mercredi 30 novembre 2011

Pathologies partagées

Il passe en trombe devant l'école, frôlant des étudiants qui ont le malheur de converser sur la voirie, à deux pas (pas plus) du minuscule trottoir. L'un d'eux lui fait signe de se calmer. Il fait marche arrière, sort comme un furieux de sa voiture et empoigne un des étudiants. Il en a assez de ces bougnoules, dit-il, sans que personne ne comprenne de qui il parle ni pourquoi il se met dans un tel état, qui apparaît second. Ou pire. Sa femme n'est pas en reste. Se montre aussi menaçante. D'ailleurs, elle a déjà agressé précédemment à coups de parapluie une étudiante qui avait le toupet de rire dans la rue et en plus de ne pas avoir la peau claire. Ce qui lui est insupportable. L'étudiante a dû se faire soigner à l'hôpital.
Le lendemain, il revient à l'école, s'en prend à la secrétaire. Un de ces jours, assure-t-il, il jouera aux quilles avec ces étudiants qui ont le culot de stationner sur la rue. Et tous ces bougnoules, ces Arabes, ces Français feraient bien de rester chez eux, plutôt que de profiter de l'argent des Belges.
Le policier qui enregistre la plainte pour menace et racisme se montre compréhensif. A son égard: si les étudiants gênent le passage, il y a de quoi s'énerver, estime-t-il.
On voit par là que la haine et la connerie ordinaires ont de beaux jours devant eux.

lundi 28 novembre 2011

Livre ou verre

L'image est devenue récurrente. On pourrait la croire d'Epinal, ne serait l'époque. Elle n'en est pas moins idiote. Voulez-vous montrer à la télévision que telle personne interviewée, sociologue, politologue, psychologue ou quelque métier en logue, a écrit un livre? Montrez-la lisant son propre livre. Ce qui n'a évidemment aucun sens. Ce qui sent la mise en scène sans idée. Les auteurs de livres passent-ils leur temps à lire leurs propres livres? On leur conseillerait d'en lire d'autres. Pour s'ouvrir l'esprit, par exemple. On voit par là que certains réalisateurs et/ou journalistes devraient ouvrir le leur.

Le livre électronique va tenter son entrée en force sous le sapin de Noël cette année, nous dit-on (1). Certains lecteurs font de la résistance, ils préfèrent le papier. On les rejoint. Lire un livre sur écran, c'est comme boire du vin dans un gobelet en plastique. Où est le plaisir? Sauf si c'est une piquette. D'ailleurs, l'auteur interviewé était justement Marc Lévy. Il disait que l'important, c'est de lire. Oui, mais avec plaisir, lui répète-t--on, et pour découvrir des saveurs sans précédent (comme dit Jean-Claude Pirotte).

(1) JT de France 2, 28 novembre 2011

dimanche 27 novembre 2011

Propos de comptoir

"On ne peut pas retourner à l'époque de la bougie." C'est là l'argument choc qu'a trouvé le président Sarkozy pour défendre le secteur nucléaire, légèrement menacé par la gauche. C'est réjouissant: on se dit que Jean-Marie Happart aurait pu être président de la république française, lui qui maniait le même type d'arguments au cours du débat sur la sortie du nucléaire au Sénat belge en 2002. Hors le nucléaire, il n'y aurait donc que la bougie. Peut-on se permettre de suggérer au président français qu'il devrait s'informer quelque peu? Le soleil, le vent, l'eau, la biomasse permettent aujourd'hui de produire de l'énergie, via des techniques performantes et de plus en plus fines. Si le nucléaire devait être démantelé, "c'est l'indépendance énergétique de notre pays qui est menacée", a déclaré un député UMP (1). On ignorait que la France produisait de l'uranium et qu'elle ne pouvait disposer de vent, ni de soleil, ni d'eau, ni de biomasse. Le président Sarkozy affirme aussi que personne en France ne réclame la fin du nucléaire. On ne connaît pas l'avis de l'opinion publique française sur la question, mais un récent sondage (2) fait apparaître que 66% des Belges "se déclarent favorables à la fermeture des trois plus anciens réacteurs nucléaires du pays en 2015". On doute que les Français soient plus aveugles et confiants que les Belges. Argument ultime du président français: la fin du nucléaire signifierait la disparition de 400.000 emplois. Peut-on, une fois encore, suggérer au président (mais on sait qu'il est très occupé et n'a pas que cela à faire) de s'informer? Le développement des énergies vertes en Allemagne a généré 700.000 emplois nouveaux. Mais la vraie question, c'est "y aura-t-il de la neige pour Noël?" (1). Il n'y en a pas pour l'instant dans la station la plus élevée d'Europe, celle de Val Thorens. Sinon une maigre neige produite par des canons artificiels. On comprend par là que le nucléaire est indispensable. Veut-on mettre fin à la pratique du ski? Hein, c'est ça qu'on veut? Résumons-nous: la neige est artificielle, la bêtise est culturelle. Quant à la nature, elle fera ce qu'elle pourra. 

P.S.: nucléaire et bougie ne sont pas opposés, on peut avoir les deux en même temps. Les Japonais peuvent en témoigner. Voir "Nucléaire? Décidément, non merci!", billet du 19 juin 2011.
(1) JT France 2, 26 novembre 2011
(2) sondage commandé par Greenpeace, voir LLB, 26 novembre 2011

vendredi 25 novembre 2011

Schizophrénie

Régulièrement, les bourgmestres de ce qu'il faut (1) maintenant appeler la Wallonie picarde se réunissent. Sous la présidence de celui d'entre eux qui n'est plus bourgmestre (2), à savoir Rudy Demotte, petit père de cette même Wapi chérie (3). Ce fut encore le cas ce samedi 19 novembre. Ces maïeurs ont décidé d'envoyer au Gouvernement wallon une note dans laquelle ils contestent le rôle qu'ils doivent jouer en matière foncière dans le cadre de la définition des noyaux d'habitat telle qu'adoptée en septembre par le Gouvernement wallon (4). Rudy Demotte est d'accord avec eux, il les soutient. Il va donc, en tant que ministre-président de la Région wallonne, recevoir la lettre qu'il s'écrira à lui-même. Dans laquelle il pourra lire qu'il n'est pas d'accord avec ce qu'il a décidé. S'il la lit en réunion de gouvernement, sera-t-il d'accord avec la position de celui-ci ou avec celle de ses presque collègues bourgmestres de la Wapi chérie? On voit par là que le cumul des mandats conduit à des déchirements. Mais aussi que les contradictions n'ont jamais tué personne. On veut bien prendre les paris.

(1) sous peine de se faire rappeler à l'ordre, par courrier, par Rudy De Eerste lui-même.
(2) même s'il joue, avec l'aide de la presse d'ailleurs, à celui qui l'est à nouveau: exemple parmi d'autres, suite aux violences nocturnes à Tournai, Nord Eclair s'empresse d'interroger sur cette question Rudy Demotte, qui n'est - que l'on sache - ni bourgmestre de Tournai, ni membre du Conseil communal, ni commissaire de poice, ni Ministre de l'Intérieur.
(3) désormais, c'est l'appellation choisie et retenue ici-même pour désigner cette région que la terre entière nous envie.
(4) LLB, 21 novembre 2011

jeudi 24 novembre 2011

Le maître des marionnettes

Mais qui donc gouverne le monde? On se le demande. Il y a quelques années encore, on pensait bien que c'était l'OMC. Elle voulait tout déréguler, tout confier au privé. Aujourd'hui, on n'entend plus parler d'elle. Elle s'est démultipliée, déguisée en agences de notation. Elles s'amusent. Elles menacent de diminuer la note d'un pays. Un jour celui-ci, l'autre celui-là. Les dirigeants de ces pays sont comme des écoliers face à l'instituteur qui les menace de redoublement. Ils se mettent à trembler. Certains se font renverser et remplacer par des experts. Des spécialistes financiers, non élus, qui n'ont pas de compte à rendre à la démocratie.
Les agences de notation et les marchés mènent la danse. Même si personne ne sait qui sont les marchés. Les libéraux, eux-mêmes, ne peuvent répondre à la question. Ces agences et ces marchés jouent le même rôle que celui que joue le FMI vis-à-vis de tant de pays du sud: ils les contraignent à des mesures fortes et forcées, à des diminutions des dépenses publiques. Les gouvernements promettent que l'économie hypercapitaliste tournera mieux. Ils veulent mettre toutes les classes sociales à contribution, mais pas trop celles qui ont beaucoup d'argent et dominent cette même économie. Les marchés ne sont pas fous. Ce sont juste des vampires, ils ont besoin de sang frais, de sacrifices. Même humains. "Nous sommes dominés par un socle de croyances et de crédulités conduisant à penser que, face à ces nouveaux dieux courroucés que sont les marchés financiers, nous n'avons d'autres choix que les rassurer avec des sacrifices! Et des sacrifices humains. Chaque annonce d'un plan d'austérité implique plus de chômage, moins d'infirmières, moins d'éducation", constate Patrick Viveret, philosophe et conseiller honoraire à la Cour des Comptes en France (1). La cotation en bourse des entreprises fonctionne de la même manière: elle remonte à la moindre annonce d'un plan social. Par lequel il faut entendre plan antisocial. Les budgets des Etats explosent et la droite (et souvent ce qui reste de gauche molle) ne voit comme solution que sabrage dans les dépenses publiques. Les entreprises et les gros revenus sont des vaches sacrées. Qui ont de sacrés moyens. Voilà qu'on apprend que les lobbyistes américains liés aux banques ont débloqué un budget de huit cent cinquante mille dollars (850.000) pour s'attaquer au mouvement Occupy Wall Street (2). Donnant ainsi raison à ce mouvement et à tous ceux qui pensent qu'il faut prendre l'argent là où il est. On voit par là que les motifs d'indignation s'accumulent.

(1) Mediapart, 14 novembre 2011
(2) LLB, 21 novembre 2011

mardi 22 novembre 2011

Qui aime bien le vin est de bonne nature *

Qui souffre d'allergie boira un verre de Médoc. Quatre, s'il souffre de dépression nerveuse.
Qui veut célébrer le vin ira voir le blog cousin: http://duorond. blogspot.com

* Olivier Basselin (XVe siècle)

lundi 21 novembre 2011

Dégraissage


Vers midi, il y avait des milliers de personnes pour le marché aux puces organisé ce dimanche brumeux de novembre dans ce village du Pas de Calais. Et des dizaines de milliers d'objets à vendre.
Dans l'après-midi, chacun était rentré se mettre au chaud. Traînaient, ici ou là, quelques pièces abandonnées. Parmi celles-ci, dans le caniveau, une carte de Grèce, vieille, déchirée, miteuse. Au verso, une carte de l'Italie.
On nous dit que ces deux pays vont mal. On en a trouvé la preuve à Bouvigny-Boyeffles.


lundi 14 novembre 2011

Intelligence humaine

Le JT de la RTBF (1) nous fait connaître une école pas comme les autres. L'IMCE d'Erquelinnes forme des jeunes aux métiers de la construction et de l'environnement. La majorité d'entre eux, si pas tous, sont en décrochage scolaire. Certains n'ont même jamais accroché à l'école, ont été expulsés de plusieurs établissements. D'autres sont passés par des IPPJ. Au total, 220 élèves qui n'ont pas trouvé leur place dans l'enseignement qu'on dit ordinaire et qu'on a classés dans les tiroirs "caractériels", "indisciplinés, "démotivés" ou "à problèmes".
On se souvient de ces amis enseignants qui nous disaient constater au quotidien combien le système scolaire n'est pas conçu pour les élèves, mais pour les profs. Ici, à Erquelinnes, l'offre scolaire est souple, elle part des besoins du jeune. "Nous adaptons notre structure à la progression du jeune", explique Christophe Quittelier, directeur de l'école (2).
Ces élèves difficiles n'avaient pas la possibilité d'intégrer une formation en alternance. Ici, ils l'ont enfin. L'école ne travaille pas seulement sur les connaissances et les compétences techniques, mais aussi - et parfois surtout - sur les compétences sociales de base, les règles de vie. Elle travaille aussi sur le projet personnel du jeune, sur la reconstruction de sa parole. "Le système scolaire promeut l'apprentissage du silence, estime Christophe Quittelier. Ici, nous avons développé des sas d'écoute qui permettent aux jeunes de réapprendre à parler." (2) Pour le directeur, le but principal de l'école est de permettre aux jeunes de répondre aux questions essentielles: qui suis-je? que veux-je faire de ma vie?
"Je ne suis plus violent comme je l'étais avant, maintenant j'ai changé", dit avec un regard convaincu un futur maçon. (1) Même s'il n'est que de 50% dans les sections horticulture et bois, le taux d'intégration professionnelle est de 80% en construction et en soudure.
On voit par là qu'on peut croire en l'homme et en son intelligence. C'est juste une question de voie. Et de confiance.

(1) 13 novembre 2011, 19h30
(2) Le Soir, 2 juin 2010

Bêtise humaine

La rubrique "Inventaires" de l'émission d'Arte Karambolage nous montre des images de scènes de la vie quotidienne, tournées les unes en France, les autres en Allemagne. Elles font apparaître les différences entre les deux pays. Ou leur absence. Dans l'émission d'hier, il n'y a aucune différence entre cantonniers français et cantonniers allemands. Tous soufflent des feuilles mortes avec un engin vrombissant. D'habitude, les images se passent de commentaire. Cette fois, la journaliste n'a pu s'en empêcher: "que raconte cette séquence?", demande-t-elle. "Que l'automne est devenu la saison la plus bruyante et la plus polluante, dit-elle. Et que la bêtise humaine est universelle." On ne pourrait lui donner tort.
Ces derniers temps nous apparaissent quelques signes de cette bêtise. C'est assez rare que pour être signalé.
Il y eut les incendiaires de Charlie Hebdo qui, agissant de la sorte, donnent raison à ceux qui pensent qu'il faut combattre fermement les ennemis de la liberté d'expression et de la démocratie.
Il y a, plus près de nous, à Liège, des jeunes qui manifestent pour protester contre la mort d'un jeune voleur abattu par le bijoutier qu'il agressait. Si on peut partager leur tristesse, on a du mal à comprendre que leur colère se retourne contre les habitants de ce quartier populaire dont ils vandalisent les voitures.
Il y a, plus près encore, ces autres jeunes qui, apprenant que les cafés tournaisiens devront désormais fermer leurs portes plus tôt, suite à des bagarres générales et violentes, dégradent le centre ville. Donnant ainsi raison aux autorités locales.
La bêtise est très humaine. On pourrait presque croire qu'elle est le propre de l'homme. Heureusement, il manifeste, ici et là, quand il en a l'opportunité, des signes d'intelligence.

vendredi 11 novembre 2011

Pour un dialoog

Une circonscription fédérale, qui permettrait aux électeurs de l'ensemble du pays de voter pour des candidats de l'autre côté de la frontière linguistique, voilà une idée qui semble tomber sous le sens. Mais qui n'a pas l'heur de plaire à certains partis qui négocient la réforme de l'Etat et l'ont rejetée. Les candidats de cette circonscription seraient obligés de s'adresser aussi aux électeurs de l'autre communauté. De sortir des clichés, de la surenchère. Actuellement, chacun parle aux siens, ne doit convaincre qu'eux, quitte à grossir le trait sur ceux d'en face, quitte à user de simplisme, de slogans, d'analyses sommaires.
Un couple mixte, formé d'un Flamand et d'une Wallonne, a pris l'initiative de lancer une pétition en faveur de cette circonscription fédérale. On la trouve sur le site www.be4democracy.be
On peut la signer, pour que ce qui semble tomber sous le sens en prenne. Et que ce pays cesse de se regarder de part et d'autre d'un rideau de fiers.

jeudi 10 novembre 2011

Chiffonnade de prophète

Vu hier soir à Ter Zake: un journaliste de la VRT se promène dans un quartier de Paris où vit une forte proportion d'habitants d'origine maghrébine. Il achète le numéro de Charlie de cette semaine, mais aussi celui de la semaine dernière: Charia Hebdo. Il se promène avec ce numéro sous le bras sans provoquer aucune réaction. Pour en susciter, le voilà obligé d'interpeller les passants en leur demandant leur avis sur le dessin de couverture. Un homme le découvre, il trouve que "ils ne devraient pas". Un autre, plus jeune, s'empare du journal, le chiffonne, le jette et s'en va en disant que "c'est pas bien". On nous disait qu'on n'a pas le droit de dessiner le prophète, mais apparemment, on a le droit de le chiffonner. On comprend par là que les règles sont complexes.
Ceci dit, Charlie Hebdo est donc, fort heureusement, sorti hier, comme chaque mercredi. "Même pas mal", dit Charb dans son édito. Dans lequel il a une pensée "pour les musulmans, qui sont les premières victimes de cet incendie. Il faut s'attendre à ce que cette agression soit instrumentalisée par l'extrême droite pour jeter le discrédit sur tous les musulmans". Il évoque la possibilité que l'attaque vienne des fachos, mais constate que le site internet de C.H. est piraté depuis l'étranger au nom de l'islam, que les menaces de mort viennent de l'étranger au nom de l'islam. "Les candidats assassins font de l'islam un paillasson sur lequel les fachos adorent s'essuyer les pieds", dit-il.
Les messages de soutien à Charlie sont légion, venus de tous les coins de France, mais aussi de Tunisie, du Maroc. Ils sont indignés, révoltés, vivants, souvent drôles. Zineb El Rhazoui s'est baladé sur les sites internet islamistes qui appellent au châtiment, suprême ou inférieur, contre Charlie et ses auteurs. Un véritable festival de la bêtise. On se rend alors compte que les intégristes et ceux qui les défendent ont beaucoup d'humour, différent de celui de Charlie certes, et qui leur échappe un peu, mais on rit beaucoup. Par exemple de ce site qui précise que "Charlie aurait honteusement menti en prétendant que Mahomet aurait accepté d'être rédacteur en chef de son édition spéciale Charia". On voit par là que ce site tient ses informations de très haut.
Charlie Hedo est bien vivant et fait du bien. Achetons-le. Abonnons-nous.

mardi 8 novembre 2011

Encore un modèle qui s'effondre

On nous dit que le modèle d'Ennahda, le parti islamiste tunisien, serait l'AKP, le parti du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Qu'il s'agirait là d'un islamisme modéré.
Pas plus que d'autres (voir "Modérons-nous", en date du 3 novembre), Martine Gozlan, reporter à Marianne, ne croit en cette modération: "je ne crois absolument pas à l'islamisme modéré, explique-t-elle dans une interview publiée dans "L'Avenir" (1), parce que l'islamisme en soi est déjà un excès puisqu'il se rend coupable d'un hold-up sur une religion. Ici, c'est le hold-up de la religion par le politique."
Martine Gozlan a analysé le pseudo modèle turc dans un livre: "L'imposture turque" (2). Elle explique avoir voulu dénoncer une triple imposture: démocratique, laïque et géopolitique. "Le premier ministre Erdogan a réussi à mettre les médias sous coupe réglée. Plus de soixante journalistes sont emprisonnés, sans compter les arrestations d'intellectuels", affirme-t-elle, précisant que "ses fils, son gendre, ont acquis la plupart des grands groupes de presse turcs". Elle estime que l'obscurantisme gagne la Turquie, où de plus en plus de femmes sont voilées ou incitées à se voiler, où des galeries d'art sont attaquées, où les théories antidarwinistes ont de plus en plus de succès. Selon elle, "il est clair que, d'amendement en amendement (de la constitution), la Turquie se dirige vers une réappropriation de l'espace constitutionnel par les lois divines".
En Tunisie, les islamistes se veulent rassurants: ils sont - eux aussi - modérés. N'empêche que "les guerriers de l'inquisition" (comme les appelle Zineb El Rhazoui dans Charlie Hebdo) (3) ont attaqué directement le directeur de la chaîne de télé qui avait eu l'audace de programmer "Persepolis" de Marjane Satrapi. Jusqu'à menacer de violer sa femme de ménage. Ce qui indique l'attention que les islamistes portent aux femmes, en particulier celles qui sont au bas de l'échelle sociale. Le mouvement Aatakni (Lâche-moi, en arabe tunisien) leur a répondu en manifestant en masse, pour réclamer le droit d'expression, de pensée, de croyance. Dans certaines villes, ces manifestants ont été agressés violemment par des contre-manifestants islamistes (3).
"A Tunis, les culturels restent au front", titre LLB (4). "Impossible de rencontrer un culturel qui se dise pro-Ennahda", écrit Guy Duplat. "Nous avons survécu à Ben Ali, déclare Zeyneb Farhat qui co-dirige El Teatro à Tunis, nous allons nous défendre si cela devenait nécessaire. Sans écouter les pays étrangers qui disaient du bien de Ben Ali et qui, maintenant, nous disent que nos islamistes sont raisonnables. Nous serons là."
On voit par là que la démocratie est un combat qui n'est jamais gagné et que celui de l'intelligence doit être primordial.

(1) 5 novembre 2011
(2) Grasset, 2011
(3) Charlie Hebdo, 26 octobre 2011
(4) LLB, 2 novembre 2011

lundi 7 novembre 2011

Le monde comme il va

Les informations régionales de France3 Nord - Pas de Calais (1) nous apprennent qu'un jeune prisonnier, détenu à Maubeuge, a été violemment frappé par certains de ses co-détenus. Il est dans le coma. On nous dit qu'il s'agit là d'un garçon très gentil et naïf. On se demande ce qu'il a pu faire de grave qui l'a condamné à quatre ans de prison. On apprend qu'il l'a été pour "détention et usage de cannabis". On se demande ce qui se passe dans la tête de juges qui envoient en prison pour de tels délits. On se demande si la justice a toute sa tête.

Toujours plus. Les productions de CO2 au niveau mondial ne cessent d'augmenter: + 6% de 2009 à 2010, pour arriver à un total de 9 milliards de tonnes. Les dix milliards sont à notre portée. Plus qu'un petit effort!

C'est la crise. Partout, on racle les fonds de tiroir, nous dit-on. Il faut faire des sacrifices. Une idée (pas très neuve, les fidèles lecteurs de ce blog le savent): supprimer toute dotation publique au Grand prix de Francorchamps. Le député wallon écologiste Bernard Wesphael a sorti sa calculette: depuis 2006, les pouvoirs publics wallons ont déboursé la coquette somme de 106 millions d'euros en investissements, exigés par les autorités de la Formule 1, et en épongements de dettes. C'est qu'il s'agit de sauver la fierté de la Wallonie, le plus beau circuit du monde. Pas encore de chiffres officiels pour cette année, mais le déficit du GP 2011 devrait tourner autour des cinq millions d'euros. Qui paie? La Wallonie, entendez par là l'institution Wallonie, enfin la Région wallonne (2). Donc nous. Mais ça vaut la peine: "un boulanger fait sur ces trois jours-là, un chiffre d'affaires énorme", a déclaré noss miniss de l'Economie walleonne, Jean-Claude Marcourt (3). Cinq millions pour faire connaître les pistolets et les couques de Wallonie, tout en faisant tourner en rond des bolides polluants qui n'intéressent pas grand monde, c'est pas de l'argent jeté par les fenêtres, c'est de la promo. Il n'y a que les mauvaises langues pour ne pas le comprendre.

(1) JT FR3, 5 novembre 2011
(2) Les changements de nom d'organismes, très à la mode sous l'ère Demotte (voir "Wallons, nous?", billet du 13 octobre dernier), ont visiblement été décidés à l'emporte-pièce. Une fois de plus. Dans un article intitulé "Ne pas brouiller l'image", Michel Delwiche explique (dans le Vif du 4 novembre) que "Rudy Demotte est si peu sûr d'être compris qu'il se sent obligé de parler de l'institution Wallonie. De la Région wallonne donc".
(3) Le Vif, 28 octobre 2011

samedi 5 novembre 2011

Intolérances

La mode est à l'intolérance, semble-t-il. L'humour de Charlie Hebdo échappe complètement à certains esprits fermés et insensibles à la dérision. Mais ces esprits peu sain(t)s savent aussi frapper durement, en détruisant les locaux du journal. On soupçonne fortement des islamistes d'être derrière cet attentat. Le site Internet de Charlie a été piraté, la page d'accueil remplacée par une photo de la Mecque indiquant qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah.
Ne leur en déplaise, il y en a d'autres. L'un d'eux s'appelle Dieu précisément. C'est ce que l'on entend dire. Et certains de ceux qui défendent celui-là sont tout aussi opposés à la critique, à la liberté d'expression, à la réflexion. Le spectacle " On the Concept of the Face, Regarding the Son of God, volume 2", du metteur en scène italien Romeo Castelucci, a été attaqué par des intégristes chrétiens lors de ses représentations au Théâtre de la Ville à Paris ces dernières semaines. Coups de sifflet, envahissement de la scène, jet d'oeufs, d'huile et de boules puantes sur le public, menaces vis-à-vis du personnel, tout est bon pour tenter d'empêcher les représentations du spectacle. Il a été joué à Anvers, à Avignon, partout en Europe sans susciter de controverse. Au contraire. Il faut dire qu'on a affaire là, selon Guy Duplat (1) à "un mélange de beauté plastique extraordinaire, de trivial et de sacré". Les autorités civiles et religieuses ont dénoncé ces actes de violence, le Théâtre de la Ville a lancé une pétition (2). On pourra voir " On the Concept of the Face" dans le cadre du Next Festival à la Rose des Vents à Villeneuve d'Ascq les 29 et 30 novembre.
Romeo Castelucci dit qu'il veut "ouvrir une blessure pour que les questions puissent entrer profondément en nous. L'art repose sur cette condition de poser des problèmes, sinon il est purement décoratif. La religion a perdu sa capacité de poser des questions et l'art a pris sa place. Je crois que ces extrémistes sont jaloux de cette spiritualité profonde qui s'est réfugiée dans l'art" (3).
La religion a-t-elle posé, pose-t-elle des questions? Elle impose des réponses. Et ses fidèles préfèrent l'obscurantisme à la réflexion et à la critique.
On se permet de rappeler aux intégristes de tous crins qu'il ne sont pas obligés d'acheter et encore moins de lire Charlie Hebdo, d'aller voir "On the concept of the Face", de regarder "Persepolis" ou tout autre film ou spectacle qui ne cadre avec leurs visions dogmatiques. On se permet de leur faire remarquer que personne ne les empêche de vénérer leur dieu. Au singulier comme au pluriel d'ailleurs. On leur laisse le choix. Mais pas celui de jouer aux terroristes.

(1) LLB, 31 octobre 2011
(2) pétition sur le site du Théâtre de la Ville: www.theatredelaville-paris.com/
(3) dans Le Monde, cité par G. Duplat

vendredi 4 novembre 2011

Quittez Facebook, rejoignez Charlie Hebdo

En lisant Le Monde (1), on découvre que le compte Facebook de Charlie Hebdo est bloqué. Motif invoqué: Charlie n'est pas une vraie personne. Tous les comptes Facebook de groupes (associations diverses, partis politiques, entreprises, etc.) vont-ils être bloqués désormais? En tous cas, ceux dont les publications présentent "des contenus graphiques, sexuellement explicites ou avec des corps trop dénudés". On voit par là que Facebook additionne à la peur l'hypocrisie.
En attendant, faute de pouvoir gérer ses pages Facebook, le compte de Charlie Hebdo est inondé de menaces islamistes et, nous dit le Monde, croule sous les milliers de messages, en français ou en arabe, "parfois très hostiles". "L'attentat (contre Charlie) démontre l'attachement des musulmans à leur foi", affirme un djihadiste sur un forum. A quelle foi? Il montre surtout la bêtise humaine, l'intolérance et l'utilisation d'une religion à des fins violentes. Mais qui sont donc ces dieux qui rendent fous furieux? On se le demande.

En attendant, on peut retrouver Charlie à nouveau en kiosque, puisque le numéro attaqué a été réimprimé, et sur le blog qu'il vient de créer: http://charliehebdo.wordpress.com/
Voilà quand même une bonne nouvelle.

(1) http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2011/11/04/
charlie-hebdo-ouvre-un-blog_1598776_3236.html#ens_id=1597236&xtor=RSS-3208

jeudi 3 novembre 2011

Modérons-nous

Le parti tunisien Ennahda (1) se présente comme islamiste modéré, ce qui est censé rassurer. Peut-être sont-ce des islamistes modérés qui ont balancé des cocktails molotov dans les bureaux de Charlie Hebdo. Allez savoir. L'écrivain algérien Boualem Sansal, qui a été plus d'une fois censuré, ne croit pas à cette modération. "L'islamisme modéré relève de la stratégie, dit-il (2). Les islamistes se repositionnent comme les partis d'extrême droite qui, à un moment donné, jouent la carte de la modération pour élargir leur base sociale et atteindre le pouvoir. Lorsque surviendront les difficultés, l'islamiste modéré ne pactisera pas avec le démocrate au détriment de l'islamiste radical. Il ira vers l'islamiste radical. C'est sa famille naturelle."
Selon lui, "l'islam qui est enseigné depuis une cinquantaine d'années par les institutions, par les écoles coraniques, est un islam radical. Cet enseignement porte en lui les germes de l'islamisme. Il ne peut pas produire des hommes de paix et de tolérance. (...) Il faut, estime-t-il, que dans les pays musulmans, on commence à enseigner un autre islam. On ne peut pas être optimiste."
Le juriste et islamologue belge Baudouin Dupret estime que, même si la charia est devenue, comme d'autres pays musulmans, la source principale de la législation égyptienne, "elle s'applique avec une certaine souplesse, bien loin de l'image d'épouvantail que s'en fait l'Occident. Mais plus le temps passe, dit-il, plus l'influence du conservatisme islamique se fait sentir". Il constate qu'au Maroc, à l'occasion de la réforme récente de la Constitution, les islamo-conservateurs, qui représentent près de 50% des électeurs, "ont rappelé que le Maroc était un Etat islamique et que cette identité marocaine était menacée par la liberté de conscience" (3).
Ils sont nombreux, et trop peu entendus, les intellectuels qui en appellent à une lecture moderne du Coran. Dans "L'Islam face à la mort de Dieu" (4), Abdennour Bidar tente de réactualiser la pensée de Mohammed Iqbal. "Sa pensée représente pour l'islam une chance de dépaysement, de décentrement majeur. Elle lui offre la possibilité de recommencer à faire à l'époque moderne ce qu'il savait si bien faire avant de s'enfermer dans son autisme religieux: s'enrichir d'apports extérieurs comme il le fit avec Al-Farabi au Xe siècle à Bagdad et Alep, ou Averroès l'Andalou au XIIe siècle, qui surent féconder la lecture du Coran avec celle de Platon et d'Aristote. Iqbal déplore que, depuis plusieurs siècles, l'islam se soit totalement replié sur lui-même." Et Abdennour Bidar, à son tour, de regretter que plus personne dans le monde musulman ne lise Iqabl: "la décadence intellectuelle et spirituelle du monde musulman vers le dogmatisme et l'obscurantisme de masse semble tellement avancée qu'elle paraît interdire tout espoir sérieux de régénération." Il parle ainsi d'un "islam de cimetière".

(1) Sur les élections tunisiennes et Ennahda lire les commentaires de Caroline Fourest sur
http://carolinefourest.wordpress.com/
(2) Le Vif, 23 septembre 2011
(3) Le Vif, 9 septembre 2011
(4) François Bourin Editeur, 2010

mercredi 2 novembre 2011

Renvoi de censeurs

L'avantage des censeurs, c'est qu'ils sont très bêtes. Non seulement, en censurant, ils donnent eux-mêmes raison à ceux qui les critiquent, mais en plus, voulant empêcher qu'un livre soit lu, qu'un film soit vu, il ne font que le mettre en lumière. L'incendie criminel de la rédaction de Charlie Hebdo la nuit dernière a déjà augmenté les ventes de son numéro d'aujourd'hui, intitulé, si on a bien compris, Charia Hebdo. On passe la frontière franco-belge ce matin pour acheter, un peu plus tôt qu'en Belgique, ce numéro. Il est déjà introuvable. Dans la petite maison de la presse de ce village du Nord, les cinq numéros étaient déjà vendus tôt ce matin.
Au Journal parlé de France Inter, les condamnations de cet acte criminel sont nombreuses. Tout le monde, à gauche comme à droite, défend la liberté d'expression. Le Conseil français du Culte musulman et le Recteur de la Grande moquée de Paris condamnent eux aussi l'attentat.
Il se trouvera sans doute quelques esprits faiblement éclairés à l'extrême gauche pour dénoncer l'islamophobie de Charlie Hebdo. Les vrais islamophobes sont les intégristes islamistes qui instrumentalisent l'islam à leurs fins politiques violentes.
Le philosophe Malek Chebel parlait d' "acte de guerre, une sorte de terrorisme". Avec ce genre d'action, disait-il, "on s'empêche de penser. Même de vivre" (1).

Récemment, ce sont les Salafistes tunisiens qui ont attiré notre attention sur le dessin animé Persepolis de Marjane Satrapi. On se dépêche de le visionner. Et on comprend vite, en le voyant, pourquoi il les a fâchés. Ce ne sont pas, contrairement à ce qu'ils affirment, les très brèves et plutôt sympathiques apparitions d'Allah qui les ont choqués. Mais le propos même de ce film autobiographique, témoignage du vécu d'une petite fille, puis d'une jeune fille dans l'Iran des ayatollahs. Dans ce régime théocratique, l'Etat est omniprésent et contrôle tout. Il adore les interdictions: la musique, l'alcool, les baskets, les cheveux, les formes féminines, tout est interdit. Les femmes ne peuvent pas courir. Et le non respect de ces interdictions entraîne aussitôt des risques d'arrestation, et même de mort. On voit par là que ce type de régime se fonde sur l'intolérance, l'imbécilité, la terreur, le machisme, la violence, le mensonge. On en oublie sûrement. Sous ce type de régime, on ne vit pas.
Persepolis est un film superbe, effrayant et plein d'humour, aux dessins et aux plans remarquables. Le personnage de la grand-mère est savoureux, vraie rebelle, qui défend l'intégrité, même face à l'intégrisme. Le film commence à la chute du régime du shah, remplacé par celui de Khomeyni. Un des personnages pense que "ça ne pourra jamais être pire que sous le shah". Et découvre ensuite que tout est toujours possible. On comprend pourquoi les Salafistes l'apprécient peu.

(1) JP France Inter, 2 novembre 2011, 13h

mardi 1 novembre 2011

A question idiote...

"La Belgique dans le noir en 2015?". C'est un des titres du JT de la RTBF ce 31 octobre, allusion à la confirmation de la sortie du nucléaire. Aussi intelligent que la question que posait un certain Jean-Marie Happart au Sénat à l'occasion du débat sur la sortie du nucléaire en 2003: "et quoi, demandait-il, faute de nucléaire, s'il n'y a pas de vent aujourd'hui, il n'y aura pas d'électricité et personne ne m'entendra?". Personne ne se plaindra plus de la disparition de ce JT que de l'absence désormais de l'Happart bis des travées parlementaires. Surtout si ce JT continue à être présenté par un François De Brigode de plus en plus bredouillant. On espérait qu'il fût en vacances cette semaine. Elles lui feraient le plus grand bien. A nous aussi.

La Chine et le chrysanthème ont la cote, nous apprend le même JT. Tous deux se vendent bien, si on peut se permettre de résumer et rassembler deux sujets. Et ont le chic pour enterrer les autres, tout en restant bien vivants. La Chine est l'un des derniers pays communistes, le plus puissant d'entre eux. C'est aussi aujourd'hui le pays le plus capitaliste. Aucun autre pays au monde ne dipose d'autant de réserves. Ce sont ses exportations, bien plus importantes que ses importations, qui lui ont permis d'engranger un tel pactole. Et ainsi de racheter la dette d'autres Etats. Une partie de celle de l'Europe par exemple. La Chine revendique aujourd'hui "le statut d'économie de marché" et réclame sa place à l'OMC. Un comble pour ce pays communiste. Une exigence logique pour ce pays capitaliste. "En Chine, tout s'arrange avec l'argent", dit le journaliste du JT de France2 en conclusion de son sujet sur la reconnaissance du harcèlement au travail. On voit par là que le capitalisme a une capacité d'adaptation au moins égale à celle du communisme, même s'il est le dindon de sa mauvaise farce qui sent de plus en plus le suri.