mardi 30 septembre 2014

Ancien régime

Tout arrive. Voici qu'aujourd'hui en France les notaires, les pharmaciens, les huissiers, les greffiers et d'autres "plaques de cuivre" sont en grève. On veut bien entendre leurs arguments, leurs craintes que leur profession soit dévalorisée, que leurs revenus diminuent. Mais quand on engrange les revenus qui sont les leurs, un peu de décence et de retenue seraient de bon ton face aux gagne-petit et aux chômeurs, surtout en cette période. D'autant que selon des associations de consommateurs la réforme voulue par le Gouvernement permettrait précisément à ceux-ci de bénéficier de services et de produits à meilleur coût et à plus juste prix.
Les revenus moyens nets mensuels d'un pharmacien s'élèvent, nous dit-on, à 7.700 € (1), ceux d'un huissier de justice à 7.300, ceux d'un notaire à 13.300. Ceux d'un mandataire judiciaire et d'un administrateur judiciaire, on peine à le croire, à 25.700 €. Enfin, le pompon serait détenu par les greffiers de tribunal de commerce: ils gagnent 29.200 € (revenu mensuel net médian constaté).
"Toute peine mérite salaire, écrit Denis Daumin (2) et l'incontestable technicité de leur pratique ne saurait être bradée, font-ils valoir. Sans doute, mais les arguments poussés par le gouvernement ne manquent pas de pertinence. On attend juste qu'il persiste et persévère nous démontrant que la France ne souffre pas de cette maladie doublement incurable, l'immobilisme des égoïsmes et l'impossibilité de se réformer." (2)
Dans l'émission "28 minutes" de vendredi dernier (3), un chroniqueur (Jean Quatremer, me semble-t-il) affirmait que la pathologie dont souffre la politique française est le refus de toute réforme dans ce pays. La politique n'est pas la seule à en souffrir. C'est toute la société française qui n'avance que très difficilement.

(1) tous ces chiffres (source: IGF) sont tirés de l'article "Pharmaciens, kinés, notaires: aujourd'hui, n'y comptez pas", la Nouvelle République, 30 septembre 2014.
(2) la Nouvelle République, 30 septembre 2014.
(3) Arte, 26 septembre 2014, 20h.

lundi 29 septembre 2014

Vent arrière

Le parti de la famille Le Pen se regorge un peu plus: deux de ses représentants viennent d'être élus au Sénat.  C'est une première. "Nous allons faire souffler un vent frais dans cette assemblée endormie", annonce la présentatrice météo du parti, la fille à papa Le Pen (1). En fait de vent, à part l'odeur de renfermé et de moisi que dégage le parti qui rêve de la France de Pétain, les sénateurs risquent de ne pas sentir grand chose si les deux élus d'extrême droite travaillent autant que leurs collègues du Parlement européen, en particulier les Le Pen père et fille. Ils peuvent difficilement affirmer qu'ils y ont amené un souffle nouveau, puisqu'on ne les y voit quasiment pas (2).
Les deux heureux élus FN au Sénat sont tous deux maires, l'un de Fréjus, l'autre du 7e secteur de Marseille. "Après Steeve Briois, maire d'Hénin-Beaumont, devenu député européen, c'est deux nouveaux maires FN qui décrochent des mandats parlementaires, en contradiction avec le vote des députés FN à l'Assemblée début 2014 contre le cumul des mandats", écrit Libération (3). On voit par là qu'en matière de gouvernance le FN n'a aucune leçon à donner à ce qu'il appelle l'UMPS. Il a les mêmes pratiques et les ambitions personnelles y dépassent immédiatement les (vagues) principes. Les deux nouveaux sénateurs ont, on s'en doute, juré leurs grands dieux, lors des élections municipales de mars dernier, qu'ils allaient s'engager à 100% dans la gestion d'une ville qui en avait bien besoin. Six mois plus tard, les voilà cumulards comme tant d'autres. Leurs belles déclarations? Du vent!

(1) www.lalibre.be/actu/international/france-le-fn-entre-au-senat-la-droite-revendique-la-reconquete-54282a90357030e61042c556#media_1
(2) (re)lire sur ce blog "Cracher dans la soupe", 15 mai 2014, et "Chère Marine", 19 mai 2014.
(3) http://www.liberation.fr/politiques/2014/09/28/rachline-et-ravier-les-deux-elus-fn-au-senat_1110712

dimanche 28 septembre 2014

Le sens de la famille

Sauf erreur de ma part, la commune de Frameries (en Belgique) n'organise pas de fête médiévale. Et c'est bien normal: la commune boraine n'a pas besoin de faire un saut dans le passé, elle y vit. Si l'on suit la Libre Belgique (1), la famille Donfut a transformé cette commune en baronnie.
Didier Donfut devrait plaire aux anti-mariage pour tous en France: voilà un homme qui a le sens de la famille. Un papa, une maman, une sœur, un frère, un fils, il sait les respecter et les aider.
Il est président de l'Union socialiste communale de Frameries (USC), commune dont il a été bourgmestre de 1992 à 2004. Il est le fils de Jacques qui fut directeur de l'Intercommunale IDEA. En 2004, Didier devient ministre fédéral, puis ministre du gouvernement wallon en 2008. En 2009, il se retire de la liste du Ps pour les élections régionales, parce qu'il est soupçonné de conflit d'intérêts. Il est aujourd'hui poursuivi pour ces faits (2).
Le fils de Didier, Julien, préside le CPAS dont la directrice est sa tante, Fabienne, sœur de Didier. 
L'ex-mari de celle-ci est le directeur général (qu'on appelait auparavant secrétaire communal) de la commune. 
L'ex-épouse de l'ex-ministre (il faut suivre...), elle, dirige une institution dépendant du CPAS. 
Le gendre de Didier Donfut est conseiller communal et sera échevin à partir de janvier 2016. 
La compagne actuelle de Didier Donfut est la directrice générale d'une asbl qui fut financée par l'Intercommunale IGH alors présidée par Didier Donfut. 
Christophe, frère de Didier, a été un moment conseiller du CPAS, mais a démissionné parce que "ça faisait beaucoup de Donfut". Vraiment?
Allez savoir pourquoi, on se met à rêver de révolution. Qu'elle nous débarrasse de cette aristocratie bien peu noble.

(1) www.lalibre.be/actu/belgique/chez-les-donfut-le-mandat-public-va-de-pere-en-fils-et-plus-si-affinites-54243d8735708a6d4d5904a3
(2) http://www.rtl.be/info/belgique/politique/1127379/faux-en-ecriture-abus-de-confiance-l-ancien-ministre-wallon-didier-donfut-dans-la-tourmente

vendredi 26 septembre 2014

Un sauveur nous est donné

A quoi reconnaît-on un sauveur? A son sens du sacrifice et à sa vocation. Sa vie de couple ou de famille passe après sa mission. Lui seul peut aider sa commune, sa région, son pays (biffez l'éventuelle mention inutile) à s'en sortir. Il ne peut rester sans réagir face à la situation dramatique que vivent ses concitoyens. Il est poussé par une force irrépressible. En un mot comme en cent: il se donne.
Nicolas Sarkozy peut sauver la France. C'est son destin. Il l'a expliqué dans un (long) sketch sur France2 il y a quelques jours. Il a changé, dit-il. On ne peut le contester: il est devenu la caricature de sa caricature. Aujourd'hui plus qu'hier, il répond à des questions par d'autres questions. C'est le Socrate de la politique, le Monsieur Jourdain de la maïeutique. On sent qu'il a confiance en l'Homme, que pour lui chacun est capable de trouver la réponse aux questions simples qu'il pose.
Il a entamé sa "longue marche", dit-il. Le voilà en Mao Tse Toung menant son armée à la reconquête du pouvoir. Le voilà en Gandhi, en parangon de vertu et de simplicité.
Le problème énergétique a, pour lui, une solution: le gaz de schiste. Et tant pis s'il a lui-même interdit son exploitation, tant pis si celle-ci cause des dégâts considérables à l'environnement. Ce qui compte, c'est l'indépendance énergétique de la France. Le Sommet de l'ONU pour le Climat, qui vient de se terminer par un échec, fut l'occasion pour tous les scientifiques de la planète de publier des chiffres effrayants et de nous répéter, une fois de plus, que sans changement majeur de politique, nous allons droit dans le mur. Mais qu'importe pour Nicolas Sarkozy pourvu que ce soit lui qui nous y mène?

Post-scriptum: le retour du héros déchu ne suscite pas l'enthousiasme, c'est le moins qu'on puisse constater. Dans la presse étrangère, il n'apparaît pas comme l'homme providentiel.
"Si l'Histoire se répète comme une farce, écrit le journal italien Il Foglio, disons que là c'est bien parti. Avant de sauver la France, Nicolas Sarkozy doit se sauver lui-même, étant donné que les accusations qui pèsent sur lui tournent toutes autour du financement de l'UMP." (...) "La France vacille et n'a pas besoin d'un tel candidat", conclut le quotidien milanais (1).
"Les Français assistent au spectacle berlusconien du retour de (...) Nicolas Sarkozy", écrit le journal espagnol La Vanguardia. "Il dit être un homme neuf, mais bien malin qui peut faire la différence avec l'ancien: grandiloquence dans les annonces, vacuité dans les contenus." Le journal barcelonais constate qu'il n'a jusqu'à présent proposé aucune idée, aucun programme: "il ne s'est engagé sur rien de précis, se cantonnant à son rôle de victime injustement poursuivie par des juges qui enquêtent sur les multiples délits qu'il aurait commis." (...) "En somme, peu de politique, beaucoup de communication, et surtout des messages à la première personne du singulier." (...) Son retour ne suscite guère d'enthousiasme. Les Français gardent en mémoire ses gesticulations permanentes, sa tendance à privatiser la fonction présidentielle, ses méthodes dignes de Big Brother." (2)

(1) 20 septembre 2014, in Le Courrier international, 25 septembre 2014.
(2) 22 septembre 2014, in Le Courrier international, 25 septembre 2014.

A écouter à ce sujet:
la chronique de François Morel ce matin sur France Inter.
A voir:
http://www.lalibre.be/light/insolite/sarko-revient-l-interview-de-sarkozy-deja-parodiee-5423f13d35708a6d4d58ea1d
A lire:
http://rue89.nouvelobs.com/2014/09/19/retour-sarkozy-explique-a-hibernatus-254941

jeudi 25 septembre 2014

Le mal en soi

L'acte ignoble des jihadistes algériens qui ont décapité Hervé Gourdel les classe dans la part de l'homme qui le rapproche du rat: les hommes et les rats sont les deux seules espèces vivantes qui sont capables de mettre délibérément à mort un de leurs congénères, a écrit Raymond Aron (1).
Un peu partout, les musulmans se lèvent pour dire leur horreur, rejeter cette violence commise au nom de l'islam (2).
Certains esprits bien pensants en France estiment qu'ils n'ont pas à le faire, qu'on sait bien qu'il y a islam et islam et que leur demander de condamner le soi disant Etat islamique, c'est être islamophobe. Quel angélisme amène Rue89 à imaginer que tout le monde fait naturellement la part des choses? Il était légitime de demander aux responsables de l'église catholique de prendre leurs distances avec l'attitude du Vatican durant la seconde guerre mondiale. Il l'est tout autant de leur demander de condamner les actes pédophiles commis par certains de leurs prêtres. On a vu des communistes prendre clairement leurs distances avec les pratiques soviétiques, affirmer qu'ils ne se reconnaissaient pas dans ce communisme-là. Si demain, des crimes devaient être commis au nom de la défense de l'environnement, on espère que les écologistes les condamneront aussitôt. A quoi joue Rue89 en s'offensant et en multipliant à l'envi les comparaisons idiotes et inadaptées, à l'humour inapproprié? A l'autruche? C'est, au contraire, ne pas condamner cette vision violente et fasciste de l'islam qui alimentera cette islamophobie, qui poussera plus de jeunes encore vers le jihad.
Un peu partout en Europe, des musulmans, des mosquées se mobilisent pour dire leur condamnation de ces jihadistes.
Mais certains vont plus loin et osent l'autocritique (4): "nous ne pouvons pas nous contenter de rejeter le monstre islamiste comme extérieur à nous, disent certains penseurs, il faut encore penser les conditions qui ont rendu sa création possible, ici et maintenant, de l'intérieur même de l'islam". Il faut affronter la "part maudite" de la religion, estime le journaliste marocain Abdellah Tourabi. "Les idées de Daech ne sont pas venues de l'étranger, affirme son collègue algérien K. Selim (dans un article intitulé Le Daech est en nous). On fait du Daech quand on refuse la citoyenneté, quand on méprise le savoir, quand on entretient la détestation des femmes (...) des chiites et des autres". La féministe tunisienne Raja Ben Slama pense aussi que l'islam doit se regarder en face: "depuis son abolition en 1924, les musulmans fantasment le retour du califat. Daech est en fin de compte la réalisation d'un rêve qui tourne au cauchemar, où le sacré et le ridicule se tutoient d'une manière tragique. Ce n'est pas l'islam, et c'est en même temps l'islam, c'est une caricature". "Ce monstre est notre produit, estime l'intellectuel syrien Yassin al-Haj Saleh, on doit se demander où est la pensée islamique qui peut faire face à Daech."
Si toute cette folie meurtrière, dont sont en premier lieu victimes des musulmans, pouvait, au moins, amener cette autocritique et ce recadrage, tout le monde, musulmans et non musulmans, y gagnerait en respect et en confiance. Se mettre la tête dans le sable n'a jamais permis d'avancer.

Lire aussi, sur ce blog, "Vrai ou faux", 17 septembre 2014.

(1) dans Paix et guerre entre les nations, 1962 (cité par Paul Veyne, Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas, Albin Michel, 2014.
(2) www.liberation.fr/monde/2014/09/25/en-europe-des-voix-se-levent-contre-l-etat-islamique_1107463
www.liberation.fr/societe/2014/09/25/musulmans-de-france-il-faut-que-la-majorite-silencieuse-s-exprime_1108290
(3) http://apps.rue89.nouvelobs.com/2014/09/25/les-musulmans-pries-condamner-terroristes-quelle-folie-255074
(4) tous les extraits de ce paragraphe proviennent de l'article "C'est la religion qu'il faut réformer", Marie Lemonnier,  Le Nouvel Observateur, 18 septembre 2014.

A lire aussi:
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20140922.OBS9880/etat-islamique-le-bilan-comptable-des-massacres.html


mercredi 24 septembre 2014

O rage

Vu et entendu récemment à Vendôme.

Ils entrent sur cette terrasse de restaurant, lui en conquérant, les cheveux rejetés en arrière, le ventre et le double menton pointés vers l'avant, elle l'air dégouté que tant de gens soient déjà installés avant eux. Elle a les lèvres botoxées, les cheveux décolorés et sans doute les seins siliconés (mais cela, c'est de la médisance).
La patronne leur propose une table entre deux autres. "On ne va quand même pas se mettre au milieu des gens", dit-elle. Ils s'installent à l'écart. Une serveuse se propose d'ouvrir un grand parasol au-dessus de leur tête. Elle la fusille du regard, la chasse d'un geste. Moins de cinq minutes plus tard, il tombe des trombes d'eau. Il se précipite pour ouvrir le parasol. Toute la terrasse sourit, allez savoir pourquoi.

mercredi 17 septembre 2014

Vrai ou faux?

Les religions, c'est compliqué. Il y a ceux qui savent les interpréter et appliquer leurs règles et puis il y a ceux qui ne savent pas.
Les combattants du pseudo-Etat islamique - qu'on n'oserait qualifier de chiens car on n'a jamais vu des chiens se conduire de manière aussi peu humaine - se trompent sur toute la ligne. Ce n'est pas là "le vrai Islam", affirment de vrais musulmans.
"Chaque fois qu'un acte de haine est commis au nom de l'islam, écrit Hicham Bou Nassif (1), les réseaux sociaux sont inondés de commentaires rappelant que l'islam n'est pas responsable de ces actes. Mais, ajoute-t-il, une rapide lecture du Coran nous permet de savoir que penser de ces affirmations." Et de citer notamment les extraits suivants:
Combattez (les chrétiens et les juifs) jusqu'à ce qu'ils paient directement le tribut après s'être humiliés. (Coran, 9/29)
- Ne prenez pas les juifs et les chrétiens pour alliés. Ils sont alliés les uns des autres. Quiconque parmi vous les prend pour alliés sera des leurs. Dieu ne guide pas les traitres. (Coran, 5/51)
"Il suffit de lire le Coran, poursuit Hicham Bou Nassif, pour y trouver quantité de versets du même acabit. Les islamistes n'hésitent d'ailleurs pas à les citer pour justifier leurs actions. Cela signifie donc bien que les versets du Coran hostiles aux juifs et aux chrétiens ont un impact direct sur le comportement et la pensée des djihadistes. Les arguments selon lesquels l'islam ne serait pas responsable des atrocités commises en son nom ne sont tout simplement pas recevables." L'auteur de l'article appelle les musulmans à un examen de conscience, à une nouvelle interprétation des textes sacrés. "Et, conclut-il, l'accusation d'islamophobie ne devrait pas servir à bâillonner tous ceux pour qui le problème va bien au-delà de l'EIIL."

Dalal Al-Bizri mène la même réflexion (2): "Face aux abominations de Daech (EIIL), tout le monde s'est mis à clamer  que le vrai islam, ce n'est pas ça. A commencer par les hommes de religion traditionnels, alors même qu'au fond d'eux mêmes ils n'ont qu'une idée en tête, une idée qui a présidé à leur formation et qui est au cœur de leur métier: l'extension de la charia au-delà de son champ d'application actuel (...)". Il évoque les mouvements islamistes dits modérés qui prônent une approche graduelle "- en participant par exemple aux élections - pour avancer étape par étape vers le but ultime, qui est, là encore, l'établissement du califat et l'application de la charia, y compris les peines corporelles que l'on sait". Il rappelle que ce sont ces modérés qui se sont élevés  violemment - fatwas à l'appui - contre les caricatures de Mahomet et contre l'interdiction du niqab dans l'espace public. "Est-ce que l'islam est à la fois religion et Etat, demande-t-il. Si la réponse n'est pas un oui sans restrictions, alors quelle est précisément la place de la religion dans l'Etat? (...) Peut-on imiter aujourd'hui la vie du Prophète et de ses compagnons telle que nous l'imaginons? C'est-à-dire en rétablissant la servitude, les lapidations, les exécutions systématiques, l'expansion indéfinie du territoire et l'abolition des frontières?"
Quel serait donc finalement, quel ce vrai islam, si celui du pseudo EIIL ne l'est pas?

Est-ce celui de ces imams marocains et autres qui violent, quasi impunément, les élèves des écoles coraniques (3)? 
Est-ce celui de ces barbus marocains qui ont flagellé, en pleine rue, un homme parce qu'il était ivre (4)? Pas ivre des paroles de Dieu, non ivre d'alcool, au retour d'un mariage. Ils lui ont infligé 80 coups de fouet, punition recommandée, selon eux, par le prophète. L'homme a porté plainte et ses agresseurs arrêtés, mais dans ce pays dirigé par le Commandeur des Croyants, on voit que religion et Etat se confondent et que la liberté et la laïcité ne sont pas à l'ordre du jour.

"Sur quelle base interdire aux terroristes de l'Etat islamique de se revendiquer musulmans?, demande Charb (5). Qui décide qui est musulman ou non? Est musulman celui qui est soumis à Dieu. Mais qui décide si la façon dont il se soumet est la bonne? (...) Les djihadistes de l'Etat islamique décapitent leur victimes avec un couteau en tranchant d'abord la gorge. Les bourreaux de la justice saoudienne, eux, utilisent un sabre qu'ils abattent sur la nuque. (...) Non, il ne faut que l'opinion puisse confondre les salauds de l'Etat islamique et les Saoud de l'Etat islamique qui vont nous aider à tuer les premiers."

On ne le dira jamais assez: les religions, c'est compliqué.


(1) L'islam est-il innocent?, in Now (Beyrouth), 24 juillet 2014 (publié dans le Courrier international du 21 août 2014).
(2) L'hypocrisie des "modérés", in Al-Modon (Beyrouth), 14 août 2014 (publié dans le Courrier international du 21 août 2014).
(3) Saint Viol en maison d'Allah, Zineb El Rhazoui, Charlie Hebdo, 10 septembre 2014.
(4) Le fouet à deux heures de Paris, Zineb El Rhazoui, Charlie Hebdo, 3 septembre 2014.
(5) Il y a islam et islam, Charlie Hebdo, 17 septembre 2014.

samedi 13 septembre 2014

Reculez de trois cases

Vous l'entendez ce bruit de fond qui grossit? On n'arrive plus à se parler. Ce tintamarre, c'est le retour de l'homme providentiel, celui qui traîne derrière lui plus de casseroles qu'un couple de jeunes mariés. Le président Sarko est annoncé, le plus beau, celui qu'il vous faut, celui qui marche sur l'eau. Maximum de blabla, minimum d'efficacité (1), le Messie arrive. Alleluiah!
Soyez patients. Il a la démarche lente de ceux qui en ont, mais il arrive, il est en marche. La France entière l'attend. Sans lui, point de salut. Gloire à lui.

Lire: http://rue89.nouvelobs.com/2014/09/13/vivement-sarkozy-254825

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/President_Rosko

jeudi 11 septembre 2014

Poubelle

Réflexion faite, je suis assez content de ne pas avoir partagé ma vie avec une journaliste de Paris Match. Elle aurait écrit dans un livre que dès notre premier rendez-vous je buvais - déjà - un verre de vin blanc, que je n'hésite pas à chanter du Jo Dassin quand je tonds ma pelouse et qu'à la télé je ne regarde que Derrick sur de vieilles cassettes vhs (1).
Des libraires en traitent d'autres de censeurs parce qu'ils refusent de vendre le livre de Valérie Trierweiler. Ils n'ont pas compris que ceux-ci font la différence entre librairie et maison de la presse. Le livre en question n'est qu'une édition spéciale de Paris Match. Les libraires énervés affirment que leur commerce "n'a pas vocation à être la machine à laver le linge sale de Madame Trierweiler" (2).
Qu'une femme, considérée comme "première dame de France", soit blessée d'avoir été trompée et humiliée publiquement, se comprend aisément. Mais la vengeance froide à laquelle elle procède avec ce livre est d'autant plus écœurante qu'elle ajoute un peu plus de discrédit au politique et fait, en cette période sensible, le jeu de l'extrême droite et des populistes. Les politiques, à commencer par le président de la République, sont tous des salauds. Et les très nombreux lecteurs (record de vente battu) des voyeurs. Le livre en question n'est qu'une version, même pas plus classe, d'émissions du style Loft.
Une majorité de Français, heureusement, désapprouve cette littérature de caniveau (3).
Finalement, les seuls qui s'en sortent la tête haute sont ces libraires "censeurs" qui refusent de faire leur beurre avec de la boue.

A propos de l'indiscrétion à laquelle s'adonne et nous convie Valérie Trierweiler, ces lignes de Voltaire:
Mais croyez qu'en ce lieu tout rempli d'injustices,
Il n'est point de vertu, qui rachète les vices,
Qu'on cite nos défauts en toute occasion, 
Que le pire de tous est l'indiscrétion,
Et qu'à la cour, mon fils, l'art le plus nécessaire
N'est pas de bien parler, mais de savoir se taire.
(...)
Cachez vos sentiments, et même votre esprit,
Surtout de vos secrets soyez toujours le maître;
Qui dit celui d'autrui doit passer pour un traître,
Qui dit le sien, mon fils, passe ici pour un sot.
Voltaire, "L'Indiscret", comédie (4).

Lire aussi: http://bescherelletamere.fr/fautes-livre-trierweiler-merci-pour-ce-moment/
Et encore:
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2014/09/13/merci-moment-xavier-libraire-dit-non-a-trierweiler-oui-a-soral-254826

(1) voir "Ne le lisez pas, Charlie l'a fait pour vous", Riss, Charlie Hebdo, 10 septembre 2014.
(2) www.lesoir.be/647323/article/actualite/france/2014-09-06/enerves-des-libraires-refusent-vendre-livre-valerie-trierweiler
(3) www.lalibre.be/light/societe/livre-de-trierweiler-qu-en-pensent-les-francais-54109ebe357030e6103ef792
(4) in "Voltaire, œuvres d'humour", éditions Omnibus, 2013.

vendredi 5 septembre 2014

Le poids des mots

La France fait tout pour se décrédibiliser, estime un journaliste allemand (1). Les Français souffrent d'hypocondrie dans un pays qui va mieux qu'il ne le pense, affirme un journaliste américain (2). Rien ne fonctionne, tout va mal, disent en chœur tant de Français. Qui se jettent avec avidité sur le livre de vengeance de l'ex-compagne du président. La France sent l'égout, écrivais-je. Se mêle maintenant à ces remugles l'odeur du linge sale déballé en public par la journaliste de Paris Match. Il semble que tant de gens aient perdu la tête.
Le PS semble oublier, un peu plus chaque jour, le programme sur lequel il a été élu et ses représentants ne cessent de se quereller et d'accumuler les problèmes. La droite, elle, siffle le même air que l'extrême droite. Résultat: la fille à papa Le Pen arrive en tête des sondages. Si les Français devaient aujourd'hui se choisir un nouveau président de la république, elle l'emporterait largement au premier tour. Comment et pourquoi le parti de la famille Le Pen parvient-il ainsi à apparaître comme une alternative crédible? Pourquoi tant de Français sont-ils prêts à voter pour un parti d'extrême droite? Bêtise, naïveté, cynisme? Car il s'agit bien d'extrême droite, quoi que dise la fille à papa Le Pen. "Le FN est un parti fasciste, au sens le plus précis du terme, écrit Paul Klein dans Charlie Hebdo (4). Zeev Sternhell, un des plus grands historiens de notre temps, qui étudie depuis plus de quarante ans le fascisme français, de ses origines (des années 1880) à nos jours, le rappelle dans un magnifique livre d'entretiens", dit-il: (5). "Le principe de l'imperméabilité des cultures, écrit Sternhell, constitue un élément fondamental de l'identité d'une nation conçue comme un organisme vivant; telle est l'idée qui se dissimule derrière le 'ni droite ni gauche' du FN. (...) La présence de l'ennemi intérieur est une nécessité de méthode. Après "le Juif", "aujourd'hui, (...) c'est plutôt l'Arabe, ou le musulman, qui constitue l'anti-moi. Cependant, le vieil antisémitisme réapparaît, ce qui nous apprend que racisme, xénophobie, antisémitisme sont rarement séparables."
Si la fille à papa Le Pen apprécie qu'on la compare à Jeanne d'Arc, c'est bien parce cette dernière a bouté l'étranger dehors. Si elle n'avait pas le même objectif, elle se défendrait de cette allusion qui la flatte.
Aujourd'hui, la réincarnation de la Pucelle se tait. On ne l'entend plus depuis des semaines. Elle sait qu'elle a tout intérêt à rester muette. L'incapacité du président Hollande et de son gouvernement, les tensions au sein du PS, les discours excessifs et haineux de l'UMP, la culture grognonne qui s'est emparée de la France parlent pour elle. Elle a réussi sa grande œuvre de dédiabolisation: les journalistes viennent maintenant lui manger dans la main. Le Monde titrait en une, annonçant son interview: Marine Le Pen détaille au Monde sa stratégie de conquête du pouvoir. Et le Nouvel Obs publiait les "confidences" de papa Le Pen, seigneur de Montretout (4).
Le FN a la gueule grande ouverte. Le prédateur sait être patient.

(1) Arte Journal, 5 septembre 2014, 19h45.
(2) Libération, 29 août 2014.
(3) www.lalibre.be/actu/international/marine-le-pen-serait-en-tete-au-premier-tour-de-la-presidentielle-5409accf35708a6d4d53c51e
(4) 27 août 2014.
(5) Zeev Sternhell, Histoire et Lumières. Changer le monde par la raison, Albin Michel, 2014.

mercredi 3 septembre 2014

Lumière(s)!

On pouvait penser que c'étaient juste des névrosés, des culs serrés, des gens qui vivent mal leur corps, des réacs un peu barges et voilà qu'on découvre, de plus en plus, que tous ces anti-mariage homo, ces opposants aux ABC de l'égalité, ces obscurantistes maladivement attachés à leur drapeau, leurs origines  et leurs habitudes sont aussi racistes, sexistes, homophobes et on en passe. Certains donnent aujourd'hui allègrement dans l'abjection.
La nomination de Najat Vallaud-Belkacem comme Ministre de l'Education leur fait perdre définitivement ce qui leur restait de dignité. Le magazine d'extrême droite Minute - ce n'est pas une surprise - parle de cette nomination comme d'une "provocation", à cause des origines de cette franco-marocaine. Et le magazine d'extrême libéralisme "Valeurs actuelles" la traite d' "ayatollah" (1). 
Les élus de droite ne sont pas en reste: parmi d'autres, citons (2)
- l'ineffable Christine Boutin qui parle elle aussi de "provocation non tolérable";
- Eric Ciotti qui présente NVB comme "la porte-parole d'une idéologie dangereuse";
- ou encore un autre député UMP qui a publié un message (3) dans lequel il s'interroge, affichant une photo de la jeune ministre en mini-jupe: "quels atouts NVB a utilisé (sic) pour convaincre Hollande de la nommer à un grand ministère?".
Le Ministère de l'Education nationale a publié lundi dernier sur Facebook "une photo a priori anodine: huit enfants d'une école parisienne assis les uns à côté des autres, dont plusieurs issus de la diversité" (4). C'est la photo qu'il ne fallait pas publier, celle d'une réalité que ces staliniens de droite ne peuvent ni ne veulent voir. Ils se déchaînent sur Internet: où est la France blanche, où sont les "Français de souche"?
Sur Inter(peu)net toujours, une rumeur circule: la jeune Ministre aurait changé son nom pour pouvoir faire une carrière politique et s'appellerait en réalité Claudine Dupont. Une reproduction d'une fausse carte d'identité en témoigne. On en rirait, tant l'argument est stupide, si ces délires ne témoignaient de ce racisme libéré qui gangrène la France. Et qui démontre que toutes ces personnes et ces partis qui participent à cette campagne raciste et sexiste de dénigrement (tout comme celle qui a attaqué la Garde des Sceaux Christiane Taubira) ne sont pas républicains. Si on peut les qualifier de réacs abjects, on ne les qualifiera pas d'égalitaires, ni de fraternels. De la devise de la France, il n'ont gardé que la première valeur: la liberté. Celle de cracher. Et visiblement, ils ont mauvaise haleine. La France sent l'égout. 



(3) www.lalibre.be/actu/international/najat-vallaud-belkacem-victime-d-un-tweet-sexiste-d-un-elu-ump-54042a6a35708a6d4d52bf18
(4) la Nouvelle République, 1er septembre 2014.

lundi 1 septembre 2014

Des gens admirables

Heureusement, oui heureusement qu'il existe encore des hommes politiques comme lui, qui ont le sens du sacrifice, qui choisisse le bien commun avant leur vie privée. Le marquis de Motte est maintenant ministre-président de la Communauté française (qu'on-ne-peut-plus-appeler-comme-cela-quoi-qu'en- dise-la-Constitution), mais sans attribution, sans compétence. Bref, un titre un peu ronflant, mais un portefeuille vide. N'aurait-il pas préféré s'occuper vraiment de la ville dont il est bourgmestre empêché de titre (1)?  C'est mal le connaître. "Après quinze années de vie ministérielle, dit-il, j'aurais sans doute pu trouver une vie familiale un peu plus confortable. Mais l'intérêt de Tournai comme de la Wallonie picarde, c'est de conserver ses relais..." (2) Il y croit profondément: "j'ai cherché l'intérêt politique. Pas l'intérêt personnel: il aurait été beaucoup plus simple et confortable, pour moi et ma famille, d'être juste député-bourgmestre de Tournai. " On apprécie le "juste député-bourgmestre", une double fonction à la portée du premier benêt et qui serait en effet indigne de l'empereur de Rudiland.
"Dans les heures difficiles que nous vivons, dit-il encore, avec la montée du nationalisme en Flandre, c'est le moment de rester sur le pont. Et pas dans un transat sur la plage." (2) Faut-il comprendre que son siège de bourgmestre serait comparable à un transat à Tournai-les-Bains, que l'occuper demanderait la même énergie?
Le marquis préfère donc être "ministre des pots de fleurs" (3), ce qui l'empêche - officiellement - d'exercer la fonction de bourgmestre. Dans les faits, il en va tout autrement. Il est au four et au moulin. Il y a les règles d'un côté et leur application de l'autre. Elles sont faites pour d'autres que lui. Lesquels? Pas son collègue de la Région wallonne Paul Magnette qui, tout ministre-président qu'il est, entend bien rester maïeur de Charleroi. Ni le ministre wallon Maxime Prévot qui reste à la tête de Namur. Ces deux-là avaient juré leurs grands dieux, lors des dernières élections communales, qu'ils se consacreraient totalement à leur mandat de bourgmestre. Mais les sirènes ministérielles les ont alpagués. A leur corps défendant.
Rudy Ier a de grandes ambitions pour sa ville: "ma toute grande priorité, c'est la gestion du quotidien", affirme-t-il (2). On voit par là qu'on n'a pas affaire à un visionnaire. Mais on lui pardonne: il est ministre-président, un relais. On ne peut être au four et au moulin.
Voilà pourqwé nos s'tons fîrs d'iess wallon.

(1) ou quelque chose d'approchant... On se perd entre le titre officiel et ce qu'il faut dire, ce qu'on ne peut pas dire, ce qui est politiquement plus correct. C'est compliqué.
(2) L'Avenir, 30 août 2014.
(3) l'expression est de Jean-Luc Crucke (Sudpresse, 23 juillet 2014).

(Re)lire sur ce blog: "Abonnés à Cumul+", 28 octobre 2011.