jeudi 30 mai 2019

Et maintenant

Peut-on être optimiste au vu des résultats de cette élection européenne?
La participation aux élections a augmenté de 8% par rapport à celles de  2014. Cette année, le taux moyen aura été de 51% dans l'ensemble de l'U.E. Soit le taux le plus élevé depuis vingt ans. Reste quand même que la moitié des électeurs ne s'est pas déplacée.
Comme dans la plupart des pays, les vieux partis ont pris des coups au Parlement européen. Et on assiste à une recomposition avec l'apparition de nouvelles forces, tant anti-UE que pro-UE.

Les populo-europhobes ne l'ont pas emporté autant qu'ils l'espéraient. Même s'ils ont des raisons de triompher. En Italie, Matteo Salvini et sa Lega font, de loin, la course en tête. En France, la fille à papa Le Pen et son parti arrivent en tête, mais perdent 1,5% et un siège par rapport aux élections de 2014. Le RN-ex-FN aura vingt-trois élus dans la nouvelle assemblée. Le même nombre que le parti du président Macron. "Le RN s'enracine, mais ne progresse pas", constate un politologue. Le choix du RN apparaît surtout comme un vote non pas de projet mais de rejet. "Le RN ne correspond pas à
mes convictions, déclare une électrice Gilet jaune, mais on en a ras le bol de tout. Pas question que ce soit toujours les mêmes" (1). Même si de très nombreux élus des différentes listes sont de nouveaux venus, inconnus ou presque hier, il est communément admis au café du Commerce que "ce sont toujours les mêmes". Et donc pour éviter ces "mêmes", certains choisissent à nouveau le même parti un peu rance.
Tous ces partis d'extrême droite, souverainistes et europhobes auront du mal à se fédérer et à s'entendre, tant les dissensions sont nombreuses entre eux, notamment à propos de l'accueil des migrants ou à cause de leur liens avec la Russie de Poutine. De toute façon, le rapport de forces entre pro-UE et anti-UE reste très largement favorable aux premiers. Les partis qui soutiennent l'Union détiennent à peu près les deux tiers des sièges au Parlement européen. L'UE n'est pas menacée par ceux qui la haïssent même si ceux-ci constituent désormais la troisième force politique en son sein.

La percée des écologistes est indéniable (2) en Allemagne, en France, en Belgique, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Finlande, mais leur poids reste trop faible au sein du Parlement européen. On aurait pu espérer, au vu de l'urgence climatique et de la pression de la rue, un score beaucoup plus important. "Malgré les résultats honorables des partis verts, estime Riss, l'Europe de l'écologie existe à peine. Alors que les dérèglements climatiques vont devenir une question de vie et de mort pour des millions de personnes sur le continent, l'écologie reste toujours difficile à vendre. Car demander aux gens de réfléchir au-delà de leur pavillon, de leur voiture, de leurs vacances, de leurs courses au supermarché, c'est comme demander à un poisson rouge de penser au-delà de son bocal. L'Europe sociale, de l'écologie, de la culture ou de la défense, est encore à construire." (3)
L'écologie a en tout cas, et c'est positif, été le premier choix des jeunes électeurs. En Allemagne, chez les moins de trente ans, un électeur sur trois a voté pour les Grünen. La transition énergétique, la lutte pour le climat et la préservation de la biodiversité devront être pris en compte pour la composition de la majorité européenne et de la Commission. En France, Emmanuel Macron, s'il veut survivre, devra infléchir sa politique en fonction du succès écologiste.
Et, comme l'ensemble de l'Europe, aller au-delà des déclarations d'intentions, ne plus se fixer des dates aux calendes grecques, ne plus attendre des études dont on connaît déjà les conclusions, mais prendre des décisions très vite. Avec de la concertation et de la pédagogie. Aux partis et aux élus d'agir en personnes responsables. C'est l'avenir de l'UE et de l'humanité qui est maintenant en jeu. Bien au-delà des pathétiques luttes d'ego et de pouvoir.

Il faudra aussi que l'UE se rééquilibre, donne plus - beaucoup plus - de pouvoir à son parlement (ce qui donnera aussi plus de sens et d'intérêt à cette élection). "La difficulté pour les électeurs, estime Antoine Vauchez, directeur de recherches au CNRS et à l'EHESS (4), d'identifier les effets institutionnels et politiques de leur vote est véritablement un des grands problèmes de ces élections. Pendant la mandature précédente, l'institution qui a le plus pesé sur la gestion de la crise financière n'était pas le Parlement mais la banque centrale européenne. Le Parlement n'a eu qu'un rôle consultatif et reste une institution structurellement faible. (...) C'est la Commission qui tient l'agenda."
Au-delà du siège du pouvoir, l'UE doit prendre des décisions fortes. Avec d'autres chercheurs, Antoine Vauchez a publié le manifeste Changer l'Europe, c'est possible! dans lequel ils ont formulé des propositions concrètes "qui visent à remettre en cause les formes d'optimisation fiscale, créent un ISF européen et, globalement, obligeraient les hauts revenus et les gros patrimoines, qui ont le plus bénéficié du développement du marché unique et de l'ouverture des frontières, de mieux contribuer à la solidarité européenne". Il faut sortir de la règle de l'unanimité qui freine voire bloque des décisions fortes, permettre aux pays qu'ils le veulent "d'aller plus loin en se dotant d'un budget des biens publics européens, comme la transition écologique, la possibilité d'une hospitalité européenne pour les migrants ou l'investissement commun dans la recherche et les universités."
"Remettons, appelle encore Antoine Vauchez, de la politique à l'intérieur du projet, pour une Europe qui ne soit plus seulement celle de la concurrence à tous les niveaux - entre Etats, entreprises et individus -, mais celle de la solidarité autour de biens publics qui nous concernent tous."

(1) France 3, Journal, 27.5.2019
(2) https://www.nouvelobs.com/edito/20190527.OBS13555/l-europe-verte-s-est-enfin-mise-en-mouvement.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/28/elections-europeennes-vague-verte-sur-l-europe_5468494_3232.html
(3) Riss, "Une vieille fille sur un tas de cons", Charlie Hebdo, 29.5.2019.
(4) Télérama, 29.5.2019.


dimanche 26 mai 2019

Un visionnaire


"Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Petersburg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et qu'elle paraitrait absurde aujourd'hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. 
Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne. (...)
Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. 
Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le Parlement est à l'Angleterre, ce que la Diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France."
Victor Hugo, discours au Congrès de la Paix, 1849.

Reste à espérer que les électeurs français se souviendront de cette vision optimiste et réjouissante de l'un de leurs plus grands écrivains et ne participeront pas à la transformation de son rêve en cauchemar.

samedi 25 mai 2019

Un espace sans égal

Les mesquins, les rabougris, les racrapautés, les égoïstes, les frustrés, les nostalgiques d'une grandeur mythique de leur pays veulent la fin de l'Union européenne. Ils n'ont d'autre vision que celle de leur nombril. Petites gens que voilà. Leur voix est portée par les Le Pen, les Salvini, les Orban, les Farage, les Wilders, ces nationalistes et populistes qui n'ont pour projet que le rétablissement de frontières. On a vu ambition plus enthousiasmante.
Le Traité de Schengen, dont ils veulent la mort, a créé un espace inédit dans le monde. Les habitants de vingt-six pays peuvent circuler librement, travailler, vivre là où ils veulent. Et, les nationalistes peuvent bien mentir - ou enrager, c'est un succès. Nous sommes plus de vingt millions d'Européens à en profiter à temps plein. A vivre avec plaisir ailleurs que dans le pays où nous sommes nés. Juste parce que nous en avions envie, parce que nous y avons trouvé du travail, parce qu'on nous en offre l'opportunité, parce que nous l'avons saisie.
"L'imaginaire collectif nous présente comme une élite européenne, un petit groupe de privilégiés qui, ayant peut-être fait Erasmus, parcourent le continent pour leur développement personnel", explique Alberto Alemanno, juriste italien vivant à Londres. La réalité est plus complexe, ajoute-t-il: les travailleurs sans qualification ont autant de chances de résider à l'étranger que les personnes diplômées. Et tous ces Européens font vivre le pays où ils vivent (1).
Ce sont, dans l'ordre, la Belgique, l'Autriche et l'Irlande qui accueillent le plus haut pourcenatge d'Européens venus d'un autre pays (+ de 6,8%). L'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne suivent dans une fourchette de 3,4 à 6,8%. Les pays de l'est sont les moins attirants (2).

Ici, au cœur de la France, on risque fort demain soir de voir le RN-ex-FN triompher. Il n'ose plus parler de sortie de l'Union européenne, mais veut "retrouver les frontières de la France" et applaudit le Brexit. Or, que se passera-t-il demain, quand le Brexit deviendra réalité? Si les Britanniques sont forcés de quitter cette région pour rentrer chez eux, perdant le statut d'Européen, le déclin économique et la désertification seront bien plus importants encore. Ils sont nombreux à vivre ici, font vivre les commerces, en tiennent parfois, sont impliqués dans la vie locale. En Dordogne, un habitant sur dix est britannique. Quel sera leur sort, que restera-t-il de leurs droits en cas de Brexit dur? Ils sont très inquiets pour leur avenir. Déjà, la fréquentation des touristes britanniques a diminué de trente pour cent (3). Les gens qui vivent loin des frontières ne semblent pas imaginer ce que leur fermeture signifierait concrètement dans leur quotidien.

Le bourg luxembourgeois de Schengen est devenu un lieu de pélérinage pour les Européens, mais aussi pour des Turcs, des Chinois ou d'autres touristes venus de l'autre bout de la planète visiter le "symbole d'une Europe sans frontières, incarnation des idéaux européens de liberté et d'union du continent" (4).
Barak Obama déclarait récemment à Berlin que "l'Europe de 2019 a atteint à certains égards le summum du bien-être de l'humanité. Globalement en Europe aujourd'hui, on jouit en moyenne des plus hauts niveaux de vie que l'humanité ait jamais connus à travers son histoire. (...) On franchit librement des frontières restées longtemps fermées" (5). Mais les populo-nationalistes veulent nous faire croire que c'est précisément en les fermant que nous vivrons mieux. "Le monde est inégalitaire et l'Europe imparfaite, constate la journaliste Marion Van Renterghem (6). Mais qui dit mieux sur la planète?". Oui, qui dit mieux?

(1) "Les expatriés cherchent leur voix", The Guardian, 1.5.2019, in Le Courrier international, 23.5.2019.
(2) Le Courrier international, 23.5.2019.
(3) France 3, Journal 19h30, 25.5.2019.
(4) Leila Al-Serori, "Ode à Schengen", Süddeutsche Zeitung, 14.5.2019, in Le Courrier international, 23.5.2019.
(5) cité par Eric Chol, Le Courrier international, 23.5.2019.
(6) auteur de "Mon Europe, je t'aime, moi non plus" (Stock, 2019).

vendredi 24 mai 2019

L'embarras du choix

On se bouscule sur les bulletins de vote pour les élections européennes en France. Trente-quatre listes, soit une augmentation de plus de cinquante pour cent par rapport à 2014. Elles étaient alors vingt-deux.
Mais on ne se bousculera pas sans doute pas dans les bureaux de vote. Les sondages estiment que quarante-cinq pour cent seulement des électeurs feront entendre leur voix. Plus de la moitié des électeurs n'ont donc pas l'intention de se déplacer. Ce n'est certainement pas l'offre politique qui peut les freiner. Il y en a pour tous goûts. Et même pour tous les dégoûts.
On trouve bien sûr tous les partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Mais aussi des Gilets jaunes d'extrême droite, des Gilets jaunes d'extrême jaune, des Gilets jaunes révoltés, des Gilets jaunes en évolution. Des communistes de toutes les chapelles. Un parti "neutre" mais "actif". Des écologistes verts pâles, verts sapin et verts bouteille. Des royalistes, un parti familial rassemblé autour de la famille Le Pen, un parti Pirate, un autre qui défend le droit des animaux, une liste des "Oubliés de l'Europe", une liste musulmane, une liste de jeunes. Et même une liste qui n'a pour programme que la promotion de l'espéranto.
On y trouve des partis pro-européens, des partis pro-européens mais pas trop, des partis anti-européens, des partis anti-européens mais pas trop. On sent bien que pour beaucoup de listes et leurs candidats, c'est surtout l'occasion (d'essayer) d'exister médiatiquement.

Il y a ceux qui vous promettent la lune, ceux qui se contentent de la terre pourvu qu'elle reste vivable.
Ceux qui n'osent pas être contre l'Europe, mais ne parlent que de la France.
Ceux dont la grande idée est de rétablir des frontières.
Ceux qui veulent "rétablir la démocratie", parce que seule l'extrême droite la garantit. Même si l'Histoire nous a appris le contraire.
Ceux qui ne voient qu'impact négatif dans l'installation de migrants dans "votre ville ou village".
Ceux dont le premier objectif est de battre le parti d'Emmanuel Macron.
Ceux qui, sur un tract A4, présentant leur projet européen, sont capables de citer vingt fois les mots "France" et "Français".
Ceux qui voient tout en noir, agitent des peurs irrationnelles et pestent sur l'Europe responsable même des maux dont nous ne souffrons pas.
Ceux qui veulent rendre à la France sa grandeur en l'arrimant à ses racines chrétiennes.
Ceux qui sont contre toutes les propositions des principaux partis concernant l'U.E.
Ceux qui essaient de vous faire croire que la France ira beaucoup mieux quand elle ne sera plus dans l'U.E., qui sont sûrs qu'ils pourront alors supprimer la TVA sur les carburants, rétablir des frontières et l'ISF et qu'ils pourront alors augmenter allègrement le SMIC et les retraites .

Il aurait pu y avoir douze listes de plus. Elles ne se sont pas présentées faute de financement et/ou de candidats. On aurait alors eu quarante-six listes. Manque à l'appel - et on le regrette - une liste "Rassemblement des contribuables français". Elle avait déjà trouvé son slogan, particulièrement fin et tout en nuances: "Arrêtez d'emmerder les Français". Sans doute les candidats ont-ils décidé de mettre en œuvre eux-mêmes leur slogan.

Voilà deux semaines, sur Arte, on nous disait que "la campagne bat son plein". Peut-être était-ce le cas à Paris et dans quelques grandes villes, mais en milieu rural, c'est le calme plat. A part quelques rares affiches sur les trente-quatre emplacements que les mairies ont dû mettre à la disposition des listes, on n'a pas l'impression d'être à deux jours d'élections pourtant si importantes, où le RN-ex-FN-mais-toujours-d'extrême-droite est donné en tête. La fille à papa a réussi à faire croire que son parti est banalisé. Reste à espérer que les électeurs, qui n'ont évidemment pas le droit de prétendre qu'ils ne trouvent aucune liste qui leur convienne, se mobiliseront quand même ce dimanche.

mardi 21 mai 2019

Ma plus grande patrie *

Comment peut-on être anti-européen? On peut être critique par rapport à l'Union européenne, on peut - on doit - vouloir une Europe plus sociale, plus solidaire, plus ouverte, plus écologique. Il y a, c'est indéniable, tant de frustrations, tant d'injustices, tant de manque d'audace en Europe. Mais il faut n'avoir aucune connaissance de l'histoire, avoir la mémoire qui flanche dangereusement pour vouloir sa disparition ou le rétablissement de frontières en son sein. L'Europe fut durant des siècles un terrain de guerres et de batailles, le cœur des deux guerres mondiales, le théâtre d'affrontements épouvantables. La création d'une "union" y a mis fin. Et toutes celles et tous ceux qui en veulent la fin sont de dangereux aventuriers qui pourraient nous emmener vers des lendemains à nouveau dramatiques. Réinstaurer des frontières n'est pas seulement stupide, c'est aussi et surtout de ne rien vouloir retenir d'une histoire qui a vu tant de voisins s'entretuer. Pour le chanteur britannique Damon Albarn, catastrophé par le Brexit, les cimetières militaires du Pas de Calais "nous rappellent comment l'idée de l'Europe est née. Œuvrer ensemble dans la fraternité, et pas dans l'opposition et le conflit. Au lieu de cela, certains exacerbent des haines qui n'existent pas. On attise la défiance, la peur d'être envahi par les Turcs alors que l'on fait tous la queue pour un kebab!" (Télérama, 20.3.2019)
L'Union européenne, disait Simone Veil qui présida son premier parlement, est la plus belle construction politique du XXe siècle. Qui peut le nier? Où existe-t-il dans le monde une telle "nation de nations" au sein de laquelle ses cinq cent millions d'habitants peuvent se déplacer et même s'installer librement? Mais aujourd'hui, il semble que pour être de son temps il faille noircir le tableau, ne reconnaître aucun avantage, aucune avancée, aucun intérêt à l'Europe. Il convient d'oublier toute nuance, de dire qu'elle n'est qu'ultralibérale, que c'est l'Europe des riches et des marchands, qu'elle est responsable de tous nos maux. Il convient de dénoncer son déficit démocratique et dès lors, paradoxalement, de refuser de participer aux élections européennes.

Au risque de laisser élire ceux qui se sont donné pour mission d'haïr l'U.E., les nationalistes qui préfèrent les murs aux ponts, qui pensent qu'une porte est faite pour être fermée et qui se font aider dans leur travail de sape par Vladimir Poutine et ses réseaux et par Steve Bannon, ex-âme damnée du Trump, tous si heureux de s'être trouvé des alliés dans la place. Leur nationalisme a ses limites et sait s'acoquiner avec les puissances que dérange fortement, pour des raisons poltiques et économiques, une vraie "union". En tentant de fermer des portes entre les pays de l'U.E., ils font entrer le diable par la fenêtre. 

Ce n'est pas moins d'Europe qu'il nous faut. C'est plus et mieux d'Europe. Une Europe qui fasse vivre ses valeurs communes de liberté, de fraternité, d'accueil et d'ouverture, qui harmonise ses règles fiscales et supprime ses paradis fiscaux, qui devienne un modèle de transition énergétique, qui sauvegarde son extraordinaire biodiversité. C'est cette Europe-là qui peut nous faire rêver. C'est cette Europe-là qu'ont envie de rejoindre ceux qui n'en sont pas encore.
Il faut aller voter ce dimanche. Pour ne pas laisser la place aux nuisibles, aux sinistres, aux dresseurs de frontières, aux partis du rejet. Mais surtout pour une Europe qui soit un espace d'avenir.

Oh, les terres de convulsion...
Tant d'événements,
D'agitations, 
Tant de destins avalés...
Et vous trouvez que nous vivons dans une période troublée?
Mais quelle génération a connu plus de calme et moins de dangers?
Les deux siècles qui nous précèdent ne sont que courses, fièvres, assauts et révolutions.
Les siècles qui nous précèdent sont des ogres qui ont avalé le courage et le génie par vies entières.
Et nous sommes là,
Nous,
Avec ces mots qui nous ont été légués: "Nation", "Egalité", "Liberté",
Que nous contemplons avec fatigue.
Depuis si longtemps nous sommes citoyens de l'ennui.
Jeunesse!
Jeunesse!
Il nous faut ton sursaut."
Laurent Gaudé, "Nous, l'Europe - banquet des peuples".

A lire:
- Bernard De Backer, "Europe, le taureau par les cornes",
https://geoculture.blog/2019/05/14/europe-le-taureau-par-les-cornes/#more-3361
Un texte très documenté qui rappelle l'histoire institutionnelle de l'U.E., ce qui la caractérise, son unité dans sa diversité qui constitue à la fois sa force et sa faiblesse.
- Laurent Gaudé, "Nous, l'Europe - banquet des peuples", Actes Sud, 2019: remarquable texte qui retrace l'épopée européenne et appelle à l'ardeur.
A (re)lire sur ce blog:
- "Des histoires de portes", 15.4.2017;
- "Vive l'Europe (quand même)!"15.3.2017.

* Albert Camus

mercredi 15 mai 2019

Fâché (très)

Ecolo serait-il devenu un parti comme un autre? Certains de ses militants  et de ses élus ont  distribué des tracts racoleurs pour convaincre des électeurs. En l'occurrence ici l'électorat musulman le plus réactionnaire (1). Tant pis si le foulard islamique est un signe de soumission de la femme, tant pis si dans des pays musulmans des femmes sont emprisonnées, torturées, tuées pour avoir refusé de le porter (2), tant pis si les religions sont colonisatrices des esprits et des corps, n'aiguisent pas le sens critique ni ne poussent à l'autonomie, tant pis si les animaux non destinés à une consommation par des musulmans doivent être tués de façon "correcte". Pour ces écolos, aucune caresse dans le sens du poil (de barbe) ne sera excessive.
Pour ces écolos-là il y a donc femmes et femmes, il y a donc animaux et animaux. Les femmes, impures par nature, ont le droit d'être voilées, donc d'apparaître soumises. Les animaux peuvent être égorgés sans être étourdis auparavant. Et les hommes? Ils règnent en maîtres, imposent leurs lois. Cette attitude qui entretient le communautarisme et constitue une insulte pour les musulmans dits modérés est détestable.
Ecolo va-t-il demain proposer d'exempter les élèves musulmans du cours de biologie, pour éviter de les choquer avec le darwinisme? Va-t-il faire interdire la vente de bière et de vin dans les quartiers à majorité musulmane? Va-t-il établir des horaires différents pour hommes et femmes dans les piscines publiques?
Le parti a pris ses distances avec ce tract, non validé, paraît-il, par la régionale bruxelloise du parti et sa distribution a été stoppée. La co-présidente du parti a dénoncé une pratique "inacceptable" (3). Mais le mal est fait. Cet épisode indique l'urgence pour ce parti de se situer clairement  dans un combat pour la laïcité, l'universalisme et l'égalité des droits. On a besoin d'Ecolo pour entrer enfin et vraiment dans la transition énergétique et sauvegarder la biodiversité. On n'a pas besoin d'un Ecolo qui lèche les bottes de l'islamisme et fait la danse du ventre devant les barbus.

On notera également que, à travers ce tract, Ecolo fait aussi campagne auprès du même électorat pour le PTB. On atteint là le sommet de la bêtise.


(Re)lire sur ce blog:
- "Cette gauche qui n'aime pas les femmes", 3.8.2018;
- "Mauvaise foi", 28.5.2018;
- "Cinq minutes de courage politique", 8.4.2018;
- "L'arbre qui voile la forêt", 9.5.2016;
et tant d'autres billets sur ces thèmes, sur ce fichu voile, sur cette gauche qui perd la tête.
Post-scriptum: mon frère Pierre partage mon point de vue:
https://www.pierreguilbert.be/je-ne-pourrais-voter-ecolo-que-si/

(1) https://www.lalibre.be/actu/politique-belge/hallucinant-scandaleux-racolage-communautaire-un-tract-distribue-par-ecolo-au-marche-de-laeken-enflamme-la-campagne-5cdc00a07b50a60294dd392b
https://www.lesoir.be/224399/article/2019-05-15/elections-2019-polemique-autour-dun-tract-ecolo-distribue-dans-un-marche
https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_accuse-de-racolage-communautaire-ecolo-retire-un-tract-polemique?id=10221345
(2) (Re)lire sur ce blog "Nasrin Sotoudeh", 20.3.2019.
(3) https://www.lesoir.be/224447/article/2019-05-15/elections-2019-ce-genre-de-pratique-est-inacceptable-meme-chez-nous-reagit

dimanche 12 mai 2019

Espèce de...

Le Café du Commerce a ouvert des succursales même en des lieux où on ne l'attendait pas. Dans l'émission "28 minutes" d'Arte par exemple (1). Julie Graziani est éditorialiste à "L'Incorrect", un magazine qui travaille à faire exister Marion Maréchal - Le Pen et à faire la jonction entre la droite et l'extrême droite. Appelée à réagir au constat de scientifiques qui annoncent l'extinction d'un million d'espèces, elle dit s'interroger: "faut-il changer le cours des choses? Je me demande si c'est pas une nouvelle forme de créationnisme. On a l'impression que les écolos, ils considèrent que les espèces vivantes telles qu'elles existent aujourd'hui on les sacralise. C'est comme si elles avaient été créées par le bon dieu, c'est intouchable". Des extinctions massives, affirme-t-elle encore, "y en a eu à quatre ou cinq reprises dans l'histoire de la biologie". Elle dit tenir à la diversité biologique "dans la mesure où c'est utile à l'homme" Il y a des espèces nuisibles, celles-là il faut les éradiquer. Et puis il y a les espèces utiles, mais on n'a pas besoin de toutes, estime-t-elle. C'est d'un niveau d'intelligence digne de celui des chasseurs parodiés par les Inconnus.
L'espèce la plus nuisible est la race humaine. Qui oserait le nier? Une espèce invasive qui détruit tout autour d'elle. La Terre en a-t-elle besoin? C'est une espèce qui se charge elle-même de sa destruction. On n'a en tout cas pas besoin de l'espèce "éditorialiste de L'Incorrect". Celle-ci a fait la démonstration de la bêtise extrême de l'extrême droite ou de la droite extrême et de sa nocivité pour la planète.

(1) https://www.arte.tv/fr/videos/081632-183-A/28-minutes/

mardi 7 mai 2019

Capitalisme punitif

C'est la panique chez de nombreux politiques en Belgique. Ecolo pourrait faire un carton aux prochaines élections.
Pour contrer les Verts, les Libéraux-Réformateurs du MR n'hésitent pas inventer une taxe sur la viande qu'Ecolo appliquerait. Le sketch qu'ils interprètent dans un clip est tellement mal joué que le MR apparaît, une fois encore, non crédible et, surtout, ridicule (1). Tout sonne faux dans ce clip. Si j'osais un mauvais jeu de mots, je dirais qu'ils se sont viandés. Mais je n'oserais pas.
Certains libéraux ressortent aussi le vieux cliché de "l'écologie punitive" (2). Que dire d'autre face à une prise de conscience de plus en plus importante d'une nécessité d'un changement radical ?
Est-ce punitif de proposer des primes à l'isolation, à l'installation de systèmes de chauffage à énergie renouvelable, à la conversion à l'agriculture biologique ? Est-ce punitif de favoriser l'utilisation du vélo, des transports en commun et du covoiturage ? Est-ce punitif d'imposer la nourriture bio dans les cantines publiques ?
Le capitalisme sauvage (qui a toujours été soutenu sur le fond par la sociale-démocratie) pousse à produire et à consommer toujours plus. C'est lui qui dérègle le climat, lui qui est à la manœuvre derrière toutes les créations de routes et d'aéroports, de zones commerciales et industrielles, lui qui adore détruire les forêts, inonder les champs de pesticides et bétonner les espaces naturels. Ce capitalisme est extrêmement punitif pour la planète et pour l'homme. Un million d'espèces sont aujourd'hui menacées de disparition (3). 
Mais pour le MR, ce doit être business as usual. Le sacro-saint marché régulera lui-même ses excès. La technologie gèrera la nature en bonne mère de famille.
Il est temps d'en finir avec ce capitalisme qui mène l'humanité à sa perte. Et donc avec ses porte-drapeaux politiques.

En France aussi, il faut casser les écologistes. Ici, c'est un pseudo journaliste qui s'en charge. Hargneux, agressif, aussi désagréable qu'on puisse l'être, Pascal Praud coupe la parole à Claire Nouvian, candidate de Place publique, l'empêche de parler, la trouve "ridicule" et "hystérique" (4). Son émission, c'est visiblement le Café du Commerce. On y ricane sur le réchauffement climatique. Il fait -3°C à Paris, et on nous parle de réchauffement climatique, laissez-moi rire! Cette émission qui fait apparemment plus du show bas de gamme que de l'information est une insulte à la communauté scientifique internationale et plus largement à l'intelligence. De quoi nous punit-elle ?

(1) https://www.lalibre.be/actu/politique-belge/election-2019-la-video-polemique-du-mr-qui-attaque-ecolo-au-vert-j-espere-je-prefere-le-bleu-je-veux-5cd293297b50a60294ad0aa5
(2) https://www.levif.be/actualite/belgique/le-programme-d-ecolo-le-contraire-de-ce-que-veulent-les-classes-moyennes/article-opinion-1129987.html
(3) https://www.lalibre.be/actu/planete/un-appel-urgent-de-plus-a-l-action-climatique-5ccc413e9978e25347d2b74e
(4) https://www.nouvelobs.com/teleobs/20190507.OBS12615/claire-nouvian-folle-de-rage-apres-le-guet-apens-climatosceptique-de-pascal-praud.html

lundi 6 mai 2019

La comique troupière

On ne peut pas dire que ce qui caractérise la fille à papa Le Pen soit l'humour. Elle n'en a jamais exprimé. Ou alors il ne fait rire qu'elle et les nuisibles qui l'entourent.
Mais voilà qu'elle fait rire toute la Belgique francophone: elle appelle les francophones belges à voter pour le Vlaams Belang/Blok (1), ce parti qui passe son temps à cracher sur ces mêmes francophones et dont le programme se résume quasiment à la fin de la Belgïe. Qu'elle crève! est le slogan préféré des Blokers. En draguant le Vlaams Belang, cette grande mêle-tout de Marine Le Pen n'hésite pas à dire n'importe quoi et à se rendre ridicule. Mais après tout qu'importe ? : elle n'est pas non plus connue pour sa grande intelligence, mais doit (quand même) savoir que son appel n'a aucune chance d'être entendu. Ce qui compte pour elle, c'est d'entretenir ses liens avec l'extrême droite flamande. Ensemble, ils font partie, avec d'autres formations extrémistes, du même groupe au Parlement européen. Et ils aimeraient être plus nombreux le soir du 26 mai. Ils auront cependant bien des difficultés à fédérer tous les partis européens qui n'aiment pas les autres.
Les partis nationalistes polonais ou hongrois, qui n'ont rien oublié de ce qu'ils ont vécu sous l'ère soviétique, n'ont guère envie de frayer avec leurs homologues français et italiens qui entretiennent des liens très étroits avec Vladimir Poutine. Mais tout est possible chez ces gens-là. On vient de voir Matteo Salvini, le super-ministre italien, tomber dans les bras de Viktor Orban. Le même Orban qui refuse que son pays, la Hongrie, assure sa part dans l'accueil des demandeurs d'asile, ce que réclame l'Italie qui les voit arriver très nombreux sur ses côtes. Tous ces gens parlent haut et fort, sans aucune crainte d'apparaître incohérents ou ridicules, sachant que leurs électeurs n'attendent pas d'eux des positions intelligentes. Juste d'entendre qu'ils rejetteront les étrangers et qu'ils haïssent l'Union européenne. Orban n'hésite pas à dire que les réfugiés sont des parasites. "Les migrants apportent de nombreux problèmes", affirme le porte-parole du gouverenment hongrois (2).
L'apport positif des migrants à nos sociétés est évidemment nié par les partis tels le RN-ex-FN qui ne vivent que de la caricature du méchant migrant qui vient jusque dans nos bras imposer sa propre culture ou, pire, égorger nos fils et nos compagnes.
Autre son de cloche en Allemagne où le secteur automobile se réjouit de l'arrivée d'une main d'œuvre motivée dans un pays où elle commence à manquer et où la population vieillit. Sur 1,2 million de migrants accueillis ces dernières années, 400.000 sont en contrat salarié ou en formation (2).
De son côté, le maire de Castelnuovo di Porto, en Italie, considère que les migrants représentent une aubaine pour les territoires ruraux, ils trouvent des emplois dans des secteurs en manque et favorisent le PIB.
Mais cela, la fille à papa, ses amis du Vlaams Belang ou de la Ligue ne l'admettront jamais. Dans aucune langue.

(1) https://www.lavenir.net/cnt/dmf20190505_01330871/marine-le-pen-invite-les-francophones-a-voter-vlaams-belang
(2) Vox Pop, Arte, 5.5.2019.

vendredi 3 mai 2019

Larmes de crocodile

Vous perdez votre mère, il la pleure avec vous. Il est des élus - et surtout des candidats (tout élu est en général d'abord un candidat - élu il est, élu il entend rester) - très empathiques. Ils vivent dans la compassion. Vous perdez un membre de votre famille et vous vous rendez compte dès le lendemain que l'élu vous est proche à un point que vous ne pouviez imaginer. Il pleure toutes les larmes de son corps. ll vous l'écrit. "Je me sens proche de vous et des vôtres dans les heures pénibles que vous traversez", assure-t-il, parlant d'un "deuil cruel". Il vous assure que "au bout de la mort, il n'y a pas la mort, mais la vie", que "au bout du désespoir, il n'y a pas le désespoir, mais l'espérance". Il vous fait entrevoir un au-delà. Il vous met la main sur l'épaule, vous prend par la main, sèche vos larmes. Il est le réconfort fait homme.
Le député-bourgmestre Daniel Senesael, puisque c'est de lui qu'il s'agit ici, est capable d'envoyer la même lettre à six frères et sœurs pour leur témoigner son soutien.
On voit par là que le travail de certains assistants parlementaires doit être passionnant: éplucher les annonces nécrologiques, rechercher les adresses des proches du défunt (avec l'aide sans doute d'un employé communal) et leur envoyer au nom du député une lettre de condoléances, toujours la même, dégoulinant de compassion.
Daniel Senesael, qui n'a jamais craint le ridicule s'il peut lui faire gagner ne serait-ce qu'une voix (1), a un jour publié son autobiographie. Il l'a intitulée "Les goût des gens". Il aurait pu l'appeler "Le goût des électeurs".

(1) (Re)lire sur ce blog:
- "Astérix chez les ploucs", 7.1.2013;
- "Démonstration et discrétion", 1.6.2013.