dimanche 30 septembre 2012

Ce n'est pas demain la veille

Quelle mouche a donc piqué Jean-Charles Luperto, le président du Parlement de la Communauté française? Voilà qu'il propose de mettre sur pied "une cellule de veille médiatique" pour corriger l'image "souvent tronquée" de la réalité francophone telle qu'elle est rapportée par les médias flamands.
"Méthode communiste", lui répond Luc Vanderkelen, éditorialiste à "Het Laatste Nieuws" (1). Drôle d'idée en effet de jouer les Big Brother et de rectifier les informations qui ne seraient pas... Qui ne seraient pas quoi? Justes? Correctes? Vraies? Et donc conformes à quelles vérités? Vanderkelen invite Luperto à venir parler des francophones en Flandre, à inviter des Flamands en Wallonie, pour mieux se connaître. Son collègue Eric Donkier, du Belang van Limburg, signale qu'il a écrit, au printemps dernier, une série de six articles pour démontrer que les choses changent vraiment en Wallonie. Et dans le bon sens" (1).
Pascal Verbeken, ancien journaliste à Humo, a publié cette année Grand Central Belge, le récit d'un voyage qu'il a fait à pied le long de la première voie ferrée privée qui reliait Flandre et Wallonie. Il a apprécié Charleroi où, dit-il, ce n'est pas seulement le passé qu'on peut voir, mais aussi l'avenir. Verbeken essaie de dépasser cette vision du hier en nu qu'ont, selon lui, trop de médias et de responsables politiquesC'est donc à Charleroi que l'a rencontré un journaliste de Knack pour un entretien. A la fin de celui-ci, en quittant le bistrot, Pascal Verbeken salue à la cantonade. Stijn Tormans s'en étonne: "vous connaissez vraiment toutes ces personnes dans ce café et celles que vous avez saluées dans la rue?". "Non, je ne les ai jamais vues, répond Verbeken en riant. Je me balade en Wallonie depuis des années. Et partout où tu vas, les gens te disent bonjour. Tout le monde a une attitude amicale. Pour moi, c'est une observation qui n'est ni risible, ni anodine." (2)
Il faudrait que les francophones lisent plus la presse flamande, estime Martin Buxant (3), journaliste francophone, ancien de la Libre qui écrit maintenant dans le Morgen, que les francophones parlent plus le néerlandais, plutôt que d'être sur la défensive. Et finalement dans l'ignorance.

(1) LLB, 28 septembre 2012.
(2) Knack, 21 maart 2012: In Wallonië zeggen ze tenminste nog dag tegen elkaar (Stijn Tormans).
(3) JT de la RTBF, 27 septembre 2012.

jeudi 27 septembre 2012

Ainsi fond, fond, fond

En 2015-2016, les glaces d'été pourraient avoir totalement disparu de la banquise arctique. C'est ce qu'affirme le Pr Peter Wadhams (de l'Université de Cambridge) (1). Cette fonte des glaces constituerait un "désastre global", dit-il, parce que, à cause de ce réchauffement, les fonds marins libéreraient d'importantes quantités de méthane qui augmenteraient le réchauffement de la planète.
Dans les Pyrénées, un autre scientifique tire le signal d'alarme: les glaciers reculent d'année en année, au point de risquer eux aussi de disparaître (2). C'est d'ailleurs déjà le cas de certains d'entre eux.
La revue scientifique "Nature" nous annonce, elle, "un changement d'ère" (selon l'expression de Libération" (3): nous allons vers un effondrement irréversible des écosystèmes et un destin humain de plus en plus incertain, selon certains chercheurs. "La biosphère est au bord d'un changement d'état, d'une sorte de basculement vers l'inconnu", écrit la journaliste Laure Nouahlat (3). "Plusieurs phénomène se télescopent: accélération de la perte de la biodiversité (4), intensification des épisodes climatiques extrêmes, modification rapide des flux de production et de dépense d'énergie...". On apprend via cette étude qu'au cours de son histoire l'humanité a modifié 43% des terres immergées de la planète, les villes s'étendant tant et plus et l'agriculture intensive ayant besoin de vastes espaces dénudés plutôt que de forêts. "Par ricochet, cela affecte quasiment toutes les surfaces restantes: un tiers de l'eau potable est détourné pour les usages humains et 20% de la production terrestre primaire sont réservés aux besoins humains", explique Tony Barnovsky, qui a coordonné les travaux des chercheurs. Le monde court vers un bouleversement total et incontrôlable. "On assistera probablement à de vastes mouvements d'espèces sur des parties inhabitées de la terre, des pertes colossales de la biodiversité, l'émergence de nouveaux biotopes et, pourquoi pas, des forêts tropicales en Antarctique", écrit Libération. Les scientifiques estiment que les pires modifications pourraient avoir lieu au cours de ce siècle, d'ici à 2050.

Pendant ce temps-là, le monde n'a qu'une préoccupation: savoir s'il faut autoriser ou non des caricatures du Prophète.
Pendant ce temps-là, les motards belges manifestent contre l'obligation d'un contrôle technique.
Pendant ce temps-là, le monde frémit dès qu'augmente le prix des carburants et que diminuent les ventes de voitures.
Pendant ce temps-là, des parlementaires wallons contestent la notion de noyau d'habitat et veulent pouvoir autoriser des constructions où bon leur semble.
Pendant ce temps-là, les zones commerciales et économiques continuent à se développer à l'extérieur des villes (comme à Tournai et à Mons, pour ne prendre que ces deux exemples), avec leurs inévitables parkings (5).
Pendant ce temps-là, la Cour de Justice de l'Union européenne interdit à l'association Kokopelli le commerce des semences de variétés anciennes, au nom d'un objectif de "productivité agricole accrue"(6).

"Défendre la nature sur tous les fronts est une chose malaisée car on se heurte à l'indifférence, à l'ignorance, au scepticisme, et surtout l'on a contre soi, plus ou moins ouvertement, tous ceux qui donnent aux convoitises personnelles le pas sur l'intérêt commun, tous ceux qui, prêts à compromettre le futur pour un avantage immédiat, ne font pas objection au déluge pourvu qu'ils ne soient plus là pour y assister." C'est le biologiste Jean Rostand qui s'exprimait ainsi. Pierre Fournier le citait dans l'éditorial du premier numéro de "La gueule ouverte". C'était en novembre 1972 (7). Il y a quarante ans.

(1) LLB, 19 septembre 2012.
(2) JT de France 2, 25 septembre 2012.
(3) 10 août 2012
(4) notons avec surprise que le correcteur orthographique de Word ne connaît pas le mot biodiversité.
(5)  LLB, 31 août 2012.
(6)  LLB, 25 juillet 2012.
(7) "Fournier, précurseur de l'écologie", Patrick Gominet et Danielle Fournier, Les cahiers dessinés, 2011.

lundi 24 septembre 2012

Flexions

Mahomet a beaucoup fait parler de lui ce week-end. Dans les rues dans certains pays musulmans et sur les chaînes de télé dans nos pays. A-t-on le droit de se moquer? Les religions sont-elles intouchables? La loi doit-elle punir les blasphèmes? A partir de quand est-on dans l'irrespect? 
Il y eut aussi cette question: "à quoi sert une caricature?" "A se défouler", répondit un caricaturiste. La réponse est un peu courte. Une caricature, comme d'ailleurs un dessin, une peinture, une pièce de théâtre ou un film, sert à représenter. Et ainsi à mettre une distance entre l'objet ou le sujet représenté et nous. Cette distance permet critique et réflexion. Cette représentation, qu'elle se fasse avec sérieux ou avec un humour même corrosif, donne une perspective. "Elle permet de mettre les choses à distance afin d'entretenir un rapport avec elle. C'est dans l'entretien de ce rapport que se manifeste la liberté humaine de construire son bonheur", écrit Philippe Val (1).
Les fanascistes (2) n'aiment pas la mise à distance, ils n'aiment pas la réflexion. Ils lui préfèrent la génuflexion. Quand on a le nez au sol, on se soumet, on ne regarde rien, on ne voit pas la lumière.

(1) Traité de savoir-survivre par temps obscurs (Grasset 2007)
(2) Le terme est cité dans le film "La classe américaine - Le grand détournement" (M. Hazanavicius et D. Mézerette), contraction entre fanatiques et fascistes.


mercredi 19 septembre 2012

Indignations sélectives

Un film imbécile continue à susciter la colère violente de foules musulmanes (qui ne l'ont vraisemblablement pas vu). Voilà que Charlie Hebdo, qui fut et reste (heureusement) très moqueur par rapport à toutes les religions, surtout dans leurs agissements les plus idiots, est accusé de jeter de l'huile sur le feu.
Pendant ce temps, au Mali (ce pays qui fut un espoir de démocratie), les intégristo-fascistes islamistes veulent imposer la charia. Déjà, ils font la chasse aux consommateurs de tabac et d'alcool, ils interdisent la musique, ils imposent le voile aux femmes. Et surtout, dans la moitié nord du pays, un climat de terreur. Mieux encore, ils coupent bras et pieds aux présumés voleurs (1). Où sont les manifestants musulmans (et autres) pour dénoncer les perversions dont est victime leur religion? Ces pratiques barbares ne sont-elles pas plus insultantes pour leur prophète qu'un film vulgaire ou des dessins sarcastiques? Tant de musulmans se trompent de colère.

(1) JT de France2, 19  septembre 2012, 20h.

samedi 15 septembre 2012

Surtout pas de politique!

Un ancien bourgmestre de Brugelette vient de créer le Mouvement Citoyen qui se présente aux élections communales. Il précise qu'il s'agit là d'une "liste apolitique". Faut-il en conclure que, s'ils sont élus, les élus du M.C.B. ne feront pas de politique? Qu'ils feront plutôt du tricot, du billard ou des mots croisés ? Le journaliste de No Télé nous précise en tout cas que la liste "réunit des nouveaux venus en politique" (1). En politique ou en apolitique? On se perd dans la confusion. 
A Antoing, la liste Ensemble annonce qu'elle n'a pas de priorité, que ce sont les Antoiniens qui les fixeront, que ses priorités seront donc changeantes (1). Si ces candidats se cherchent un emblème, peut-on leur conseiller la girouette?
Notre Ministre de la Culture de la Communauté française, Fadila Laanan, est-elle à sa place? On se le demande. Elle estime que "il est important qu'un ministre ait des couilles" (sic) (2). Peut-on en conclure que, selon elle, les femmes ne peuvent être ministres? On voit par là que le féminisme a encore du chemin à faire. Et qu'on peut être ministre de la culture et en manquer. De culture.

(1) No Télé, 14 septembre 2012.
(2) LLB, 15 septembre 2012.

vendredi 14 septembre 2012

Au nom de dieux

Il faut se méfier de la foule. Elle n'aime rien tant que se mettre en colère, hurler, casser, agresser. On l'a vu au Heysel et au Pakistan, à Malonne et en Libye.
Aujourd'hui, des foules musulmanes hurlent leur colère contre un film grossier, imbécile et provocateur, produit par des chrétiens intégristes (1). Il y a trois jours en Libye (c'était le 11 septembre - qui peut croire au hasard? ) la foule a manifesté devant l'ambassade américaine. Un groupuscule armé s'est mêlé à la foule et a tiré au lance-roquettes et à la grenade, tuant quatre personnes dont l'ambassadeur américain, qu'on présente comme un arabophone et francophone, "chaud partisan de la révolution libyenne" (2). Aujourd'hui, le monde musulman est dans les rues pour conspuer les Etats-Unis à cause de ce film.
Les images ne sont que des images. On peut toujours leur opposer le mépris. On a du mal à comprendre que des écrits ou des images suscitent tant de violence. Du mal à croire que celle-ci ne soit pas organisée, planifiée. On a aussi du mal à comprendre que les mêmes foules, si croyantes, ne manifestent pas quand on lapide, on blesse, on tue au nom de leur dieu. Ce qui arrive tous les jours. Et qui nous paraît - allez savoir pourquoi - sensiblement plus grave. On a du mal à croire que ces foules ne soient pas instrumentalisées par des terroristes fanatiques qui ne sont que des "gangsters de la foi", comme les appelle Boualem Sansal (3).
Mais bons (?) dieux, le monde ne tournerait-il pas mieux sans vos religions qui se font la guerre?

(1) Une étrange équipe de prod' - Libération, repris dans LLB, 14 septembre 2012.
(2) LLB, 13 septembre 2012.
(3) Le Serment des Barbares, Boualem Sansal (Folio 3507).

mardi 11 septembre 2012

Samu

Un candidat tournaisien aux élections communales a choisi pour slogan "Soignons Tournai".
On comprend par là que la ville doit être bien malade.
Le dit candidat se présente sur la liste du Ps.
On se permet de lui rappeler que son parti dirige la ville sans interruption depuis 1977.
On voit par là qu'il faut toujours s'informer avant de choisir son slogan. Ou son parti.

samedi 8 septembre 2012

Bernard Arnault, vite!

Qui croit encore en la Belgique? Plus aucun Belge. Le Belge est morose. Les Belges s'auto-dénigrent. Ils vivent dans un petit pays qui est aussi un pays petit, comme le chante Claude Semal, et ils le savent. Et en souffrent. Une enquête mondiale le démontre (1). Nous manquons de success story, nous dit un expert au JT. En voici une: celle de Bernard Arnault, première fortune de France et d'Europe, quatrième mondiale. Le citoyen français veut devenir belge. Les mauvaises langues affirment qu'il veut donner une leçon à François Hollande qui entend taxer à 75% les Français qui gagnent plus d'un million d'euros. Même François Fillon le croit: "le patron d'une des plus belles entreprises au monde quitte la France pour des raisons fiscales, à cause des projets de taxation du gouvernement", dit-il (2). Certains disent même qu'il voudrait profiter de cette nouvelle nationalité belge pour s'installer, ensuite, à Monaco et y planquer ses sous. Mais que ne disent les gens? Qui peut croire à cette explication? Arnault possède une fortune évaluée à 41 milliards de dollars. Taxés à 75%, il lui resterait, si on compte bien, quelque 10 milliards et 250 millions de dollars. Quitter la France pour éviter d'être taxé ne serait que mesquinerie. L'homme ne fait pas ce genre de calcul. 
Ce qu'on sait peu, c'est que Bernard Arnault est fan d'Arno, de Jean-Luc Fonck, d'Eddy Merckx, de Kim Clijsters, des Diables Rouges (depuis hier soir), de Jan Bucquoy. Qu'il adore les pralines, qu'il est un consommateur compulsif de frites au pickles, de babeluttes, de bières trappistes et de speculoos. Bref, Bernard Arnault est plus belge que belge. On sait qu'Elio Di Rupo s'est sacrifié pour garder un avenir à la Belgique, mais qu'il a hâte de redevenir bourgmestre de Mons et président de ce parti qui s'appelle socialiste. Dès qu'il aura obtenu la nationalité belge, Bernard Arnault devrait devenir premier ministre. Il a tout notre soutien.

(1) JT de la RTBF, 8 septembre 2012, 19h30.
(2) JT de la France2, 8 septembre 2012, 20h.

mercredi 5 septembre 2012

Bob le surfeur

Dans le Vif (1), Robert Collignon (plus indispensable que jamais à 69 ans) annonce son grand retour comme tête de liste du Ps à Amay, commune dont il a perdu le maïorat en 2006, au profit des écolos. "Je ne les déteste pas, dit-il de ceux-ci, je les méprise. Ce sont des Belgicains, qui veulent à tout prix sauver la Belgique, c'est sans intérêt pour moi. Ce sont des bobos qui découvrent la politique et la commune." Robert Collignon pourrait être président d'un club de surfeurs mosans. Il en a la finesse d'analyse, le sens de la nuance, celui de l'humour.
Les surfeurs réunionnais apprécient peu qu'on se gausse - que Charb en particulier rie - de leurs pleurnicheries parce qu'ils ne peuvent plus pratiquer tranquillement leur sport favori, leurs belles eaux étant fréquentées par des requins (2).
Dans Charlie Hebdo (3), Charb s'amuse de leurs messages outrés, blessés, menaçants. On ne peut rire de "leur drame". On apprécie ainsi le sens de l'humour, la finesse d'analyse des surfeurs réunionnais. Ils pourraient être têtes de liste du Ps d'Amay. Les requins, ils connaissent.

(1) le Vif, 31 août 2012.
(2) voir, sur ce blog, "When you're a shark, 25 juin 2012.
(3) Charlie Hebdo, 29 août 2012.

lundi 3 septembre 2012

En voiture, Simone!

François Hollande a fait la (sotte) promesse de diminuer le prix des carburants. Celle-là, il la tient. Mais les automobilistes ne sont pas contents. Les automobilistes ne sont jamais contents. Tout président devrait le savoir. Seulement un euro et demi de moins sur un plein, pleurniche l'un. Trois euros seulement d'économisés, déplore un autre. (1) Ils aimeraient sans doute que l'essence leur soit offerte. Ils regrettent visiblement les années '60.
Les automobilistes belges sont heureux de la décision du président Hollande. Les frontaliers vont faire leur plein en France et y gagnent de deux à quatre euros. Ils font des kilomètres pour aller longuement faire la queue aux station-services de l'autre côté de la frontière. (2)
Ces derniers temps, on voyait et entendait des automobilistes expliquer que, vu le coût de l'essence, ils réfléchissaient à deux fois avant de prendre leur voiture, calculaient leurs déplacements autrement, qu'ils roulaient moins vite aussi. On n'est pas sûr que la société gagne grand chose à diminuer le prix du carburant. Au contraire.
Aujourd'hui (3), on nous apprend que les Pays-Bas ont décidé de relever de 120 à 130 km/h la vitesse maximale sur leurs autoroutes. Pourquoi n'en ferions-nous de même, demandent aussitôt les journalistes? Pour des raisons de sécurité routière, d'économie et d'écologie, leur répond-on. Par simple intelligence, serait-on tenté d'ajouter.
Pendant ce temps-là, "le plus beau circuit du monde" a accueilli le grand prix de Formule1. On doute que les pilotes aient été faire leur plein en France. Un euro, deux euros, trois euros le litre? Qu'importe pour eux, ils n'ont pas cette sordide préoccupation qu'on rencontre chez les banals automobilistes. Il faut dire que nous les soutenons ardemment: cette année encore la Région wallonne sortira 5 millions de ses poches vides pour compenser le manque d'intérêt des spectateurs.  L'image de la Wallonie n'a pas de prix. Mais quand même, on se désole pour ces pilotes: ils roulent trop vite. Ont-ils seulement le temps d'apprécier ce plus-beau-circuit-du-monde? On devrait leur imposer une limitation de vitesse.


(1) JT de 20h, France 2, 29 août 2012.
(2) JT de 19h30 de la RTBF, 1er septembre 2012.
(3) Journal parlé, la Première RTBF, 7h30.

samedi 1 septembre 2012

Loup y es-tu?

Aujourd'hui, des braves gens ont manifesté à Malonne contre la libération de Michelle Martin. Certains d'entre eux suent la haine, hurlent, s'expriment dans la violence. L'extrême droite, ses gros bras et ses crânes rasés ont tenté de récupérer la manifestation, d'exciter les protestataires. On a bien du mal à croire que ces gens-là - les éructeurs, les lanceurs de pavés, ceux qui rêvent de faire justice eux-mêmes  - aient, ne serait-ce qu'une seconde, réfléchi à la situation qu'ils affirment contester. Quand l'homme se met à éructer, il fait peur. Voilà les loups garous. La violence pour dénoncer la violence devrait, selon toute logique, être contreproductive. Les manifestations devraient vraisemblablement cesser suite à cette hystérie imbécile et irrationnelle qui déborde. C'est ce qu'on espère en tout cas.
"Il faut briser le cercle infernal de la haine, estime le prêtre et écrivain Gabriel Ringlet, et essayer, si possible, de ne pas rester absorbés à vie par le mal qui nous a envahis." (1) "Pour mettre fin au cercle infernal de la haine, ajoute-t-il, il y a une responsabilité collective." Et il cite Edgard Morin: "Il  faut décider un jour d'une rupture dans la chaîne de l'inhumanité".
Dans son éditorial du Vif (2), Thierry Fiorilli dénonce "le climat de haine, de régression, d'aigreur et d'indécence devenu notre milieu naturel. Il cite les propos de l'abbesse des Clarisses de Malonne qui affirme qu'elle et ses sœurs ont "la profonde conviction qu'enfermer définitivement le déviant dans son passé délictueux et l'acculer à la désespérance ne serait utile à personne et serait au contraire une marche en arrière pour notre société".
Il cite aussi Robert De Baerdemaeker et Patrick Henry, président et vice-président de l'ordre des barreaux francophone et germanophone, qui estiment que "dans un Etat de droit comme le nôtre, il est sain que les libérations conditionnelles soient ordonnées par un tribunal et non par la presse, l'opinion publique ou les victimes elles-mêmes. C'est une question d'humanité et de civilisation", disent-ils.
Ce week-end, à Tournai, la première édition du festival "les (rencontres) inattendues" attirent la grande foule autour de la philosophie et de la musique. On se dit qu'il  faudrait d'urgence décentraliser le festival à Malonne, y prendre le temps de philosopher, c'est-à-dire de se pencher sur l'homme, sur sa capacité à aller de l'avant plutôt qu'à se laisser sombrer vers l'arrière, en espérant que la sagesse et l'intelligence triomphent de la barbarie. Parce qu'on continue à avoir foi en l'homme plutôt qu'au loup.

(1) LLB, 30 août 2012.
(2) Le Vif, 31 août 2012.