jeudi 30 juillet 2015

Soyons simples

Vous lisez en français un roman anglophone. Pourquoi le traducteur traduit-il ninety par quatre-vingt-dix? Alors que la traduction directe et la plus respectueuse du nombre indiqué serait nonante. Il en va de même du néerlandais negentig, de l'allemand neunzig, de l'italien novanta, de l'espagnol noventa et de bien d'autres langues. Pourquoi est-ce le français de France, avec dans ce cas ses usages tarabiscotés, qui s'impose? La question est faussement naïve. Prononcez septante ou nonante devant la plupart des Français et voilà qu'ils ont un sourire perdu. Ils le répètent en essayant de prendre l'accent belge (en réalité celui de Bruxelles). Ils ne prononcent pourtant pas de cette manière soixante ou cinquante, qui ressortissent de la même logique. Et pourtant c'est simple à comprendre: septante, c'est l'âge qu'atteint un septuagénaire; nonante, un nonagénaire. A la fin de son émission "La prochaine fois, je vous le chanterai", sur France Inter, Philippe Meyer en indique le numéro de téléphone. Il comporte le nombre 78. Il le prononce chaque fois septante-huit. Histoire d'être mieux compris. 

mardi 28 juillet 2015

Méfaits du tabac

Quel lien peut-il bien exister entre un vendeur de tabac et un radar de contrôle de vitesse? On se le demande. Les buralistes français sont fâchés: l'Etat voudrait augmenter le prix du tabac et leur faire vendre des paquets sans marque, ce qu'ils ne peuvent accepter. Il faut croire qu'ils sont très attachés aux marques. En signe de protestation, l'un d'entre eux a emballé, à Châtillon-sur-Indre, un radar pour l'empêcher de fonctionner. Quel est le message? Fumons et roulons comme nous le voulons? On a connu des combats nettement plus intelligents.
En France, chaque année, 73.000 fumeurs meurent de leur consommation de tabac. En Belgique, le tabac fait annuellement 20.000 morts, dont 5.000 non fumeurs. 25% des décès sur les routes sont dus à une vitesse excessive.
Finalement, on comprend la logique des buralistes: chacun doit avoir le droit de mettre en danger sa vie et celle des autres.
Résumons-nous: les buralistes se trompent et de combat et de stratégie.

(1) La Nouvelle République, 21 juillet 2015.

lundi 20 juillet 2015

A neandertal man

La nouvelle étiquette ne change rien à l'affaire: l'UMP a beau s'être rebaptisé en Les Républicains , il ne l'est pas pour autant. Déjà, au second tour de récentes élections, il avait refusé d'appeler à voter pour des partis démocratiques pour faire barrage à l'extrême droite, démontrant ainsi qu'il pouvait l'être si peu, républicain. Mais voilà que certains de ses élus se fendent de déclarations qui témoignent de leurs visions extrêmement fermées de la société (telles celles de son président comparant l'afflux de migrants à une grosse fuite d'eau). Dernières en date, celles du sénateur Jean-François Mayet, ex-maire de Châteauroux: intervenant brièvement au Sénat dans un débat sur la désertification médicale dans les zones rurales, il en a attribué une des causes à "la féminisation, puisque 75% des nouveaux diplômés sont des femmes. Or, nonobstant l'égalité, elles sont quand même là pour faire des enfants." (1)
Pour quoi Jean-François Mayet est-il là? Pour que subsiste le slogan du Maréchal? Pour démontrer qu'on peut être un sénateur de 75 ans sans rien comprendre à son époque? Pour se poser en héraut des machos? Pour montrer qu'il ne faut jamais rater une occasion de dire n'importe quoi et de sortir des chiffres et des analyses fantaisistes (2)? Pour tout cela à la fois sans doute.
Si l'on n'était pas si sceptique, on croirait que Jean-François Mayet était l'un des membres du groupe Hotlegs qui sortit en 1970 un morceau aussi carré que simple(ist)e: I'm a neandertal man (3).

(1) http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150713/devdur.html#toc2
(2) http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/cafouillage/66-sexisme-ordinaire/4560-femmes-medecins-et-enfants-jean-francois-mayet-a-tout-faux
(3) https://www.youtube.com/watch?v=wiWu7Csn2HY

mercredi 15 juillet 2015

On est peu de choses

Situations vécues:
- Vous êtes sur scène dans un chapiteau, le public vous suit et semble apprécier votre récital. Mais, après une bonne demie-heure, il se fait de plus en plus nombreux et les nouveaux venus s'agglutinent au bar. Ce public-là n'est pas venu pour vous et le bruit augmente. Au point que vos trois comparses et vous ne vous entendez plus, malgré la bonne sonorisation dont vous disposez. Vous terminez votre récital au plus vite et quittez la scène avec l'impression de fuir, dans un brouhaha insupportable.
Le groupe qui vous suit est bien connu dans le coin et a son public de fidèles qui lui fait un accueil chaleureux. Mais, autour du bar, s'accrochent toujours de nombreux festivaliers qui sont venus pour se voir, pas pour écouter le récital. Et quand les morceaux se font plus intimistes, le bruit des conversations ne permet pas d'entendre la chanteuse.
- Vous êtes dans la rue, au premier rang devant un podium où un groupe de type fanfare donne tout ce qu'il a. Ce qui est beaucoup. Juste derrière vous, trois jeunes femmes discutent entre elles. Sans s'arrêter une seconde durant les quarante-cinq minutes du concert.
Situation lue dans la presse:
Benjamin Clementine chante, dans un festival à Liège, ses balades calmes et un peu mélancoliques. Au-delà du troisième rang, écrit un critique, personne ne l'écoute. Les festivaliers sont venus pour se retrouver entre amis, discuter, rire, boire un coup (et quelques autres).
Combien de ces festivaliers seraient prompts à réagir, à pétitionner, parce que des pouvoirs publics retirent des moyens à une organisation? Ils seraient les premiers à stigmatiser le manque de respect de ces pouvoirs publics vis-à-vis des artistes.
Qu'est-ce qu'un artiste dans un festival? Une occasion de se voir, un bruit de fond dans les conversations, un arrière-fond sympa pour les selfies.

Post-scriptum: dans un dossier de Siné Mensuel (juillet-août 2015) intitulé "Ces festivals qui nous éclatent", un dessin de Mix et Remix nous montrent deux festivaliers qui discutent, un verre à la maison. L'un d'eux crie "Moins fort!", l'autre "On ne s'entend plus discuter!". Ils s'adressent à un chanteur.

mardi 14 juillet 2015

Les criminels au jus d'orange

Quel est le rôle d'une religion? Empêcher les gens de vivre, leur "pourrir" la vie? Quand elle est  religion d'Etat, elle devient alors outil de contrôle, de répression, voire de terreur.
Au Maroc, cinq jeunes sont en prison (à Boulmharez, de sinistre réputation) depuis une semaine et devraient être jugés aujourd'hui. Leur crime: avoir bu un jus d'orange sur la place Djemaa el Fna en plein après-midi (1). Ce qui est interdit, même par la loi marocaine, durant le ramadan. L'Etat qui devrait - via ses lois - protéger les citoyens des abus dont ils pourraient être victimes de la part de leurs proches, de leurs employeurs, des religions, des sectes, a ici intégré le droit islamique dans sa législation. Et visiblement, le salafisme gagne du terrain et la délation devient pratique courante. Même si elle est souvent le fait d'hypocrites: combien de ceux qui ont dénoncé ces jeunes, combien d'imams mangent et boivent chez eux, à l'abri des regards? Que s'imaginent tous ces Tartuffe violents? Que la foi naît de la terreur? 
Le pseudo Etat islamique n'est que l'exacerbation des dérives de l'islam. Mais tant de pays appréciés de la plupart des puissances occidentales, tels le Maroc et l'Arabie saoudite (qui fait appliquer la charia, fait fouetter, lapider, décapiter les impies), laissent l'islamisme faire leurs lois. "La France, écrit Abdennour Bidar, reste amie de l'Arabie saoudite qui impose et propage dans le monde un islam hyperrigoriste et autoritaire." (2)
Il faut sortir de l'esclavage à sa propre religion, dit encore Bidar. "C'est à chaque musulmane et à chaque musulman de décider librement du rapport qu'il veut avoir à sa tradition spirituelle. Il faut que les musulmans fassent le ménage - pas par la violence mais par l'éducation, le débat interne - de tous les stéréotypes du bon musulman et de la bonne musulmane: faire ses cinq prières, ne pas manger de porc, vivre halal, etc. Et qu'ils se débarrassent aussi de tout ce qui est archaïque: la dissimulation complète du corps pour les femmes, y compris les petites filles, le refus de la mixité, l'école musulmane pour se couper des infidèles, la conviction que l'islam est la meilleure des religions, l'interdiction de remettre en cause le caractère de vérité absolue du Coran, le dogme d'une doctrine unique qui doit rester vraie et appliquée sans tenir aucun compte des changements de temps et de lieu, etc. Nous sommes au XXIe siècle!"
Reste à espérer qu'aujourd'hui les juges marocains se rangeront, dans leurs décisions, du côté du progrès et de la liberté plutôt que du côté de l'obscurantisme malfaisant. Qu'ils feront de l'anti-jeûnisme.

(1) http://www.marianne.net/prison-jus-orange-qui-offense-ramadan-100235447.html
(2) Abdennour Bidar: Plaidoyer pour la fraternité, Albin Michel, 2015.

dimanche 12 juillet 2015

Le vide des églises et des esprits

Plutôt en ruines que musulmanes. c'est ce que disent des églises abandonnées certains réactionnaires français face à la proposition de Dalil Boubakeur, le recteur de la mosquée de Paris, de transformer certaines d'entre elles  en mosquées. Pourquoi sont-elles abandonnées? Parce qu'elle n'intéressent plus grand monde, ni fidèles, ni prêtres, de moins en moins nombreux les uns comme les autres. Donc, si elles ne sont plus lieux de culte faute d'intérêt, qu'en faire? Des appartement, des discothèques, des boutiques, des restaurants, bref tout ce qui peut leur donner une nouvelle fonction. Tout, mais pas une mosquée. Quelle attitude est-ce donc là sinon celle de racisme? 
C'est l'hebdomadaire Valeurs actuelles qui a diffusé l'appel d'un certain Denis Tillinac à s'opposer au recyclage d'églises en mosquées (1). Quelles valeurs prône donc cet hebdomadaire? L'intolérance et la bêtise sont-elles des valeurs? C'est sans doute dans ce même magazine qu'on retrouvera les indignations de bonnes âmes scandalisées de voir des musulmans prier dans la rue, faute de mosquées pour les accueillir. Pourquoi ne même pas prendre le temps de se pencher sur cette proposition de Boubakeur, envisager des règles, des modalités?
Tillinac a été rejoint par d'autres réactionnaires qui co-signent son texte, notamment  Eric Zemmour et Alain Fielkenkraut. Ainsi qu'un certain Nicolas Sarkozy. Six mois après, Sarko reste fidèle à l'esprit du 11 janvier. De son 11 janvier. Pas l'esprit de Charlie, mais le sien. Cet esprit qui le pousse à jouer des coudes et à rouler des mécaniques.
Sarko, Zemmour, Fielkenkraut, Tillinac devraient se faire curés. L'Eglise embauche. On imagine bien qu'aucun d'eux n'est croyant (sinon en eux-mêmes et dans les valeurs du passé), mais l'évolution de la société les dépasse. Peu leur chaut qu'on mange ou danse dans d'anciennes églises, mais qu'on y prie un autre dieu que celui y fut célébré les choque. Que nous démontrent ces hommes-là ? Qu'ils ne sont qu'hommes du passé.

P.S.: Et voilà que chacun y va de ses commentaires largués à la vitesse  MachTweet,  celle à laquelle on en vient à dire n'importe quoi, après avoir lu deux mots d'un article. Bel (?) exemple:  Gilbert Collard, du parti de la famille Le Pen:
http://www.liberation.fr/politiques/2015/07/10/mosquee-et-eglise-quand-collard-s-emballe_1345646

(1) http://www.liberation.fr/societe/2015/07/09/des-mosquees-dans-les-eglises-n-en-deplaise-aux-precheurs-de-haine_1345470


vendredi 10 juillet 2015

Syntax crash

Quand La Libre Belgique passe tout près de respecter la syntaxe, ça donne ceci: 
"Quand Thierry Neuville passe tout près de foncer dans un tracteur".
Au risque de passer pour un vieux croûton, on regrette le temps des correcteurs. Les rédactions en ligne qui doivent (?) publier plus vite que l'ombre de leurs sujets multiplient les approximations, les incorrections, les fautes et les erreurs. Je ne sais plus qui je lisais récemment qui affirmait - à raison - que la presse confond de plus en plus scoop et buzz. Une confusion qui passe tout près de créer le crash. Si je puis m'exprimer ainsi. 

mardi 7 juillet 2015

Il s'en faut de peu

Le ciel va-t-il nous tomber sur la tête? La question ne se pose pas dans le long terme, mais pour aujourd'hui même. "Un astéroïde va frôler la Terre," nous annonçait hier un David Pujadas (1) qui en salivait déjà: "un énorme rocher qui fonce comme un bolide à plus de huit kilomètres par seconde." Aura-t-on le temps de le voir comme on peut admirer les coureurs du Tour de France? Ce sera difficile. Et pourtant, il est massif. "110 mètres de diamètre, soit la taille d'un terrain de football", nous explique le journaliste Nicolas Chateauneuf. Il va passer à 400.000 kilomètres de la Terre, ce qui représente la distance de la Terre à la Lune. Autant dire qu'il "va nous frôler". 
"Quel effet provoquerait une collision?, demande Pujadas. Est-ce que ça a des chances d'arriver," Ce serait en effet une grande chance pour la rédaction du Journal de France 2 que de nous faire assister en direct à ce grand choc. D'ailleurs, l'astéroïde est tellement rapide qu'il est déjà là, en studio, au milieu de la table, devant les deux journalistes. Et voilà qu'il percute la Terre qui part en miettes. Les films catastrophe sont des bluettes à côté du JT de France 2. "Cinq cents grands astéroïdes menacent la Terre, nous dit Nicolas Chateauneuf. Si l'un d'entre eux la frappe, ça pourrait faire très mal. Imaginez la chute d'un astéroïde de dix kilomètres de diamètre. L'énergie dégagée représenterait cinq milliards de fois la bombe d'Hiroshima et provoquerait un cataclysme géant qui entraînerait éruptions volcaniques, tremblements de terre, sans doute disparition de la plupart des espèces." On a hâte de voir cela. "Un astéroïde de cent mètres de diamètre suffit à raser une grande vile, ajoute le journaliste. Il en tombe un en moyenne tous les 3.000 ans. Ce ne sera pas le cas aujourd'hui." La rédaction du Journal de France 2 devra être patiente. Se contenter de la canicule en attendant des jours pires.

(1) JT de France 2, 6 juillet 2015, 20h:
http://www.francetvinfo.fr/sciences/un-asteroide-va-froler-la-terre_986925.html

lundi 6 juillet 2015

Yaourt nature

Il fut beaucoup (trop) question, sur ce blog, du projet qui à l'origine s'appelait "Centre européen des sports de glisse". Un projet qui vit le jour en 2003, mais avait des allures de rêve mégalo-beauf des années '60, tant il était gaspilleur en énergie, en eau et en territoires naturels. Bref, un projet ringard et obsolète dès sa conception. Contesté de toutes parts, il s'adapta, devint "Centre Nature et Sports" et, bien cadré par le Gouvernement wallon, pourrait et devrait finalement - si ses promoteurs respectent les règles - être un village de vacances modèle, établi à deux pas d'Antoing à la frontière franco-belge.
L'Avenir - Le Courrier de l'Escaut (qui semble devenu le VRP du projet) nous apprend à présent (1) qu'il s'appelerait finalement Your Nature. On rit déjà à l'idée d'entendre certains bourgmestres du coin prononcer ce nom qui ressemble à un slogan pour un yaourt. Les rois du marketing qui ont pondu ce nom aiment le recyclage. Mais à qui fait référence ce your? A la population locale qui serait ainsi invitée à visiter sa propre nature? Aux clients étrangers, néerlandais notamment? Mais quand les visiteurs, d'où qu'ils viennent, diront qu'ils vont passer le week-end à Your Nature, de la nature de qui parleront-ils? De celle du Prince de Ligne qui a eu l'extrême bonté de rendre accessible sa vraie nature (de prince marchand)?
Les promoteurs cherchent maintenant à vendre à des particuliers les cottages qu'ils y construisent dans "un parc naturel de 280 hectares de lacs et de forêts". On crée ici la confusion entre ce centre et l'institution parc naturel, vaste territoire qui regroupe de nombreux villages et communes et cherche à respecter et développer la nature au sein de cette zone où se mêlent diverses activités économiques, commerciales, touristiques, d'habitat, etc. Mais surtout on se demande comment les promoteurs arrivent à comptabiliser 280 hectares quand on sait que la zone concernée par la modification du plan de secteur décidée par le Gouvernement wallon est de 110 hectares? Ils y ajoutent sans doute la zone sud, non concernée, et le vaste plan d'eau du Grand Large, pourtant propriété publique. Ce qui leur permet sans doute aussi de parler de "lacs" et de donner l'impression que ce petit coin de Hainaut a des allures suédoises ou canadiennes.
Reste, au-delà de ces gesticulations publicitaires, une question quant au suivi urbanistique de ce projet. L'arrêté du Gouvernement wallon prévoit une clause de réversibilité du projet: si dans un délai de x années (cinq ans?) après la modification du plan de secteur, le projet tel qu'accepté n'est pas concrétisé, le territoire doit retrouver son aspect initial. Ce qui est censé éviter une vulgaire opération immobilière. Imaginons que cette situation arrive. Quelle serait celle des propriétaires des cottages qui, normalement, se trouveraient alors forcés d'abandonner et même de démolir leur part de nature made in Wapi? Ne seraient-ils pas les dindons de la farce? On se le demande.

(1) http://www.lavenir.net/cnt/dmf20150703_00673122
(2) sur ce blog: "Merci à Gaspard, Melchior et Balthazar", 12 avril 2010.

dimanche 5 juillet 2015

La fête des forçats

Comme tous les ans à la même époque, c'est la fête. Celle du vélo, des bobs, des campings cars, des miss souriantes, des saucisses grillées en bord de route, des bières dans la glacière, des drapeaux nationaux, des maires ravis sous leurs écharpes, des commentateurs sportifs égosillés, des chaises placées devant la porte de la maison dès le matin. Bref, la plus grande course cycliste est repartie pour un tour. Celui qui est de France.
On repense à cette lettre qu'Ernestine Chassebœuf adressa à Jean Lebrun, de France Culture (1). C'était en 1999, mais elle reste d'actualité. Forte de ses 89 années au compteur, Ernestine - dont le mari eut un ancêtre assassiné par les royalistes le 19 septembre 1793 à la bataille du Pont-Barré à Beaulieu-sur-Layon - a connu la vie et il ne faut pas lui raconter d'histoire.
"Quand on en a eu, à la campagne, des vélos, c'était un sacré progrès, écrit-elle. Mais maintenant que je vois tous ces pauvres gars qui passent un mois à pédaler comme des bagnards avec de la publicité jusque sur leur caleçon, je me dis qu'on est tombés bien bas. Pourquoi est-ce qu'il faut toujours aller plus vite, être le premier, bouffer tout le monde pour passer devant?" (...)
"Alors quand je regarde les esclaves du Tour de France à la télé, pour moi, une bonne étape, c'est quand il y a beaucoup d'abandons. Je me dis que ceux qui s'arrêtent, ils vont pouvoir aller se reposer et tant mieux pour eux s'ils n'ont pas eu droit au bouquet et à la bise de Miss Limousin du Sud. Si c'était des chiens qu'on faisait courir comme ça sur des vélos, on aurait Brigitte Bardot qui se coucherait sur la route pour empêcher le départ, mais pour les coureurs il y a pas de SPA, alors ça continue et ça continuera encore, mais faut pas compter sur moi pour aller les applaudir."
Chaque fois qu'on apprendra que des coureurs ont abandonné, on se réjouira, avec une pensée émue pour Ernestine et son bon sens.

(1)"Cent coups de sang d'Ernestine", éditions le Polygraphe, 2010.
A (re)lire sur ce blog: "Aveugle admiration", 18 juillet 2013.

vendredi 3 juillet 2015

La démocratie de l'horreur

A peine l'été est-il là qu'il se montre impitoyable. Il faut dire que c'est le mois du ramadan dont il faut faire "un mois de désolation," disent les terroristes du pseudo Etat islamique. Ils appellent à tuer les impies. Qui sont très nombreux. Certains de leurs affidés s'y sont mis, en Tunisie, au Koweit, en France. Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. Mais Dieu est aveugle. Tout autant que la justice. Elle peine à distinguer les candidats au djihad, tant ils ont aujourd'hui des profils divers. "On a des jeunes faiblement radicalisés, explique le juge d'instruction Marc Trévidic (1), qui suivent un effet de mode, trois-quatre mois d'embrigadement et puis on veut aller faire la guéguerre. Après, il y des gens qui ont un fond doctrinal plus important. Et puis, il y a toutes ces femmes - on n'en voyait pas de femmes dans nos cabinets. Il y a des mineurs aussi. Sur un plan psychologique, on voit pas mal de déséquilibrés. Le djihad attire tout le monde: des gens qui sont convaincus, des paumés, des déséquilibrés, des gens qui ont envie d'être violents, de faire la guerre. Le djihad, la religion, un peu comme l'alcool, ça désinhibe. On peut laisser libre cours à sa violence parce qu'on est légitimé par quelque chose."
On voit par là que le djihad est une chance pour tous, surtout pour les fous de Dieu, ou d'eux-mêmes. Et un enfer pour les autres.

A lire à ce sujet:
http://www.liberation.fr/societe/2015/07/02/les-mauvais-geniesdu-jihad-francais_1342038

(1) vice-président du pôle antiterroriste au Tribunal de grande instance de Paris, dans le "7-9" de France Inter, ce 3 juillet 2015.