mardi 26 août 2008

L’équipe du Centre de Glisse engage le Docteur Coué de la politique

Anne Fourcade, l’architecte visionnaire (1), promotrice en cheffe du projet de Centre européen des Sports de Glisse, a agrandi son équipe, ralliant à sa cause le député-bourgmestre de Brunehaut. Pierre Wacquier ajoute désormais à ses mandats celui de VRP du Centre.

Dans Nord-Eclair du 18 juillet 2008, il s’engage clairement, choisissant son camp : celui des promoteurs. Et fustigeant les détracteurs, dénonçant « le théâtre des talentueux bonimenteurs ». Selon lui, « une solution a été trouvée pour le volet environnement » et « le développement durable (harmonie, équilibre entre le social, l’économique et l’environnement) est parfaitement respecté dans ce projet nouvelle mouture ». Il affirme que « concrètement, c’est un projet qui promotionne l’emploi, accorde à la collectivité des bénéfices importants, préserve l’environnement et la biodiversité ».
Il se garde bien de préciser en quoi ce projet gaspilleur de nature, d’eau et d’énergie et producteur de CO2, « accorde des bénéfices importants à la collectivité ». Quant à sa conviction que l’environnement et la biodiversité sont préservés, elle semble ne s’appuyer que sur les arguments des promoteurs. S’il avait lu les avis du Parc Naturel des Plaines de l’Escaut, le résultat de l’étude d’incidences sur l’environnement (EIE), l’avis de la CRAT, la position d’Inter-Environnement Wallonie, celle de la CIAO, les courriers de la Région Nord – Pas de Calais, il constaterait que la quatrième version du projet ne règle en rien les problèmes suivants (liste non exhaustive !):
- Dans son avis remis en octobre 2007 devant le Conseil de Développement de Wallonie picarde, le Parc Naturel des Plaines de l’Escaut (PNPE) estime le projet n’est pas compatible avec son plan de gestion ni avec la charte du Parc Naturel Régional Scarpe-Escaut.
- Il considère que la réorientation du projet n’est que spatiale et semble marginale dans la mesure où le dimensionnement même du projet n’a pas été revu ; celui-ci reste difficilement compatible avec le site même et son environnement.
- Le PNPE constate que les forêts seront « lacérées » par 19 km de chemins de promenade éclairés et ainsi « transformées en un vulgaire espace vert de type parc urbain ».
- Il estime que les plans d’eau seront « dénaturés », que la fermeture complète du site créera une coupure pour la forêt de Flines et pour le territoire du PNPE, que les prélèvements d’eau seront très importants, alors que la préservation des eaux de surface et souterraines constitue un enjeu majeur.
- Le PNPE parle d’un « choc de culture sur la conception de la nature et de l’écosystème, de contresens scientifiques » et estime que ce projet est « en totale contradiction avec les principes du tourisme durable et du développement local ».
- La CRAT (Commission régionale de l’Aménagement du Territoire) constate (juillet 2007) que dans son EIE l’auteur de l’étude souligne que « Tant dans le projet initial que dans ses variantes, l’impact sur la faune et la flore reste important. (…) L’avant-projet ne préservait pas une série de sites pourtant d’un intérêt écologique très élevé. (…) De nombreux milieux (Bois du Fouage et Bois de Péronnes) subiraient des incidences importantes.
Dans l’avant-projet ou dans sa variante, la faune serait perturbée par la destruction d’une partie de son habitat et par la fréquentation du site. Même dans le meilleur des cas, c’est-à-dire la variante, les incidences seraient très fortes.
L’auteur de l’étude résume ainsi les perturbations : « L’inscription de zones de loisirs autour du Grand Large affectera de manière significative les biotopes présents dont l’intérêt est important à l’échelle locale, régionale et européenne » (partie D de la deuxième phase de l’étude d’incidences, page 113, juillet 2007).
- La CRAT souligne également que l’assainissement des eaux usées (6000 équivalents-habitants) nécessitera une augmentation de la capacité de la future station d’épuration de Hollain. Le coût de l’assainissement reste à évaluer. La section s’interroge également quant à la faisabilité technique du raccordement du projet, la station étant située au-delà de l’Escaut.
- La CRAT constate le caractère extrêmement énergivore du projet qui rejetterait de 9.535 à 11.868 tonnes de CO2 par an, ce qui représente 0,023 % du total wallon alors que la région s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effets de serre.
Par ailleurs, la mobilité que le projet va accroître contribue également à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
- Elle se pose de nombreuses questions quant aux modes de déplacements et aux cheminements à l’intérieur même du projet.
- La CRAT attire l’attention sur la problématique des compensations.
Selon elle , il y a confusion entre les compensations alternatives et des charges urbanistiques liées au permis d’urbanisme. Elle insiste sur la nécessité pour le Gouvernement de fixer un cadre juridique aux compensations alternatives afin d’une part d’éviter tout arbitraire et d’autre part, de régler les problèmes de plus et de moins-values foncières.
La liste des critiques pourrait être bien plus longue encore, mais elle suffit déjà à démontrer que, contrairement à ce qu’affirme le docteur Coué de la politique, le développement durable n’est pas « parfaitement respecté »… Dans le Courrier de l’Escaut du 18 juillet, Pierre Wacquier affirme que « les promoteurs ont à chaque fois apporté des solutions aux problèmes qui étaient soulevés ». On ne peut que l’inviter à soumettre la liste ci-dessus à ses amis promoteurs. Qui feraient bien d’y répondre, sous peine de passer pour de piètres « boni-menteurs »…

« Arrêtons de diaboliser et stigmatiser ce projet avant même qu’il n’ait vu le jour », exhorte Pierre Wacquier. Là, c’est le VRP qui s’exprime, oubliant que le bourgmestre qu’il est aussi vient de s’opposer à un projet de quelques éoliennes avant qu’elles ne puissent être plantées… Ce n’est en tout cas pas le député wallon qui pourrait refuser que l’on critique un projet avant qu’il devienne réalité, puisque la Région wallonne a – très logiquement - prévu une procédure d’étude d’incidences sur l’environnement pour des projets de ce type. Suivie d’une procédure d’avis de diverses instances. Et c’est précisément sur les résultats de cette EIE que s’appuient la CRAT, les deux parcs naturels, Inter-Environnement Wallonie, la CIAO, Climat et Justice Sociale, etc. pour critiquer ce projet. La logique wacquiérienne voudrait-elle donc qu’on ne puisse critiquer un projet qu’une fois qu’il est devenu réalité ? C’est-à-dire quand il est trop tard ? Curieuse conception de la démocratie ! Et de la logique tout court : doit-on, selon lui, agir, puis réfléchir… ? Considère-t-il que la nouvelle étude d’incidences demandée par le Gouvernement wallon est inutile ?

« Soyons pragmatiques et rationnels », demande-t-il (2). Mais c’est précisément sur des éléments rationnels que s’appuient, pragmatiquement, tous ceux qui critiquent ce projet : l’analyse effectuée par les techniciens du Parc Naturel, les résultats de l’EIE et l’avis de la CRAT.
Mais on sera rassuré d’apprendre que le bourgmestre de Brunehaut sera « attentif au rôle que tiendra le Parc Naturel des Plaines de l’Escaut » (3). Comprenne qui pourra…

Dans « La politique de l’escargot », Paul Ariès, écrit que « La déconstruction du sarkozysme réellement existant suppose une rupture d’avec ce qui caractérise la dimension anthropologique de l’humain au sein des sociétés capitalistes et productivistes. Les gauches ont trop longtemps considéré qu’elles pouvaient faire l’impasse sur ces grands invariants de notre époque. En défendant le « plein emploi », elles évitaient ainsi de s’interroger sur ce que l’on continuait à produire. En revendiquant le droit à la consommation, elles ne remettaient pas en cause le mode de vie capitaliste. Nous avons payé beaucoup trop cher cet aveuglement pour ne pas être attentifs aux multiples résistances de ceux qui aspirent à une vie meilleure et déjà à une plus grande compréhension de ce qui nous tue. » (in Le Sarkophage, 12.07.2008)
Dans le même journal, l’économiste Geneviève Azam estime que « l’abondance de discours et de postures (à propos de la crise écologique) cache mal la vacuité des mesures prises par les instances politiques actuellement en place et l’absence de projets politiques alternatifs. Avec, en prime, une banalisation à force de formules creuses et une fuite en avant dans les politiques néolibérales qui se nourrissent des situations de panique qu’elles ont elles-mêmes créées ». Elle poursuit sa réflexion avec ces « questions politiques fondamentales: que produisons-nous, pour qui, comment le produisons-nous, comment répartissons-nous la richesse produite, quelles sont les instances de décision, quelle coopération internationale ? ».

En mars dernier, quittant sa fonction d'administrateur général de la FGTB wallonne, Jean-Claude Vandemeeren estimait que "il y a un problème de la gauche dans toute l'Europe, qui dès l'instant où elle s'inscrit dans la logique du système capitaliste dominant, a du mal à assumer ses choix. Le socialisme n'ose plus véritablement contester le système. Il se contente d'une ligne défensive, tente de limiter les dégâts dans une Europe capitaliste. (...) Au niveau wallon, ajoute-t-il, c'est encore plus grave. On est dans une situation économique assez catastrophique. On a donc besoin d'un capitalisme dynamique. Et dès lors, le PS a peur de le gêner, il lui fait confiance, lui accorde des cadeaux. »

Le projet de « centre de glisse » participe pleinement de ces politiques néolibérales avaleuses de l’air du temps qui arrivent d’autant plus facilement à faire passer des vessies pour des lanternes qu’elles trouvent non seulement bien peu d’opposants à leur développement, mais aussi beaucoup de thuriféraires de leurs projets, y compris dans des partis qui s’affirment de gauche.
Il est urgent que le politique (re)prenne la main sur l’économique plutôt que d’en jouer les porteurs de valise.

(1) un visionnaire, c’est quelqu’un qui a des visions…
(2) réveillant ainsi un vieux slogan du Ps : « Soyons positifs et concrets », un slogan qui résonne curieusement par rapport aux réflexions reproduites dans ce texte.
(3) Le Courrier de l’Escaut, 18.07.2008

lundi 18 août 2008

Immuable Wallonie!

Ainsi donc, « ils » l’ont fait ! Ainsi donc, ils l’ont « eue » ! Le Gouvernement wallon s’est débarrassé de Danielle Sarlet, sa directrice générale en charge de l’Aménagement du Territoire, du Logement, du Patrimoine et de l’Energie (la DGATLP).
C’est que depuis longtemps, cette directrice hérissait ces messieurs du Gouvernement et du Parlement.
Elle avait le grand tort de ne pas être aux ordres, de se conduire de manière critique et indépendante, de faire appliquer les règles, de rechercher la cohérence. Une « erreur » d’attitude qui ne colle pas avec la culture wallonne de l’arrangement à la petite semaine, du clientélisme, de l’embrouille et du double langage.
Son éviction, malgré vingt-deux années d’excellents et loyaux services, malgré la réussite d’épreuves organisée par le Selor, est une suite logique de toutes les attaques dont elle fut l’objet. En Commission parlementaire de l’Aménagement du Territoire, je me souviens des critiques acerbes à son égard, frisant l’insulte, de collègues parlementaires des trois familles traditionnelles. C’est que ces députés-municipalistes (1) estiment que les règles sont faites pour être contournées et ne peuvent en tout cas pas les empêcher de satisfaire leurs électeurs-clients.
André Antoine, grand défenseur de la cohérence de l’aménagement du territoire quand il était dans l’opposition, s’est mué en ministre laxiste, plus libéral que les Réformateurs. Membre du gouvernement, il a d’emblée créé SA « Cellule de Développement territorial », chargée de piloter les projets jugés prioritaires en matière d’aménagement du territoire : tronçons autoroutiers, aéroports régionaux, circuit moto, pistes de ski… Des projets d’une autre époque qu’il soustrayait ainsi à l’analyse critique de l’administration. Mais cette mise sur la touche de Danielle Sarlet ne lui suffisait visiblement pas : il s’en est maintenant débarrassée officiellement avec la complicité de l’ensemble du Gouvernement wallon.
Décidément, la compétence et l’intelligence dérangent en Wallonie… Qui oserait encore affirmer que celle-ci est vraiment entrée dans le XXIe siècle?
Personnellement, je ne me suis jamais senti wallon. Plus que jamais, je me sens apatride dans ma propre région.

Voir le site de soutien à Danielle Sarlet : www.vieillechaussette.be

(1) En juin 2004, un député wallon sur deux était aussi bourgmestre ou échevin. « Une proportion jamais vue » (La Libre Belgique, 27.07.04)