mercredi 28 mai 2014

Les désespérants partis du désespoir

Le Parlement européen voit donc déferler en son sein une vague. Elle est assez brune et malodorante.
Ce sont des votes de protestation qui y amènent des élus d'extrême droite et de partis populistes, nous dit-on. Les Français avaient le choix entre 25 listes, mais, pour eux, seule celle de la famille Le Pen incarnerait donc cette protestation. On a du mal à le croire. C'est bien d'un vote d'adhésion qu'il s'agit. Dans le village où j'habite, peuplé de quelque 650 habitants, 38% d'entre eux ont voté pour le FN. Les 62 autres % ne comprennent pas. Pourquoi choisir le parti de la haine, du rejet des autres, de la peur, du repli sur soi? Comment confier son avenir au père Le Pen, "milliardaire ancien député poujadiste, ancien compagnon de route de l'OAS, ancien thuriféraire de Vichy, faiseur de bons mots sur les fours crématoires" (1)? Comment faire confiance à un parti qui a promis de faire la chasse aux journalistes, de les "attaquer à mort", de leur "marcher dessus"? C'est le directeur de cabinet de Marine Le Pen qui parle là de "tous ces connards de journalistes institutionnels" (2). Il faut dire qu'Apolline de Malherbe, éditorialiste politique à BFMTV avait eu l'outrecuidance de poser, dans son émission, à la fille à papa Le Pen des questions que celle-ci ne lui avait pas demandé de poser. Ce qui ne se fait pas. Au FN, on n'aime que la presse qui pose de gentilles questions et se couche où on lui dit de se coucher.
Comment croire que le FN va investir dans l'aide sociale? A Fréjus, dirigé depuis peu par le FN, trois structures sociales voient leurs moyens diminuer de 46 à 65%, une décision - sans concertation - de la Ville (3).
"Le vote FN est un suicide", affirme Bernard Maris (1). Le désespoir est-il donc si profond en France?

Il l'est ailleurs aussi visiblement. L'Ukip britannique fait une entrée en force au Parlement européen, "un parti qui parle le langage des comédies populaires télévisées, bourdes racistes comprises" (4). Son leader, Nigel Farage, est charismatique, même si ses électeurs sont censés savoir à qui ils ont affaire: "un ancien banquier, gavé de subventions (il aurait abusé des aides européennes en 2013) qui a été éduqué dans l'enseignement privé. (...) Le fait qu'il retire un salaire confortable de son travail politique, qu'il ne crache sur aucun financement européen payé par le contribuable et qu'il emploie comme secrétaire sa femme n'a pas pénalisé Farage. (...) Farage passe pour un brave filou, en fait, c'est un voyou" (4).
Le dessinateur David Ziggy Greene relate (5) quelques déclarations publiques de candidats du Ukip:
- "les récentes inondations sont une punition pour le mariage gay."
- "les victimes de viol sont en partie à blâmer." 
- "les femmes qui ne nettoient pas derrière le réfrigérateur sont des salopes."
- "les musulmans se reproduisent dix fois plus vite que les chrétiens."
On voit par là qu'on a affaire à un parti au programme très nuancé et réfléchi.

D'autres partis populistes, d'extrême droite, europhobes, racistes et autres seront largement représentés au Parlement européen. Notamment le Parti populaire danois, le FPO autrichien, le PVV néerlandais (qui a heureusement fait de moins de voix que prévu). Ces partis, par définition, ne s'apprécient pas toujours entre eux. Le FN considère l'Aube dorée grecque comme un parti nazi, mais le FN est lui-même vu par l'Ukip comme antisémite.
Quoi qu'il en soit, les positions radicales de ces partis forts en gueule mais faibles en contenus risquent fort de polluer les débats et de tirer plus à droite encore de nombreux conservateurs et même des sociaux-démocrates. "Par son poids électoral, il (le FN) a d'ores et déjà modifié la façon dont la France gère l'immigration et les immigrés. (...) Il pourrait étendre bien plus loin son influence, notamment en matière de politique européenne" (6). Restent aux partis de gauche à reprendre la main, à redonner espoir, avec des positions fortes, des idées nouvelles, des visions d'avenir. Y a du boulot.

(1) "Sombre dimanche", Bernard Maris - Charlie Hebdo, 28 mai 2014.
(2) http://www.liberation.fr/politiques/2014/05/27/le-fn-veut-attaquer-a-mort-les-journalistes_1027958
http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/28/fichier-fn-journalistes-sil-existe-na-ete-declare-a-cnil-252535
(3) Charlie Hebdo, 21 mai 2014.
(4) "Nigel Farage, l'escroc bien-aimé", Laurie Penny - New Statesman (Londres), 30 avril 2014 (in Le Courrier international, 22 mai 2014).
(5) "The great debate", David Ziggy Greene - Charlie Hebdo, 21 mai 2014.
(6) "Le FN, un faux séisme", David Bell - Financial Time, 14 mai 2014 (in Le Courrier international, 22 mai 2014).
A lire aussi:
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-noel-mamere/2014/05/26/noel-mamere-bienvenue-au-pays-des-schtroumpfs-en-bleu-marine-232978
Et parce que mieux vaut en rire (quoique...):
http://www.legorafi.fr/2014/05/26/marine-le-pen-je-tiens-a-remercier-les-francais-les-plus-faibles-psychologiquement-davoir-vote-pour-nous/

lundi 26 mai 2014

Drapeau en berne

Encore des électeurs bernés. A peine le parti de la famille Le Pen a-t-il remporté, en France, les élections européennes que le ciel bleu de ce dimanche se charge lundi de nuages qui ne tardent pas à déverser des trombes d'eau sur un hexagone de plus en plus étroit. Les températures dégringolent, chacun rallume son feu. Bref, c'est l'automne en mai. L'hiver frappe à la porte.

L'Europe a connu ce 25 mai un dimanche plus brun que noir. 25% des Français qui se sont rendus aux urnes ont choisi de voter pour le parti qui les invite à regarder leurs pieds plutôt que l'horizon, à préférer les clôtures aux ponts. Une électrice française explique qu'elle n'apprécie pas les idées du Front bas National, mais qu'elle a voté pour lui "pour la raison que vous savez". "Laquelle?", lui demande de préciser la journaliste. "L'immigration", dit-elle (1).
25% des Français ont choisi de multiplier largement le nombre des députés du FN qui jusqu'ici ont juste brillé par leur absence au Parlement européen. Des profiteurs d'un système qu'ils critiquent et méprisent, incapables d'y apporter des idées nouvelles. Le programme du FN tient sur un timbre-poste. Le Pen père siège depuis trente ans au Parlement européen où on parle plus de lui pour les procès dont il est l'objet pour insultes ou racisme que pour des propositions créatives et novatrices. Ses dernières incontinences verbales, infectes, dignes des nazis (2),  ne l'ont pas empêché d'être réélu. Sans doute par des électeurs "anti-système", ou naïfs ou cyniques.
Voilà donc le parti de la famille Le Pen, poursuivi pour "extorsion en bande organisée et faux et usage de faux"(3), devenu - très provisoirement, on l'espère - le premier de France. Ce parti qui repose sur de grandes valeurs telles que la suffisance, le mépris, la tromperie, la désignation de boucs émissaires (les étrangers, les musulmans, les Juifs, l'Europe et on en passe), la peur de l'autre, le repli sur soi, le rétropédalage, séduit un électeur français sur quatre.
"Vous vous sentez responsables de cette victoire?", demande la journaliste à des représentants du Modem, des Verts et du Front de Gauche (1). Le FN lui-même, par son approche insultante à l'intelligence humaine, est responsable de son succès. Tout autant que ses électeurs, que les abstentionnistes qui ne lui ont pas fait barrage (et qui aujourd'hui se scandalisent de cette victoire avant de s'en accommoder demain), des médias qui adorent interviewer la fille à papa Le Pen parce qu'elle fait de l'audience, et du PS et de l'UMP dont les représentants sont devenus des notables déconnectés de la société et qui accumulent les casseroles (voir l'affaire Bygmalion à l'UMP). Même si le FN en fait tout autant, en pratiquant le népotisme ou en utilisant les mandats politiques au profit de ses élus (voir l'absentéisme des députés européens du FN (4) et les mandats locaux dans le sud-est dans les années '90).
Jean-Marie Le Pen a, paraît-il, parlé de "séisme" à propos du succès de son parti. On est d'accord avec lui, mais partiellement. Il s'agit bien d'une catastrophe, mais elle n'est pas naturelle. Elle est culturelle.

Aujourd'hui, beaucoup de Français se disent honteux de la place du FN dans le paysage politique de leur pays. A cette heure, il pleut toujours. Des larmes de colère, de rage et de désespoir. Les pluies sont acides.

Voilà voilà que ça recommence
Partout partout et sur la douce France
Voilà voilà que ça recommence
Partout partout ils avancent.
                  Rachid Taha - "Voilà voilà"

Attention, mon ami, je l'ai vue
Méfie-toi, la bête est revenue
C'est une hydre au discours enjôleur
Qui forge une nouvelle race d'oppresseurs
Y a nos libertés sous sa botte
Ami, ne lui ouvre pas ta porte.
                  Pierre Perret - "La bête est revenue"

(1) France Inter, Journal, 26 mai 2014, 13h.
(2) sur ce blog, "L'Europe entre détestables et détestés", 21 mai 2014.
(3) sur ce blog, "Pauvre petite fille riche", 17 avril 2014.
(4) sur ce blog, "Chère Marine", 19 mai 2014, et "Cracher dans la soupe", 15 mai 2014.

mercredi 21 mai 2014

L'Europe entre détestable et détesté

Donc (voir billet précédent) il faut voter pour l'Europe. Certainement pas contre. Evidemment, on peut voter pour une autre Europe, plus sociale, plus intégrée, plus fédérale, plus écologiste. Mais jamais contre son principe même.
On peut l'imaginer plus forte, plus démocratique, comme l'ont fait une quinzaine d'eurocrates qui ont imaginé Euro2030, en formulant 50 propositions pour changer l'Europe. "La Commission deviendrait un véritable exécutif, et le Conseil de l'UE une chambre haute. Le président de la Commission, élu de préférence par suffrage universel, serait l'équivalent d'un Premier ministre, tandis que le Président du Conseil deviendrait le président de l'UE, à la manière d'un chef d'Etat, avec un rôle d'autorité morale et de garant du respect des valeurs communes. (1) Proposition - parmi d'autres - particulièrement intéressante: celle d'un "contrat de travail européen": il présenterait des avantages en termes de mobilité et de pension, et permettrait de créer un ancrage pour une assurance chômage européenne.

Donc, il faut voter pour l'Europe. Mais pour qui?
On peut procéder par élimination. En éjectant les europhobes. En particulier la famille Le Pen et son parti. Le candidat du FN dans le sud-est, président dit "d'honneur" de ce parti qui n'arrive pas à se débarrasser de son odeur d'égout, a affirmé avoir la solution pour "contrer l'explosion démographique". 
"Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois", a-t-il déclaré (2). Jean-Marie Le Pen a été atteint très jeune de sénilité précoce, une maladie qui tue lentement. Quand une vipère se mord la langue, elle ne meurt pas de son propre venin. On parle, un peu partout, de nouveau dérapage. Ce n'en est évidemment pas un. On ne peut donc imaginer voter pour des partis et des individus toxiques.
Pour qui d'autre? Certainement pas pour l'UMP qui se moque de l'Europe: "voter pour nous, c'est voter contre Hollande!", affirme Jean-François Copé (3) à qui personne ne semble avoir dit que les élections de ce dimanche concernent l'Europe.
Pas non plus pour Michèle Alliot-Marie: si elle est élue députée européenne, elle gagnera moins bien sa vie, la pauvre. Les plus que confortables indemnités des parlementaires européens ne sont que roupies de sansonnet pour elle (4). 

Personnellement, je voterai pour Philippe Lamberts, tête de liste Ecolo (Belgique). Durant son premier mandat, il s'est illustré par sa pugnacité à vouloir réguler le secteur bancaire et à y augmenter la transparence. Il a même réussi à imposer un plafonnement des bonus des banquiers, au point d'être présenté par le journal Le Monde comme "l'homme le plus détesté de la City" (5). 
Allez savoir pourquoi, je préfère les gens détestés aux gens détestables.

(1) Le Soir, 12 mai 2014.
(2) www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/05/21/pour-jean-marie-le-pen-le-virus-ebola-peut-regler-en-trois-mois-les-problemes-d-immigration_4422584_4350146.html
(3) Charlie Hebdo, 21 mai 2014.
(4) rue89.nouvelobs.com/zapnet/2014/04/30/mam-vais-perdre-largent-allant-parlement-europeen-peut-gagner-11-000-euros-mois-251853
(5) http://www.philippelamberts.eu/lennemi-n1-de-la-city-de-londres-portrait-dans-le-financial-times/
Voir aussi https://www.youtube.com/watch?v=90n_zSwKWgg 

mardi 20 mai 2014

Une Europe sans charentaises

La plupart des Européens sont comme Monsieur Jourdain: ils pratiquent et profitent de l'Europe tous les jours, mais ne s'en rendent pas compte.
En Hainaut, on ne compte pas les projets locaux et régionaux qui ont bénéficié de larges subventions dans le cadre du programme Objectif 1. Même la place du village où j'habitais a été rénovée grâce à tels crédits (1). Ici, au cœur de la France, l'espace consacré au marché dans un hameau voisin a été rénové grâce à des fonds FEDER.
En tant qu'enseignant j'ai vu de très nombreux étudiants profiter du programme Erasmus. Dans un sens comme dans l'autre: nos étudiants ont eu la chance de pouvoir aller étudier à l'autre bout de l'Europe et nous avons eu le plaisir d'accueillir des étudiants venus d'Espagne ou de Sardaigne, de Lituanie, de Pologne ou de Roumanie. J'ai moi-même eu l'occasion de donner quelques heures de cours à Bucarest.
Le Parc naturel des Plaines de l'Escaut, en Belgique, est en train de créer, avec le Parc naturel régional Scarpe-Escaut, côté français, le premier parc naturel transfrontalier. Des fonds européens soutiennent les initiatives prises par les deux parcs. La nature ignore les frontières.
La Maison de la Culture de Tournai participe à un partenariat, sous forme de festival, avec des institutions sœurs de France et de Flandre. Les fonds INTERREG de l'Union européenne le soutiennent.
On pourrait citer ainsi des centaines, des milliers de projets, dans d'autres domaine aussi, dans l'économie, dans la recherche, dans le social, dans l'agriculture évidemment, qui bénéficient de larges subventions européennes.

Ce qui n'empêche pas quantité d'électeurs d'annoncer qu'ils voteront pour les partis qualifiés à tort d'eurosceptiques, alors qu'ils sont clairement europhobes, proposant un retour en arrière, un repli sur soi, forcément sclérosants et appauvrissants à tous points de vue. Des partis qui n'ont pour programme que le port des charentaises, pour slogan que "home sweet home". Leurs électeurs sont-ils assez naïfs pour ne pas se rendre compte que voter contre l'Europe c'est voter contre ses propres intérêts, qu'on n'avance pas en reculant?
"L'agriculture française reçoit chaque année 9 milliards d'euros de l'Union européenne, rappelait récemment un représentant de la FNSEA. La politique agricole est la principale, si pas la seule, politique européenne commune. Les agriculteurs sont les premiers Européens, affirmait-il." (2) Quelques jours auparavant, plusieurs agriculteurs d'un village du Centre de la France recevaient un candidat du parti de la famille Le Pen et lui apportaient leur soutien. Cherchez l'erreur, l'incohérence.

Il ne faut surtout pas moins d'Europe. Il en faut plus, il faut une meilleure Europe. Une Europe plus sociale, plus axée sur le développement durable, une Europe plus novatrice, plus ouverte. Les problèmes d'énergie, d'emplois, de transport, d'immigration, d'environnement, de culture, de recherche, d'agriculture, etc. ne se règleront pas qu'au seul niveau national. Au contraire. Toutes ces thématiques nécessitent une vision large et concertée.
L'Europe évolue. Pour la première fois, c'est le Parlement européen qui désignera le président de la Commission. Donc les électeurs ont la main. "Le Parlement européen est en train d'acquérir une maturité politique, estime Françoise Castex, eurodéputée socialiste sortante, aujourd'hui militante à Nouvelle Donne en France. Il prend conscience de son pouvoir et je fais le pari que, s'il n'est pas trop dominé par les eurosceptiques, il va en user pour réorienter l'Union européenne." (3) Elle relève que c'est le Parlement européen qui a, malgré une gauche minoritaire, fait rejeter le traité Acta, renforcé la protection des données personnelles, voté sur la neutralité du Net. Elle regrette que "la plupart des partis, dans cette campagne, parlent de tout, sauf du rôle concret des élus au Parlement européen".

Ce 25 mai, ne pas aller voter ou voter pour les europhobes, c'est s'enfermer chez soi et fermer ses volets, plutôt que de chausser ses bottines de marche pour aller voir plus loin.


Pour faire un choix entre les grandes familles politiques en lice:
http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/18/europeennes-plus-quune-semaine-choisir-coup-main-252220

(1) crédits qui, il faut bien le dire, ont été distribués, en Hainaut, par saupoudrage. Mais la responsabilité incombe ici aux autorités régionales wallonnes.
(2) France 3, Journal, 12 mai 2014, 19h30.
(3) http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/03/changement-cela-passera-forcement-parlement-europeen-251883

lundi 19 mai 2014

Chère Marine

Il existe un moyen - parmi d'autres - de réduire les frais des institutions européennes: éjecter du Parlement les députés d'extrême droite et des partis populistes. Ils coûtent trop cher, figurent parmi les plus absents et les moins actifs des élus européens. 
Un exemple, au hasard: la fille à papa Le Pen. En cinq ans, elle a posé trois questions parlementaires, quand le champion du genre (un conservateur portugais) en a posé 1.494. Elle n'a produit aucun rapport, alors que l'élue la plus active en a assuré 54 (1).
Si on considère qu'un parlementaire européen gagne quelque 12.000 euros par mois (indemnité + indemnité forfaitaire de frais généraux) (2), on peut estimer qu'une question parlementaire de la fille à papa Le Pen a coûté à la société européenne 240.000 euros. 
Résumons-nous: les anti-système coûtent cher au système.

(1) Arte Journal, 19 mai 2014.
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Rémunération_des_acteurs_institutionnels_en_France#D.C3.A9put.C3.A9_europ.C3.A9en

dimanche 18 mai 2014

Nouvelles lepenades

La fille à papa Le Pen admire le nouveau petit père du peuple russe. Ce n'est pas nouveau, mais elle tient à ce que cela se sache (1).
Elle se trouve des valeurs communes avec Vladimir Poutine, celles de "l'héritage chrétien" de la civilisation européenne. 
La charité chrétienne, c'est vraiment leur truc à tous les deux. Ca se voit sur leur visage. Ils donneraient leur vie pour sauver leur prochain, leur chemise à un Tchétchène ou à un Rom. D'ailleurs, Poutine le dit tous les jours la main sur le cœur: il ne souhaite qu'une chose, que les Ukrainiens et les Russes aiment leur prochain comme eux-mêmes et que tout le monde vive dans la paix et la fraternité. Et puis, c'est bien simple: si Jésus était né en cette époque, ses sans papiers de parents n'auraient pas dû se réfugier dans une étable, mais la fille à papa Le Pen leur aurait ouvert toutes grandes les portes de la grande maison familiale à Saint-Cloud. Elle est comme ça l'héritière: généreuse, solidaire, compassionnelle. En un mot, plus catholique que le pape, plus orthodoxe que le pope. On lui donnerait le bon dieu sans confession. Peut-on canoniser quelqu'un de son vivant?

(1) www.lalibre.be/actu/international/marine-le-pen-salue-poutine-avec-qui-elle-defend-des-valeurs-communes-537896c03570102383cb0d85

vendredi 16 mai 2014

Journée de la jupe

Monseigneur Lefebvre et l'ayatollah Khomeiny se sont retournés dans leur tombe. Voilà que des opposants au "mariage pour tous" protestent contre le port de la jupe par des lycéens. Eux qui ont passé leur vie en robe ont-ils donc été des soutiens à la "théorie du genre"? On n'y avait pas pensé, mais maintenant on s'interroge.
Des étudiants de Nantes ont décidé de passer la journée d'aujourd'hui vêtus d'une jupe pour lutter contre le sexisme. Des manifestants sont venus leur dire l'horreur que représente pour eux une telle action. Pourquoi un garçon ne peut-il porter une jupe même pour un acte symbolique?, demande une lycéenne. "Parce que vous êtes une femme et que je suis un homme et qu'il faut respecter nos différences", affirme un manifestant (1). On voit pourtant parfois parmi ceux-ci des prêtres d'un autre temps portant la soutane. Sont-ils licencieux, sont-ils immoraux? Il faut le croire. Les anti-mariage pour tous vont-ils bientôt réclamer l'interdiction du port du pantalon par les femmes pour que les différences soient respectées? Et pourquoi pas l'interdiction du port de la barbe par les vainqueurs de l'Eurovision? 
Partisans de la-manif-pour-tous-les-réacs-mais-contre-les-homos-la-théorie-du-genre-et-tous-ceux-qui-ne-sont-pas-comme-eux, portez des jupes, laissez pousser vos cheveux, courez nus dans votre jardin, faites des galipettes, poussez des cris de joie, vous verrez, ça ira mieux, votre esprit s'éclairera.

(1) France 3, JT, 15 mai 2014, 19h30.

jeudi 15 mai 2014

Cracher dans la soupe

Qui sont aujourd'hui en France les plus grands pourfendeurs de l'Union européenne? Les Le Pen père, fille, petite-fille, beau-fils et les membres de leur parti.
Qui accuse les autres élus politiques d'être des profiteurs du système? Les mêmes.
Qui trouve-t-on au fond de la classe du Parlement européen? Les Le Pen père et fille qui sont classés respectivement 709e et 701e sur 766 en termes de participation aux travaux du Parlement (1). A part venir toucher les larges indemnités que leur confère leur fonction, ils ont visiblement autre chose à faire que de perdre leur temps dans cette assemblée sur laquelle ils crachent.
Qui vient en tête des intentions de vote en France pour le Parlement européen? Les mêmes.
On voit par là que des électeurs se laissent aisément berner par de bas parleurs qui savent tirer parti à leur profit d'un système qu'ils prétendent dénoncer.

(1) www.lalibre.be/actu/international/les-mauvais-comptes-de-marion-marechal-le-pen-536a4678357061b533a3089a

lundi 12 mai 2014

L'art de savoir se taire

Les gens ont parfois des idées étranges. Vous savez comment ils sont. Voilà que certains se sont mis à entonner un chant guerrier lors de la cérémonie commémorant l'abolition de l'esclavage. La Garde des sceaux s'est abstenue de chanter, préférant se recueillir, a-t-elle expliqué. Elle doit démissionner, hurlent, avec la délicatesse qui les caractérise, des leaders de droite et de l'extrême arrière. On finirait par croire qu'ils ne l'aiment pas. Mais n'est-il pas simplement décent de s'abstenir de chanter un appel au meurtre en ces moments? Appeler à ce "qu'un sang impur abreuve nos sillons" alors qu'on se réjouit d'avoir mis fin (ou tenté de le faire) à l'esclavage n'est sans doute pas faire preuve de pertinence.
Résumons-nous: il serait temps de remplacer cette Marseillaise d'un autre temps par un hymne plus mobilisateur et porteur de valeurs autrement positives.

A lire aussi:
http://rue89.nouvelobs.com/zapnet/2014/05/12/giscard-78-pourquoi-les-politiques-doivent-chanter-marseillaise-252090
et
http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/13/viens-reunion-trouve-marseillaise-nest-chant-adequat-252130

mercredi 7 mai 2014

Qu'est-ce qu'on dit au monsieur?

Bientôt le Mundial de foot. On s'affaire au Brésil pour terminer les chantiers. Celui du nouveau stade de Sao Paulo, qui accueillera le match inaugural, devrait coûter quelque 420 millions de dollars dans cette ville où manquent 700.000 logements. Les prix des loyers ont explosé. Des milliers de personnes sont à la rue. A l'arrière du stade, les favelas se développent plus vite que lui. Un nouveau bidonville vient de s'ajouter aux autres, il regroupe 4.000 tentes pour 1.500 familles chassées par le chantier (1). Les gens se plaignent tout le temps. Ils ne se rendent pas compte des efforts que les organisateurs de la plus grande manifestation sportive ont consenti pour monter cette belle fête. Elle va les distraire de leur quotidien. Et ils ne savent même pas dire merci à Platini et à la FIFA (2). On voit par là que le temps est à l'ingratitude.

(1) Arte Journal, 7 mai 2014, 19h45.
(é) lire "Ne pas déranger ", sur ce blog, 28 avril 2014.

lundi 5 mai 2014

Chèque en blanc

La démocratie connaît son lot d'indécis. Ils ne peuvent choisir, balancent d'un pied sur l'autre, restent insatisfaits. Ils ont parfois une large palette de partis entre lesquels choisir, de l'extrême gauche à l'extrême droite, mais ne trouvent pas chaussure à leur pied. Ils l'ont pourtant large, disent-ils. Ils votent donc blanc. Laissant ainsi aux autres électeurs le soin de poser un choix à leur place. Mais ils voudraient surtout que la classe politique entende leur message: ils ne sont séduits par aucun parti.
En France, jusqu'il y a peu, le vote blanc était comptabilisé avec les votes nuls. Les électeurs blancs étaient vexés: on ne peut les confondre, eux qui ne votent pas pour n'importe quoi, avec ceux qui votent n'importe comment.
Désormais, à partir des prochaines élections européennes, ce ne sera plus le cas. Ils s'en réjouissent et  espèrent ainsi diminuer le nombre de votes protestataires qui se dirigent vers l'extrême droite.
Mais il sont visiblement définitivement insatisfaits, ils ne trouvent pas leur bonheur dans les 22 listes qui se présentent aux élections européennes en France le 25 mai prochain. Il y en a pourtant pour tous les goûts et tous les positionnements: les partis dits traditionnels, du Front de Gauche au national, en passant par les Verts, le PS, Alternative (au Centre) et l'UMP, mais aussi Debout la République, le Nouveau Parti anticapitaliste, Démocratie réelle, Nouvelle Donne, le Parti pirate, la Bretagne pour une Europe sociale et une bonne dizaine d'autres listes encore (1). Les insatisfaits le sont tellement qu'aucune ne correspond à leurs souhaits. Il y aurait trente-sept listes ou cinquante-trois ou deux cent vingt-neuf, ils resteraient toujours sur leur faim. Ils n'envisagent de présenter une liste qui remplirait leurs attentes en portant un programme qui serait le leur puisque ces attentes ne sont évidement pas exprimées, et si elles l'étaient elles risqueraient d'être contradictoires: on imagine aisément que parmi les militants du vote blanc certains sont pour plus d'Europe, d'autres pour moins; certains pour une Europe plus sociale, d'autres pour une Europe plus capitaliste; pour une Europe végétarienne ou pour une Europe carnivore; pour une Europe  qui roule en 4x4 ou pour une Europe en rollers; pour une Europe qui se lève tôt ou pour une Europe qui se couche tard; pour une Europe à trois ou pour une Europe à nonante-neuf. Bref, le vote blanc ne veut rien dire en termes d'idées, sinon que ceux qui le pratiquent se refusent à faire un choix.
Se rendant compte que la comptabilisation des votes blancs n'influencera pas fondamentalement le résultat des élections, ceux qui le défendent annoncent maintenant qu'ils présenteront, aux élections européennes, des listes "Citoyens du vote blanc". Ces éternels insatisfaits se transforment ainsi en escrocs de la démocratie. Il s'agit de "donner aux citoyens la possibilité d'exprimer une insatisfaction et de dire non, je ne m'y retrouve pas dans les choix proposés, sans être condamnés à voter par défaut, explique Stéphane Guyot, tête de liste "Citoyens du vote blanc" en Ile-de-France (2). 
Et si un candidat blanc venait à être élu? "Il irait siéger au Parlement pour y défendre une vraie reconnaissance du vote blanc et il voterait blanc sur les sujets de société pour conserver sa neutralité", annonce Stéphane Guyot (2). La probabilité est évidemment quasi inexistante qu'une telle liste qui n'en est pas une ait des élus, mais on peut donc, dans l'absolu, imaginer que des membres du Parlement européen seraient payés, comme tous leurs collègues, de 6000 à 11000 euros par mois (3) pour ne rien proposer ni ne rien décider. Si le FN est le degré zéro de la politique, on est ici dans le degré - 3. Peut-on imaginer un seul citoyen qui voterait pour un parti qui n'a ni idée, ni programme, ni souhait, qui se présente aux élections pour affirmer qu'il est insatisfait et est prêt à siéger pour dire qu'il ne pense rien? Quand la démocratie verse dans un tel non-sens, elle se fait inquiétante.

(2) La Montagne, 2 mai 2014.

samedi 3 mai 2014

La haine en congrès

Un congrès se prépare à Bruxelles. Celui de "la dissidence", plus exactement "le premier congrès européen de la dissidence". Il y a dix ans encore, on s'en serait réjoui, mais en ces temps troublés, on s'inquiète et s'interroge: qu'est-ce que la dissidence? C'est, nous dit Robert (le petit), "(l') action ou (l') état de ceux qui se séparent d'une communauté religieuse, politique, sociale, d'une école philosophique". On a ici en effet affaire à des dissidents. Des gens qui se séparent d'une communauté: un député belge - initiateur du dit colloque - dont l'immunité parlementaire a été levée par la Chambre pour outrage, calomnie et recel de pièces du dossier Dutroux (1); un ex-humoriste qui a transformé ses spectacles en meetings politiques dont l'objectif est d'exacerber la haine des Juifs; un auto-proclamé "national-socialiste" (2) qui "n'a de cesse de renforcer cette spirale infernale de la haine, de la violence, de l'antisémitisme et du négationnisme" (3). Et quelques autres encore d'un même niveau de réflexion. Entendez par là celui qui ne dépasse pas le niveau du caniveau.
Bref, il s'agit de rassembler une bande de fascistes antisémites qui diffuseront leur discours halluciné. Ce n'est plus un congrès de la dissidence, c'est celui de la haine, de la bêtise et de la folie furieuse réunies. Il serait intéressant qu'il se tienne en parallèle d'un congrès de psychiatres qui trouveraient là matière à se procurer du travail jusqu'à la fin de leurs jours.
Les autorités bruxelloises se disent vigilantes et n'entendent pas laisser s'organiser ce rassemblement de diffuseurs de haine de l'autre (4).
Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde (5).

Post-scriptum:
http://www.lesoir.be/535198/article/actualite/belgique/2014-05-03/congres-antisemite-aura-bien-lieu-ce-dimanche-anderlecht

(1) www.lesoir.be/379523/article/actualite/belgique/politiclub/2013-12-12/chambre-leve-l-immunite-parlementaire-laurent-louis
(2) ce qui, en abrégé, se dit "nazi" - Frédéric Haziza: "Vol au-dessus d'un nid de fachos - Dieudonné, Soral, Ayoub et les autres", Fayard, 2014.
(3) id.
(4) http://www.rtbf.be/info/regions/detail_bruxelles-le-mr-v-de-wolf-veut-empecher-la-tenue-d-un-colloque-antisemite?id=8258696
www.lalibre.be/regions/bruxelles/le-bourgemestre-d-etterbeek-tente-d-empecher-la-tenue-d-un-colloque-initie-par-laurent-louis-5360d67535707e5aa80bacf8
(5) "La résistible ascension d'Arturo Ui", Bertold Brecht.

vendredi 2 mai 2014

Nouvel aristo

C'est l'histoire d'un homme, jeune alors, qui fut un espoir pour de nombreux militants du Ps wallon. Il incarnait le changement, il allait rénover ce vieux parti gangréné par des affaires à répétition.
Vingt ans plus tard, c'est devenu un cumulard qui a fait reculer les règles de son parti pour pouvoir être partout. Le Ps du Hainaut occidental interdisait à un mandataire de ses rangs d'être à la fois parlementaire et bourgmestre ou échevin d'une ville de plus de cinquante mille habitants. L'imperator de Wallonie picarde a fait sauter la règle. C'était nécessaire car il est indispensable. Qui d'autre que lui pourrait à la fois présider le gouvernement wallon et celui de la Communauté française, tout en étant bourgmestre de Tournai (où il s'est auto-parachuté) et grand chef de la Wapi?
Rudy Demotte méprise les règles de l'institution qu'il préside. Il refuse d'être "bourgmestre empêché",  se dit "bourgmestre en titre", et donc, en dépit des décrets dont il est censé être le garant, bourgmestre de facto de Tournai, une ville avec laquelle il "communie" (sic - et on est prié de ne pas rire).
Aujourd'hui, ce bourgmestre qui ne peut l'être mais l'est quand même annonce qu'il rempilerait volontiers à la double fonction de ministre-président (1).
On voit par là que l'ambition personnelle est toute puissante et nuit à la démocratie. Et qu'il faudrait changer les règles: un seul mandat à la fois et deux ou trois au grand maximum, et puis céder la place. Passer de gouvernant à gouverné quand d'autres feront, pour un temps aussi limité, le chemin inverse. Il faut mettre fin au professionnalisme politique, à l'aristocratie élue (selon les terme de David Van Reybrouck) (2) dont le petit marquis de Wapi est l'illustration.

(1) www.lesoir.be/533791/article/actualite/belgique/elections-2014/2014-05-01/rudy-demotte-candidat-sa-propre-succession
(2) David Van Reybrouck: "Contre les élections", Babel - Actes Sud, 2014.

(re)lire aussi sur ce blog, notamment (il y en a beaucoup d'autres sur le même monarque):
- "Un homme providentiel", 18.02.2014.
- "Premiers communiants", 04.12.2012.
- "Pêcheurs empêchés", 13.10.2012.
- "Shizophrénie", 25.11.2011.

jeudi 1 mai 2014

Fête du travail

Cette journée de lutte qu'est le 1er mai, historique pour les travailleurs et leurs syndicats, a été récupérée par les uns et les autres.

Par les PS de tous pays qui (se) rappellent ce jour-là qu'ils sont socialistes.
Par la droite, MR en Belgique ou UMP en France, qui déteste laisser la rue et les meetings au PS.
Par l'extrême droite aussi qui rend ce jour-là hommage à une jeune fille qui entendit des voix (1). On a vu aujourd'hui un vieil homme et sa fifille lui rendre un hommage attendri à Paris (2). L'image pourrait être touchante si eux aussi n'entendaient des voix, obscurantistes et dont ils se font l'écho.


Le 1er mai est à tout le monde, nous dira-t-on. C'est vrai. On peut toujours essayer de réécrire l'Histoire, ce dont certains partis se sont fait une spécialité, on ne la changera pas.

Rappelons, principalement à nos amis français qui sont nombreux à s'interroger ("ça se fête ailleurs qu'en France le 1er mai?"), que le 1er mai est une fête internationale du travail, qu'elle est née aux Etats-Unis, qu'elle était ardemment célébrée dans tout le bloc soviétique, qu'en Italie on l'appelait "la Pâques des ouvriers" (3).

(1) Une fois encore, le FN se trompe. Jeanne d'Arc, c'est - selon le calendrier - le 30 mai qu'elle se fête.
(2) www.lalibre.be/actu/international/le-fn-annonce-20-000-participants-a-son-defile-5362180e357061b5339f64d5
(3) 
rue89.nouvelobs.com/rue89-presidentielle/2012/04/30/les-tentatives-de-recuperation-du-1er-mai-nont-jamais-marche-231687