dimanche 31 janvier 2016

Et moi et moi, émoi

Ils crient au jeunisme, n'acceptent pas qu'on leur retire leur émission, même s'ils ont largement dépassé l'âge de la retraite. Ces animateurs télé estiment que le public de l'émission qu'ils présentent est leur public, que sans eux celui-ci serait orphelin, déboussolé, inconsolable. L'ego n'a pas de limite. Il est parfois boursouflé.
Julien Lepers a une explication à son licenciement de la présentation de "Questions pour un champion" qu'il anime depuis vingt-sept ans: "c'est de la dictature!" (1). A 66 ans, qu'espérait-il? Présenter encore l'émission pendant vingt ans et mourir en plein enregistrement?  A ne pas être capable de sentir soi-même qu'il est temps de céder la place et de passer à autre chose, on en devient pathétique. De qui est-on victime, sinon de son propre ego? (2) "Si je pouvais être le dernier des seniors, je ne serais pas mécontent", affirme Michel Drucker, 73 ans, qui estime que "les seniors ont aussi besoin d'un repère". Ce qu'il est, bien entendu: un phare pour le troisième et le quatrième âge. Les malades d'Alzheimer ne reconnaissent plus leurs proches, mais ont le sourire dès qu'ils voient Drucker sur leur écran.
La télé française vieillit. Son public et ses présentateurs n'aiment pas les bouleversements. Combien d'animateurs et de journalistes sont à l'antenne depuis vingt à trente ans, et parfois plus? Et si on ne veut plus d'eux sur une chaîne, ils sont récupérés par une autre. Arte avait, un temps, remis en selle PPDA et voilà que c'est France 5 - le service public encore - qui met à l'antenne Claire Chazal, éjectée du JT du week-end de TF1 (elle y gagnait 120.000 euros par mois, soit douze fois plus qu'un ministre...) (3).

La télévision est tout doucement devenue une immense maison de retraite, avec des animateurs de grand luxe, aux salaires scandaleusement indécents (4). Qui ne veulent pas voir qu'ils ont fait leur temps, tellement sûrs qu'ils sont indispensables à un public qui vieillit autant qu'eux. L'âge moyen des téléspectateurs d'Arte est de 62 ans, il est de 61 ans à France 3, 60 ans à France 5 et 59 à France 2 (5). Jean-Pierre Pernaut aura bientôt 66 ans, William Leymergie en a 68, Dave 71. Comment comprendre qu'on retrouve encore sur LCP Jean-Pierre Elkabbach présentant le magazine littéraire? Il aura quatre-vingts ans l'an prochain. Ce ne sont certes pas les soucis d'argent qui motivent tous ces présentateurs à rester à l'antenne. Mais cette grande question qui doit les angoisser: peut-on être et avoir été?
Et ce sont les mêmes qui dissertent sur ces hommes politiques qui s'accrochent au pouvoir. Les mêmes qui se demandent ce que font les gouvernements pour favoriser l'emploi des jeunes.
"Dans un pays où l'on grogne parce que l'âge de la retraite vient d'être reporté à 62 ans, dans un pays où l'on se moque de l'âge avancé des hommes politiques, dans un pays qui s'extasie surtout devant la jeunesse, politique et culturelle, des autres pays de l'Europe, comment ne pas applaudir à la mise à la retraite des présentateurs de plus de 65 ans?", demande Laurent Nunez dans Marianne (1). "Ne nous faites pas croire, dit-il aux animateurs figés, par la simple itération de votre présence, lustre après lustre, décennie après décennie, que rien ne change en France. Ne nous faites pas tomber dans ce piège malheureux, dans cette illusion défaitiste. C'est justement parce que notre société change, qu'il faut que les visages télévisés changent. Allez! Soyez plus responsables que nos hommes politiques."

(1) Laurent Nunez, Le renouvellement n'est pas le jeunisme!, Marianne, 22 janvier 2016.
(2) (re)lire sur ce blog "Coïtus interruptus", 28 juin 2014.
(3) http://www.journaldunet.com/economie/magazine/le-salaire-des-politiques-et-des-elus/ministre.shtml
(4) http://www.lepoint.fr/medias/les-salaires-des-animateurs-de-television-devoiles-26-03-2015-1916227_260.php
(re)lire sur ce blog "Le plus vieux métier du monde", 17 octobre 2011.
(5) Ménage à la trois, Télérama, 27 janvier 2016.


vendredi 29 janvier 2016

Buck Danny a perdu le nord

On peut avoir aujourd'hui soixante-deux ans et s'exprimer en utilisant le vocabulaire des vieux racistes des années '60. Qui aujourd'hui utilise encore le terme "niakoué", ce terme péjoratif par lequel les colons et les beaufs affichaient leur mépris pour les asiatiques? Jacques Danzin, conseiller régional du Nord - Pas de Calais - Picardie, élu du parti de la tribu Le Pen.
Lors de la première séance pleinière du Conseil régional, les élus F.N. ont tout fait pour empêcher des débats sereins et corrects, se montrant procéduriers à l'extrême (1). Ce qui, dans tout débat d'assemblée, témoigne d'une incapacité à s'exprimer et à agir sur le fond. Ils ont brandi des écriteaux "Je suis Calais", récupérant le slogan diffusé, il y a un an, pour soutenir Charlie Hebdo. Cabu, Charb, Wolinski et leurs camarades doivent se retourner dans leur tombe, de voir ainsi "leur" slogan détourné par cette extrême droite qu'ils vomissaient.
L'héritière n'était pas présente à cette séance (c'est le contraire qui aurait été étonnant: elle sait se faire élire mais n'a pas pour habitude de siéger) et en son absence c'est Philippe Eymery, son bras droit dans la région, qui a multiplié les tentatives d'interruption de séance, jusqu'à ce qu'un de ses collègues, Jacques Danzin, interpelle le président régional Xavier Bertrand: "Vous nous prenez pour des niakoués?", lui a-t-il demandé. Cet homme devrait avoir d'autres lectures que les aventures dessinées de Buck Danny qui, dans les années '50 - '60, s'attaquait aux "faces de citron".
L'attitude des élus F.N. lors de telles séances montre, à ceux qui sont prêts à croire le contraire, que ce parti fait tout ce qu'il peut pour empêcher des institutions démocratiques de fonctionner et que le racisme est solidement implanté dans son ADN.
Dans le même temps, ce parti témoigne de son sens particulier de l'humour: son nouveau slogan est "La France apaisée".

(1) http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/01/29/je-suis-calais-les-elus-fn-perturbent-le-conseil-regional-du-nord-pas-de-calais-picardie_4855671_823448.html
http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/29/fn-xavier-bertrand-niakoue-conseil-regional-npdcp-droite-plainte-darmanin-bertrand_n_9108494.html?utm_hp_ref=france

jeudi 28 janvier 2016

Taubira, présidente!

Elle a donc fini par démissionner, par partir la tête haute. Christiane Taubira a pris la seule décision qu'elle pouvait encore prendre: quitter un gouvernement qui, dans trop de positions, semble vouloir plus complaire à la droite que mettre en œuvre ses propres valeurs. Quoi qu'on en dise, rappelait-elle en 2014, ce gouvernement avait plutôt bien commencé: "mariage pour tous et accord sur l'emploi; refondation de l'école et augmentation de la prime de rentrée scolaire; contrat de génération et emplois d'avenir; lutte contre la prostitution et contrôle des loyers; lutte contre les marchands de sommeil et répression de la fraude fiscale" (1).
Mais aujourd'hui, les crétins malfaisants de l'islamisme, même s'ils ne sont pas parvenus à diviser la nation française en dressant les une contres les autres les communautés qui la composent, sont arrivés à provoquer une droitisation de la question de la sécurité, amenant l'Etat à prendre des mesures qui ne serviront à rien, qui risquent de stigmatiser certains de ses ressortissants, mais qui rassureront sans doute une partie de l'opinion publique.
Christiane Taubira, pour l'extrême droite, pour les enragés de la soi-disant "Manif pour tous", pour une partie de la droite dure, a le grand tort d'être à la fois femme, noire et extrêmement brillante. Qui oserait contester son talent oratoire, son art de la rhétorique, sa culture universelle, sa connaissance de la poésie dont elle n'hésitait jamais à illustrer ses discours? Sa pugnacité pour faire adopter le droit au mariage pour les couples homosexuels et sa volonté de réformer la justice pénale en ont fait l'ennemi à abattre. Le petit et mesquin mouvement de la Manif pour tous a laissé s'exprimer en son sein, à son égard, des propos d'un racisme abject et intolérable qui le disqualifie totalement aux yeux de tout démocrate. "Sur les réseaux sociaux, écrit-elle (1), sur Facebook et Twitter, là où la bêtise peut circuler même quand le mazout de la haine et de la vulgarité lui englue les ailes, des doigts bouffis par la lâcheté flasque de l'anonymat tapaient, dans la rage de leur insignifiance, des mots qui se voulaient méchants, blessants et meurtriers. Pour ce qui me concerne, bien entendu, ces mots s'échouèrent dans la mer Morte."
Sa réforme pénale (2) n'est pas allée aussi loin qu'elle l'aurait voulu, ce qui ne l'a pas empêchée d'être considérée comme laxiste par la droite et l'extrême droite qui essaient de faire croire à l'opinion publique que la prison, avec les plus longues peines possible, est le seul remède contre tout délit.
A lire l'album "Murs murs, la vie plus forte que les barreaux" (3), ce reportage dessiné que Tignous a réalisé dans plusieurs centres pénitentaires et maisons d'arrêt en France, on se rend compte combien les prisons manquent cruellement de moyens pour mener une politique de réinsertion des détenus, et combien la prison peut être criminogène, modifiant l'attitude de gens qui auraient pu autrement réparer leur faute. Dans la préface de cet album posthume (Tignous a été assassiné le 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo), Christiane Taubira écrit que "les crimes qui nous choquent tous, mais constituent 3% des affaires judiciaires, ne peuvent être la toile d'ajustement de la politique pénale portant sur les 97% d'affaires correctionnelles, dont la moitié de délits routiers. C'est comme ces prisons de haute sécurité, extraordinairement budgétivores, anxiogènes pour le personnel, ajustées au niveau maximal requis pour à peine 1% de la population qui y est emprisonnée. Comme s'il était intimé de ne plus réfléchir, de ne plus penser, de ne plus rien discerner." Ceux qui font la fête suite à la démission de la Garde des Sceaux sont précisément ceux qui ont fait ce choix: ne pas réfléchir, ne pas penser, juste frapper fort en faisant semblant que tout ira mieux et que les braves gens pourront dormir tranquilles.
Une grande dame quitte (pour l'instant?) la scène politique; de très petites gens s'en réjouissent. "Le départ des uns fait le bonheur des cons", disait ce matin Vincent Dedienne sur France Inter (4).

(1) Christiane Taubira, Paroles de liberté, Flammarion, coll. Café Voltaire, 2014
(2) http://www.liberation.fr/desintox/2016/01/27/taubira-et-le-laxisme-quatre-ans-d-intox-de-la-droite_1429290
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/07/17/01016-20140717ARTFIG00259-ce-que-va-changer-la-reforme-penale-de-christiane-taubira.php
(3) Glénat, 2015.


mardi 26 janvier 2016

Fumées toxiques et vents bénéfiques

Pourquoi donc la colère s'exprime-t-elle si souvent par des actes stupides? Pourquoi est-ce devenu normal pour des travailleurs qui protestent, légitimement, contre des suppressions d'emploi, la fermeture de leur entreprise ou la détérioration de leurs conditions de vie, pourquoi donc est-ce presque un réflexe  pour eux de brûler des pneus? La colère ne peut tout excuser. Comment susciter auprès des citoyens un mouvement de solidarité si on provoque une des pires pollutions de l'environnement qu'on puisse trouver? Personnellement, je ne parviens pas à éprouver de la sympathie pour des gens qui répandent autour d'eux de la dioxine ou tout autre poison. On passe à côté d'eux, prudemment, le plus discrètement possible et, dans son for intérieur, on leur fait un bras d'honneur pour répondre à celui qu'ils nous font en agissant de la sorte. Pourquoi ces travailleurs ne s'en prennent-ils pas aux responsables de ce qui leur arrive, plutôt que de crier "après nous les mouches", ce qui est bien la pire attitude qu'on peut avoir si on veut populariser son combat?
Il ne manque pas de moyens de lutte originaux pour se faire des alliés. Les syndicats y réfléchissent-ils?

Autre chose qui n'a rien à voir (quoi que...): je l'ai écrit souvent, le combat anti-éoliennes est souvent hystérique. Ceux qui ne veulent pas de moulins à vent leur trouvent tous les défauts de la terre et estiment que leur maison perdrait, si une éolienne en était proche, toute valeur. 
A Saint-Georges-sur-Arnon, village de 576 habitants dans la région Centre - Val de Loire, tournent déjà onze éoliennes. Visiblement, personne ne s'en plaint (1). Certainement pas la commune qui engrange grâce à elles 140.000 euros chaque année. Ils sont investis dans un plan communal d'amélioration de l'environnement, bref au bénéfice de tous les Georgiens. Un chantier va démarrer bientôt d'installation de neuf autres éoliennes, en financement participatif. L'an dernier, la commune de Saint-Georges-sur-Arnon a vu trente-sept nouvelles familles s'installer sur son territoire (2). Apparemment, les éoliennes ne sont pas fuir tout le monde, loin s'en faut et quoi qu'en disent ceux qui les maudissent.

(1) (re)lire sur ce blog "Et pourtant elles tournent", 12 mars 2015.
(2) La Nouvelle République - Indre, 20 janvier 2016.

lundi 25 janvier 2016

Le club international des sangliers

On l'a dit et écrit (1), les agressions sexuelles qu'ont subies un millier de femmes - si pas plus encore (2) - en Allemagne le soir du nouvel-an sont totalement inacceptables, les responsables de ces actes doivent être poursuivis et aucune excuse d'ordre culturel n'est tolérable. C'est pourtant ce que s'évertue à faire une série de personnalités, y compris dans les rangs féministes. Avec parfois des arguments qui laissent sans voix. Comme ce tweet de Clémentine Autain: "entre avril et sept. 1945, environ 2 millions d'Allemandes ont été violées par des soldats. la faute à l'islam?". Que cherche donc à démontrer cette élue du Front de Gauche? Que l'Armée rouge a fait bien pire que les agresseurs du 31 décembre? En quoi cela les excuserait-il? Caroline De Haas, fondatrice d'Osez le féminisme s'en est pris, elle, à ceux qui déversent "leur merde raciste". Comme s'il ne s'était rien passé à Cologne et ailleurs, comme si elles refusaient de prêter la moindre attention aux victimes, à toutes ces femmes qui se sont fait agresser. "Que les jeunes femmes qui témoignent au quotidien de leur difficulté à marcher dans certains quartiers vêtus d'une jupe courte ou d'un pantalon moulant se le tiennent pour dit: leur souffrance est raciste. Qu'elles passent leur chemin, et de préférence en talons plats", écrit Anne Rosencher dans Marianne (3). Et elle cite l'essayiste Djemila Benhabib qui dénonce "le prisme différentialiste et culturaliste" de ces néoféministes: "elles définissent la victime uniquement en fonction d'une origine: à savoir les musulmans, forcément victimes de la violence et du racisme de l'Occident. Le problème, à Cologne, c'est qu'on a eu affaire à des mauvaises victimes! Et à des mauvais coupables! (...) Elles ont largué le droit des femmes au passage. C'est cela qui est impardonnable."
Ce n'est pas aux victimes qu'il faut donner des leçons, lui répond en écho Elisabeth Badinter (4), mais à leurs agresseurs: "oui, il va falloir trouver le moyen d'exposer clairement à des personnes qui ne sont pas de culture européenne ce que l'on peut faire ou ne pas faire dans nos pays, notamment vis-à-vis des femmes". La philosophe rappelle que "le féminisme, depuis une dizaine d'années, a pour principal objet, pour leitmotiv même, la lutte contre les violences faites aux femmes, ici, en France" et elle constate que les agresseurs de Cologne, "ces voyous qui ont violenté des femmes", ont porté "un coup de couteau dans le dos des réfugiés".
"Jusque dans la hiérarchie du politiquement correct, les droits des femmes se situent au bas de l'échelle, constate Gérard Biard (5) qui affirme par ailleurs - et qui pourrait le contester ? - que "l'islam a un sérieux problème avec les femmes, et il est criminel de s'entêter à le nier, sous couvert de particularisme culturel ou de droit à la différence. De là à dire qu'il est le seul..." Et le rédacteur en chef de Charlie Hebdo de rappeler les viols collectifs en Inde, au Caire et ailleurs. "Le machisme, le mépris social des femmes et l'indulgence pour les violences qui leur sont faites sont les choses les mieux partagées au monde."

Si on accepte que des gens originaires de tel ou tel pays agressent sexuellement des femmes sous prétexte qu'ils ont été élevés dans le mépris de la femme et qu'il s'agit donc d'un héritage culturel, on pourrait alors imaginer aussi qu'on trouve normal que des élus politiques français traitent de dinde une actrice canadienne parce qu'elle a le toupet de s'attaquer à cette magnifique tradition culturelle française qu'est le gavage des oies et des canards.
Parce qu'elle s'était rendue, à l'invitation d'une députée verte, à l'Assemblée nationale pour y défendre une proposition de loi interdisant le gavage des oies, Pamela Anderson, végétalienne et visiblement très impliquée depuis longtemps dans la défense des droits des animaux (sa fondation œuvre dans la protection de l'environnement), s'est fait copieusement insulter par la fine fleur des élus (6) et a suscité, affirme Myriam Weil (7), "un déluge de réactions négatives, notamment sur Twitter. Des réactions consternantes de sexisme pour la plupart."
Frédéric Nihous, président du parti "Chasse, Pêche, Nature et Charcuterie" (ou quelque chose du genre), assume ses initiales avec ce tweet délicat: "Une dinde gavée au silicone parade à l'assemblée contre le gavage des oies... Quelle farce! Qui en sera le dindon?"
Un conseiller régional d'Aquitaine est tout aussi précieux: "oui au gavage des canards et des oies à la purée de maïs. Non au gavage des lèvres et des seins au botox".
Et Patrick Ollier, député LR, émet les mêmes grognements de vieux sangliers gaulois: "Pamela n'y connaît rien. Pas de silicone dans le foie gras."
On voit par là que tous ces coqs ont de solides arguments pour défendre la torture des oies et des canards. Cette tradition culturelle française mérite bien qu'on s'asseye lourdement sur celles de la galanterie et de l'art de l'argumentation.
Résumons-nous: les traditions culturelles sont rarement à l'avantage des femmes et des animaux.

(1) voir sur ce blog: "La sociologie de l'autruche", 16 janvier 2016,
et "La nuit des prédateurs", 6 janvier 2016.
(2) http://www.lalibre.be/actu/international/allemagne-les-agressions-du-nouvel-an-encore-plus-etendues-qu-initialement-annonce-56a3ac7b3570ed3895459be6
(3) "La trahison des néoféministes", Marianne, 22 janvier 2016.
(4) "Cologne - Ne détournons pas le regard", Marianne, 22 janvier 2016.
(5) "Main au cul et modernité", Charlie Hebdo, 20 janvier 2016.
(6) http://www.meltybuzz.fr/pamela-anderson-des-propos-sexistes-sur-twitter-apres-son-passage-a-l-assemblee-nationale-a492619.html
(7) rédactrice en chef de l'émission "Le grand 8" sur D8, dans "L'Instant M", sur France Inter, 21 janvier 2016: http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1223247
A lire aussi:  http://www.huffingtonpost.fr/marlene-schiappa-bruguiere/cologne-ou-legarement-feministe_b_9049756.html?utm_hp_ref=france

samedi 23 janvier 2016

"Je préfère le vin d'ici à l'au-delà" (Michel Simon)

Certains veulent changer les mots ou en tout cas les édulcorer  (voir le billet d'hier: "De quoi parlent les mots?"), d'autres veulent les interdire. C'est plus simple. Ainsi en Iran le Ministère de la Culture entend-il interdire d'écrire dans tout livre qui sera publié dans le pays les noms d'animaux étrangers, ceux de certains présidents et le mot vin (1).
Peut-on se permettre un conseil au gouvernement iranien?
"Oublie prière et science et loi, cela vaut mieux.
Va trouver quelques frais minois, cela vaut mieux.
Avant que le destin ne verse ton sang, viens, 
Verse le sang frais de la vigne et bois, cela vaut mieux."
Ce conseil est signé Omar Khayyâm, poète persan du XIe siècle. Il a donc vécu il y a mille ans dans ce pays devenu, depuis, l'Iran. Khayyâm "appartient, rappelle Gilbert Lazard qui l'a traduit, à la lignée des grands savants qui, du IXe au XIe siècle, firent de l'Orient musulman la terre de prédilection des sciences et de la pensée.(2)" Parfois, on rêve que l'horloge de l'Histoire tourne à l'envers et que la pensée se remette en mouvement.
Pourquoi ces religieux austères doivent-ils toujours imposer aux autres leurs tristes règles? Déjà, lors d'une visite en France il y a plusieurs années, le président iranien de l'époque avait refusé qu'il y ait de l'alcool (des bouteilles de vin) à la table de Jacques Chirac qui le recevait. Le protocole avait transigé: le dîner s'était transformé en goûter.
Un mot encore d'Omar Khaayâm:
"Toi qui ne bois pas de vin, épargne-nous ta censure;
Tu te fais un peu trop vain: trève de cette imposture!
Tu t'abreuves à des sources, ô vertueux contempteur,
Telles que notre liqueur auprès d'elles n'est qu'eau pure!" (2)
Et cette citation de Jim Harrison:
" L'acte physique élémentaire consistant à ouvrir une bouteille de vin a apporté davantage de bonheur à l'humanité que tous les gouvernements dans l'histoire de la planète. Même les religions organisées sont de simples pièges à souris spirituels comparées au pop libérateur du bouchon." (3)
Et enfin, en guise de conclusion, ces mots de Nicolas Boileau:
"Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.
On est savant quand on boit bien.
Qui ne sait boire ne sait rien. " (4)

(1) http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/21/iran-vin-interdiction-international_n_9040116.html?utm_hp_ref=france
(2) Cent et un quatrains, Omar Khayyâm, traduit du persan par Gilbert Lazard, éd. Hermès, collection bilingue.
(3) Aventures d'un gourmand vagabond, Jim Harrison, trad. de Brice Matthieussent, éd. Christian Bourgois, 2002.
(4) Extrait de Chanson à boire que je fis au sortir de mon Cours de Philosophie à l'âge de dix-sept ans.

vendredi 22 janvier 2016

De quoi parlent les mots?

Ainsi donc, suite à des plaintes, le Rijksmuseum d'Amsterdam a décidé de modifier le titre de certains tableaux qu'il expose pour éviter des mots "offensants", tels que nègresmaures, mahométans ou nains. Qu'il adapte aux réflexions et aux valeurs contemporaines les commentaires que l'on peut lire sur les légendes des tableaux est logique. mais modifier le titre que des artistes ont donné à leurs œuvres n'a aucun sens. 
"Le plus choquant (dans cette initiative), c'est son côté idéologique, qui a davantage à voir avec la censure morale, estime l'historienne de l'art Ségolène Le Men (1). L'établissement pourrait tout à fait ajouter, sur le cartel qui accompagne l'œuvre, un commentaire qui la remette dans son contexte. Car on peut commenter l'Histoire, la contester, mais les faits sont les faits! S'agissant, par exemple, d'un tableau, c'est d'autant plus absurde que l'image peinte ne disparaîtra pas."
Si on veut à tout prix éviter ces termes vus comme blessants, peut-être faudrait-il dès lors changer le nom de la Mauritanie, qui est le territoire des Maures. 
Faudrait-il effacer le mot négritude dont se réclamait Aimé Césaire? 
Faudrait-il expurger de ces termes tous ces livres et ces films dans lesquels apparaissent  des nègres, de bons (ou méchants) sauvages
Faudrait-il modifier le titre du premier livre de Dany Laferrière, écrivain haïtien: Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer? Dany Laferrière, académicien, le défend pourtant ce mot  nègre: "en Haïti, c'est un mot qu'on peut dire facilement. Il veut dire homme. Je peux dire de n'importe quel blanc: c'est un bon nègre ou un mauvais nègre. Mais on le lançait contre les noirs. Je voulais le dévitaliser, en l'utilisant avec beaucoup de chaleur, beaucoup d'impertinence pour qu'il n'ait plus sa force." (2)
Faudrait-il rebaptiser la Maison des esclaves de l'île de Gorée, au large de Dakar, en Maison des serviteurs, par exemple? Mais alors comment les générations qui nous suivent vont-elles accorder foi à l'Histoire, celle de l'esclavage, celle de la colonisation, si on en gomme les éléments tangibles?
Peut-être faudrait-il changer le titre de la pièce de Voltaire Le fanatisme ou Mahomet le Prophète.
Peut-être faudrait-il ajouter un point d'interrogation à la sentence de Nietzsche Dieu est mort.
Peut-être faudrait-il éliminer de la Bible et du Coran (de la Torah aussi, je suppose) les épisodes de violence et de rejet des mécréants qu'ils contiennent.
Peut-être faudrait-il, pour ne plus choquer qui que ce soit, expurger les ouvrages du Marquis de Sade des scènes épouvantables qu'ils contiennent.
A l'heure où sont vifs les débats sur l'opportunité de publier l'ouvrage d'Hitler Mein Kampf, peut-être faudrait-il le réécrire en projet politique altruiste.
Ces attitudes qui consistent à changer les mots du passé ne sont pas seulement ridicules, elles sont aussi dangereuses. L'Histoire est ce qu'elle est. Maquiller ses traces ne la changera pas. Oui, il y eut des périodes où le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et d'autres formes de rejet de l'autre étaient courantes, normales et loin d'être condamnables et condamnées. Oui, les blancs ont exploité les noirs qu'ils appelaient nègres. Oui, les juifs ont été désignés comme les responsables de tous les malheurs de l'Europe. Oui, les hommes ont de tous temps dominé les femmes. Que gagne-t-on à nier ces réalités-là? C'est précisément la fonction de l'Histoire de nous rappeler les errements des hommes.

Mais les ravalements de façade du langage s'inscrivent dans le mouvement actuel du politiquement correct. Il faut faire semblant de respecter  - et d'avoir respecté - tout le monde. On ne peut plus être soupçonné d'être moqueur, même gentiment, même en utilisant des expressions courantes, vis-à-vis des gros, des petits, des roux, des musulmans, des chrétiens, des bouddhistes, des chauves, des arabes, des femmes, des autistes, des juifs, des Français, des Japonais, des noirs, des Pakistanais. Restent les blondes et les Belges (3). Parce que les unes et les autres ne comprennent pas qu'on se moque d'eux. Et les cons, parce qu'on est toujours celui d'un autre. Tout récemment, un journaliste sportif s'est fait traiter de raciste parce que, suite à la défaite d'un joueur de tennis japonais, il avait déclaré qu'il n'avait plus qu'à "retourner à ses sushis". Voulait-il faire un jeu de mots soucis / sushis? La réflexion n'est pas d'une haute teneur intellectuelle, mais qu'a-t-elle de si agressif pour qu'on crie tout de suite au loup? Le politiquement correct finalement mène à la bêtise. Mais peut-on le dire sans stigmatiser nos amis les animaux?
Désormais, avant de s'exprimer il faut se rincer la bouche avec du "Monsieur Propre". Le droit à la critique, vis-à-vis des religions en particulier, est de plus en plus limité. Pendant ce temps-là, la violence verbale s'exprime à chaque minute, par flots entiers, sur les réseaux dits sociaux et sur les forums virtuels. Pendant ce temps-là, il est de bon ton de se moquer de toute déclaration, de tout projet politique, d'être dans le sarcasme et/ou le cynisme le plus populiste par rapport à toute expression du moindre élu. La presse et surtout la télé s'en donnent à cœur joie. Le café du commerce y participe.

(1) "A Amsterdam, les Maures ne passeront pas", Télérama, 13 janvier 2016.
(2) Arte, émission "28 minutes" 20 janvier 2016:
http://www.arte.tv/guide/fr/060828-093-A/28-minutes
(3) post-scriptum: allumant la radio ce vendredi matin pour écouter France Musique, elle est branchée sur France Inter. C'est l'heure de l'émission de Nagui. J'entends un intervenant (je ne sais de quoi il parlait) terminer sa chronique en disant "en fait, un chou de Bruxelles, c'est comme un chou, mais en plus con".

jeudi 21 janvier 2016

Dire

Ce poète syrien, aujourd'hui réfugié en France, fils de parents très religieux, a été éduqué dans une école coranique. A vingt ans, Omar Youssef Souleimane s'est déclaré athée, au grand dam de ses proches qui ont coupé les ponts avec lui. "C'est très difficile de se présenter comme athée, explique-t-il (1). Un athée est vu comme un méchant, un drogué, un voleur. Mais dans le monde arabe, on vit encore comme au Moyen-Age, pas dans cette époque." S'il a tourné le dos à l'islam, en tout cas à sa version la plus dure, c'est que "dans le Coran, beaucoup de sourates invitent  de manière très claire à tuer, à détester les autres. Dans le texte du Coran, on lit que le musulman doit savoir qu'il est mieux que les autres, que c'est lui qui fabrique le monde. Les autres sont des élèves, lui le chef, le professeur. Parce qu'il sera le seul à aller au paradis; tous les autres, s'ils ne sont pas musulmans, iront en enfer." Il faudrait, dit-il encore, que "le monde arabe réfléchisse sans tabou, reconnaisse que la prophète Mahomet a semé la haine. Mais personne ne peut le dire, parce que l'islam est une religion politique."
Voilà des propos qui doivent être qualifiés d'islamophobes par les bonnes âmes et les tenants du politiquement corrects. Seuls ceux qui affirment, la main sur le cœur, que l'islam est une religion de paix ont le droit d'en parler. Les autres sont racistes. Même s'ils sont de la même "race" (2) que les pieux croyants et s'ils ont vécu de manière extrêmement dure, dans leur tête et dans leur corps, cette religion. Que reste-t-il du pouvoir de critique de tout citoyen? Quelle place laisse-t-on aux débats d'idées? A l'individu face au groupe?
Mais peut-être faudrait-il réécrire le Coran pour qu'on cesse de lui faire dire ce qu'il dit. Est-ce blasphématoire? Après tout, le Rijksmuseum d'Amsterdam est bien en train de modifier le titre de certaines œuvres d'art (3) pour éviter des mots qui choquent, tels que nègres ou maures
A refuser d'analyser de manière critique les textes et les œuvres, à empêcher les regards différents, on glisse vers l'obscurantisme. Et, partant parfois d'un bon sentiment, on use de pratiques très staliniennes.
Résumons-nous: l'intelligence peut progresser encore.

(1) France Musique, La Matinale culturelle, 18 janvier 2016: http://www.francemusique.fr/emission/la-matinale-culturelle/2015-2016/omar-youssef-souleimane-dossier-du-jour-et-si-les-refugies-avaient-aussi-besoin-de
(2) il est toujours amusant (ou effrayant) de lire certaines bonnes âmes qui vous ressortent, dès qu'on critique l'islam, la (stupide) notion de race...
(3) A Amsterdam, les Maures ne passeront pas, Télérama, 13 janvier 2015.

mercredi 20 janvier 2016

La nature (in)humaine




Le dit-on assez? La nature va mal. Et on n'est pas sûr que les décisions de la COP21 y changeront grand-chose. Aujourd'hui, quantité d'espèces disparaissent presque aussi vite que fond la glace du pôle nord. Selon la journaliste américaine Elisabeth Kolber, qui a mené à ce sujet une analyse durant cinq ans(1), un tiers des amphibiens seraient menacés de mort et il en va de même pour un quart des mammifères ou encore un sixième des oiseaux. "En tout, plus de dix pour cent de la faune actuelle s'éteindrait en une génération. Un tel événement se produit en général tous les cent millions d'années, et beaucoup plus lentement, et voilà que nous avons la (mal)chance d'y assister en direct, relève la reporter dans un demi-sourire (2)."
L'urbanisation sans cesse croissante, la déforestation, la désertification, les champs pétroliers, l'agriculture intensive, la production et la consommation de viande, l'extension des zones d'élevage, l'augmentation des transports terrestres et aériens, la surpêche, la production de CO2, l'emprise d'un tourisme de plus en plus massif, la commercialisation des animaux, le réchauffement climatique, voilà autant de causes humaines de la dévastation de la nature.
Bien sûr, ici et là, et même un peu partout, des citoyens, des associations, des pouvoirs publics tentent si pas de renverser la vapeur, en tout cas d'éviter le pire.
Mais l'économie a toujours besoin de plus d'espace, sur terre comme dans les airs, pour se développer. D'espaces aseptisés, débarrassés de cette nature incontrôlée ("La Terre, cette rebelle à mater",  écrit Fabrice Nicolono) (3). En France, 70.000 hectares sont bétonnés chaque année. Si on apprécie (parfois) la nature en vacances, il ne faudrait cependant pas qu'elle nous empêche de vivre au quotidien. On peut reprocher à quantité de responsables (?) politiques leur servilité au rouleau compresseur de l'économie et de la croissance, mais il faut aussi constater qu'il sont trop peu nombreux les citoyens qui s'opposent aux nouveaux centres commerciaux, aux nouveaux lotissements, à ces villes qui s'installent à la campagne parce que l'air y est plus sain... Combien d'entre nous râlent sur ces villes qui n'offrent plus de place pour se garer et se réjouissent de voir se développer, à la périphérie des villes, des zones commerciales excessivement gourmandes en espaces de nature ou en terres agricoles? Un environnementaliste français faisait récemment remarquer qu'en Allemagne, quand un centre commercial s'installe, ses parkings sont exclusivement prévus ou sur son toit ou dans son sous-sol. En France comme en Belgique, comme dans trop de pays, chaque commerce a ses parkings gigantesques, étalés à l'horizontale et bétonnés. 
L'homme est un bipède à quatre roues qui dévore la nature. Et se moque de l'avenir de ses enfants.

Les êtres humains sont les seuls animaux dont j'ai réellement peur.
George Bernard Shaw



(1) La 6e extinction. Comment l'homme détruit la vie, éd. La Librairie Vuibert, 2015.
(2) Erwan Desplanques: La voix de la faune, Télérama, 23 décembre 2015.
(3) Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture, éd. Les Echappés, 2015.

samedi 16 janvier 2016

La sociologie de l'autruche

A quoi servent donc les sociologues? Normalement à nous permettre de mieux comprendre le fonctionnement de la société. Mais nombre d'entre eux semblent s'être donné pour mission d'excuser l'inexcusable, de trouver des raisons compréhensibles aux agresseurs et souvent de faire des coupables des victimes. Quand ce n'est pas l'inverse.
Les agressions sexuelles commises la nuit du nouvel-an, notamment aux alentours de la gare de Cologne (plus de 650 plaintes), en sont un nouvel exemple. On avait pu lire dans la Libre Belgique les explications de l'anthropologue Francis Martens pour qui "ce qui s'est passé est classique et traditionnel" (1) et lui rappelle les antiques bacchanales. Il nous expliquait (je le cite de mémoire) qu'il ne fallait pas s'étonner qu'en ces fastes périodes de fêtes, des hommes qui n'ont rien aient envie de consommer comme tout le monde. Et dès lors s'en prennent aux femmes. Mais il se refusait à toute interprétation culturelle.
Depuis d'autres faits sont apparus, en Suède, en Belgique, parfois commis par de très jeunes adolescents (2). Ils sont inacceptables. Il faut le dire haut et fort. Et le faire comprendre. Au risque, sinon, d'attiser le feu.

Dans l'émission "28 minutes" (3), le sociologue Eric Fassin, tout en reconnaissant du bout des lèvres que les agresseurs pourraient être d'origine arabe et/ou musulmane, n'a cessé de seriner (quatre fois au  moins) qu'il y a un problème de grille de lecture, sans qu'on comprenne bien celle qu'il propose: quand on parle d'eux, dit-il, "veut-on dire qu'ils sont arabes, qu'ils sont sans papier, réfugiés, musulmans? C'est à voir. Peut-être...". Valérie Toranian (rédactrice en chef de la Revue des Deux Mondes) estime que "l'islam radical a déplacé le curseur. S'habiller différemment, ne pas avoir l'air d'une pute sont des choses qu'on entend de plus en plus et pour lesquelles des femmes, des filles sont obligées de faire attention à la façon dont elles se vêtent, sinon elles pourraient y être assimilées. Et le pire, c'est que beaucoup de femmes intériorisent cela."
"Beaucoup d'entre eux sont musulmans, mais ça ne veut pas dire qu'ils ont agi comme cela parce qu'ils sont musulmans", rétorque Eric Fassin.
"En Europe, lui répond Caroline Fourest, on avait réussi à faire en sorte que l'espace public soit un peu moins dangereux pour les femmes - c'est toujours dangereux, mais ça l'était moins que dans le reste du monde. Et donc, c'est très violent de subir un retour en arrière ici, dans les rares places que nous avons conquises. Il faut avoir le courage de dire que quand nous accueillons une immigration (...) qui vient de sociétés plus patriarcales que les nôtres, où il y a moins de sécularisation que chez nous, par définition le travail sera plus long, travail sur la laïcité, les droits des femmes."
Eric Fassin affirme qu'il aimerait en savoir plus sur les femmes agressées: "il semble qu'ils s'en soient pris à des femmes allemandes, blanches. Ca donne le sens de leur violence. (...) C'est sexiste, mais c'est en partie des rapports de classe, une manière de rabaisser les femmes. (...) Ils ne sont pas allés violer des prostituées, mais des femmes blanches".
Entre les lignes des propos extrêmement confus et embrouillés du sociologue (visiblement très peu à l'aise), on croit donc pouvoir comprendre qu'il ne faut surtout pas incriminer la culture des pays arabes ou l'éducation des jeunes mâles musulmans, mais la lutte des classes entre ces pauvres hommes arabes dominés et ces femmes allemandes et blanches dominantes. (Mais on n'est pas sûr d'avoir bien compris)

"En cherchant à ne pas stigmatiser une communauté, écrit Philippe Val (4), on la livre, jour après jour, à ses pires ennemis, aux racistes idéologiques, à ceux qui diffusent l'idée que certaines origines impliquent la nature mauvaise de tous les individus qui en sont issus."
"Il faut s'emparer de la réalité, affirme Caroline Fourest, l'affronter et poser comme un cadre de complexité qui permette d'éviter ensuite les récupérations. (3)"
Longtemps, les francophones belges ont fustigé les parcours d'intégration imposés en Flandre (inburgeringcursus), au nom du respect des souhaits de chacun, de sa culture, de son propre rythme d'apprentissage et d'intégration. Il semble aujourd'hui simplement normal d'initier celles et ceux qui viennent d'ailleurs aux valeurs, aux codes, aux règles, à la langue de la société qui leur ouvre ses portes. Peut-on dans le même temps fustiger l'attitude d'Occidentaux qui jouent les néo-colonialistes en Afrique, incapables de respecter les mœurs, les règles et les manières de vivre locales ou nationales, et rester dans le laxisme par rapport aux gens qui arrivent chez nous, sous prétexte qu'il faut laisser du temps à ces pauvres gens ou que notre culture n'est pas la leur?

"Quand on explique tout par le social, et rien par le politique et le culturel, cela signifie que l'on nie à l'autre toute liberté de choix, écrit encore Philippe Val. On devient le défenseur des pauvres, mais on les suppose trop stupides et trop déterminés par leur milieu social pour choisir tel comportement ou tel chemin personnel. En leur ôtant la responsabilité de leurs actes, on leur ôte la dignité d'être libres de choisir. C'est un peu comme si l'on disait à des populations pour la dignité desquelles on milite: ce n'est pas de votre faute si vous êtes des abrutis, c'est la société qui vous a faits comme ça. Mais nous, qui ne sommes pas des abrutis, nous allons montrer au monde que, parce que vous êtes défavorisés et misérables, vous avez de sacrées bonnes raisons d'être des abrutis."

A vouloir taire des faits, à refuser d'accepter une réalité qui, oui, nous dérange à plus d'un titre, on fait le jeu de l'extrême droite. Se mettre la tête dans le sable ne fait pas avancer, en l'occurrence ici, ni la cause des réfugiés, ni celle des femmes, ni celle de la sécurité, ni celle de la démocratie.

Philippe Val encore: "La Journée de la jupe (film de Jean-Paul Lilienfeld, avec Isabelle Adjani) mettait le doigt sur un tabou: les jeunes de culture musulmane et leur rapport à la société française en général et aux femmes en particulier. Le film montre ce que notre société sociologiste nie: la question de l'éducation et de la culture d'origine est bien plus invalidante que la question sociale. Surtout quand l'idéologie dominante s'accroche à la question sociale pour nier le reste, qui est culturel, lequel reste se sent encouragé, inspiré, impuni et justifié. Jamais le sociologisme ne remarque que, plus certaines libertés s'accroissent - droit des femmes, mariage des homosexuels... -, plus l'intégration se complique, à cause de l'archaïsme religieux. Alors, on évite la question."

Plus on sera dans le respect des règles et des valeurs qui régissent nos sociétés démocratiques, plus elles fonctionneront de manière fluide et plus l'intelligence collective et individuelle y gagnera. Mais, à vouloir être à tout prix politiquement corrects avec leurs pauvres, quelle aide nous apportent aujourd'hui tant de sociologues à devenir plus intelligents?

Quand je croisais ma sœur avec ses copines dans le quartier
Moi qui allais en soirée, je lui disais: 
Rentre à la baraque, va faire à bouffer!
Ensuite, j'allais rejoindre mes copines,
Celles qui me faisaient bien délirer.
Abd Al Malik

Woman is the nigger of the world.
John Lennon

Lire à ce propos, sur ce blog, "La nuit des prédateurs" (avec quelques réflexions d'Abnousse Shalmani), 6 janvier 2016.

(1) http://www.lalibre.be/actu/belgique/a-cologne-ce-qui-s-est-passe-n-est-ni-classique-ni-traditionnel-5692aa013570ed3895061f66
(2) http://www.lalibre.be/actu/belgique/une-enquete-ouverte-apres-des-agressions-sexuelles-dans-un-train-bruxelles-tournai-569895b63570b38a5827c018
(3) Pourquoi le silence sur les violences sexuelles?, Arte, 14 janvier 2016: http://www.arte.tv/guide/fr/060828-089-A/28-minutes?autoplay=1
(4) Malaise dans l'inculture, Grasset, 2015.



jeudi 14 janvier 2016

Archives

Voilà ce blog complété de mes petites chroniques. Elles avaient été publiées dans le magazine Méphistophélès qui, au milieu des années '90, fut publié et diffusé dans la région de Tournai. Sans le savoir, elles annoncaient les réflexions partagées via ce blog.
Le lecteur intéressé les trouvera classées dans les tout premiers billets de ce blog, en 1995 et 1996.

mardi 12 janvier 2016

Se repenser

Organiser une primaire à gauche pour désigner LE meilleur candidat, du moins le plus fédérateur, aux élections présidentielles de 2017? C'est le souhait d'une série de personnalités politiques, économiques, culturelles. Cette primaire aurait l'avantage non seulement de rassembler les différents courants de la gauche, mais surtout d'amener la gauche à se redéfinir, à se repenser en termes de valeurs et de projets. Ce qui semble indispensable dans le contexte actuel, si les électeurs français de gauche ne veulent pas être totalement désespérés.
Hier, Albert Algoud, invité de l'émission "Si tu écoutes, j'annule tout" (1), suggérait que le Front national, puisqu'il se présente comme un parti démocratique comme les autres, organise lui aussi sa primaire. On y verrait s'affronter tous les Le Pen, grand-père, fille et petite-fille. Et puis l'outsider Philippot. Ca s'appelerait un combat de primaires. 

(1) sur France Inter, du lundi au vendredi de 17 à 18h.

dimanche 10 janvier 2016

L'impolitesse du rire libérateur

A peine Dieu rit-Il que naquirent sept dieux qui gouvernèrent le monde, à peine Il éclata de rire qu'apparut la lumière, au second éclat de rire apparut l'eau, et au septième jour de Son rire apparut l'âme... Voilà comment "un alchimiste africain" attribue la création du monde au rire divin, ce qui révulse le moine Jorge qui assassine ceux qui tentent de s'approcher de ce livre parce qu'il estime que "ici on renverse la fonction du rire, on l'élève à un art, on lui ouvre les portes du monde des savants, on en fait un objet de philosophie, et de perfide théologie... (...) Ce livre pourrait enseigner que se libérer de la peur du diable est sapience. Quand il rit, tandis que le vin gargouille dans sa gorge, le vilain se sent le maître, car il a renversé les rapport de domination. (...) Le rire distrait, quelques instants, le vilain de la peur, dont le vrai nom est crainte de Dieu. Et de ce livre pourrait partir l'étincelle luciférienne qui allumerait dans le monde entier un nouvel incendie: et on désignerait le rire comme l'art nouveau, inconnu même de Prométhée, qui anéantit la peur. (...) Et de ce livre pourrait naître la nouvelle et destructive aspiration à détruire la mort à travers l'affranchissement de la peur." 
Ces lignes sont extraites du roman d'Umberto Eco "Le Nom de la Rose" qu'il a écrit en 1980 (1). Aujourd'hui, un autre incendie se propage dans le monde, mais il a été allumé par ceux qui se rangent du côté de Jorge, ceux qui tuent pour empêcher le rire et imposer par la force la peur. Et voilà que le même Umberto Eco en juin 2015 écrivait (2) que "un principe moral veut que l'on évite de heurter la sensiblité religieuse d'autrui, et c'est pourquoi celui qui blasphème chez lui ne va pas blasphémer à l'église. On ne doit pas s'abstenir de caricaturer par peur des représailles, mais parce que (et si le mot est un peu faible, je m'en excuse) c'est impoli. (...) L'affaire Charlie a bafoué deux principes fondamentaux, mais il a été difficile de les séparer face à l'horreur perpétrée par ceux qui avaient tort. Il était donc juste de défendre le droit de s'exprimer, fût-ce de façon impolie, en affirmant Je suis Charlie. Mais si j'étais Charlie, je n'irais pas me moquer de la sensibilité musulmane ou chrétienne (ni même de celle des bouddhistes). Si les catholiques sont froissés lorsqu'on offense la Sainte Vierge, respectez leur sentiment - éventuellement, écrivez un essai historique prudent pour mettre en doute l'Incarnation. Et si les catholiques tirent sur quiconque offense la Sainte Vierge, combattez-les par tous les moyens." 
Etonnant Eco qui a visiblement oublié que le rire peut être élevé à un art et aider à se libérer de la peur. Il l'écrivait il y a trente-cinq ans.

Post-scriptum: le point de vue des humoristes:
http://www.lemonde.fr/culture/article/2016/01/06/continuer-a-rire-de-tout-plus-que-jamais_4842605_3246.html

(1) Umberto Eco, Le livre de poche 5859, p. 584, puis pp. 592-593.
(2) "De Maus à Charlie", Umberto Eco, L'Espresso (Rome), 12 juin 2015, in Le Courrier international, 7 janvier 2015.

samedi 9 janvier 2016

Dieu existe, Charlie Hebdo l'a rencontré

Il va falloir se rendre à l'évidence: Dieu existe. Tout le monde l'a reconnu à la une de Charlie Hebdo de cette semaine. Certains y voient le dieu des Chrétiens, d'autres Allah ou Yaveh ou Jehovah. Même des athées l'ont reconnu, lui qui n'est, nous dit-on, qu'esprit. C'est dire si c'est bien lui ou en tout cas l'un de ceux-là. Mais peut-être ne voient-ils pas que c'est le même.
A nouveau, le dessin fait débat et pas ce qu'il indique. Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Ce dessin est l'arbre qui cache la forêt des dieux au nom desquels il est légitime de faire la guerre et d'agresser ceux qui n'y croient pas. Cette sombre forêt où opèrent les islamistes et leurs idiots utiles (et dangereux) de la gauche anti-colonialiste (et bien plus raciste qu'elle ne le pense).
Dans un coup de gueule pleinement justifié (1), Mohamed Sifaoui explique que oui, hélas, l'assassin court toujours. Depuis des années, le journaliste algérien, menacé de mort depuis longtemps par les islamistes, ne cesse de nous mettre en garde contre ce fléau. En 2007 déjà, dans "Combattre le terrorisme islamiste", il affirmait que (2) "une certaine gauche sert non seulement les intérêts d'islamistes en herbe, qui tentent d'exciter les jeunes des quartiers difficiles, mais aussi ceux d'idéologues salafistes aguerris ayant mis en application une stratégie visant à faire accepter l'islamisme en Europe, et enfin ceux des émules de Ben Laden dont les actions ont considérablement bouleversé les habitudes des sociétés occidentales".
Aujourd'hui, il tempête, avec force, contre tous ceux qui continuent à minimiser le danger ou, pire, à le renforcer. "On oublie, le plus souvent, de parler de la matrice idéologique qui ne cesse d'expliquer, par la voix de prêcheurs et de prédicateurs, en France ou à l'étranger, à travers les réseaux sociaux et les chaînes satellitaires, que le fait de massacrer à la kalachnikov un journaliste blasphémateur est un acte qui plaît à Dieu." Et ce sont aujourd'hui celles et ceux qui défendent la liberté d'expression et s'engagent, au péril de leur vie, contre le totalitarisme islamiste qui se font traiter de terroristes. "Ce cheptel de haineux est toujours là, sous nos fenêtres." (...) Et, dit-il, ils nous demandent "de rester silencieux, y compris devant ces crimes barbares, au nom du pas de stigmatisation. (...) Cette volonté d'anasthésier le débat montre que l'assassin court toujours."

On pouvait penser que ceux qui ne veulent pas voir auraient enfin compris où est le danger et auraient accepté de regarder en face la sinistre réalité, mais non, le monde musulman continue à se mettre la tête dans le sable et à pleurnicher qu'il est mal-aimé et les islamo-gauchistes à prendre le parti des fascistes qui ont pris l'islam en otage.
Grâce à tous ceux-là, l'islamisme continue à gagner du terrain, de manière parfois plus rampante, comme dans les universités ou les hôpitaux. Dans les universités, ces vénérables institutions d'apprentissage des sciences, les lieux de prière et les signes religieux se multiplient  et des cours de biologie sont régulièrement contestés par des créationnistes (3). Dans les hôpitaux, il devient courant "que des musulmans intégristes accompagnent des femmes entièrement voilées et refusent qu'elles soient examinées par des hommes" et que "des patientes refusent l'entrée d'un homme, même médecin, dans leur chambre d'hôpital" (4). Et celles et ceux qui s'opposent à ces pratiques et attitudes intégristes se font traiter d'islamophobes, si pas de racistes, par les obscurantistes de toutes obédiences. "Ainsi, pour la gauche de la gauche, écrit Richard Malka, la laïcité consiste-t-elle dorénavant à accepter des accomodements raisonnables de la République aux religions plutôt que de réclamer des accomodements raisonnables des religions à la République." (5).
Voilà pourquoi, à force de crier à l'islamophobie, elle se répand. Comment ne pas craindre une religion qui veut, par la force, imposer ses règles dans l'ensemble de la société? "J'ai peur des religions, dit encore Richard Malka, parce qu'elles portent un absolutisme qui menace mes libertés et mon libre-arbitre, et je ne vois pas pourquoi on aurait le droit de craindre le christianisme, le judaïsme et pas l'islam. Le simple fait de l'écrire crée un malaise, car la peur, justement, a gagné les esprits. Pas la peur des terroristes, mais celle que nous font ressentir les chasseurs professionnels d'islamophobes. (...) Nous devrions pouvoir exprimer les mêmes analyses critiques à l'égard de toutes les religions parce que nous considérons égaux en esprit critique tous les croyants. Renoncer à cette exigence au nom d'une posture, c'est cela le racisme."
Finalement, devrons-nous nous revendiquer comme islamophobes pour apparaître comme anti-racistes et défendre la laïcité? "Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d'islamophobe", affirme Elisabeth Badinter (6), "qui a été pendant pas mal d'années le stop absolu, l'interdiction de parler et presque la suspicion sur la laïcité. A partir du monent où les gens auront compris que c'est une arme contre la laïcité, peut-être qu'ils pourront laisser leur peur de côté pour dire les choses."

Le jour où la souffrance ne sera plus vue comme une obscénité et que la violence ne sera plus vue comme une toute-puissance fascinante là où elle n'est que le témoignage d'une impuissance, alors se profilera l'horizon de la liberté.
Elsa Cayat, psychanalyste, membre de l'équipe de Charlie Hebdo, lâchement assassinée le 7 janvier 2015 (citée dans Charlie Hebdo du 6 janvier 2016).

(1) http://www.huffingtonpost.fr/mohamed-sifaoui/oui--lassassin-du-7-janvier-court-toujours_b_8929136.html
(2) Grasset, 2007.
(3) Jacques Littauer: L'université a les foies, Charlie Hebdo, 6 janvier 2016.
(4) Patrick Pelloux: Les djihadistes sur le front de la santé, Charlie Hebdo, 6 janvier 2016.
(5) Richard Malka: Avec ma laïcité de métèque..., Charlie Hebdo, 6 janvier 2016.
(6) sur France Inter, 6 janvier 2016, 8h20
http://www.marianne.net/elisabeth-badinter-il-ne-faut-pas-avoir-peur-se-faire-traiter-islamophobe-100239221.html

jeudi 7 janvier 2016

Aujourd'hui, comme hier et comme demain



Dans le documentaire "Charlie, le rire en éclats" (1), cette déclaration de Fouad Alaoui, vice-président de l'UOIF (Union des Organisations islamiques de France), à propos des caricatures publiées en 2005 par Charlie Hebdo: "c'est un dessin ridicule, qui ne respecte rien. Et être dans une société où le respect d'autrui n'est plus une valeur, je me pose des questions". Qu'il se pose des questions, tant mieux. mais il oublie de se demander ce que veut signifier le dessin, qui dénonce ceux qui tuent au nom d'Allah ou de son prophète. Pour lui, visiblement, un dessin est insupportable, pas les crimes commis au nom de Mahomet (2). 
"Il faut rire, estime le philosophe Raphaël Enthoven. mais en amont, il faut quand même dire à quel point ceux qui disent que Charlie Hebdo jette de l'huile sur le feu sans voir que le problème, c'est le feu, pas l'huile, ceux-là manquent d'humour et c'est peut-être le premier des problèmes."
"Les religions ont peut-être compris mieux que d'autres, dit-il encore, à quel point l'humour n'était pas une chose légère, à quel point l'humour était une chose sérieuse, dangereuse pour tous ceux qui vivent dans un régime de convictions, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont rien approfondi."
"On est contre le sectarisme, quel qu'il soit, dit Cavanna. On ne doit jamais abdiquer la liberté de penser, c'est-à-dire l'esprit critique. Tout est toujours critiquable. Rien n'est sacré, rien n'est dit une fois pour toutes." 
Qu'est-ce qui est sacré? La parole de Mahomet? Le Coran? Que disent-ils? "Pas une ligne, affirme Malek Chebel qui a parcouru le Coran en profondeur pendant dix ans, pas une ligne dans le Coran n'interdit de représenter le Prophète" (3). Le voile est-il une obligation? En tout cas pas pour le Coran, d'après Ismael Saidi (4). Et quand même bien même ces règles seraient écrites dans un livre dit sacré, ce sacré n'existe que pour celui qui y croit. Les autres ont le droit d'en rire. Aujourd'hui, comme hier et comme demain.

Post-scriptum: un texte très fort de Mohamed Sifaoui pour expliquer que oui, hélas, l'assassin du 7 janvier court toujours. Et qu'on n'est pas près de l'arrêter...
http://www.huffingtonpost.fr/mohamed-sifaoui/oui--lassassin-du-7-janvier-court-toujours_b_8929136.html

(1) excellent documentaire de Philippe Pouchain et Yves Riou, diffusé sur France3 ce 6 janier 2016:
http://www.france3.fr/emissions/documentaires/videos/charlie_le_rire_en_eclats_06-01-2016_1024410
(2) (re)lire sur ce blog "Charlie est bien vivant", 14 janvier 2015.
(3) "Paris est une cible", sur Arte, 5 janvier 2016.
(4) http://www.lalibre.be/regions/bruxelles/ismael-saidi-auteur-de-la-piece-djihad-le-coran-n-oblige-pas-a-porter-le-voile-568d84a33570b38a5800bd4d


mercredi 6 janvier 2016

La nuit des prédateurs

Durant la nuit de nouvel-an, une centaine de femmes ont été agressées sexuellement en Allemagne: à Cologne, mais aussi à Stuttgart et Hambourg. D'après leurs témoignages, les agresseurs (on parle d'un millier!) étaient "d'apparence arabe ou nord-africaine" (1). Si c'est le cas, voilà qui démontre(rait), s'il le fallait encore, combien il faut s'opposer au relativisme culturel défendu par une certaine gauche. Par ceux qui pensent qu'il faut admettre le voile, voire la burqa, parce qu'il s'agit là de références culturelles pour des femmes venues d'ailleurs. L'explication de ces codes, la plupart du temps imposés aux femmes par des hommes, veut que les cheveux d'une femme, ses épaules, ses jambes (et ne parlons pas du reste) excitent les hommes. Et qu'il faut donc qu'elles cachent leur corps pour échapper à leur sauvagerie. Ils ne peuvent se maîtriser, à elles de disparaître de l'espace social. Celles qui ont le toupet de "se montrer" sont considérées comme des putains, qu'on peut donc toucher, voire violer comme on l'entend. Je l'ai déjà évoqué ici: lors d'un débat sur le voile (c'était  à Tournai il y a plus de dix ans), les deux jeunes filles qui témoignaient affirmaient que ce morceau de tissu leur permettait de ne plus subir les insultes, voire les menaces des garçons (2). Il faut donc rester intransigeant sur les règles de ce vivre ensemble dont on parle tant aujourd'hui. Elles doivent être les mêmes pour tous. Comme les droits doivent être identiques pour les femmes comme pour les hommes. Ici et ailleurs. On pense aux femmes du bus 678, le film de Mohamed Diab, aux agressions sur la place Tahrir au Caire, au bus 110 à Brooklyn où les femmes doivent s'installer à l'arrière pour ne pas tenter les hommes hassidiques qui habitent dans le coin (3). Le sexe fort est si faible.
"Je ne sais pas pourquoi mais c'est ma faute, écrit Abnousse Shalmani (4). C'est ma faute si un homme éprouve du désir à mon endroit. Quelle que soit la situation, c'est ma faute. Est-il vraiment nécessaire de rappeler les viols en Iran ou ailleurs, où c'est la femme violée qui est jugée et condamnée pour incitation au viol? Ce qui est logique puisque l'homme est libéré des contraintes morales et sociales quand il est provoqué. C'est absurde, mais c'est rudement logique. Cette femme pourrait être une fille seule dans un taxi la nuit ou une étudiante flânant dans les rues trop de sourire aux lèvres, ou encore cette femme fatiguée qui s'est endormie dans le bus où il ne restait plus que des hommes et son foulard a glissé. Il ne faut pas tenter le diable. Etrange conception du vivre ensemble où chacun est autorisé à se transformer en prédateur. Sans culpabilité. La femme est là pour être coupable pour deux. Au nom de quelle foi la femme est-elle si dangereuse pour l'homme?"

Post-scriptum: lire l'édito de Maroun Labaki dans le Soir:
http://www.lesoir.be/1089994/article/debats/editos/2016-01-11/violences-cologne-je-suis-une-femme-agressee

(1) http://www.liberation.fr/planete/2016/01/05/allemagne-vague-d-agressions-sexuelles-a-cologne-un-millier-de-personnes-impliquees_1424431
http://www.lalibre.be/actu/international/agressions-sexuelles-en-allemagne-des-temoignages-de-victimes-dans-les-medias-568ce3383570b38a57fef1a8
(2) re)lire sur ce blog "Vin, voile et burqa", 22 juin 2009.
(3) "La femme n'est pas un homme comme les autres", 31 juillet 2013.
(4) Abnousse Shalmani: Khomeiny, Sade et moi, Grasset, 2014.

dimanche 3 janvier 2016

Que faire?

Que faire en cette année 2016 pour qu'elle soit un peu meilleure que celle qui l'a précédée?
Semer des graines. Planter des arbres. Ecouter Schubert et Mingus. Et Féloche. Et Camille. Et aussi Vincent Segal et Ballaké Sissoko. Lire de la poésie et de la philosophie. De la BD aussi, "Les vieux fourneaux" par exemple, ou "Vive la marée". Marcher et prendre du recul. Jouer aux fléchettes avec une affiche de Marine Le Pen. Nourrir les oiseaux. Travailler s'il le faut. Ouvrir sa porte. Pratiquer la chasse aux idées reçues et simplistes. Sourire. Faire l'amour et de l'humour, parfois les deux en même temps. Se bouger. Ne jamais laisser passer une occasion de découvrir un nouveau vin. S'asseoir sur une chaise devant sa porte. Dire aux amis qu'ils le sont. Sauver la planète. Ne pas laisser dire n'importe quoi. Faire l'andouille. Ne rien subir sans réagir. S'envoyer en l'air quand tout s'effondre (1). Regarder les nuages. S'emporter et se laisser emporter. Revoir les films de Tati. Avoir envie de comprendre (et essayer). Savoir dire non. Et parfois dire oui.




(1) devise de la compagnie de cirque XY.