samedi 30 mars 2024

La Bible trumpisée

On savait depuis longtemps que cet homme avait vendu son âme au Diable. Voilà qu'il la vend à Dieu aussi. Ou plutôt qu'il vend la parole divine. Donald Ubu Trump est maintenant représentant en Bible. Il vend son "livre préféré".  Du moins la version "Bible God Bless the USA", soit une Bible spéciale Trump, "la version du roi Jacques", explique-t-il, qui comprend également "les documents de nos pères fondateurs", à savoir "la Constitution pour laquelle je me bats chaque jour très durement", mais aussi les paroles de la chanson "God Bless the USA" d'un chanteur conservateur.  Suffisant Ier explique qu'on trouve dans sa foutraque version biblique notamment le Serment d'allégeance, celui-là même qu'il a rompu en appelant à prendre par la force le Capitole suite à sa défaite de 2020.
Ce Témoin de Jehovah inattendu a donc mis son nom sur un texte sacré qu'il vend soixante dollars l'unité. "Vous devez l'avoir pour votre cœur et votre âme." Et surtout pour son portefeuille. C'est qu'il doit payer une caution de 175 millions de dollars à la suite d’une de ses innombrables affaires de fraude. Il faut se la procurer pour Pâques, clame-t-il. Il y a urgence. Le site Internet où on peut la commander propose également des casquettes "Make America Pray Again". Avec un tel couvre-chef sur la tête, la Bible s'éclaire sûrement d'un jour nouveau.
On voit par là qu'Ubu Trump est prêt à tout pour gagner des voix et de l'argent. Plus infatué que jamais. Pathétique aussi en démarcheur à domicile qui veut faire croire qu'il doit faire son chiffre quotidien pour ne pas se retrouver à la rue.

Je vends des robes
Des pulls et des manteaux, des bas, des gants
Des jupes, des pantalons
Des sacs, des ceinturons
Des slips et des manchons
De toute espèce, qui me font tourner en bourrique
Nino Ferrer, "Je vends des robes".

https://www.lexpress.fr/monde/amerique/trump-et-la-bible-pour-paques-le-nouveau-commerce-juteux-de-lex-president-4EUVKOUCL5DQ3EEM3IO4T7EH5Q/
https://video.lefigaro.fr/figaro/video/vous-devez-lavoir-donald-trump-vend-des-bibles-avant-paques/

jeudi 28 mars 2024

Le diable s'habille en raciste

Le Front du Rassemblement national s'est-il dédiabolisé ou le diable s'est-il banalisé ? Le parti d'extrême droite caracole en tête dans les sondages, malgré ses liens troubles avec la Russie de Poutine et malgré la bêtise avérée de ses dirigeants. On a vu, lors du débat du second tour de l'élection présidentielle en 2017, combien la fille à papa Le Pen était incompétente en quasiment toutes matières. Son successeur à la tête du parti ne vaut guère mieux, lui qui se prend les pieds dans le tapis en toutes occasions. Un jour, au contraire de la position de son parti, Jordan Bardella défend les prix planchers pour les agriculteurs, avant de s'y opposer le lendemain comme si de rien n'était ou comme s'il souffrait d'Alzheimer. Auditionné par la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, il propose d'instaurer un délai de trois ans pour les entreprises qui passent le cap des cinquante salariés, histoire de leur laisser un temps d'adaptation aux nouvelles règles qu'elles auront alors à respecter. Il ignorait que ce délai existe déjà et qu'il est de cinq ans. Un de ses anciens coachs affirme que Bardella "ne travaille pas, ne lit pas et ne s'informe pas". Il n'arriverait pas à enregistrer ce que lui transmet son nouveau coach qui a "trop de fond pour Bardella". (1) Mais qu'importe ce qu'il sait et ce qu'il dit ? L'important est qu'il soit rassurant et souriant. Mais qui peut donc être rassuré par un homme qui démontre une telle faiblesse intellectuelle? 

Qui peut faire un confiance à un parti qui ne s'est aucunement dédiabolisé et qui reste coincé dans son vieux racisme ? Ce matin, l’Assemblée nationale a voté un texte qui demande au gouvernement d’instaurer une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Ce jour-là, une manifestation pacifique de 30.000 Algériens avait été violemment réprimée par la police sous les ordres de Maurice Papon. Le bilan officiel n'était que de trois morts et une soixantaine de blessés. Les historiens, eux, évoquent « au moins plusieurs dizaines » de morts, entre une trentaine et deux cents. Soixante-sept députés ont voté pour le texte et onze contre, tous membres du Rassemblement national. Le diable réside toujours au RN où les ratonnades sont ignorées. A moins qu'elles ne paraissent normales ? 

(1) "Le costume craque", Franc-Tireur, 27.3.2024.


mardi 26 mars 2024

Abject Ier

Il a fini par l'admettre du bout des lèvres : l'ignoble attentat qui a tué au Crocus City Hall à Moscou 144 personnes et en a blessé 285 (des chiffres sans doute encore provisoires) est le fait d' « islamistes radicaux ». Mais le criminel de guerre Vladimir Poutine veut voir derrière cette attaque meurtrière la main de Kiev : " Nous savons qui a commis cette atrocité contre la Russie et son peuple. Ce qui nous intéresse, c’est le commanditaire. " (...) " Il est important de répondre à la question de savoir pourquoi les terroristes, après leur crime, ont essayé de partir en Ukraine. Qui les attendait là-bas ? " 
Poutine ne se remettra évidemment jamais en question. Ses services de sécurité ont été défaillants, plus occupés à surveiller les citoyens qui fleurissent la tombe d'Alexeï Navalny qu'à protéger leurs concitoyens d'une attaque pourtant annoncée. "Trois jours avant le drame, écrit Le Monde (1), le chef de l’Etat balayait les multiples avertissements américains, publics mais aussi transmis de services à services, comme l’a confirmé la partie russe, quant à l’imminence d’une attaque : « Des provocations et un chantage évident, destiné à déstabiliser et effrayer notre société », disait Poutine le 19 mars devant ses anciens collègues du FSB (service fédéral de sécurité), préférant mettre l’accent sur les vrais ennemis menaçant le pays – les traîtres. "
Personne ne peut mettre en garde le tsar qui maîtrise tout ce qui se passe sur son territoire et même au-delà. Les citoyens russes ne demanderont pas - n'oseront pas, ne pourront pas demander - de compte à cet homme tout-puissant qui a démontré son impuissance mais se défausse toujours sur les autres. Cette attaque islamiste met à mal sa fable de ce pseudo sud global qui serait à ses côtés pour lutter contre l'Occident décadent. Le voilà agressé par le sud comme un vulgaire occidental.
"Cet attentat, écrit encore Le Monde, qui rappelle combien la menace djihadiste reste présente, y compris sur le sol européen, prend à revers le grand récit développé depuis des années par le maître du Kremlin. Ce récit fait de l’affrontement avec un Occident fantasmé, à la fois décadent et agressif, le seul enjeu existentiel auquel la Russie serait confrontée. Cet aveuglement est particulièrement contre-productif. Il suffit de porter le regard sur les régions du monde où le djihadisme continue de semer la mort après l’éradication de son sanctuaire moyen-oriental, comme en Afrique sahélienne, pour constater combien la mise en avant obsessionnelle de l’opposition entre Moscou et Washington, ou Paris, sert cette organisation terroriste."

Poutine se contentera d'allumer une bougie à la mémoire de ces centaines de victimes d'un crime que sa prétention l'a empêché d'éviter. 
Cet attentat, il en fait un argument de plus pour justifier sa guerre contre l'Ukraine. Les assaillants, prétend-il, fuyaient vers l'Ukraine qui a, c'est ce qu'il laisse entendre, commandité l'attentat. Ces terroristes présumés ont pourtant, selon certaines sources, été arrêtés plus près de la frontière biélorusse que de celle de l'Ukraine. Et comment auraient-ils franchi cette dernière alors qu'ils auraient dû traverser les lignes russes ? Mais le régime russe n'essaie pas d'être crédible, il a depuis longtemps abandonné tout souci de cohérence. Son président dit la vérité et celui qui oserait le contredire est un nazi et un traitre.
On doute cependant que Poutine ait été jusqu'à remercier l'Etat islamique au Khorassan. Il ne remercie personne. Il ne doit rien rien à personne. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-des-failles-au-sommet-un-bouc-emissaire-a-l-exterieur_6224044_3210.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/25/attentat-de-moscou-vladimir-poutine-rappele-a-la-realite_6224059_3232.html

vendredi 22 mars 2024

Sainte haine des femmes

"Préserver les principes religieux et sauvegarder les normes et les valeurs culturelles”, voilà comment un député gambien a défendu un projet de loi visant à lever l’interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) en vigueur dans le pays depuis 2015. Et très peu respectée. L’interdiction de l’excision est, selon ce député, une violation directe du droit des citoyens à pratiquer leur culture et leur religion. Exciser les femmes serait donc un droit. Imposé par une religion patriarcale. 

Le parlement gambien compte cinquante-huit députés et quarante-deux parmi ceux qui étaient présents ont voté en faveur de ce texte préhistorique. Seuls quatre députés ont voté contre. Le projet de loi est renvoyé devant une commission parlementaire qui doit effectuer un dernier examen avant un vote final dans trois mois. Selon la BBC, "les militants et défenseurs des droits de l’Homme dénoncent un “dangereux précédent” pour les droits des femmes en Gambie, pays à majorité musulmane et appellent à une mobilisation générale aussi bien à Banjul qu’à l’étranger". A contrario, "plusieurs militants pro-MGF se sont fortement mobilisés dans la capitale pour apporter leur soutien à ce texte". Ainsi donc, on peut militer pour pouvoir mutiler les femmes. Ce genre de rassemblement n’est pas une première en Gambie "où une personne qui est le parent d’un enfant mineur et qui s’oppose à ce que celui-ci subisse une MGF peut faire face à de la discrimination sociétale et à de l’ostracisme parce qu’il va à l’encontre des traditions culturelles ou familiales”, écrivait en 2016 le Home Office du Royaume-Uni. Si cet infâme projet de loi devait aboutir, la Gambie deviendrait le premier pays au monde à supprimer les protections contre les mutilations génitales féminines.

“Les autorités ne doivent pas se concentrer sur l’obligation religieuse et ignorer le mal et la douleur liés aux MGF”, affirme Jaha Dukureh, fondatrice de Safe Hands for Girls. “Nous refusons d’être réduites au silence. Nous refusons de rester les bras croisés pendant que les corps de nos filles sont mutilés, leurs futurs violés et leurs rêves brisés.” D'autres craignent que la levée de cette interdiction ne soit que la première d'une série d'autres, telle celles qui interdisent le mariage des enfants et les violences domestiques.
"Le corps des filles leur appartient et les mutilations génitales féminines les privent de l'autonomie de leur corps et leur causent des dommages irréversibles", écrit le bureau des droits de l’Homme de l’ONU en Gambie qui a également demandé le retrait du projet de loi.

Les imams qui ont fait pression sur les parlementaires sont en train de gagner. Le premier rôle des religions est visiblement de soumettre les femmes, de les priver de tout plaisir et de les maintenir à la maison sous le contrôle des hommes.
La grande marche arrière à laquelle on assiste un peu partout dans le monde se poursuit en Gambie.
Résumons-nous : les imams haïssent les femmes.

https://fr.africanews.com/2024/03/19/gambie-le-debat-sur-lexcision-renvoyee-devant-une-commission-nationale/

lundi 18 mars 2024

Tsar system

Pour une surprise, c'est une surprise : le chef mafieux Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Russie pour un cinquième mandat de six ans. Ne dites plus score nord-coréen, dites score russe et même stalinien. Le tueur en série a obtenu plus de 87% des voix. Il est vrai que le choix était restreint : les électeurs avaient le choix entre Poutine. Ce qui ressemble à une mauvaise, très mauvaise blague. Il y avait bien trois candidats fantoches qui étaient censés donner une apparence de démocratie à cette élection, mais personne n'est dupe. D'autant que tous les candidats d'opposition ont été écartés, soit interdits d'élection, soit tués, soit obligés de fuir, soit emprisonnés.

Poutine a reçu un nouveau mandat de chef de guerre, écrit Benoît Vitkine dans Le Monde (1). Avec des médias sous son contrôle absolu, il est aisé pour la clique du Kremlin de faire croire ce qu'elle veut, que la Russie est agressée, menacée et qu'il faut faire confiance au guide suprême, seul capable de sauver l'empire d'on ne sait quel péril et de lui rendre sa gloire. "Ce climat de tensions exacerbées a probablement renforcé le réel soutien dont bénéficie M. Poutine auprès d’une partie importante de la population. C’est même là le génie des propagandistes du Kremlin : avoir réussi à transformer l’invasion de l’Ukraine en une agression occidentale, et une guerre de conquête en un combat existentiel pour les « valeurs traditionnelles » ou la « souveraineté » de la Russie."
Cependant quel crédit faut-il apporter aux résultats ?, s'interroge Benoît Vitkine. "Ces dernières années, le pouvoir russe a multiplié les innovations permettant de rendre moins visibles, voire moins nécessaires, les falsifications les plus grossières : vote électronique ; vote sur trois jours ; réduction drastique des possibilités offertes aux citoyens qui le souhaitent d’observer le scrutin… Résultat : on a peu vu les dizaines de vidéos de bourrages d’urnes ou de votes multiples, qui font le folklore des élections russes depuis que des caméras ont été installées dans les bureaux, en 2012. Depuis 2021, l’accès à ces caméras a par ailleurs été restreint. A l’inverse, et de manière nouvelle, des entorses au secret du vote ont été constatées. Le Monde a pu voir des isoloirs sans rideaux et des urnes surveillées de près par des policiers. Plusieurs arrestations ont été signalées pour des messages inscrits sur des bulletins (qui ne sont en Russie pas fermés dans une enveloppe)."
On en rirait si la situation n'était aussi dramatique : à Stary Oskol, ville de 230 000 habitants, les 136 bureaux de vote de la ville affichaient tous, vendredi soir, à l’issue du premier jour de vote, un chiffre de participation identique de 47 %. On pense à Tintin chez les soviets

Quoi qu'il en soit, le dictateur sort renforcé de cette élection cadenassée. Ne reste plus à espérer qu'un cancer fulgurant emporte Poutine. Mais cet homme est en lui-même un cancer. Avec des métastases.

dimanche 17 mars 2024

Ces pacifistes qui aiment la guerre

Ils sont admirables, ces pacifistes. Ceux qui osent dire non à la guerre d'Ukraine. Il ne peut être question d'envisager de se retrouver dans une situation de guerre avec la Russie. "Le meilleur moyen d'affaiblir Poutine, c'est d'arrêter cette guerre", a clamé Mathilde Panot, chef de groupe à l'Assemblée nationale de la France soumise à la Paix à tout prix. Comment arrêter cette guerre ? En laissant à Poutine les territoires ukrainiens qu'il a envahis, ce qui revient à lui reconnaître la victoire et l'inviter à aller au-delà. Et tant pis si Poutine a affirmé clairement qu'il ne négocierait jamais, qu'il veut détruire l'Ukraine pour l'annexer définitivement à la Russie.
Que font les gentils pacifistes pour que cesse cette guerre ? Rien. Ils laissent faire et regardent ailleurs. Ils se contentent de dire "non à la guerre". Ils font penser à ces braves gens qui, il y a une trentaine d'années, avaient apposé à l'arrière de leur voiture un autocollant disant "non à la drogue". Comme si les toxicomanes allaient abandonner leur assuétude en les voyant. 
Les conditions de la paix, selon Poutine (il l'a répété le 14 décembre dernier) : "dénazification, démilitarisation et un statut de neutralité pour l’Ukraine".  Gérard Grunberg, politologue, directeur de recherche émérite au CNRS, constate (1) qu'il n'existe, pour Poutine, ni Ukraine ni nation ukrainienne. Ce pays fait partie de l’Empire russe : « La Russie est le seul garant de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. » (...) « S’ils veulent négocier, qu’ils le fassent. Mais nous ne le ferons que sur la base de nos intérêts. » 
"Chacun ou presque, écrit encore Gérard Grunberg, a désormais compris que le dessein du despote russe est de liquider purement et simplement l’Ukraine comme nation, comme pays, comme culture. Ses voisins, baltes, polonais, moldaves, géorgiens, finlandais, norvégiens sont profondément inquiets et la Finlande et la Suède, vieux pays neutres, ont fini par adhérer à l’OTAN face à l’envahisseur russe."

La position claire et ferme du dictateur russe n'empêche pas Manuel Bompard, coordinateur de cette France dite Insoumise, de plaider, malgré tout, pour une négociation avec lui. Pourquoi ? Hypothèse de Grunberg : "Lui et son parti ne considèrent pas l’enjeu ukrainien comme très important. Que le peuple ukrainien soit réintégré de force à la Russie – et on peut imaginer facilement ce que cela signifie – ne représenterait pas pour eux une catastrophe géo-politico-stratégique. Deux arguments peuvent soutenir cette hypothèse. Le premier est que Jean-Luc Mélenchon a appelé depuis longtemps la France à quitter l’OTAN et que, jusqu’à une date récente, il défendait l’idée d’un partenariat stratégique avec Moscou, estimant que notre pays serait mieux protégé par la Russie que par les États-Unis. Le second est que LFI s’oppose depuis l’invasion Russe à la fourniture d’armes offensives à l’Ukraine alors qu’elle ne peut ignorer que, dans la phase actuelle de la guerre, sans ces armes l’Ukraine risque fort d’être à terme détruite par la Russie. Ces positions laissent ainsi penser que les Insoumis ne sont pas disposés à empêcher à tout prix la défaite de l’Ukraine, préférant même une Ukraine dans le giron russe que dans l’Alliance atlantique. (...) Le pacifisme est toujours naturellement populaire. Il cache parfois cependant de plus sombres desseins."

De l'autre côté de l'échiquier politique, le Front du Rassemblement national, qui apparaît depuis longtemps comme un porte-voix du Kremlin, s'est abstenu récemment lors d'un vote à l'Assemblée nationale sur le soutien à l'Ukraine. Etrange attitude de la part d'un parti souverainiste qui est très critique par rapport à l'Union européenne qui empêcherait les nations de décider de leur sort et qui soutient de facto la Russie qui entend s'approprier par la guerre un pays voisin. Pour l'extrême droite comme pour l'extrême gauche, le sort de l'Ukraine et de ses habitants est sans valeur. Circulez, il n'y a rien à faire.

On voit par là que les pacifistes sont parfois d'hypocrites va-t-en-guerre.

Post-scriptum : Sophia Aram ce lundi 18 sur le même sujet, avec le talent et la verve qu'on lui connaît :
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-18-mars-2024-5510991

(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/12/debat-sur-l-ukraine-au-parlement-jordan-bardella-annonce-que-le-rn-s-abstiendra-ses-opposants-denoncent-son-ambiguite_6221559_823448.html

samedi 9 mars 2024

"Un vent contraire si violemment inhumain"

Marceline Loridan-Ivens est morte en 2018. Elle n'aura pas assisté à la vague actuelle d'antisémitisme.
A 16 ans, elle avait été internée à Auschwitz-Birkenau. Elle en est revenue vivante, contrairement à son père. Son frère et sa sœur se sont suicidés plus tard, incapables de vivre avec ce passé si lourd. 
Marceline Loridan disait en 2005 "avoir perdu toute illusion sur ce monde où l'obscurantisme gagne et l'antisémitisme renaît". Aujourd'hui, il est à la mode. L'antisémitisme est même devenu un argument électoral, en Grande-Bretagne comme en France visiblement.
Les barbares du Hamas ont allumé le 7 octobre 2023 un incendie que le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou ne cesse d'alimenter. Deux haines se répondent et s'alimentent. 

"À l’heure où les images de Gaza nous parviennent dans toute leur violence, où les morts se comptent par milliers, à l’heure où la colonisation de la Cisjordanie se poursuit, que des volontés inhumaines issues du pire de l’extrême droite ont droit de parole dans un gouvernement israélien ouvertement raciste et pour qui la brutalité militaire est la seule réponse possible, à l’heure où des forces d’une obscurité folle travaillent des deux côtés pour empêcher le moindre espoir, où les empathies vont vers les civils palestiniens mais où la mémoire des victimes israéliennes du 7 octobre est en train de se diluer et que les otages ne sont plus, pour l’opinion publique, qu’un détail secondaire, il est vital de voir le piège dans lequel nous jette le Hamas en nourrissant et abreuvant la plante de la détestation faisant fleurir partout l’antisémitisme." C'est le dramaturge Wajdi Mouawad qui s'exprime ainsi (1).
"Je dois, écrit-il encore, à la lecture de l’actualité de chaque jour, ériger en moi des digues de plus en plus hautes pour empêcher le débordement du marécage. Or c’est précisément là que se trouve le piège tendu depuis le 7 octobre par l’esprit destructeur du Hamas : faire en sorte que l’après soit avant tout antisémite. Que l’après soit un tombeau pour tout Juif où qu’il se trouve. Que l’après soit un temps où chaque Juif vive dans l’effroi, terrorisé, viscéralement méfiant envers le monde. Que l’après soit une autre forme de diaspora. Que l’après soit synonyme d’exil pour tout Juif. C’est contre ce piège que nous devons lutter, chacun." Il faut, dit-il, "par tous les moyens assécher la plante de la détestation". 

Une réflexion de David Grossman : "alors que la peur de devenir des réfugiés est fondamentale et originelle pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, aucun des deux camps ne semble capable d’envisager la tragédie de l’autre avec une once de compréhension – sans même parler de compassion" (2).
Delphine Horvilleur, rabbin, veut croire à un nouveau messianisme, "celui qui dit (...) qu'il existe un avenir pour ceux qui pensent à l'autre, pour ceux qui dialoguent, les uns avec les autres et avec l'Humanité en eux" (2).
Il faut panser l'après, affirme Wajdi Mouawad. "Panser  l’après, c’est se préparer à accueillir quelque chose dont nous ignorons encore tout, c’est tenter de soigner un temps pas encore arrivé, pour que, défait de ses pulsions de meurtres, il puisse être un réel après".
D'où viendra, se demande David Grossman, une "résolution éthique, raisonnable et humaine" ? "Ce qui est tragique, c’est que cette solution naîtra (si tant est qu’elle voit le jour) non pas de l’espoir et de l’engouement, mais du désespoir et de l’épuisement. Car c’est hélas souvent cet état d’esprit qui conduit des ennemis à faire la paix, et c’est tout ce qu’il nous reste aujourd’hui à espérer. Nous nous en contenterons donc. Comme s’il fallait traverser les enfers pour arriver à l’endroit d’où l’on peut apercevoir, par une journée exceptionnellement claire, l’orée lointaine du paradis."