lundi 28 septembre 2015

Le beau et la bête

Deux articles presque en vis-vis, par hasard, et comme en recto-verso, dans le dernier numéro de Charlie Hebdo. L'un en haut de la page 13, intitulé "Archétype" et signé par Marie Darrieussecq. L'autre en page 12, intitulé "La vie des autres", chroniquant le dvd du fim "Une belle fin" d'Umberto Pasoloni et signé par Gérard Biard. 
Dans "Archétype", Marie Darrieussecq revient sur cette vidéo qui a tant choqué: on y voit cette cadreuse (camerawoman) faisant un croche-pied à un candidat réfugié qui court avec son fils dans les bras. Tous deux tombent au sol, l'enfant pleure. Ensuite, c'est à une petite fille, aussi candidate réfugiée, qu'elle donne un coup de pied dans la jambe. La femme, qui travaillait pour une télévision hongroise proche de l'extrême droite, a été licenciée. "C'est une mauvaise décision, prise dans un moment de panique", a-t-elle tenté d'expliquer. Des gestes réflexes en quelque sorte. On la voit un peu bousculée par la petite fille qui court en même temps que beaucoup d'autres personnes. Mais on voit aussi que c'est très consciemment et volontairement qu'elle fait tomber ce père et son enfant. Marie Darrieussecq s'interroge: "est-ce que j'ai ça en moi? Dans mon ADN humain? Est-ce que je serais capable de ça? Un croche-patte à un homme affolé, un coup de pied à une petite fille? Il y a des questions qu'on se pose sur le lâche et le héros en soi... mais ça?".
Le film "Une belle fin" nous amène à suivre un petit fonctionnaire londonien qui a "pour tâche de retrouver les proches éventuels de personnes décédées sans famille ni amis connus". A partir de ce qu'il trouve à leur domicile, il écrit des éloges funèbres qu'il sera seul à entendre. Ne pas laisser qui que ce soit s'en aller seul, l'accompagner, le faire exister jusqu'au bout, c'est le rôle qu'il s'est donné. "L'empathie, écrit Gérard Biard. C'est le premier mot qui vient à l'esprit pour définir l'étrange et attachant personnage de ce film à la mélancolie contagieuse. (...) Empathie qui va de soi, enfin, comme une évidence. (...) Ou l'histoire d'un petit bonhomme qui, parce qu'il est un petit bonhomme, justement, se conduit comme un grand monsieur."
Il y a cette femme qui a pour réflexe de faire tomber ceux qui essaient de sauver leur vie. Et il y a cet homme qui refuse de laisser les morts dans l'oubli. L'une est bien réelle, l'autre est un personnage de fiction. 
Les leaders d'extrême droite et des partis populistes et ceux qui les suivent  ignorent le sentiment d'empathie et ont des gestes réflexes agressifs à l'égard de ceux qui ne sont pas comme eux. Et il y a, heureusement, ceux pour qui ouvrir sa porte aux autres est une évidence. Ces derniers sont grands, souvent modestement. Les premiers l'ignorent du haut de leur suffisance, mais ils sont très petits. 

samedi 26 septembre 2015

La laïcité du légume

Les menus dans les cantines scolaires font régulièrement débat. Faut-il on non qu'ils soient adaptés aux interdits religieux des uns et des autres? Eviter le cochon, imposer le poisson, être halal ou casher? Certaines communes ont mis fin à ces pratiques au nom de la laïcité, avec un même régime pour tous les enfants. Des menus différenciés ne feraient qu'accentuer le communautarisme et obligeraient d'une certaine manière à ficher les enfants en fonction de leur appartenance religieuse. Une appartenance qui leur est en fait imposée par leurs parents et qui n'a rien à voir avec leurs goûts et leur envies culinaires personnelles.
Une solution déjà évoquée ici (1): le végétarisme. Comme choix unique ou comme choix alternatif.
C'est cette dernière option que soutient le député centriste français Yves Jégo: le 8 octobre, avec d'autres collègues de gauche comme de droite, il déposera à l'Assemblée nationale "une proposition de loi pour rendre obligatoire dans toutes les cantines un menu végétarien en alternative du menu quotidien afin de permettre à ceux qui ne veulent pas de viande ou de poisson, quelle qu'en soit la raison, de se nourrir de façon équilibrée". La pétition qu'il a lancée en soutien à sa proposition a recueilli à ce jour 133.000 signatures. Il espère atteindre les 150.000 pour le 8 octobre (2).
Si elle est adoptée, cette proposition dans son application aura bien des avantages: éviter le communautarisme, participer à la réduction de la production de gaz à effet de serre, améliorer la santé des enfants, équilibrer mieux leur alimentation. Il est loin le temps où les végétariens étaient vus comme des gens aux pratiques anormales ou non naturelles. 

(1) "L'esturgeon est aussi antisémite que le végétarien est stupide", 5 octobre 2009
et "Carnaval une fois par semaine", 3 décembre 2009.
(2) https://www.change.org/p/pour-une-alternative-végétarienne-obligatoire-dans-les-cantines-scolaires

jeudi 24 septembre 2015

Que vaut la vie d'un jeune homme?

L'Arabie saoudite a une conception très particulière des droits de l'homme. Son ambassadeur auprès des Nations Unies, Faisal bin Hassan Trad, dirige depuis peu, au sein de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU, le Groupe consultatif chargé de sélectionner les experts indépendants envoyés sur le terrain pour enquêter sur le non respect des droits de l'homme. S'il y a bien un pays où ces enquêteurs devraient être nombreux, c'est l'Arabie saoudite. Ils en sont évidement absents. Elle fait fouetter les bloggeurs qui ont l'outrecuidance d'être critiques par rapport au gouvernement, elle pratique la lapidation et la décapitation et est l'un des pays qui exécutent le plus ses prisonniers, y compris des moins de 18 ans, y compris pour des délits mineurs.
C'est ce qui risque fort d'arriver à un jeune homme de vingt ans, Ali Mohammed al-Nimr, emprisonné depuis trois ans. Il sera décapité et crucifié. Il est accusé d'être membre d'une organisation terroriste, d'avoir transporté des armes et lancé des cocktails molotov contre la police. En réalité, son crime serait d'être le neveu d'un cheikh chiite, opposant au régime et lui aussi condamné à mort (1).
Depuis toujours, l'Arabie saoudite est l'alliée des Occidentaux. Certains pays européens, la France notamment, ont fait savoir aux Saoudiens que ça ne se fait pas de décapiter ainsi un jeune homme. Ils ont eux aussi une conception particulière des droits de l'homme. L'Arabie saoudite a des pratiques aussi barbares que celles de Daesh. L'économie, le commerce et la diplomatie ont des raisons que les droits de l'homme ne peuvent comprendre.

Pétition à signer - d'urgence - sur
https://secure.avaaz.org/fr/stop_saudi_beheadings_loc/?baluBfb&v=65544
http://www.mesopinions.com/petition/droits-homme/execution-imminente-ali-al-nimr-stop/16033
http://www.amnesty.fr/Nos-campagnes/Abolition-de-la-peine-de-mort/Actualites/Arabie-saoudite-un-jeune-de-21-ans-risque-la-decapitation-16165

(1) http://www.liberation.fr/monde/2015/09/23/arabie-saoudite-ali-mohammed-al-nimr-decapite-au-nom-de-la-guerre-sunnites-chiites_1388954

A (re)lire sur ce blog:
- "Les criminels au jus d'orange", 14 juillet 2015;
- "Comprendre (essayer de)", 27 janvier 2015.


mercredi 23 septembre 2015

Cachez ce dessin que je ne saurais voir

En ce début d'automne, l'homme s'interroge: comment se portent la bêtise et la haine? Mieux que jamais. Internet les aide à se faire entendre. Les réseaux pseudo-sociaux relaient les indignations, les coups de colère, les appels au meurtre des uns et des autres.
Voilà que Charlie Hebdo se sent obligé d'expliquer ses dessins tant ils ont choqué des âmes sensibles. Certains citoyens, depuis le 7 janvier, s'affirmaient Charlie. Devenus lecteurs, ils ne le sont plus, découvrant, à travers cet hebdo et ses dessins qui nous montrent la réalité par un autre bout de la lorgnette, combien le monde est cruel.
"Tout a commencé, nous dit Riss, directeur de Charlie Hebdo (1), par un dessin de la silhouette échouée du petit Aylan avec sur son dos un cartable, intitulé C'est la rentrée. Attribué à tort à Charlie Hebdo, ce dessin déclencha une première vague de protestations sur ces réseaux que l'on dit sociaux." Puis, poursuit-il, ce fut un dessin dont Riss lui-même est l'auteur: une représentation (pas une caricature) du petit Aylan tel que nous l'a montré cette photo devenu buzz, et derrière lui un panneau publicitaire sur lequel le clown Mc Donald annonce "2 menus enfants pour le prix d'un". Au-dessus du dessin, ces mots: si près du but... "Charlie fut aussitôt inondé de mails injurieux et même de menaces de mort, dit encore Riss, des trucs du genre: Dommage que les frères Kouachi n'aient pas fini le boulot". 
En page 2, c'est Luz qui donne une leçon d'analyse aux analphabètes de l'image: Le dessin satirique expliqué aux cons (et en particulier aux médias). Les mêmes médias qui se sont interpellés les uns les autres, pointant du doigt ceux d'entre eux qui n'avaient pas voulu ou pas osé montrer la photo, hélas depuis tristement célèbre. "Un rédacteur ou un photographe aurait le droit de témoigner de l'atrocité, mais pas un dessinateur?", interroge Luz qui avoue s'être senti jaloux du talent de son confrère: "il avait fait LE dessin, pointant du pinceau cette Europe riche, surconsommatrice, qui aura attendu d'avoir la médiatisation de la mort d'un enfant sur la conscience pour réfléchir enfin au sort des migrants".
Combien parmi les indignés, les Tartuffe scandalisés par le dessin de Riss pensent que les frontières doivent être fermées, que la France, la Belgique, la Hongrie, la Grande-Bretagne, l'Europe "ne peuvent accueillir toute la misère du monde", combien pensent que ce n'est pas leur problème ? (2) Combien prennent le temps de réfléchir avant de s'enflammer et d'aller jusqu'à appeler au meurtre? Oui, la haine se porte bien.
"L'humour noir des dessins de Charlie sur le petit Aylan n'est qu'une mise à distance, explique Riss, une manière d'ironiser sur nos indignations faciles et souvent sélectives." Les trop nombreuses photos, images et dessins de migrants morts diffusées dans la presse et les JT, parfois ad nauseam, ne nous ont pas ébranlés. Jusqu'à une image aussitôt sacralisée. "Mais ces cadavres avaient un défaut, dit Riss: c'étaient ceux de migrants africains, noirs et adultes", pas celle d'un enfant.  
Il nous apprend aussi qu'une association anglaise envisage de déposer plainte pour incitation à la haine raciale pour un autre de ses dessins: intitulé La preuve que l'Europe est chrétienne, il montre Jésus marchant sur l'eau (les chrétiens marchent sur les eaux) à côté d'un enfant qui se noie (les enfants musulmans coulent). Visiblement, le premier degré et les références à l'Europe chrétienne échappent aux membres de cette association. Oui, la bêtise se porte bien. 

(1) La peine de mort participative, Charlie Hebdo, 23 septembre 2015.
(2) Magnifique (?) dessin de Luz en une de Charlie cette semaine: Le Front national peut-il haïr toute la misère du monde? Et cette réponse de la présidente aux dents longues: chiche!

mardi 22 septembre 2015

Tout va très bien, Madame la Marquise

C'est une région superbe, de bois, de rivières, d'étangs, de collines. On peut s'y promener des heures dans une nature qu'on croit préservée. Et qui souffre pourtant d'une pollution invisible: la radioactivité. Dans le nord de la Haute-Vienne en Limousin, on a pu compter jusqu'à septante mines d'uranium des années '50 au début des années 2000. La dernière a été fermée en 2001 à Jouac.
D'une tonne de minerai on extrait un kilo d'uranium. Les résidus ont été laissés sur place, le plus souvent enfouis. Prix de la production de 36.000 tonnes d'uranium en Limousin: 50 millions de tonnes de déchets abandonnés sur les lieux d'extraction. "La France est une poubelle nucléaire dont l'épicentre est le nord de la Haute-Vienne", déclare un habitant dans le reportage qu'Inès Léraud a consacré à ce scandale caché (1).
Des habitants, inquiets pour leur santé, se sont équipés d'un compteur Geiger, seul outil capable de déceler cette pollution si discrète. Sur le site d'une ancienne mine, celui des Vieilles Sagnes, ils comptent jusqu'à plus de 60.700 impulsions par minute. La radioactivité dans ce site, très lègèrement clôturé, sans aucune mise en garde, est trois fois plus importante que celle qu'on trouve à 300 mètres du sarcophage de Tchernobyl, affirme un ingénieur. Areva a curé le lac de Saint-Pardoux où la radioactivité dépassait de près de deux fois les normes autorisées. Les cours d'eau aident la radioactivité à se diffuser en aval. Un militant d'une association environnementale a relevé 35.000 becquerels au bord d'un ruisseau, le niveau naturel est de 200 et au-delà de 3.700 becquerels Areva est dans l'obligation de dépolluer. Mais l'entreprise reste sourde. Toutes les plaintes restent sans suite, affirme le naturaliste, le nucléaire est le seul domaine dans lequel les plaignants ne reçoivent même pas un accusé de réception. On est face à "un silence assourdissant", dit-il. "On a toujours respecté nos obligations", réplique-t-on du côté d'Areva dont un responsable estime qu'il n'y a pas d'impact sanitaire" et que "il fait bon vivre dans le Limousin à proximité des anciennes mines".
Un chercheur, chargé d'une étude préliminaire, affirme qu'il n'a pas relévé de phénomène grave, mais quand même certaines pathologies liées à des organes filtrants. Il pointe, entre autres à Bessines-sur-Gartempe, "une surincidence de cancers du foie, des reins et de la thyroïde". L'Institut de veille sanitaire a été saisi début 2012, mais aucune étude n'a été entreprise. "Pourquoi la radioactivité ne fait-elle pas partie des priorités du plan régional de santé publique en Limousin?, s'interroge l'auteur de l'étude préliminaire. L'uranium et le cancer sont des sujets compliqués en France, une thématique d'omerta".

(1) Emission Sur les docks: "Mines d'uranium: le Limousin face à son passé", diffusée sur France Culture le 3 septembre 2015.

lundi 21 septembre 2015

Adieu, veaux, vaches, cochons

Les agriculteurs, belges, français, allemands et bien d'autres en Europe sans doute, sont désespérés. Ou plutôt des agriculteurs sont désespérés. Ceux ne peuvent vendre leurs produits à prix coûtant. Et ils sont nombreux. Ce sont ceux qui ne sont plus éleveurs ou agriculteurs, mais fabricants. Ceux qui fabriquent de la viande ou du lait comme ils fabriqueraient des voitures, des casseroles ou des boîtes en plastique. L'animal n'est qu'un produit industriel et pour le fabriquer toutes les méthodes sont bonnes, celles qui passent par l'empoisonnement de la terre, la pollution des cours d'eau et des nappes phréatiques, la mise en danger de la santé des agriculteurs. Allez savoir pourquoi, on n'arrive pas à éprouver la moindre compassion pour ceux qui font (sur)vivre des truies sur du béton, coincées entre des barreaux qui les empêchent de se retourner, pour ceux qui parquent des vaches dans des usines où elles tournent en rond reliées à des trayeuses, pour ceux qui arrosent de pesticides leurs terres. On n'arrive pas à se sentir solidaire d'agriculteurs qui jettent sur la route les produits de leurs confrères de pays voisins sous prétexte qu'il ne faudrait vendre dans leur pays que leurs propres productions et qui dans le même temps se plaignent que des marchés étrangers leur soient fermés.
Ceux-là poursuivent leur course folle et aveugle qui les mène dans une impasse qui donne sur un gouffre. L'agriculture productiviste est sans issue. Ils reprochent aux pouvoirs publics de ne pas les aider. Alors que c'est précisément ce type d'industrie mortifère qu'il faut cesser de soutenir. Certains agriculteurs ont récemment muré les entrées de l'adminstration de leur Région. Ils se trompent de cible. C'est à leur propre syndicat, la FNSEA, qu'ils devraient s'en prendre. Un syndicat qui les pousse à s'endetter toujours plus, à produire toujours plus de lait, de viande qu'ils ne pourront vendre, le tout sous la conduite d'un président à la tête d'un puissant empire agro-indsutriel et financier. (1)
Cette agriculture-là, loin de se remettre en question, poursuit dans la même voie suicidaire. Après la Ferme des 1000 Vaches, voici celle des Mille Veaux, sur le plateau de Millevaches (2): un atelier d'engraissement industriel de 1400 veaux (3).
Quel est le sens de l'agriculture? Certainement pas de vendre des produits industriels à l'autre bout de la planète. Mais de vendre au plus près de chez soi, à travers des circuits courts, des produits alimentaires respectueux de l'environnement, des animaux, des agriculteurs et des consommateurs. Quel sens y a-t-il à vendre des choux, des tomates, du lait ou de la viande à l'autre bout de l'Europe? Ce monde-là aussi a été rendu fou.

A lire: Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture, de Fabrice Nicolino, éditions Les Echappés, 2015.

(1) http://www.liberation.fr/economie/2015/09/03/xavier-beulin-le-cereale-killer-de-la-fnsea_1374527
(2) Ces vaches-ci ne sont pas des bovins: Millevaches signifie mille sources
(3) pétition sur http://stop-1000veaux.agirpourlenvironnement.org/



vendredi 18 septembre 2015

Les sinistrés et les toxiques

On l'a dit souvent mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre: la quantité de réfugiés qui tentent de trouver asile en Europe est extrêmement faible par rapport au nombre de ceux qui ont trouvé refuge dans des pays voisins des zones de conflit.
Ainsi, deux millions de réfugiés syriens sont en Turquie, un million deux cents mille au Liban, 800.000 en Jordanie et des centaines de milliers encore en Irak et en Egypte. Et à l'intérieur même de la Syrie on compte sept millions et demi de déplacés. "Les migrants qui veulent arriver en Europe représentent une infime portion. Ce n'est rien par rapport à la capacité d'accueil de l'Europe", affirme Raphaël Pitti, médecin de guerre de retour de Syrie (1). "C'est ridicule, 0,01%. Et ce ridicule-là est capable de faire exposer l'Europe."
Philippe Leclerc, représententant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en France, rappelle qu'il y a peu la Syrie accueillait sept cent mille réfugiés irakiens et que si les réfugiés syriens qui se trouvent actuellement en Turquie, en Jordanie et au Liban cherchent par tous les moyens à gagner l'Europe, c'est parce qu'ils n'ont aucun avenir dans ces pays et que leur retour en Syrie ne pourra se faire avant de très longues années. L'écrivain algérien Boulaem Sansal invite à les qualifier non pas de migrants mais de sinistrés, car c'est bel et bien la situation qu'ils vivent (2).
Mais en Europe il ne manque pas de personnages toxiques, surtout à l'extrême droite (et dans une certaine droite qui se radicalise) qui mentent, qui déforment les chiffres, attribuent d'inquiétantes intentions aux réfugiés et font du rejet de l'autre un projet politique (3). Leur avenir à eux, ils le bâtissent cyniquement en s'opposant à ceux qui désespèrent d'en avoir encore un. Ce sont eux qu'il faut craindre et non les sinistrés. 

(1) http://www.arte.tv/guide/fr/060828-013/28-minutes?autoplay=1
(2) France Musique, 14 septembre 2015, entre 8 et 9h.
(3) http://www.liberation.fr/desintox/2015/09/17/99-d-hommes_1384819


vendredi 11 septembre 2015

Les masques tombent

L'arrivée massive de réfugiés témoigne de drames humains considérables. Qui a vraiment envie d'entreprendre un voyage long et dangereux en quittant sa maison, ses proches, son village, son pays, ses racines, s'il n'y est obligé pour sauver sa peau et celle des siens? Cet exode révèle aussi le vrai visage de tant de personnes. Il y a ceux qui ouvrent leur porte et leurs bras. Et il y a ceux qui crachent. Le F.N. est en train de démontrer que son opération de dédiabolisation n'était que ravalement de façade. Père et fille tiennent le même discours et à l'intéreur de la maison F.N. règne toujours la même odeur fétide. Le parti des Le Pen n'y peut rien, c'est plus fort que lui, la haine exsude par tous ses pores. En Bretagne, un candidat du parti d'extrême droite renoue avec cette belle tradition vichyste de la délation: il prévient qu'il dénoncera les communes bretonnes qui accueilleront des réfugiés. Le maire de Carhaix s'est déjà dénoncé lui-même: oui, il est humaniste et accueille déjà deux familles syriennes (1). 
Nicolas Sarkozy ne sait plus comment (tenter d') apparaître comme un humaniste sans lâcher d'une semelle la fille à papa Le Pen. Il propose un nouveau statut pour les réfugiés de guerre: ils devraient automatiquement rentrer chez eux quand le conflit qui les a fait fuir est terminé. Son père, lui-même et toute sa famille auraient-ils dû rentrer en Hongrie quand le régime communiste a disparu? Il affirme aussi que l'espace Schengen est totalement ouvert et permet à tout réfugié qui y est accueilli de s'installer n'importe où, ce qui les attirera inévitablement tous en France. Ce qui est évidemment totalement faux (2), mais qu'importe? Il en restera toujours quelque chose dans les esprits qui ne demandent qu'à se fermer.
Heureusement, il y a ceux qui sont, aussi naturellement que culturellement sans doute, du côté de la lumière et témoignent de solidarité. telle l'association Pierre Claver, "lieu de rencontre et d'étude" pour réfugiés en attente d'un titre de séjour. Elle aide quelque cent vingt personnes par semestre à se former, à travers des cours d'alphabétisation, d'histoire, de danse et de musique, le tout dans le respect de la laïcité. "Quand on arrive dans un pays, il faut arrêter d'être immigré, il faut vouloir entrer dans l'indifférence", estime Ayyam Sureau qui dirige l'association. "Ouvrir sa porte à l'autre, dit-elle, ce n'est pas un problème de menuiserie. Cela signifie qu'il faut tenir sa maison dans un état tel qu'à tout moment un étranger puisse y trouver sa place." (3)

(1) http://www.liberation.fr/politiques/2015/09/09/refugies-le-maire-de-carhaix-se-denonce-au-fn_1378827
(2) http://www.liberation.fr/desintox/2015/09/11/refugies-nicolas-sarkozy-et-la-libre-circulation-de-l-intox_1379736
(3) Télérama, 19 août 2015.

mardi 8 septembre 2015

Iznogoud

Il a été président de la République. Il fera tout pour le redevenir. Il a changé, dit-il. Il est le meilleur, personne ne lui arrive à la cheville, il en est convaincu (1). A l'entendre, on rencontre certaines difficultés à percevoir le changement. Sa maîtrise du français ne s'est pas améliorée.  "Y a quelque chose que je suis très attaché, a déclaré ce dimanche Nicolas Sarkozy: c'est que la France de toute éternité a toujours été du côté des opprimés et toujours été du côté des dictateurs, toujours été du côté d'celui qu'était j'té en prison parce qu'il croyait dans ses idées" (1). Au-delà de la faute de français, il y a, nous dit-on, un lapsus. Pas si sûr. La France a beaucoup été du côté de Bouteflika, de Kadhafi, de Biya, de Bongo, d'Hassan II et Mohamed VI, de Bokassa et de tant d'autres qu'on ne classe pas d'emblée dans le camp des opprimés et qui ne connaissent les prisons que pour y avoir envoyé tant de leurs compatriotes qui avaient l'outrecuidance de critiquer leur autocratie ou simplement de ne pas penser comme eux. Quand on évoque la Françafrique, on ne se dit pas d'emblée que la France y a toujours été du côté des opprimés. 

(1) http://www.marianne.net/sarkozy-papy-juppe-bebe-bruno-autre-eunuque-fillon-ne-sont-pas-capables-100236553.html
(2) http://www.lalibre.be/light/insolite/le-lapsus-de-nicolas-sarkozy-la-france-a-toujours-ete-du-cote-des-dictateurs-video-55ec666e3570976789873f82

lundi 7 septembre 2015

Humanité et son contraire

La mobilisation de citoyens un peu partout en Europe en soutien aux candidats réfugiés est réjouissante. Les réseaux sociaux, réels et virtuels, jouent leur rôle. Des associations humanitaires assurent l'accueil, proposent de l'aide, des formations. D'autres viennent de se créer pour l'occasion. Des citoyens se sont rassemblés sur des places publiques, par milliers parfois, pour manifester leur volonté d'ouverture des frontières aux hommes, femmes et enfants qui fuient la guerre. Des personnes qui disposent d'une chambre libre, d'une résidence secondaire la mettent à disposition de réfugiés. Des footballeurs, des artistes manifestent aussi leur solidarité, notamment en offrant un de leurs cachets aux associations d'accueil.
Autant d'attitudes qui soulignent, dans le même temps, l'étroitesse d'esprit et la mesquinerie d'esprits peu éclairés et des partis politiques qui font commerce de la haine et de l'exclusion. Tel le leader de l'Ukip, parti anglais populiste: Nigel Farage ne veut pas de réfugiés en Grande-Bretagne, il estime qu'il suffit d'empêcher les bateaux de partir. Va-t-il proposer de les torpiller? Marine Le Pen n'est pas en reste: elle n'a visiblement pas appris grand chose à "l'université d'été" de son parti. Elle parle de clandestins plutôt que de réfugiés et estime qu'il faut "restreindre considérablement le droit d'asile". Son discours exprime bien que ce parti reste, quoi qu'essaie de faire croire son état major, un parti d'extrême droite. Sans doute Marine Le Pen ne voit-elle pas les raisons pour lesquelles des millions de Syriens fuient le régime sanguinaire d'Al-Assad, ce président qu'elle se refuse à condamner. Les militants du FN ont scandé ad libitum leur slogan préféré "On est chez nous". Florian Philipot veut bien d'un quota de réfugiés par pays "à condition que ce soit un quota zéro". On se demande pourquoi on a dû assister à une telle querelle de famille si c'est pour entendre le FN tenir les mêmes propos haineux que celui de son répugnant fondateur. 
Comment s'étonner dès lors que les réseaux informatiques soient aussi, trop souvent, bien plus asociaux que sociaux? S'y déversent des torrents de boue, de haine, de méchanceté, de bêtise.
De nombreux pays ont fermé leurs portes. Le problème des réfugiés n'est pas le leur. L'Arabie saoudite accueille les pélérins de la Mecque, mais pas les réfugiés, notamment musulmans, en détresse. La foi a ses limites. On se le demande: qu'est-ce qu'une terre sainte? La Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie ne veulent pas d'étrangers, en tout cas pas musulmans. La Slovaquie ne veut accueillir que des chrétiens, tout comme le maire de Roanne en France. Les non chrétiens, même touristes, savent à présent quels pays et quelles villes ils doivent éviter.
Mais tous ces esprits racrapautés n'y pourront rien: les réfugiés arrivent et arriveront, tant que leur vie sera en danger. Reste ensuite non seulement à les accueillir, mais aussi à leur permettre de s'intégrer.

A voir: Sophia Aram et François Morel dans un duo inattendu:
http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-de-sophia-aram-oh-putain-la-famille
A lire:
http://www.lalibre.be/actu/international/pourquoi-l-ue-est-elle-divisee-en-deux-sur-la-question-des-refugies-55e9e1ee35709767897d96f6
http://www.liberation.fr/monde/2015/09/05/a-nickelsdorf-distribution-d-amour-pour-les-milliers-de-refugies-arrives_1376385

mercredi 2 septembre 2015

Un air de printemps

Il y a des jours où on sent l'automne arriver, des jours dépressifs où on désespère de la nature, même humaine. Les fous furieux qui agressent et tuent au nom de leur dieu, de leur doctrine politique  ou pour conserver leur pouvoir y sont pour quelque chose. De même que ceux qui veulent fermer leurs portes aux réfugiés qui fuient cette folie meurtrière.
Et puis il y a des jours où on croit au printemps. C'est le cas quand on apprend que des dizaines de Tournaisiens ont accueilli hier soir chaleureusement la première centaine de candidats réfugiés désormais hébergés dans des locaux de la caserne Saint-Jean. Applaudissements, gâteaux et jouets pour les enfants (1), juste de quoi rassurer et donner le sourire. Et retrouver confiance en l'humanité, malgré les esprits chagrins et les prophètes de mauvais augure (2). 

(1) http://www.lalibre.be/actu/belgique/les-tournaisiens-accueillent-les-refugies-sous-les-applaudissements-video-55e6c28d3570ebab3d7a4bcc
http://www.notele.be/list14-l-info-en-continu-media37753-une-arrivee-toute-en-emotion.html
(2) voir sur ce blog "Paroles, paroles, paroles", 26 août 2015.