dimanche 29 octobre 2023

Besoin d'humanité

L'inhumanité avance. Elle vient de démontrer qu'elle est toujours capable de se surpasser. Le pogrom mené par les terroristes du Hamas en Israël et tous les morts civils dans la bande de Gaza résultant de la riposte israélienne ; la guerre d'Ukraine menée avec un cynisme total par le tueur en série Poutine ; la guerre oubliée du Yemen ; les guerres civiles au Soudan et en Libye ; la guerre que mène l’Azerbaïdjan aux Arméniens ; les infâmes régimes théocratiques d'Iran et d’Afghanistan ; l’islamisme et la terreur assassine qu’il sème autour de lui ;  le refoulement des migrants en Méditerranée ; le Sahel aux mains des djihadistes ; la répression qui pèse sur les Ouïghours, les Kurdes, les Yézidis, les Tibétains et tant de minorités ; les murs dressés un peu partout ; le réchauffement climatique et les menaces qu’il fait peser sur la biodiversité et sur la survie des populations, notamment humaines ; tout cela (et le reste, on en passe, on en oublie) nous ferait désespérer de l'humanité.

Face à un contexte mondial aussi lourd et inquiétant, comment ne pas comprendre que tant de personnes, pour survivre - simplement survivre - cherchent à se réfugier dans des pays qu’elles pensent sûrs et démocratiques, où elles pourront trouver asile, être accueillies dignement, se reconstruire ? Mais certains ne peuvent l’admettre et s’opposent, fermés à la notion d’humanité, aux projets de structures d’accueil de demandeurs d’asile. Ce fut encore le cas ce samedi à Bélâbre (1). En défilant dans ses rues, des gens qui n’aiment pas les autres, qui les rejettent par peur, par haine ou simplement par égoïsme, ont participé à l’augmentation de l’inquiétude, à l’avancée de l’inhumanité.

« Je ressens aussi le besoin de dialoguer pour réaffirmer quelque chose de banal qui est l’humanité, face à cette déferlante d’inhumanité qui s’est infiltrée en chacun, dans chaque camp, dans chaque famille. »
Kamel Daoud, écrivain algérien, à propos du massacre d’Israéliens par le Hamas et de ses conséquences catastrophiques (L’Obs, 26.10.2023).

« Nous devons construire un monde beau de notre vivant, vivre une belle vie, toutes et tous ensemble, construire un bon pays et pouvoir aider d’autres peuples. »
Toomaj Salehi, rappeur iranien emprisonné et torturé pour avoir dénoncé la répression et l’horreur du régime (in « Femme, Vie, Liberté », sous la direction de Marjane Satrapi, éd. L’Iconoclaste, 2023).

(1) Le tribunal administratif de Limoges ayant cassé l’interdiction prise le 24 octobre par le préfet de l’Indre, la manifestation anti-Cada a bien eu lieu ce samedi 28 octobre dans les rues de Bélâbre. Ils étaient 130 à « manifester leur peur de l’étranger », écrit La Nouvelle République.
Jeudi 26, on apprenait qu’un homme a été interpellé pour des menaces de mort contre le maire de Bélâbre. Il lui aurait proféré des menaces de mort par téléphone suite à l’annonce de l’installation d’un Cada. Cet homme sera présenté en jugement dès le lundi 30 octobre.

vendredi 27 octobre 2023

Pas si folle

Très vite, elle avait vu clair et elle fut l'une des rares voix à oser s'exprimer publiquement. "La Russie s'apprête à plonger dans un gouffre creusé par Poutine et sa politique aveugle", écrivait en 2004 Anna Politkovskaïa. Deux ans plus tard, le 7 octobre 2006, le jour de l'anniversaire de Poutine, elle était assassinée dans le hall de son immeuble à Moscou. Elle avait 48 ans.

Sa fille Vera, journaliste elle aussi, lui rend hommage dans un livre sobrement intitulé "Une mère" (1). Elle retrace la carrière de celle qui a consacré son travail à donner la parole aux victimes du régime de Poutine, en Tchétchénie et ailleurs. "Elle partait pour témoigner, pour écouter les victimes, pour donner une voix à leurs douleurs." Son idéal de journaliste : "dénoncer les injustices, la barbarie, les atrocités commises était sa priorité numéro un. (...) Elle voulait raconter les faits, écrire sans tenir compte des pressions hiérarchiques. Une optique sûrement banale quand on vit en démocratie, mais en Russie ? C'était de la folie, purement et simplement".
Plus d'une fois, celle qui était surnommée La folle de Moscou fut menacée de mort. Elle échappa à un empoisonnement, mais jusqu'à sa mort, continua à souffrir de ses séquelles. Dans un journal elle fut accusée, par des officiers restés courageusement anonymes, d'être "une ennemie".  Elle avait confirmé, répondant dans le même journal qu'elle était "l'ennemie d'une armée immorale et dépravée, des mensonges sur la situation en Tchétchénie, des mythes et des légendes forgés par les propagandistes de l'armée, des lâches anonymes osant porter des épaulettes".
Quand, en octobre 2002, un groupe de terroristes tchétchènes prit en otage un millier de personnes au théâtre Doubrovka, Anna Politkovskaïa fut appelée pour négocier avec eux. Elle ne parvint pas à les convaincre de libérer les enfants, mais obtint que les otages puissent recevoir de l'eau et des jus de fruits. Elle les paya de sa poche. "Au quartier général, ils me disent qu'ils n'ont pas les moyens ! Tu le crois, ça ?" Les forces de l'ordre russes donnèrent l'assaut, après avoir diffusé un gaz mortel dans les conduites d'aération du théâtre. Les chiffres officiels parlent de cent trente victimes parmi les otages. La vie humaine ne compte pas pour ce régime brutal.

A son enterrement, la mère d'un des otages sacrifiés au théâtre Doubrovka déclara : "Les puissants avaient peur de tous ceux qu'Anna avait les moyens d'aider. Mais grâce à elle, le mur du silence s'est écroulé". Sa fille confirme : "Pour beaucoup, ma mère était celle qui n'avait jamais eu peur de pointer du doigt le véritable responsable de la mort des otages : le système. C'est-à-dire Poutine lui-même." Quelques heures après sa mort, ce dernier publiait une déclaration : "Elle était bien connue des journalistes, des militants des droits humains et des Occidentaux. Malgré tout, son influence sur la vie politique russe était minime". 
Aucun représentant du régime n'assista à son enterrement, mais une foule d'anonymes en larmes. "On l'aimait. Et son assassinat avait profondément remué l'opinion. Beaucoup de gens avaient perdu leur voix, l'épaule sur laquelle pleurer. Ils venaient d'être privés de la dernière chance qu'on leur rende justice, que leur histoire soit écrite." 
Son dossier a été bâclé, des tueurs arrêtés et condamnés, mais les commanditaires jamais identifiés. 
D'autres connaissances d'Anna Politkovskaïa furent assassinés après elle : un ancien officier des services secrets qui l'avait aidée à identifier des auteurs d'exactions en Tchétchénie, un jeune avocat, une collègue et amie, une jeune stagiaire de Novaïa Gazeta, le journal pour lequel elle travaillait.

Aujourd'hui, écrit sa fille, "rien n'a changé. Les hommes que ma mère a combattus par la seule force des mots sont encore là. La guerre en Ukraine a marqué un tournant dans la trajectoire funeste du régime actuel".
Et elle explique comment elle, Vera, a vécu à Moscou les débuts de cette guerre coloniale. Elle a dû fuir son pays à cause de son nom, trop dangereux à porter pour sa fille adolescente (Anna, comme sa grand-mère), depuis le déclenchement de la guerre. Elle fut menacée à l'école par certains de ses camarades. "Tu vas finir comme ta grand-mère", lui a écrit l'une d'elles. Deux mois après le déclenchement de la guerre, elles se sont réfugiées dans un pays voisin.

Avant cela, elle a vu la peur dans les familles russes de voir leurs fils enrôlés de force. "Des brigades de police se postent dans les centres commerciaux ou dans les zones fréquentées par des jeunes, le vendredi soir, par exemple. Les garçons âgés de dix-huit à vingt-sept ans sont arrêtés et se voient remettre leur convocation. De là, ils sont conduits dans un centre de recrutement où ils sont souvent obligés de s'engager avant d'être autorisés à rentrer chez eux. Grâce à ce système, 120.000 jeunes auraient été enrôlés. Il n'est pas exclu que certains - ou même la totalité - d'entre eux se retrouvent en première ligne. Je connais beaucoup de familles dont les enfants n'osent plus sortir. Ils vont à la fac et au travail en voiture ou en taxi, ils évitent le métro, les rues trop fréquentées et les carrefours. Ce sont les nouveaux invisibles." Mais, depuis, les convocations sont électroniques...
Le recrutement s'opère aussi via des contrats avec des promesses de salaire jusqu'à 3700 euros mensuels, dix fois plus que la solde moyenne. Et tant pis si l'argent promis n'arrive jamais. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Tant pis pour eux s'ils ne peuvent, comme on le leur a promis, rompre quand ils le veulent leur contrat. L'Etat a tous les droits, à commencer par celui de mentir constamment.

Vera Politkovskaïa explique combien il est difficile, impossible même, d'avoir une idée du nombre de militaires russes victimes de cette guerre. Mais il apparaît qu'on dénombre le plus de morts dans des régions éloignées de Moscou : dans celle de Krasnodar, au Daghestan, en Bouriatie. Mieux vaut que les morts ne soient pas de Moscou ou de Saint-Pétersbourg, là où l'opposition au régime est la plus forte, et que les voix des jeunes soldats au combat "se perdent dans les steppes sibériennes ou à travers les montagnes du Caucase". 
Ce régime n'a que mépris pour le peuple. Il faut, selon Poutine, "dénazifier" l'Ukraine, libérer les Ukrainiens de soi disants nazis qui dirigeraient leur pays, protéger la minorité russe d'Ukraine qui aurait été privée de ses droits, dont l'usage de la langue russe à l'école et dans l'administration. "Dans les faits, les bombardements survenus lors du premier mois de guerre se sont concentrés sur des territoires où la population russophone est majoritaire. C'est même d'elle qu'est issue la majorité des réfugiés du pays. Après l'agression, nombre d'entre eux ont d'ailleurs progressivement opté pour l'ukrainien."

La famille d'Anna Politkovskaïa possédait une datcha dans le district de Rouza, à une centaine de kilomètres de Moscou. Le 6 mai 2022, réfugiée depuis peu dans un pays voisin de la Russie, Vera a reçu un coup de téléphone de voisins : la datcha flambait. Selon les pompiers, ce n'était pas un accident.

Des guerres de Tchétchénie à la fin du siècle passé à la guerre d'Ukraine aujourd'hui, la même logique est à l'œuvre, le même dictateur à la manœuvre.

"Non, je ne suis pas devenue folle, mais cela me mine : je vis dans un pays où les chefs ont toujours méprisé leur peuple. Et Poutine ne diffère en rien des autres."
Anna Politkovskaïa, "Tchétchénie, le déshonneur russe".

Post-scriptum :
Le tueur en série Poutine a décidément une sinistre façon de fêter son anniversaire : Olga Nazarenko, une enseignante russe très critique vis-à-vis de la guerre d'Ukraine, a été sérieusement blessée, dans des circonstances étranges, le 7 octobre dernier, jour d’anniversaire de Vladimir Poutine. Elle est morte deux semaines plus tard. Certains de ses proches assurent qu’elle a été passée à tabac. “Elle a été transportée à l’hôpital avec de multiples blessures et est décédée aux soins intensifs. Selon les médecins, ses blessures laissent à penser qu’elle a été violemment battue et qu’elle est tombée d’une grande hauteur, mais pas d’un arbre. Je pense qu’elle était surveillée alors qu’elle préparait une nouvelle manifestation contre la guerre”, signale un proche. (2)

(1) Vera Politkovskaïa, "Une mère", avec la journaliste Sara Giudice, traduction de Marc Lesage, éditions Fayard, septembre 2023.
(2) 
https://www.lalibre.be/international/europe/2023/10/28/une-opposante-a-vladimir-poutine-retrouvee-morte-dans-des-circonstances-etranges-74KKGJ5H6JFIRGSIVZDFJQTDGE/

(Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/04/relire-anna-politkovskaia.html

mercredi 25 octobre 2023

Ces sanglants humoristes

On est content de les avoir en ces temps sinistres. Vladimir Poutine et Receyp Erdorgan ne cessent de nous faire rire.

Le premier réclame la paix et se propose comme médiateur dans le très violent conflit qui oppose le Hamas et l'Etat israélien et il appelle à épargner les civils. Dans le même temps, il continue à raser des villes ukrainiennes. Au début de l'année, déjà plus de 7.000 civils avaient été tués en Ukraine par les troupes du criminel de guerre Poutine et fin août des militaires américains évaluaient  à 500 000 le nombre de militaires tués et blessés dans les deux camps depuis février 2022. Poutine se déclare pour une solution à deux Etats, israélien et palestinien. Dans le même temps, il veut faire disparaître l'Etat ukrainien et l'englober dans son empire russe. Qu'est-ce qu'on rit avec lui !

Le sultan turc Recep Tayyip Erdogan, lui, considère, que "le Hamas n’est pas un groupe terroriste, c’est un groupe de libérateurs qui protègent leur terre » (1). On peut donc imaginer qu'il en est de même des militants kurdes qui, eux, n'ont pas été responsables de pogrom. Et pourtant, depuis le 5 octobre, les troupes turques bombardent les régions autonomes kurdes de Syrie, s'en prenant aux hôpitaux, aux centrales électriques ou encore aux systèmes d'approvisionnement en eau (2). Même les mosquées sont bombardées par ce grand croyant. Quel talent !

(1) https://www.lemonde.fr/international/live/2023/10/25/en-direct-guerre-israel-hamas-l-armee-israelienne-a-mene-des-frappes-de-grande-ampleur-sur-la-bande-de-gaza-et-des-raids-aeriens-en-cisjordanie_6195339_3210.html
(2) P.C., "Poutre dans l'œil", Charlie Hebdo, 18.10.2023.

samedi 21 octobre 2023

Avec foi et loi

Les barbares du Hamas qui, il y a deux semaines, ont massacré, torturé, violé, dépecé toute personne qui croisait leur chemin ou même qui se cachait chez elle ne peuvent être qualifiés de sans foi ni loi.
Le jeune fou furieux qui a tué récemment l'enseignant Dominique Bernard dans son lycée d'Arras n'est pas sans foi ni loi. Pas plus que celui qui a tué Samuel Paty il y a trois ans ou que celui qui a tué à Bruxelles des supporters suédois parce que des exemplaires du Coran ont un jour été brulés dans leur pays.
Tous ces islamistes qui tuent celles et ceux qui ne pensent pas ou ne sont pas comme eux ont foi en un dieu ou un prophète dont ils ont fait un être de terreur et de sang et c'est en son nom qu'ils agissent en tueurs.
Leur loi, c'est la charia qui les exonère de toute humanité et leur enjoint de faire disparaître les mécréants.
On ne peut qu'être horrifié par ces crimes et par leurs justifications. Le jeune Mohammed Mogouchkov qui a tué Dominique Bernard et a blessé grièvement deux autres membres du personnel de son ancien lycée s'est dit envoyé en enfer par la démocratie. Dans une courte vidéo enregistrée juste avant son passage à l'acte, il qualifie les Français de « peuple de mécréants ». « Vous m'avez appris ce que sont la démocratie et les droits de l'homme, et vous m'avez poussé vers l'enfer », poursuit-il, avant de prêter allégeance à l'État islamique. En attaquant sauvagement des enseignants, il s'est exclamé : « Qui te donne l'air que tu respires ? Qui est le seul Dieu ? Appelle Marianne, appelle ta République ».
Ces croyants qui rejettent les valeurs qui nous animent se donnent droit de vie et de mort sur les autres. Mais ils ne représentent pas l'islam, déclarent mollement les imams ou autres porte-parole des musulmans qui nous certifient que l'islam est une religion de paix. On n'arrive plus à les croire.

Six jours après le pogrom commis par le Hamas, Le Monde publiait une tribune d'Abdennour Bidar, philosophe spécialiste de l'islam (1). Il a très vite condamné "sans réserve, sans ambiguïté et sans aucune hésitation les massacres et prises d’otages perpétrés par le Hamas", et les dénonce "comme une pure barbarie et sauvagerie absolument injustifiables". Il a exprimé sa "compassion envers tous les Israéliens, toutes les victimes de toutes nationalités, qui sont (s)es sœurs et frères en humanité (...)". Mais, dit-il, "je suis également très alarmé de constater que, du côté musulman, se fasse attendre à ce point une prise de parole à la hauteur de la gravité des faits. Je ne voudrais pas que dure trop longtemps ce silence aussi assourdissant, ou bien que nous n’entendions que des prises de parole désespérément incapables d’échapper à l’ambiguïté ou à la demi-mesure. J’appelle donc les autorités musulmanes de France à réagir enfin". Et il les appelle à "le faire bien, c’est-à-dire de façon décente. Car il est à l’inverse indécent d’entendre, ces derniers jours, des déclarations qui voudraient expliquer ce qui s’est passé en arguant de la situation intolérable faite par Israël aux habitants de la bande de Gaza, ou de tout ce que l’on peut reprocher à l’extrême droite israélienne nationaliste ou ultraorthodoxe. Cela, parfaitement entendable en soi, n’est pas recevable aujourd’hui : il y a un temps pour chaque chose, une éthique du juste moment, et c’est cette temporalité qui doit être respectée. En de pareilles heures, il s’agit de condamner et de compatir, et non pas de relancer un débat ni de prétendre l’élargir, ce qui ne fait que noyer l’horreur dans le relativisme." Abdennour Bidar réclame "une parole claire, forte, responsable et courageuse des représentants de la communauté musulmane de France ! ".
Le philosophe s'insurge aussi "contre ceux qui, en France et de par le monde, voudraient faire de cette barbarie une cause religieuse, en l’occurrence la cause de l’islam. Non ! Non, l’islam ne saurait être légitimement invoqué ici, et personne n’a le droit de se réclamer de l’islam pour commettre ou prétendre fonder en raison l’irrationalité de tels actes. Aucune sacralité n’exonère leurs auteurs du sacrilège qui est le leur, à l’encontre de la personne humaine, de l’humanité, et d’une religion − l’islam − qu’ils prétendent servir alors qu’ils l’assassinent".

Une semaine après, on attend toujours des paroles aussi fortes. On ne les a pas entendues non plus après l'assassinat de Dominique Bernard et celui des supporteurs suédois.
Dans La Libre Belgique (2), Fouad Benyekhlef et Hamid Benichou, militants laïques, demandent aux imams de "procéder à une importante autocritique". Les belles déclarations de principe en faveur de la paix et du rejet de la violence ne coûtent rien. "Si les religieux se sentent obligés de condamner les attentats commis au nom de l’islam, ils sont pourtant moins enclins à ouvrir les yeux sur l’état des lieux actuels. Car s’il est normal de condamner le terrorisme, cette normalité ne semble pas si évidente lorsqu’il s’agit de dénoncer de manière explicite les intolérances et les formes de rejet présentes dans l’islam de Belgique, qui peuvent également conduire à des situations violentes." (...)
"Dans cette ambiance de repli caractérisée par la frustration, le ressentiment et la victimisation, dans ce contexte de guerre israélo-palestinienne marquée par une incapacité de beaucoup à prendre ses distances avec l’islamisme coupable d’atrocités, il existe une double posture prégnante qui ne peut que nous inquiéter, entre les déclarations solennelles de religieux qui semblent se replier eux-mêmes comme dans une forteresse, qui feignent de se positionner comme inclusifs, ouverts et constructifs, mais qui ne cessent de sombrer dans un ultraconservatisme qui les place à l’arrière-garde, et sporadiquement dans la réaction. Les exemples sont nombreux, nous avons pu le constater avec ces positions risibles concernant l'Evras (note : éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), ou encore avec leur mutisme concernant les actes barbares du Hamas et avec leur communication plate et molle suite au dernier attentat de Bruxelles." Les deux auteurs de cette tribune attendent des imams belges, dont ils dénoncent l'incompétence, des actes forts et une remise en question de certaines pratiques, un engagement clair en faveur de l’État de droit, de la liberté de conscience, du droit au blasphème, de la liberté sexuelle, du respect des minorités. "Les laïques musulmans doivent reprendre en main la question musulmane en Belgique et peindre un tableau en adéquation avec le véritable esprit belge : celui de leur vision d’une société ouverte, sans complaisance vis-à-vis des interprétations violentes ou liberticides. Ils doivent neutraliser les radicaux et instaurer un cordon sanitaire au sein de la communauté musulmane, une mesure que les religieux semblent incapables de mettre en place."

Si une religion n'est pas clairement dans la défense absolue de l'humanité, c'est qu'elle est nuisible.
En attendant, alors qu'on ne voit pas de signes ou si peu d'une prétendue islamophobie, les actes antisémites se multiplient et les juifs se voient obligés de se cacher. 
En attendant, on ne voit pas les foules musulmanes se presser dans les rues, comme elles le font chaque fois qu'est brulée une page du Coran quelque part dans la monde, pour manifester contre les crimes commis au nom de leur dieu.
En attendant, un peu partout, dans tous les camps, on en appelle à la vengeance, à plus de sang encore. Comme si verser le sang pouvait laver le sang. Assez !

Réécoutons Claude Nougaro, comme nous invite à le faire François Morel (3) :

Il serait temps que l'homme arrive
Sans l'ombre avec lui de la peur
Et dans sa bouche la salive
De son appétit de terreur

Assez ! Assez !
Crie le ruisseau dans la prairie,
Crie le granit, crie le cabri
Assez ! Assez !
Crie la petite fille en flammes
Dans son dimanche de napalm (4)

Note : je ne commente pas les propos des élus et des (ir)responsables de La France Insoumise (à la dignité). Je préfère ignorer leurs hurlements. Ces gens n'existent plus.

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/13/le-philosophe-abdennour-bidar-sur-l-attaque-du-hamas-contre-israel-vite-une-parole-claire-et-forte-des-representants-de-la-communaute-musulmane-de-france_6194215_3232.html
(2) https://www.lalibre.be/debats/opinions/2023/10/19/lettre-aux-imams-musulmans-il-est-temps-pour-vous-de-proceder-a-une-importante-autocritique-RQHVZFYDSRBU3MKG54THSHSTHU/
(3) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-du-vendredi-20-octobre-2023-2305680
(4) https://www.paroles.net/claude-nougaro/paroles-assez
https://www.youtube.com/watch?v=vPsOvdOBon8

mardi 10 octobre 2023

Ecœurement

L'inhumanité avance. On la pensait à son maximum ces dernières semaines, mais elle vient de démontrer qu'elle est toujours capable de se surpasser. La guerre d'Ukraine menée avec un cynisme total par le tueur en série Poutine, la guerre oubliée du Yemen, le génocide qui se prépare au Soudan, les infâmes régimes théocratiques d'Iran et d'Afghanistan, le refoulement des migrants en Méditerranée, le Sahel aux mains des djihadistes, les murs dressés un peu partout, le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité, tout cela (et le reste, on en passe, on en oublie) ne suffisait pas encore à nous faire désespérer de l'humanité.

Les barbares du Hamas ont monté la barre un peu plus haut, massacrant sans distinction militaires, hommes, femmes, enfants, vieillards qui ont le seul tort d'être israéliens, d'être juifs surtout. Un crime impardonnable. Même des travailleurs étrangers, chinois, thaïlandais, népalais, n'ont pas échappé aux tirs des semeurs de terreur. On ne fraie pas avec des juifs. Les otages se comptent par dizaines, battus, insultés, exhibés, sans égard aucun pour l'humanité.
La prétention de l'armée et des services secrets israéliens, convaincus d'être invincibles, en ont pris un sacré coup. L'attaque et surtout sa réussite sont surprenantes. Mais cette agression était pourtant prévisible, estime l'historien et ancien ambassadeur Elie Barnavi (1) : "Car ce que nous venons de subir n’est pas un décret du ciel. C’est la résultante d’une conjonction de deux facteurs : une organisation islamiste fanatique dont l’objectif déclaré est la destruction d’Israël ; et une politique israélienne imbécile à laquelle se sont accrochés les gouvernements successifs et que le dernier a portée à l’incandescence. Au fil des ans, un rapport de force s’est installé entre Israël et le Hamas, où ce dernier a fini par s’assurer une sorte de droit d’initiative. C’est lui qui décidait de la hauteur des flammes, en fonction de l’évolution de ses intérêts. Ainsi, que le Qatar, son financier, ne se montre pas assez généreux à son gré, ou assez rapide, il lui suffisait d’une salve de roquettes pour entraîner Israël dans une spirale d’où les habitants sortaient meurtris. Mais lui obtenait ce qu’il voulait au prix d’un cessez-le-feu nécessairement éphémère."
Le premier ministre israélien Nétanyahou, dont les jours politiques sont à présents comptés, a divisé la société israélienne comme jamais, juste pour se sauver judiciairement. Et il s'est associé avec le diable : "il a composé sa coalition d’ultraorthodoxes et de nationaux-religieux messianiques – la version juive du Hamas –, dont l’Etat de droit est le dernier souci, et avec lesquels il a conclu un pacte faustien : à lui la tête des juges de la Cour suprême, à eux la « Judée-Samarie » biblique et le libre accès au mont du Temple, de plus en plus investi par les zélotes".

Il aurait fallu un peu d'imagination et surtout de courage au gouvernement israélien pour éviter l'impasse de la violence dans laquelle vient de s'engager toute une région : "la réhabilitation politique de l’Autorité palestinienne couplée à celle, économique, de la bande de Gaza. Cela supposait toutefois la résurrection du « processus de paix », alors que le découplage des deux tronçons du territoire palestinien était précisément censé éviter cela. Le Hamas, finalement, était bien utile." Mais le gouvernement avait autre chose de plus important à faire que veiller sur sa population : au moment de l'attaque meurtrière, un bataillon entier était affecté à la protection d'ultraorthodoxes qui priaient dans une rue d'une ville au sud de Naplouse. Voilà où mènent ces prières provocatrices : en enfer.

L'enfer, c'est maintenant ce que vivent les habitants de la bande de Gaza, entraînés malgré eux dans la spirale de la violence enclenchée par ceux qui sont censés les défendre mais n'ont aucune considération pour la vie humaine. La haine ne mène qu'à la mort et ils glorifient l'une et l'autre.

Au-delà des lourdes responsabilités du gouvernement israélien incapable de voir venir cette attaque barbare, il y a des accointances auxquelles il est urgent de mettre un terme. Si l'Iran est depuis longtemps au ban des pays démocratiques, ce n'est pas le cas du Qatar. Au contraire. Ses liens économiques et politiques avec la France notamment sont nombreux. Or, le Qatar a toujours soutenu activement les Frères musulmans qui sont à l'origine du mouvement terroriste qu'est le Hamas, et est une des principales sources financières du terrorisme islamique. 

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/08/elie-barnavi-l-attaque-du-hamas-resulte-de-la-conjonction-d-une-organisation-islamiste-fanatique-et-d-une-politique-israelienne-imbecile_6193197_3232.html




jeudi 5 octobre 2023

Russie, hors d'Ukraine !

 Un texte que je partage entièrement (dans tous les sens du terme).

Russie hors d’Ukraine !
Alors qu'un ancien président de la République française nous incite à pactiser avec Vladimir Poutine (présumé responsable de crimes de guerre par la Cour Pénale Internationale et sous le coup d’un mandat d’arrêt pour déportation illégale de milliers d’enfants ukrainiens), nous poussant, ce faisant, à pratiquer ce que notre Code pénal qualifie d’intelligence avec l’ennemi, crime puni de trente ans de prison,
Alors que, le pape exhorte de jeunes Russes à retrouver la “Grande”, et “Sainte” “Mère Russie”, “celle de Catherine II”, devenant ainsi le propagandiste de l’exact programme de Vladimir Poutine,
Alors que, la leader actuelle de l’extrême droite française, ancienne et future candidate à la fonction suprême, préconise, par “principe de réalité (…) de se rapprocher du président russe pour ne pas aggraver la guerre” et parce que la Russie “ne va pas déménager”,
Alors que, après avoir furieusement milité pour le refus d’envoi d’armes à l’Ukraine, préconisant ainsi une politique de non-assistance à démocratie en danger, le leader auto-proclamé et manipulateur de la gauche française, multiplie maintenant les déclarations ondoyantes évoquant l’obligation de “ramener Poutine à la table des négociations (…) sans que l’Ukraine perde la guerre”, mais ne veut toujours pas admettre que, face à un tel adversaire, pour ne pas perdre la guerre, l’Ukraine doit la gagner. Et qu’elle ne peut le faire qu’avec l’aide qu’il veut justement qu’on lui refuse,
Alors que le tant espéré président du tant aimé Brésil se range sans équivoque au côté de Poutine,
Alors que des intellectuels de tous bords, prophétisant la défaite inéluctable de l’Ukraine, nous appellent à devenir enfin raisonnables en renonçant à une cause perdue d’avance. Une défaite, disent-ils, d’autant plus inéluctable qu’ils nous prédisent la victoire certaine de Donald Trump l’année prochaine, aux États-Unis,
Alors que des journalistes ne cessent de spéculer sur la lassitude des opinions publiques et l’opposition au soutien de l’Ukraine qui deviendrait, sans aucun doute selon eux, majoritaire cet hiver, 
Alors que cette sinistre petite musique défaitiste, magistralement orchestrée par Moscou et ses valets apeurés ou économiquement intéressés, risque de virer aux vociférations paniquardes capables de noyer toutes les expressions de raison et de juste résistance et d’affoler les opinions jusqu’à les faire marcher au pas de la Grande Russie,
Alors que, Vladimir Poutine, ayant porté sa guerre jusqu’au cœur de l’Europe, use de tout le pouvoir de nuisance propre à une tyrannie pour détruire les fondements de notre vie sociale et démocratique et que le chaos malfaisant et ruineux que, partout dans le monde, il exporte de mille manières, handicape dramatiquement le travail immense qui nous attend depuis trop longtemps : lutter efficacement contre le réchauffement climatique et ses désastres, accélérer le progrès social, s’opposer à la misère et l’obscurantisme et œuvrer pour la désescalade nucléaire et la paix, partout dans le monde, 
Nous, citoyennes et citoyens, adjurons le Président de la République et son gouvernement de maintenir et renforcer la position qu’après tant de tergiversations ils ont enfin adoptée : un soutien sans faille, grandissant et rapide à l’Ukraine tant que celle-ci n’aura pas vu la dernière botte du dernier soldat russe quitter son territoire. Il faut pour cela que l’Ukraine reçoive enfin toutes les armes demandées, chars, missiles à longue portée, avions indispensables à sa victoire. Vite. Elle ne doit plus continuer à se battre, une main liée dans le dos et son ciel désarmé.
Nous adjurons le Président de la République et son gouvernement de prendre dès aujourd’hui les mesures nécessaires pour que l’effort de guerre, bien expliqué à tous, ne pèse pas, cet hiver, sur les plus fragiles des Français, mais que les mieux lotis d’entre nous soient fermement appelés à faire les sacrifices nécessaires pour, de façon déterminante, aider l’Ukraine à chasser l’envahisseur russe de son territoire. Envahisseur qui n’a d’autre dessein depuis vingt ans, que de recoloniser à coups de canons un empire tyrannique et, pour cela, soutenir les pires régimes de la planète, en Syrie, en Birmanie, en Iran, en Afghanistan, en Corée du Nord, en Afrique, etc., et détruire les démocraties qui veulent s’y opposer, c’est-à-dire d’abord l’Europe. L’Europe dont l’Ukraine est actuellement l’héroïque rempart et dont elle défend non seulement les principes, mais aussi les intérêts et la sécurité future.
Quant à nous, citoyennes et citoyens, que sommes-nous donc devenus pour penser que toute action de notre part est inutile ? Comment pouvons-nous laisser commettre cette agression sur le sol européen, sur notre sol, sans manifester dans nos rues notre indignation et nos exigences comme les citoyens américains et nous-même l’avons fait contre la guerre du Viêt Nam, rejoints par presque toute l’humanité, il y a tout juste un demi-siècle ? Sans parler, pour les plus âgés d’entre nous, des immenses cortèges et des actions innombrables contre la guerre d’Algérie.
Sommes-nous voués à suivre, les bras ballants, à la télévision ou sur les réseaux sociaux, les bombardements, les massacres, les horreurs de Marioupol, de Boutcha, les combats, les sacrifices inimaginables, les héros et les morts de la contre-offensive ? Ne sommes-nous devenus bons qu’à être des spectateurs désolés mais immobiles ?
Non ! Nous pouvons agir, nous devons agir, renforcer le courage des opinions publiques et, par nos manifestations, stimuler celui de notre gouvernement et des gouvernements alliés, dont la pusillanimité a coûté, et coûte encore, chaque semaine, des milliers de vies civiles et militaires à l’Ukraine.
Ne trahissons pas l’Ukraine ! Ne nous trahissons pas nous-mêmes !
Nous en appelons à tous les citoyennes et citoyens de France et d’Europe, nous en appelons à toutes les associations pro-ukrainiennes qui agissent déjà et à toutes celles qui, progressistes, défendent d’autres causes mais ne demandent qu’à agir ou agissent déjà en soutien à l’Ukraine, pour leur proposer de rassembler nos forces et d’organiser une mobilisation afin de ne pas laisser la rue, les médias et les réseaux sociaux aux seuls complices, conscients ou inconscients, du régime de Moscou. Pour cela, un seul mot d’ordre :
Russie, hors d’Ukraine !
Galia Ackerman, historienne, directrice de la rédaction de Desk Russie ; Bendak, dessinateur de presse ; Marcel Bozonnet, comédien ; Hélène Cixous, écrivaine ; André Markowicz, poète, traducteur, éditeur ; Bruno Meunier, chef d’entreprise ; Ariane Mnouchkine, metteuse en scène ; Françoise Morvan, éditrice, traductrice, dramaturge ; Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue ; Xavier Tytelman, consultant défense, youtubeur ; Cécile Vaissié, professeure des universités ; Sonia Wieder-Atherton,violoncelliste.


Pétition à signer sur :
https://www.change.org/p/russie-hors-d-ukraine?utm_content=cl_sharecopy_37476402_fr-FR%3A7&recruited_by_id=77d893b0-5dff-11ee-8d1a-d956aab24fe6&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=psf_combo_share_initial&utm_term=share_petition&share_bandit_exp=initial-37476402-en-US
 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/27/ne-trahissons-pas-l-ukraine-ne-nous-trahissons-pas-nous-meme_6191206_3232.html