vendredi 26 février 2010

Farcienne: adj. Du registre de la farce

Le débat sur Citta Verde est passionnant. Parce qu'il exprime clairement une différence entre progressistes et conservateurs. Et le progrès n'est pas toujours là où certains veulent bien croire qu'il est.
Dans le Vif du 19 février, Hugues Bayet, bourgmestre socialiste de Farciennes défend bec et ongles le projet. Il explique que "l'aérodrome de Charleroi se situe à moins de sept minutes. On pourrait se profiler comme destination pour les mini-trips: les gens passeraient le samedi au centre commercial, ils iraient voir Charleroi-Anderlecht le soir et, le dimanche, il s'adonneraient à des loisirs extérieurs." Entendez par là: des activités sur les terrils du coin, par exemple: quad, équitation, parapente... François Brabant, l'auteur de l'article, relève que Bayet a apposé sur la porte de son bureau une affiche de la FGTB affirmant que "le capitalisme nuit gravement à la santé". Le maïeur semble en effet très atteint, il est grand temps qu'il suive une cure de désintoxication. Sans blague, on croit rêver. Lui aussi d'ailleurs... Et pourtant, il semble bien sérieux. Lui qui à 34 ans n'a pas connu les golden sixties en fait visiblement une référence. Rêver de développer sa commune en faisant voler d'on sait quel coin d'Europe de braves consommateurs qui vont dépenser leur argent dans les boutiques de Farciennes, avant d'aller s'égosiller au foot, puis de rouler en quad sur les terrils, ça s'appelle (p)rendre des gens (pour des) abrutis ou je me trompe?
Allez après cela expliquer aux jeunes la différence entre socialistes et libéraux. C'est quoi? La couleur des cravates ou des écharpes? En fait, c'est plus subtil. Le MR est partagé sur la question. Tout comme le MOC, la FGTB ou l'Union des Classes Moyennes. Et même au Ps certains ne pensent pas comme Bayet et Magnette. Ainsi, Jean-Charles Luperto, bourgmestre de Sambreville s'est opposé à l'implantation de centre commerciaux dans sa commune, il ne verrait donc pas d'un bon oeil ces mêmes centres s'implanter dans une commune voisine.
Tout le monde s'accorde pour dire - le Gouvernement wallon le premier - qu'il faut renforcer le coeur des villes, mais le premier promoteur venu qui propose de mettre la ville à la campagne apparaît comme le sauveur. Et les politiques de porter les valises des promoteurs du projet Cora à Mouscron, du projet Snow Games à Lessines, du projet de centre de glisse à Maubray et d'autres encore, tous aussi aberrents, déconnectés des nécessités d'aujourd'hui.

Revenons à Farciennes: l'illustration du Vif de l'article intitulé "Un bourgmestre en colère" nous présente une friche sale et tristounette sur laquelle finissent de rouiller des engins agricoles du XIXe siècle. Avec des amies, nous nous sommes pris à imaginer à Farciennes un musée de la vie rurale. Mais la Wallonie en compte déjà beaucoup. Et l'activité agricole n'est sans doute pas spécifique à la région de Charleroi. Pourquoi pas alors un musée des vieilles affaires du Ps carolo, histoire de ne rien oublier du passé? Ou un musée des casseroles des notables du coin? Ou un musée des projets wallons les plus stupides? Si vous avez des idées...

mercredi 24 février 2010

L'info plutôt que la com'

Intéressante et interpellante juxtaposition de points de vue de journalistes dans l'émission "Huit journalistes en colère" de Denis Jeambar, diffusée par Arte récemment. Les questions posées sont lourdes et mériteraient que plus d'une rédaction s'y attarde. De là à affirmer qu'ils sont "en colère", c'est autre chose... Ou alors contre eux-mêmes.
David Pujadas estime que le grand problème du journalisme aujourd'hui, ce sont le conformisme et le mimétisme. Il parle de "bruit de fond médiatique": d'un organe de presse à l'autre, on retrouve les mêmes sujets, avec les mêmes mots, le même regard. "C'est le journalisme des bons sentiments", dit-il. Le faible a toujours raison, quel que soit le problème. Ce qui rend, selon lui, toute action politique vaine, les médias soutenant par principe ceux qui crient le plus fort.
Philippe Val pense aussi que la presse souffre de conformisme, tombant dans le piège du bien et du mal. Trop de journalistes font passer leur point de vue avant les faits. C'est, dit-il, quand le journaliste pense contre sa propre opinion pour ensuite livrer son analyse qu'il est libre. La presse doit réinventer sa nécessité.
Jean-Pierre Elkabbach dit son ras-le-bol de voir les journalistes agir en meute. Il en appelle à la rigueur et à la qualité, contre l'émotion, l'irrationnel, le voyeurisme. Il souligne la versatilité de ces journalistes qui vilipendent un jour ceux qu'ils ont encensés la veille.
Axel Ganz considère que les médias traditionnels doivent échapper à la banalisation de l'info: "sur Internet, l'information se diffuse anarchiquement, tout se vaudra, et donc, estime-t-il, les jeunes ne croiront plus à rien".
Arlette Chabot constate que pour de plus de plus de personnes, la vérité serait sur la Toile, tandis que les médias traditionnels nous cacheraient la vérité. Pour elle, si ceux-ci doivent "avoir" l'info comme les autres, ils doivent surtout prendre le temps de réfléchir.
Eric Fottorino, président du groupe La Vie - Le Monde, témoigne d'appels qu'il a reçus du président de la République himself, lui disant: "ce n'est pas étonnant que vos ventes baissent, vous n'avez pas de bonne ligne éditoriale". Fottorino estime que la presse doit approfondir la réflexion plutôt que de participer à un mouvement de banalisation. Aujourd'hui, tout le monde communique, mais il faut arriver à ce que l'info l'emporte sur la com'. Aller "behind the news", comprendre qui sert ou dessert telle info, ne pas se laisser instrumentaliser.
Dans le débat qui a suivi l'émission, Jonathan Fenby, journaliste britannique, estime qu'il n'y a pas de dialogue sur les blogs, on y trouve des propos insensés, injurieux, que ne publierait pas un quotidien. Mais qu'on retrouve néanmoins sur le blog d'un journal comme the Guardian.
Le journaliste allemand Michaël Jürgs considère que dans son pays la presse reste plus vigilante, travaillant plus dans l'investigation.

Toutes ces réflexions, dans leurs convergences, sont interpellantes. D'autant que tous les jours la lecture de la presse, le suivi des JT et JP nous amènent à les partager.
Ainsi, le même soir où Arte diffusait cette émission, les JT de la RTBF et de RTL-TVI consacraient-ils tous deux les deux tiers de leur temps à la neige tombée le matin et à ses conséquences sur le trafic automobile bloqué sur une bonne partie du pays. Nous eûmes droit à un micro-trottoir ou plutôt un micro-autoroute, auprès d'automobilistes ulcérés crachant leur mépris pour les pouvoirs publics qui laissaient neiger alors qu'eux, braves travailleurs, avaient pris leur voiture pour aller travailler malgré les prévisions météo. L'émission 'Au Quotidien' de la RTBF était diffusée en direct d'une station-service pour mieux témoigner de la confusion qui règnait sur nos routes. De grands moments de journalisme! D'un intérêt suprême.
Il serait intéressant de calculer le temps que les journaux télévisés auront consacré à la neige durant cet hiver 2009-2010.

Revenant à ces "journalistes en colère", on peut se demander ce que font "ces grandes pointures" du journalisme français pour que leurs infos soient plus différentes, plus démarquées, plus pertinentes. Bref, pour agir et renverser la vapeur.
Il n'y a aucun manichéisme, il n'y a pas d'un côté une presse traditionnelle exemplaire et de l'autre un internet imbécile et inquiétant. S'il est vrai qu'on peut être terrifié des bêtises et des messages stupides, abrutissants et agressifs qui circulent sur le net, on y trouve aussi des infos alternatives, des réflexions décalées. Et certains quotidiens, des chaînes de télé (trop de chaînes de télé!) sont devenus de parfaits instruments de crétinisation. L'approche qu'ont eue certains d'entre eux de la catastrophe ferroviaire de Buizingen est à vomir. Il reste Arte, certaines chaînes de radio, et sur Internet quelques îlots de réflexion, de regard différent. Le problème, c'est à nouveau le risque de l'élitisme. Les chaînes classées comme intellectuelles pour ceux qui se considèrent ou sont considérés comme tels. Les chaînes populaires (parmi lesquelles s'auto-inclut de plus en plus le service public) pour le vulgum pecus. La solution réside, encore et toujours, comme depuis les origines de l'humanité j'imagine, dans l'éducation. Continuer à parier sur l'intelligence. Même si on ne peut s'empêcher de penser que les intérêts socio-économiques et souvent politiques font le pari de l'abrutissement.
Là-dessus, je vais poursuivre la lecture de "Mille crétins" de Quim Monzo. Histoire(s) de continuer à rire. Jaune.

samedi 13 février 2010

Wallonie, le pays qui dit oui à tout

Scandale en Wallonie: voilà qu'un ministre, celui de l'environnement et de l'aménagement du territoire, a l'outrecuidance de dire non à des promoteurs. Il a même l'audace d'invoquer des arguments socio-économiques. Pire encore: voilà qu'il se met en tête d'appliquer la déclaration gouvernementale. Du jamais vu dans cette région où tout est possible et où les partis traditionnels avaient sans doute fini par croire eux-mêmes que les textes de leur programme de gouvernement n'avaient d'autre objet que de faire joli et moderne et de rassurer le bon peuple.
Le PS et le CDH mettent du "développement durable" dans toutes leurs phrases, mais n'ont - on l'a compris depuis longtemps - aucune intention d'aller au-delà des mots. Le SDER (Schéma de Développement de l'Espace régional), le CWATUP (Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine), la déclaration gouvernementale ne sont pour eux que des outils de com'. Il s'agit de faire croire qu'on se soucie d'environnement, d'aménagement du territoire, d'économies d'énergie, etc. Juste de faire croire.

Mais voilà que, prenant au mot les textes pré-cités, Philippe Henry refuse le projet Citta Verde de Farciennes. En Wallonie, les promoteurs, plutôt habitués au tapis rouge, le sentent brusquement se dérober sous leurs pieds.
Au sein du Gouvernement wallon, on s'étrangle: cette forte tête constitue le maillon faible. Il fait du dogmatisme, disent ses collègues rouges-orange. Qui eux ne savent même plus ce que cela signifie, ayant abandonné depuis des temps immémoriaux toute réflexion sur le long terme et tout positionnement politique. Eux, ils sont devenus les gestionnaires de la Wallonie. (1) Leurs hymnes communs, ce sont "tout va très bien, madame la marquise" et "non, non, rien n'a changé".
Même un ministre du Gouvernement fédéral fait semblant de s'étrangler dans la Libre Belgique de ce jour: Paul Magnette "adhère à la DPR sur la concentration dans les centres urbains", mais dans le même temps soutient pleinement le projet Citta Verde, prévu hors centre urbain. Comprenne qui pourra. Il considère que "tout est balayé par un réflexe purement idéologique d'Ecolo". Venant de Monsieur Nucléaire, voilà une déclaration qui fera au moins sourire. Mais qui confirme la mort de l'idéologie dans le camp du Ps.
Pas tout à fait cependant: le Vif de ce vendredi cite les propos récents du député fédéral PS Jean Cornil. Il estime que "il reste du chemin à faire (au sein du bureau du PS), car la plupart de mes collègues restent bloqués avec une logique qui date de la révolution industrielle... Quand vous discutez avec quelqu'un comme Jean-Claude Marcourt, il croit qu'il faut développer le plan Marshall, attirer toujours plus de nouvelles entreprises et voilà... Pour lui, le progrès scientifique résoudra naturellement les problèmes écologiques." Le débat sur Citta Verde tombe à point pour lui donner raison.
En édito de LLB de ce jour, Xavier Ducarme titre: "un débat sain". Il estime que "ce qui ne reste qu'à ce jour qu'une crisette, une poussée de fièvre entre partenaires de majorité, montre combien ce grand principe (du développement durable), dont la plupart des dirigeants politiques aiment à se gargariser dans les grands discours, face à d'illustres auditoires, a encore bien du mal à passer l'épreuve de la mise en pratique."
Qui est aujourd'hui le maillon faible du Gouvernement wallon? Celui qui tente d'inscrire la Wallonie dans des logiques du XXIe siècle ou celui qui reste accroché aux logiques des golden sixties, confiant tous ses espoirs aux promoteurs providentiels et investissant dans des autoroutes, des zonings et des projets pharaoniques?

(1) on se souvient qu'avant d'être ministre-président de la Région wallonne, Rudy Demotte fut ministre fédéral de la santé publique. Il aimait alors se présenter comme "le manager de la santé publique".

lundi 8 février 2010

Les autruches de Calais

Au micro de France3 ce soir, Marine Le Pen estime qu'il ne faut pas parler de "migrants" à Calais, mais d' "illégaux". Entendez par là que ces gens-là ne se déplacent pas, ils enfreignent la loi.
Elle m'a convaincu: quand je parlerai de Marine Le Pen (si cela devait encore m'arriver), je n'en parlerai pas comme d'une sédentaire, mais comme d'une fasciste.

Quand elle était scout, la maire UMP de Calais a dû avoir pour totem autruche. Hier, justifiant sa décision de faire évacuer le hangar où l'association No Border avait abrité des migrants, elle expliquait que le bâtiment ne répondait pas aux normes de sécurité. Faut-il en déduire que la rue y répond mieux?

C'est ainsi que les hommes vivent (du moins essayent-ils). Mais où sont donc leurs baisers qui sont censés me suivre?

Musique pour Haïti

Haïti tous en Cœur : 645 artistes sur six sites à Tournai les 13 et 14 février pour aider les Haïtiens

La Ville de Tournai, en collaboration étroite avec l’asbl Culture.Wapi, la Maison de la Culture de Tournai, l’asbl Tournai Centre Ville, la Province de Hainaut et d’autres associations organiseront les 13 et 14 février prochains « Haïti tous en cœur », un week-end musical et artistique de la solidarité dans le cœur de Tournai.

Six lieux accueilleront des artistes de Wallonie picarde (et même du Hainaut Occidental!) et d’ailleurs qui joueront gracieusement au profit d’Haïti. Il s’agit de la Halle-aux-Draps, l’église Saint-Quentin, le CréaThéatre, La Cave aux Pirates, un chapiteau sur la Grand-place et un autre chapiteau sur la place Reine Astrid.

Au total 645 artistes, répartis dans différentes formations presteront gratuitement durant ces deux jours.

Les fonds récoltés seront versés sur le compte « Tournai solidarité » :171-0123456-70(CET)
Ils seront reversés pour moitié à Unicef et à la Croix Rouge.

Le programme et plus d’informations sur les sites www.haiti-tous-en-coeur.be et www.facebook.com/villedetournai

Les Misters des Voix Picardes se produiront à la Halle aux Draps dimanche 14 vers 19h30, juste avant les Encuicuineuses

lundi 1 février 2010

Président people, ça veut dire président populo?

"On se demande c'est à quoi ça leur a servi."
"Si y en a que ça les démange d'augmenter les impôts..."
"J'écoute, mais je tiens pas compte."
"On commence par les infirmières parce qu'ils sont les plus nombreux."
Voilà, parmi beaucoup d'autres, quelques florilèges de déclarations du président de la République française, Nicolas Sarkozy (citées par François-Xavier Druet, dans Memento, supplément de la Libre Belgique du 9 janvier dernier).
Lors de l'émission "Paroles de Français" sur TF1 lundi dernier, le président a poursuivi sur sa lancée avec les phrases suivantes: "si on dit plus qu'est-ce qui va et qu'est-ce qui va pas..." - "ce sont nos principals concurrents, nos principals partenaires" - "l'apprentissage, elle a plein de vertus" - " nous sommes la dernière génération qui peuvent changer le monde" - "chacun son métier, moi je ne pourrais pas traire le lait" (citées dans l'Oeil du cyclone - LLB du 30 janvier)

On ne saurait trop conseiller au président la lecture de la "Troisième chronique du règne de Nicolas Ier" par Patrick Rambaud (chez Grasset). J'ai lu les deux premiers, avec jubilation. La maîtrise du français par son auteur l'amène à un style volontairement précieux, à une verve éclatante qui nous amène à regretter un autre temps, d'autres siècles.
L'adresse de la deuxième chronique (" à Notre Très Emoustillant Souverain, Trésor National Vivant") commençait en ces termes: "C'est parce que nous sommes nombreux à souffrir votre règne, Sire, que j'ai entrepris de le raconter depuis son aurore, afin qu'en demeurent les péripéties et, oserais-je le dire, une manière de trace." Et Patrick Rambaud de poursuivre plus loin, parlant de la première chronique: "J'y brossai, comme à la paille de fer, les figures les plus clinquantes qui formaient votre Cour et relatai la bousculade calculée des événements qui plongèrent un pays dans la stupeur, puis dans le stupide."
Apparemment, Nicolas Sarkozy n'a pas lu les premiers tomes. Sinon, on se demande c'est à quoi ça a lui a servi...