, on nous a laissé faire, déclarent des policiers chargés de ces dossiers délicats. Quand les enquêtes nous ont menés à Mons, tout s'est compliqué. " Au point que les investigations ont été arrêtées. Des magistrats reconnaissent qu' il fallait éviter d'affaiblir la figure du Premier ministre de l'époque (Elio Di Rupo, bourgmestre empêché de Mons), rempart de la nation face aux séparatistes. Et la presse se tait autant que les autres partis, tous appelés à composer, un jour ou l'autre, avec l'omnipotent Ps.
"Opinion lassée, conclut Ph. Engels, justice bloquée, sentinelles de la démocratie aux abonnés absents, partis politiques en état de dépendance: à ce compte-là, le PS wallon n'a guère de souci à se faire."

Résumons-nous: en politique, le culot est salvateur, la toute puissance est protectrice. Mais réjouissons-nous: grâce au populisme du parti des barons et à sa pratique du clientélisme, aucun parti d'extrême droite n'a réussi à percer en Région wallonne. A quelque chose malheur est bon.

Note: pour couper court aux critiques de certaines de mes connaissances, ce billet ne fait pas dans l'anti-socialisme primaire, mais dans l'anti-Ps secondaire. Il y a plus qu'une nuance.

(1) "Le naufrage des socialistes belges", Marianne, 12 décembre 2014.

samedi 13 décembre 2014

Union pour un Mouvement de Potiches

Louis Pinton, président du Conseil général de l'Indre, est très fier de faire connaître sa liste UMP pour les élections départementales de mars 2015. Parité oblige désormais, il a présenté treize binômes, même s'il manque encore trois femmes, mais c'est pour bientôt, nous dit-il (1). A les voir poser face caméra, on se dit que la moyenne d'âge de ces femmes et de ces hommes doit se situer quelque part entre 55 et 65 ans. Face à la presse, seul le président cause. "Ces dames avaient reçu consigne de ne pas s'exprimer aujourd'hui", affirme la journaliste de France 3.  
"Nos concitoyens, déclare Louis Pinton, ont intérêt à chercher des hommes politiques d'expérience, qui ont des bons bilans, qui connaissent parfaitement la gestion des collectivités territoriales."
On espère donc que les candidates feront du bon café et de bons gâteaux pour leurs collègues masculins, histoire de les soutenir durant cette campagne.
On voit par là que si la femme est l'avenir de l'homme, l'UMP n'est pas celui de la femme.

(1) France 3 Centre, Journal du Berry, 12 décembre 2014, 19h18.

jeudi 11 décembre 2014

Croisés de la haine

On leur donnerait le bon Dieu sans confession. C'est le cas de le dire, parce qu'ils sont chrétiens. Et c'est visiblement en cette qualité que ces jeunes gens, qui ont l'air parfaitement normal, qu'on pourrait croire bien dans leur temps, ouverts au changement et aux autres, à l'évolution de la société, manifest(ai)ent contre le mariage homosexuel. Violemment. Leur calicot affirme que "La France a besoin d'enfants, pas d'homosexuels" (1). Ils sont membres du mouvement catholique intégriste Civitas. On a connu des centenaires plus ouverts et alertes que ces jeunes vieillards de vingt ans. Ils portent un drapeau "Cœur de Jésus". Ils ont rejoint ce mouvement qui s'est hypocritement baptisé "la manif pour tous", alors que très clairement il est dirigé contre les homosexuels. On a y vu et entendu des slogans haineux, imbéciles et abjects: "Les homos, c'est contre la loi de Dieu", "Non aux pédés, la famille, c'est sacré", "Cette loi contre nature mène la France à sa perte", "Ces saloperies, c'est dommage que Hitler ne les ait pas tous tués" (3). 

Dans le documentaire "Homos, la haine", d'Eric Guéret et Philippe Besson (2), plusieurs homosexuels, hommes et femmes, de 18 à 68 ans, témoignent face caméra. Ce qui revient quasi systématiquement, c'est le rejet, le harcèlement, les vexations, l'humiliation, la violence morale et parfois physique. Elle vient de la famille, "première source de violence pour les jeunes lesbiennes" ou d'inconnus croisés dans la rue.
Bruno, revenu vivant de l'horreur, malgré les pronostics pessimistes des médecins, a été violemment agressé dans la rue par quatre hommes. De manière totalement gratuite, juste parce qu'ils avaient repéré un homo. Ils ont pris sa tête pour un ballon de foot, ont-ils expliqué au procès. Wilfred a, lui aussi, été sauvagement attaqué par deux ou trois hommes. Laurent, comédien, adoré des téléspectateurs de la série "Plus belle la vie", dit avoir vu le regard des gens changer dès les premières manifs anti-mariage homo. Des gens venaient lui dire qu'ils ne l'aimaient pas. Jusqu'à cet homme qui l'a frappé et blessé dans un magasin.
Et puis, il y a  ces jeunes, encore éberlués de l'attitude de leurs parents qui, à défaut de pouvoir changer leur orientation sexuelle, leur ont fait la guerre, moralement et parfois physiquement, jusqu'à les chasser de la maison familiale. La religion, les religions ne les aident pas à admettre que leur enfant ait fait un choix qui n'est pas le leur. "C'est contre la religion d'accepter", ont dit à leur fille les parents d'Amina, la traitant de perverse, de nymphomane, de salope, de folle. La mère d'Emmanuelle, pour que sa fille rencontre un homme, lui a même conseillé de sortir dans des bars, des clubs échangistes ou libertins. Des propositions totalement contraires aux principes enseignés par cette mère très catholique. Samuel, d'un milieu juif orthodoxe, a connu les coups, moraux mais aussi physiques.

Tous disent que le débat sur le mariage homosexuel et surtout la rage qui s'est exprimée chez certains opposants ont libéré l'homophobie.
"Dans la société, aucun débat ni mouvement n'existe en soi, estime le sociologue Antoine Idier (3). C'est un lien dynamique: il faut qu'un certain nombre de structures (médias, politiques, intellectuels) légitiment son expression pour que le débat existe. Les partis politiques de gauche comme de droite ont joué un grand rôle dans la violence des débats autour du mariage homosexuel. La droite a instrumentalisé la problématique à des fins politiques: certains de ses élus ont participé à des manifestations; d'autres, comme Nicolas Sarkozy, ont tenu des propos hallucinants. (...) En n'étant pas ferme sur ses convictions, le PS a donné du poids au mouvement conservateur.

En manquant de fermeté, le PS a ainsi laissé entendre que chacun pouvait avoir une opinion, même abjecte, sur la question. En encourageant le mouvement d'opposition, l'UMP a soutenu le rejet et l'exclusion. En courant derrière de sinistres et stupides imprécateurs, des médias ont servi de caisse de résonance à l'irraisonné. Et elle n'attend que cela, la haine, toujours prête à s'engouffrer dans la moindre ouverture de porte. Et à faire le buzz, sur Internet et dans la rue. Surtout, quand elle est portée par des gens qu'on aurait pu qualifier de "gens bien". Emmanuelle, jeune femme souriante qui témoigne dans "Homos, la haine", a constaté que ces attaques viennent très souvent de "gens très propres, très beaux". Des gens des beaux quartiers: "ce sont des gens comme moi, que ma mère apprécie, fréquente."

Ce qui frappe dans ce documentaire, c'est bien sûr la violence dont sont victimes ces personnes à cause de leur orientation sexuelle, mais c'est aussi que, malgré les vexations, malgré le rejet, malgré les coups parfois, elles s'expriment souvent avec le sourire, ont l'air bien dans leur peau. On se dit que pour les agresser il faut, au contraire, être très mal dans sa peau. On se pose des questions: de quelle pathologie souffrent ces gens qui s'opposent aux droits des homosexuels, vont jusqu'à les agresser physiquement? Qu'est-ce qui les amène à délirer autant, à confondre homosexualité et pédophilie, homosexualité et bestialité, homosexualité et polygamie? Comment vivent-ils cette religion qui tout en leur enseignant que "Dieu est amour" les amène à se conduire aussi vulgairement en crachant, en tapant sur d'autres qui ne leur font aucun mal? Pourquoi tant de haine? Qu'y a-t-il dans le "cœur de Jésus" qu'arborent sur leur drapeau ces jeunes chrétiens haineux? 

(1) photo de Kenzo Tribouillard / AFP, dans Télérama, 3 décembre 2014.
(2) diffusé sur France 2 ce mardi 9 - à revoir sur www.france2.fr
(3) "Homophobie, qui ne dit mot consent", Télérama, 3 décembre 2014.

mercredi 10 décembre 2014

Regards à géométrie variable

Avec l'extrême droite, on ne sait s'il faut avancer ou reculer, regarder devant soi ou derrière. On s'y perd. On avait cru comprendre que c'était mieux avant (1), qu'il faudrait revenir à ce bon vieux franc, refermer les frontières, restaurer tant de vieilles valeurs aujourd'hui galvaudées. Bref, faire demi-tour.
Mais voilà qu'un des jeunes loups du parti de la famille Le Pen, David Rachline, sénateur et maire, nous dit que "il ne faut pas passer son temps à regarder derrière. Il faut regarder l'avenir, qu'est-ce qu'on fait ensemble". Il est alors interrogé à propos de la commémoration de la responsabilité du régime de Vichy dans la déportation et l'aide à l'extermination des Juifs (2). "Il faut éviter de regarder dans le rétro, dit-il, éviter de s'auto-flageller." Mais il pense quand même que "il faut parler de tout, c'est l'histoire de France. En Algérie, il y a eu des choses bien. Il faut le dire plus souvent."
Résumons-nous: parfois il ne faut pas regarder derrière soi, mais parfois si. Il y a des choses dont on il ne faut pas parler, d'autres sur lesquelles il faut revenir. Finalement, le FN a un discours nuancé.

On en a encore la preuve aujourd'hui: le FN, qui a toujours craché sur l'écologie, les écolos bobos, qui a  toujours nié le réchauffement climatique, qui a soutenu les Bonnets rouges qui défendent une agriculture extrêmement polluante, qui a refusé d'interdire le chalutage en haute mer, qui se range systématiquement du côté des automobilistes, le FN donc prône désormais "l'écologie patriote" (3). Les Français sont donc appelés à respecter l'environnement français. Dès qu'ils sont en vacances, hors de leur pays, ils peuvent se lâcher. La pollution, comme le nuage de Tchernobyl en son temps, sera arrêtée aux frontières. Et là, on comprend mieux la volonté du FN de rétablir les frontières: les douaniers auront aussi pour mission d'empêcher la pollution étrangère d'entrer. Une bonne barrière, et hop, le tour est joué. Ces islamo-gauchistes de Verts n'y avaient pas pensé. Par ailleurs, le parti d'extrême arrière n'aime pas les énergies renouvelables, mais voit plus favorablement le nucléaire et le gaz de schiste. Un parti plein de nuances, on vous dit.

Même sur la torture, le parti est nuancé. Ca ne se fait pas, ouh la, non, pas du tout. Mais, en cette journée internationale des Droits de l'Homme, Marine Le Pen estime quand même que si c'est pour sauver des vies, ça peut se faire (4). On ne se refait jamais complètement  quand on est fille à papa Le Pen (5).

(1) voir "Croquemitaine", 8 décembre.
(2) dans l'émission "Cahier de doléances": "Minorités: deux poids, deux mesures?" de Caroline Fourest: https://carolinefourest.wordpress.com/ - à voir sur LCP ce mercredi 1à à 21h30.
(3) http://www.huffingtonpost.fr/2014/12/07/fn-ecologie-patriote-preference-nationale-vert_n_6255314.html
www.lesinrocks.com/2014/12/09/actualite/vision-du-monde-du-fn-reste-fondamentalement-productiviste-liberale-11540042/

(4) www.lemonde.fr/politique/article/2014/12/10/pour-marine-le-pen-il-peut-parfois-etre-utile-de-faire-parler-sous-la-torture_4537731_823448.html
(5) http://rebellyon.info/Tortures-par-Le-Pen-par-Hamid.html
https://www.youtube.com/watch?v=mJz2gXdYQyY
https://www.youtube.com/watch?v=7mPpRCBLzAk (la deuxième partie de cette émission est particulièrement intéressante: malgré les témoignages d'anciens militants du FLN, J.M. Le Pen continue à nier avoir pratiqué tout acte de torture, mais on entend bien qu'on a affaire à un connaisseur. On y apprend que Le Monde du 30 mai 1957 a rapporté les propos suivants de Le Pen: il reconnaît avoir usé de "moyens illégaux" et estime que "la torture est inévitable et donc, dans les conditions anormales où on nous demandait d'agir, elle est juste".)

A propos des comptes du FN: 
http://rue89.nouvelobs.com/2014/12/09/fn-nest-endette-les-comptes-disent-contraire-256475

mardi 9 décembre 2014

Même les reines ont une face cachée

On se fait parfois une fausse idée des gens. Et ce n'est parfois qu'après leur mort que la vérité se fait jour. On s'imaginait ainsi que la reine Fabiola - dont on a toujours dit que le roi Baudouin l'avait alpaguée à l'entrée d'un couvent - était un parangon de chasteté qui passait son temps en dévotions. Et voilà qu'on apprend qu'elle était "très engagée au niveau pieu". L'information nous vient d'un homme sérieux, Rudy Demotte, ministre-président de la Communauté française (1), dont on n'oserait d'autant moins mettre la parole en doute qu'il était visiblement un intime de la reine, puisque, nous dit-il, elle partageait avec son épouse "la passion de la culture et de la musique". De ses origines espagnoles, Fabiola avait donc gardé l'engagement auprès de l'Opus Dei et une attitude un peu olé-olé dans un pieu qui n'était pas classé x. 
Résumons-nous: il faut se garder des idées toutes faites.

(Merci à A. qui, depuis les Etats-Unis, a attiré mon attention sur cette information qui s'apparente à un scoop.)

(1) http://www.rtl.be/info/belgique/politique/deces-de-la-reine-fabiola-les-politiciens-rendent-leurs-hommages-681316.aspx

lundi 8 décembre 2014

Croquemitaine

La France grognonne croit s'être trouvé un penseur. Il a écrit un livre sur lequel ces citoyens mal dans leur peau se sont jetés. Son titre ressemble à un appel: "Le suicide français". Il invite les Français à revenir en arrière, à respecter ces valeurs éternelles que sont le travail, la famille et la patrie. Ah! Le bon temps des rois de France, de Napoléon, du catholicisme en sa période terroriste. En ces temps-là, le peuple, quand il ne mourait pas de maladie, tombait à la guerre. Il n'en manquait pas. Les rois, qui furent, pour nombre d'entre eux, très malades, physiquement ou mentalement, ne voyaient dans le peuple que chair à canon et force de production au service de la royauté. Bref, c'était le bon temps et aujourd'hui tout fout le camp. O tempora, o mores.
"Le déclinisme, écrivent Noël Mamère et Patrick Farbiaz - qui ont eu le courage de lire ce livre et démontent le lamentable message d'Eric Zemmour (1) - repose sur certaines croyances pessimistes répétées en boucle. Il se réfère toujours à une époque antérieure: le passé est idéalisé, le présent morne et déliquescent." Pour Zemmour et ses apôtres, c'était mieux avant. "Quand? Avant mai 68? Très bien. Mais cet âge d'or paradisiaque, où se situe-t-il et quand? Qu'est-ce qui était mieux? La peste noire de l'an 1000, le servage des paysans, le génocide des Indiens d'Amérique, l'esclavage des Noirs et le commerce triangulaire, la colonisation forcément positive, la grande boucherie de 1914-1918, la fusillade des Communards ou des ouvriers de Fourmies, le régime de Vichy? (...) C'était mieux avant, mais pour qui? Pour l'aristocratie des Capet ou le petit peuple de Paris?"

"Zemmour, écrivent Noël Mamère et Patrick Farbiaz, agit comme s'il voulait fédérer toutes les chapelles de l'extrême droite et de la droite extrême, en opérant un hold-up idéologique sur leur fond de commerce." Tout en cultivant la nostalgie de périodes sombres et de personnages peu recommandables, Zemmour magnifie le passé et crache sur le présent, il se fait "vendeur de peur". Il crache sur tout et tout le monde, les homos, les étrangers, les antiracistes, les femmes dominatrices, les musulmans, les artistes, les technocrates, les sociologues, les économistes. Même sur les médias - qui l'ont pourtant fabriqué et dont il est une vedette - lui qui joue le même jeu que ces chaînes de télé qui, à suivre chaque jour des équipes de police sur tous les terrains, font entrer quotidiennement la peur dans les salons.
Dans ses délires, il s'en prend même aux humoristes, "coupables de tourner en dérision les valeurs de la politique et de la société. (...) Aux yeux des nouveaux réacs, le rire est suspect parce que l'ironie désacralise et met à nu les rigidités de la société française (1)". Zemmour nous joue le rôle du moine Jorge, dans "Le nom de la rose" (2): "Le rire est la faiblesse, la corruption, la fadeur de notre chair. C'est l'amusette pour le paysan, la licence pour l'ivrogne. (...) Le rire distrait, quelques instants, le vilain de la peur."
L'homme du bond en arrière n'envisage comme futur que le passé. Il n'apparaît que comme un chantre de l'égoïsme, de la régression, du repli sur soi, un brocanteur des idées vichystes, maurassiennes, lepennistes... Tout en pensant sans doute (comme Jean-Marie Le Pen qui l'estime beaucoup) dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, il se révèle n'être qu'un bas parleur.
Le plus inquiétant n'est pas qu'existe ce sombre Savanarole du XXIe siècle, le plus inquiétant, c'est le succès qu'il rencontre. Demain les bûchers devant les médiathèques?

(1) "Contre Zemmour - Réponse au Suicide français", Les petit matins, 2014.
(2) Umberto Eco, Le livre de poche 5859, pp. 592-593.

vendredi 5 décembre 2014

Le diable au corps

Que peut donc signifier le terme "dédiabolisé"? Que l'objet ou la personne dont on parle n'est plus apparenté(e) au diable? Ou que le diable s'est banalisé et qu'on peut donc très bien vivre avec lui? Parlant du FN, on pencherait plutôt pour la deuxième explication.
La fille à papa Le Pen, qui a hérité du parti de son père, ne cesse de dire que elle c'est elle et que lui c'est lui et qu'elle ne partage pas (toujours) ses propos qu'elle considère (parfois) comme "faute politique" (et non pas faute humaine...). Mais non seulement il est toujours président "d'honneur" du parti familial, mais en plus celui-ci lui a rendu un vibrant hommage en ouverture de son récent congrès. "Dans la grande salle, peut-on lire dans le Canard enchaîné (1), défilait un film sur Jean-Marie. Jean-Marie fait des blagues, des déclarations tonitruantes, Jean-Marie esquisse des pas de danse,  l'œil gourmand. Disparus les points de détail et autres Durafour crématoire." Pourtant, non, rien de rien, le vieux bouledogue ne regrette rien. A la veille de ce congrès, il déclarait au Parisien que ce point de détail dont il parlait en évoquant les chambres à gaz, "ce n'était pas un jeu de mots, c'était une opinion" (2). Et le vieil incontinent verbal de dénoncer un "véritable terrorisme intellectuel" qui règnerait en France. On sait d'où vient ce sentiment d'être une victime qui poursuit Marine Le Pen: il est héréditaire.
Papa Le Pen a fait hurler de joie les militants lors de ce congrès en rappelant, seul sur scène, son vieux slogan: "Tête haute et mains propres". Le Canard enchaîné s'étonne, lui qui avait révélé qu'en 1981 le père Le Pen avait ouvert un compte en Suisse, via l'un de ses proches qui avait reconnu avoir agi pour le compte de Jean-Marie Le Pen. "Ce dernier avait expliqué que son compte à l'UBS était lié à un remboursement du prêt consenti par cette banque. Mais il n'a été clôturé que quelques années après le remboursement... Et ne parlons pas du fameux héritage Lambert, récupéré par Le Pen dans des circonstances très controversées. Sans oublier un redressement fiscal de 1 million de francs en 1998, pour dissimulation de revenus." (1)

Mais tout ceci appartient au passé. Aujourd'hui, le parti de la famille Le Pen est au pouvoir dans plusieurs mairies. Et on voit le changement. A Hayange, le maire se perd dans les chiffres, ses comptes de campagne ont été invalidés et il pourrait bien perdre son poste (3). Celui-ci du Pontet (84), après avoir augmenté son salaire de 44%, est, lui aussi, en situation périlleuse, des émargements lors de son élection sont considérés comme frauduleux (4). A Beaucaire (30), le maire a passé un contrat de 14.000 euros avec une société dirigée par un proche, membre du FN sous un pseudo (5).
La fille à papa n'est pas à l'abri des soupçons: son micro-parti "Jeanne" est, depuis un moment, dans l'œil de la Justice pour des prêts accordés aux candidats FN lors des cantonales de 2011 et des législatives de 2012 et voilà à présent que l'enquête s'élargirait au financement de la présidentielle de 2012 (6).
Mais qu'importe tout ceci? Puisque le FN est dédiabolisé. La preuve: c'est un parti presque comme les autres. Certainement pas plus vertueux, aussi tripoteur que certains autres. Juste un peu plus à l'extrême arrière droite.

Post-scriptum: l'ouverture du capital de l'aéroport de Toulouse à des investisseurs chinois fait hurler le parti de la famille Le Pen. Au moment même où celui-ci se fait prêter 9 millions d'euros par une banque russe. On voit par là que la fille à papa et ses affidés ne sont pas à une incohérence près.
www.liberation.fr/politiques/2014/12/03/marine-le-pen-et-l-or-de-moscou_1155995

La dédiabolisation du FN vue par Groland: www.youtube.com/watch?v=snyHglU0E-Y

(1) Le Canard enchaîné, 3 décembre 2014.
(2) Charlie Hebdo, 3 décembre 2014.
(3) www.liberation.fr/politiques/2014/11/03/a-hayange-ou-est-passee-la-caisse_1135478
(4) http://quandlemaireestfn.tumblr.com/
(5) www.midilibre.fr/2014/09/11/politique-le-maire-de-beaucaire-octroie-un-marche-public-a-un-ami,1049327.php
(6) www.mediapart.fr/journal/france/041214/micro-parti-de-le-pen-l-enquete-elargie-au-financement-de-la-presidentielle-2012e

mercredi 3 décembre 2014

Tout va bien

Les inondations à répétition que connaît le sud de la France ne semblent pas perturber les autorités politiques de tous bords et de tous coins, écologistes mis à part. Les affaires doivent se poursuivre, la croissance doit revenir.
La ville de Montpellier s'est retrouvée sous eau plus d'une fois ces derniers temps. Son maire, très en colère, l'a dit alors: il faut enfin cesser de nier le réchauffement climatique. Et où sera érigée la future gare TGV de Montpellier? Dans une zone inondable naturelle, à vingt minutes du centre-ville, là où toute construction est interdite. D'après les opposants, ce sont "350 hectares d'espaces naturels (qui) seront artificialisés" (1). Mais, qu'on se rassure, d'après le nouveau maire, "la gare ne sera pas en zone inondable".
A Châteauroux-Déols, l'aéroport, héritage de l'OTAN, vivote. Alors qu'il s'agit là d'une mine d'or qui ne demande qu'à être exploitée, les autorités locales et régionales en sont convaincues. "Aux Etats-Unis, l'avion est un moyen de transport normal, mais pas ici", déplore une source proche du dossier (2). Qui souligne que Châteauroux est à une heure d'avion de toutes les grandes villes françaises, qu'il y a un créneau pour des touristes qui souhaitent, par exemple, passer une journée à Toulouse et que les grrrandes équipes sportives de la région doivent pouvoir prendre l'avion pour leurs déplacements. On voit par là que le modèle américain est toujours vivant à Châteauroux qui a longtemps hébergé une base US.
Des positions (un peu) rassurantes enfin: le président (socialiste) du Conseil régional Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne, appelle à la suspension des travaux du Center Parc qui doit se construire à Roybon en Isère. Là, sur 200 hectares - "dont une bonne partie constituée d'une zone forestière à forte valeur écologique" (3) - devraient être bâtis un millier de cottages autour d'une bulle tropicale de 29°C, traversée par une "rivière sauvage" en plastique bleu, bordée de palmiers. Sur place, la température peut facilement descendre à -20°C. Les élus communistes ont, eux aussi, fait machine arrière et demandent la suspension des travaux en attendant que la Justice rende son avis face aux recours déposés par les opposants. Ce qui n'est pas du goût d'un député UMP du coin, Jean-Pierre Barbier: "je ne vois pas de quel droit une minorité imposerait ses vues sur la société de demain" (4). On comprend par là que Center Parc doit représenter la majorité et que quand on regarde l'avenir dans un rétroviseur, on voit fatalement la société d'avant-hier comme celle de demain. Mais on doit savoir que, à regarder l'avenir de la sorte, plus dure risque d'être la chute.

(1) Le Canard enchaîné, 3 décembre 2014.
(2) La Nouvelle République - Indre, 3 décembre 2014.
(3) Charlie Hebdo, 26 novembre 2014.
(4) France Inter - Journal, 3 décembre 2014, 8h.

mardi 2 décembre 2014

Et à part ça chez vous, ça va?

On est toujours la bête curieuse de son voisin. Depuis quelques années, les Belges regardent avec étonnement les Français, la montée de l'extrême droite, les vociférations d'un autre âge des anti-mariage pour tous, les enragés contre l'écotaxe. Aujourd'hui, ce sont les Néerlandais qui ne comprennent pas les manifs incessantes et les grèves successives des Belges. Les Français s'en amusent. "Qu'est-ce qui cloche chez nos voisins?", demande le journaliste qui anime la revue de presse sur France Musique (1). Et de citer des journaux néerlandais qui se demandent de quoi se plaignent les Belges alors que leur tout nouveau gouvernement leur promet de régler tous leurs problèmes. Explication néerlandaise: c'est le conservatisme des Belges qui les amène à rejeter à la fois le changement et les règles strictes. Les Belges seraient rigides par rapport à la tradition et anarchistes de nature. On a du mal à suivre. Le Belge serait donc un conservateur anarchiste? Peut-on être les deux? Le Morgen, journal de la gauche flamande, rappelle le contexte et le timing: les catégories sociales les plus basses et moyennes doivent supporter la quasi totalité des mesures d'économie (qui se chiffrent à 10 milliards d'euros), alors que les grandes fortunes sont préservées. Les salaires ne seront pas indexés et l'âge de la retraite recule de 65 à 67 ans. Et voilà que l'Union européenne demande à la Belgique d'améliorer encore son budget, comme elle le demande à la France. Mais on ne peut comparer les deux pays, s'indigne le Soir, quotidien francophone belge: la France est pointée du doigt depuis longtemps par l'Union et agace le reste de l'Europe. Oui, finalement, commente le journaliste de France Musique, tout le monde se le demande: "qu'est-ce qui cloche chez nos voisins?".

(1) ce 2 décembre 2014, 8h.