lundi 30 mars 2015

Ministre carnassier

Le Ministre fédéral belge de l'Agriculture est un grand comique. Le jour de la Journée internationale sans viande, Willy Borsus a publié un dossier intitulé "9 bonnes raisons de manger de la viande".  C'est que "il faut soutenir l'économie locale et l'agriculture", affirme-t-il (1). Et si on mangeait moins de viande (ou pas du tout), de quoi se nourrirait-on? Vraisemblablement de plus de légumes et de produits laitiers. Et qui les produit? L'économie locale et l'agriculture. On ne peut pas penser à tout, même quand on est ministre. Surtout libéral. Le Ministre affirme, aussi péremptoirement, que l'homme a besoin de viande. A-t-il besoin de voiture? Si un jour Willy Borsus est Ministre de la Mobilité il mènera une campagne de promotion de l'automobile le jour de la Journée sans voiture. On ne peut s'empêcher de conseiller au ministre de diminuer fortement ses consommations de viande. Non seulement, on n'en a pas "besoin", mais en outre on peut parier que ses réflexions gagneront en qualité. Il est temps (2).

(1) Le Soir, 24 mars 2015.
(2) A propos de l'inénarrable Willy Borsus (preuve, s'il en fallait, que n'importe qui peut être ministre en Belgique), (re)lire sur ce blog:
- "Une bonne et une mauvaise nouvelle", 14 octobre 2010;
- "MR comme Mort de Rire", 2 février 2012;
- "Borsus le polyglotte", 26 mars 2013.

dimanche 29 mars 2015

L'expression du siècle


Le week-end dernier, on a pu assister à "la marée du siècle". De très nombreux journalistes ont utilisé l'expression et Georges Pernoud et son équipe nous l'ont resservie ad libitum dans leur émission "Thalassa" de ce vendredi. Tous pour signaler aussitôt qu'il faudra attendre dix-huit ans pour assister à des marées aussi importantes. Alors, de deux choses l'une: ou tous ces journalistes sont des voyants et ils savent déjà que les prochaines "grandes marées", dans dix-huit, trente-six, cinquante-quatre ou  septante-deux ans ne seront pas aussi spectaculaires que celles-ci; ou les siècles ne sont plus ce qu'ils étaient et se réduisent désormais à dix-huit ans maximum. Il reste une troisième possibilité: c'est que ces journalistes se laissent emporter par une déferlante d'expressions toute faites et vaguement spectaculaires qui n'ont aucun sens. Mais cette hypothèse-là, on ne veut pas même pas l'imaginer.



(photos prises à Varengeville-sur-mer, les 22 et 23 mars 2015)


jeudi 19 mars 2015

L'univers des gros malins

L'Homme est admirable. On ne se lasse pas de le considérer comme un être plus humain que les autres. C'est un animal doué de raison et d'une intelligence supérieure. Aussi quand il ne peut comprendre ce qui lui échappe trouve-t-il malgré tout des explications. C'est plus fort que lui. Il est ainsi fait. Il est toujours le plus malin. On ne peut le berner (1).
Le tsunami asiatique de 2004 et le tremblement de terre en Haïti en 2010 furent trop importants pour que la nature soit seule en cause. Ce sont des expérimentations militaires américaines qui les expliquent. Le sida à ses débuts a décimé une part importante de la communauté homosexuelle et Ebola des populations africaines. Ces virus ont été concoctés par des labos occidentaux et inoculés volontairement. (2)
Les zadistes qui protestent contre un Center Parc à Roybon dans l'Isère restent là jour et nuit. Comment font-ils pour vivre? Ce sont les écologistes (et "peut-être même le Front de Gauche", dit le maire) qui leur paient une indemnité quotidienne de 90 €. Ils ont des ordinateurs et on en a même vu aller au restaurant. "Si ça, ce n'est pas une preuve!", dit un artisan local (3) qui devrait se recycler comme enquêteur. 
L'attentat contre Charlie Hebdo ne peut être le fait de jeunes islamistes. Eux auraient dans le même temps détruit toutes les archives du journal. C'est la version de l'inspecteur chef Thierry Meyssan, l'homme qui surpasse en sagacité Sherlock Holmes, Hercule Poirot, le commissaire Maigret et le lieutenant Columbo réunis. Les couleurs des rétroviseurs de la voiture des assassins ont changé d'une image à l'autre, signe qu'on essaie de nous faire croire n'importe quoi, disent des esprits peu habitués aux effets de la lumière. En fait, ce sont les forces de l'ordre qui sont derrière ces attentats. D'ailleurs, cet esprit supérieur de Jean-Marie Le Pen le croit aussi: pour lui, ce sont les services secrets. Et ceux qui en doutent se tairont quand ils se rendront compte que la date de l'attentat n'a pas été choisie au hasard: le 7 janvier, soit le 7 du 1. Placez les deux chiffres dans l'ordre inverse et vous obtenez 17. Soit le numéro de la police française. Et le numéro de Charlie qui a suivi l'attentat porte le numéro 1178. 1 + 1 + 7 + 8 = 17. Qui peut croire à un tel hasard? La police française signe ainsi de la même manière que la police américaine: son numéro est le 911. Un nombre qui évoque fortement la date d'un certain 11 septembre. (4)
On le voit, nous sommes victimes de complots. Un monde obscur agit contre nous et la presse dite traditionnelle concourt à nous enfumer. Heureusement, nous pouvons compter sur de fins limiers qui ne s'en laissent pas conter.
"Un (autre) de ses principes (du conspirationnisme), c'est le refus systématique de toute explication réaliste. Il faut une raison cachée à toute chose, écrit Antonio Fischetti (2). Cette obsession d'une vérité forcément ailleurs est du même registre que la pensée ésotérique ou religieuse."
"La pensée conspirationniste, estime Emmanuelle Danblon, professeure en rhétorique et argumentation à l'ULB (2), est une rhétorique hybride. D'un côté, elle comporte des traits typiques de la modernité, car elle se présente comme le comble de l'esprit critique. Mais elle a aussi des traits d'une pensée très archaïque: c'est-à-dire qu'elle se protège contre toute tentative critique de son modèle. Cela peut aller jusqu'au déni de la réalité. C'est typique d'une société dite fermée: on entend par là une société qui vit en autarcie avec son modèle du monde. Les sectes fonctionnent sur ce principe."
On peut penser que les personnes qui sont peu en relation avec d'autres, peu amenées à débattre en face à face, se nourrissant à longueur de journées d'un mélange, parfois confus, d'informations et d'opinions glanées sur Internet, vivent une forme d'autarcie.
Les partisans de théories du complot "singent la pensée méthodique, mais ils sont imperméables à la contradiction", analyse le sociologue Gérard Bronner (2).
Résumons-nous: il faut savoir quitter son écran d'ordinateur, discuter avec d'autres et se mettre à penser. Ca peut aider à comprendre bien des choses.

(1) Sur ce blog: "On nous cache tout, on nous dit rien", 11 août 2014.
(2) "Conspirationnistes et djihadistes, même combat", Charlie Hebdo, 4 mars 2015.
(3) "Les zadistes sont pleins aux as!", Le Canard enchaîné, 11 février 2015.

mercredi 18 mars 2015

Blasphèmes

C'est l'histoire d'un footballeur célèbre mais suédois qui joue dans un club français. Son équipe vient de perdre le match. Alors, dans les vestiaires, il dit des trucs de footballeur dont l'équipe vient de perdre le match. Des trucs comme "la France, pays de merde", des trucs qu'on dit pour soi quand on râle. Mais une caméra l'a enregistré et ces propos de râleur ont acquis une diffusion nationale. Aujourd'hui, il y a des caméras partout, dans les cuisines, les chambres à coucher, les vestiaires, même sur les îles désertes. Rien ne nous échappe. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. 
Cette société fliquée, c'est du pain bénit pour la fille à papa Le Pen. Ce footballeur a blasphémé. Elle et son parti familial ont sanctifié la France, son drapeau, ses trois couleurs nationales, sa Marseillaise. On ne peut pas les critiquer. "La France, tu l'aimes ou tu la quittes", dit-elle. Elle devrait lancer la même invitation à tous les candidats de son parti qui crachent sur la devise nationale (Liberté-Egalité-Fraternité) en vomissant sur Internet des torrents de boue haineuse.

mardi 17 mars 2015

C'est trop injuste

On lui en veut, c'est sûr, au parti de la famille Le Pen. Voilà ses députés européens accusés de faire travailler leurs assistants pour le parti plutôt que pour eux, alors qu'ils sont payés par le Parlement européen qui interdit de telles pratiques. Vingt emplois fictifs seraient concernés, pour un montant de sept millions d'euros. Il pourrait y avoir détournement de biens publics et faux et usage de faux (1). La fille à papa proteste: c'est la proximité des élections départementales qui explique ces accusations. Elle serine son même vieux discours de victime, elle n'en a pas d'autre. Elle hurle au moindre pas de travers des autres partis, mais la donneuse de leçons adapte les règles à sa façon. Et qu'on ne lui en parle pas: elle refuse de répondre aux journalistes qui l'interrogent à ce propos (2).
Encore faudrait-il savoir qui sont ces assistants parlementaires et quelles sont réellement leurs tâches. Au FN, on a le sens de la famille, on aime donner du boulot aux copains... Jean-Claude Martinez, qui fut vice-président du FN et député européen avant de se brouiller avec les Le Pen, le confirmait. Il parle du baby-sitting des enfants de Marine Le Pen: "Le baby-sitting, c'est le Parlement européen qui le lui payé, avec mes indemnités! Ils m'ont fait engager Huguette Fatna, la marraine des enfants, comme assistante parlementaire... Mais à l'époque, le Parlement européen, elle ne savait pas où ça se trouvait, elle n'y venait jamais. Par contre, elle passait son temps à garder les enfants de Marine!" (3) Cette version est contestée par H. Fatna, selon les journalistes qui ont recueilli ce témoignage: "A l'en croire, elle ne venait que lorsque la nounou n'en pouvait plus. Néanmoins, dans son livre, Marine Le Pen laisse entendre que sa grande amie venait tous les soirs pendant l'année maudite, juste après la naissance de ses jumeaux."
De toute façon, à quoi peut bien servir l'assistant parlementaire d'un député qui ne travaille pas? Durant la législature 2009-2014, les Le Pen père et fille n'ont produit en tant que députés européens aucun rapport, aucune question parlementaire, aucun avis rédigé, aucun amendement, aucune déclaration écrite. Juste une motion signée par le père et quatre par sa fille (4). Et puis si l'assistant est une assistante sa place n'est-elle pas à la maison? C'est Luz qui le rappelle (5): pendant la présidentielle de 2012, la présidente de père en fille a déclaré que "le progrès pour les femmes, c'est de rester à la maison". Avouons-le, pour une fois, on est un tout petit peu d'accord avec elle: le progrès pour la France, ce serait qu'une femme reste à la maison.

(1) France Musique, Journal, 10 mars 2015, 8h30.
(2) http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2015/03/11/florian-philippot-de-toute-votre-carriere-je-ne-vous-parlerai-jamais
(3) entretien de C. Fourest et F. Venner avec J.C. Martinez, 14 mars 2011, in "Marine Le Pen", Caroline Fourest et Fiammetta Venner, Grasset, 2011 (p.120).
(4) www.lepoint.fr/politique/a-l-ombre-des-absenteistes-du-parlement-europeen-11-04-2013-1653486_20.php
http://term7.votewatch.eu/en/activity-statistics.html (p. 40)
(5) Charlie Hebdo, 11 mars 2015
www.elle.fr/Societe/Interviews/Le-FN-est-il-anti-feministe-2688502

dimanche 15 mars 2015

Avec un F comme Festival et un N comme haine

Ces gens-là n'aiment pas les autres. C'est pourquoi ils sont candidats aux élections départementales sur les listes du parti de la famille Le Pen. Sur Facebook, Twitter ou ailleurs, ils affichent ce qu'on n'oserait qualifier d'opinion, mais plutôt d'un mélange de grossièreté, de bêtise et de haine. La lecture de leur recensement donne la nausée. Un candidat FN de Périgueux dit ne plus supporter "les cultures allogènes", "les Africains polygames", "ces types qui sous prétexte d'origine maghrébine, cassent, pillent, violent, brûlent". Un autre du Haut-Rhin affirme que "ces musulmans de merde, il faut qu'on s'en débarrasse avec tous les moyens possibles en France comme en Europe" et que "ces sous-merdes doivent définitivement être éliminés (sic) de nos pays occidentaux". Un autre, de Reims cette fois, laisse entendre que les sous-sols des mosquées ne peuvent servir qu'à "stocker des armes pour nous foutre sur la gueule". Sur les musulmans, il y en a d'autres du même tonneau, cités par l'Obs (1) qui relaie le collectif "l'Entente" (2), la plupart de ces messages ont été effacés par leurs auteurs peu après que l'Obs les ait contactés.
Il y a les Roms aussi et ces propos (à la syntaxe et l'orthographe très personnelles) d'un candidat de Côte d'Or après le lynchage d'un jeune Rom en Seine-Saint-Denis l'an dernier: "Et un romm de moin, il n'avait pas qua voler on en a marre de ces gents la et le gouvernement leurs donne le biberon a bas les gauchistes trosquite". Répétons-le: visiblement, cet esprit si éclairé est candidat aux élections dimanche prochain. Il est suivi par un de ses collègues de l'Indre: "Les Tsiganes n'ont plus leur place dans nos sosiétés (sic) car ils n'ont pas su ni voulu s'adapter à notre société technologique... C'est dommage! Il y a bien d'autres communautés qui refusent de s'assimiler à nos valeurs républicaines: les Arabes et les Musulmans par exemple".
Un candidat des Hautes-Alpes, lui, s'en prend aux Africains: "les Noirs ont 2000 de retard sur les Blancs d'Occident! Les arabes n'en sont pas loin..." S'ils ont deux mille de retard sur la bêtise des candidats du FN, qu'ils ne cherchent surtout pas à les rattraper.
Christiane Taubira n'échappe pas, elle non plus, aux insultes et agressions, souvent comparée à un singe ou appelée à rentrer "chez elle". Pas plus que Pierre Bergé: un candidat des Hautes Pyrénées se déclare pour la "suppression" de cette "grosse merde".
Il y a aussi les pétainistes, tel ce candidat de Rennes qui propose de réhabiliter le maréchal et de mettre "au même niveau d'humanité" Pétain et de Gaulle.
Enfin, il y a les gras comiques qui publient des photos montages qui les amusent. Exemple parmi d'autres: ce panneau routier triangulaire indiquant "attention sortie de mosquée" et dans lequel figurent deux silhouettes en burqa, et ce texte: "Dans cette situation: Réponse A: Je ralenti (sic) - réponse B: J'accélère". Commentaire de l'auteur: "Allez ont (sic) se lâche! Le matin ça fait du bien".
Ordurier, affligeant, navrant, scandaleux, crétin, vulgaire, grossier, les qualificatifs manquent. Et alors?, s'étonnent les insulteurs à qui on reproche leur agressivité, on a le droit de dire ce qu'on pense, surtout depuis le massacre de Charlie Hebdo. Les dessinateurs et journalistes de Charlie doivent se retourner dans leur tombe: voilà qu'ils servent d'alibi à l'expression de la haine, de la bêtise et de l'abjection.

La fille à papa Le Pen feint la surprise. Elle qui a pourtant participé à un bal de néo-nazis à Vienne début 2012 et qui, le mois dernier, a envoyé un message de soutien à la manifestation organisée par la Ligue du Nord à Rome "où l'on retrouvait les vieux fachos, ceux du mouvement CasaPound, arborant des portraits de Mussolini" (3). Pour elle, toutes ces déclarations de candidats de son parti ne sont que quelques cas isolés. L'Entente a recensé, sur les profils des 4000 candidats du FN, 500 candidats qui vont "du partage d'un lien d'un groupuscule pétainiste à des propos complotistes". Il ne faut pas stigmatiser ces candidats maladroits, dit-on au FN. Pourtant elle et eux savent stigmatiser. C'est leur spécialité depuis toujours. Tous les témoignages venus de l'intérieur du Front ces dernières années (4) attestent que les propos racistes, antisémites, homophobes, négationnistes, la référence à Pétain, voire à Hitler sont monnaie courante.
"Le Front national n'a pas suffisamment de cadres pour contrôler les paroles injurieuses de sa base", écrit Riss dans son édito de Charlie (5). "Pour un Florian Philippot propre sur lui, énarque formé parmi les élites, combien de militants racistes, antisémites, dignes de posséder leur carte du Ku Klux Kan?" (...) "Le FN devra abandonner son discours anti-élites, poursuit Riss, ou tout au moins le dissimuler. Mais si sa haine des élites est la plus grande, il laissera son destin aux mains des militants de base les plus crétins et n'obtiendra pas grand-chose électoralement, à part quelques mandats locaux de-ci de-là."
Pas si sûr. La France peut se préparer à une lourde et longue gueule de bois, quand quelques candidats abrutis de haine, de hargne et sans culture accèderont à certains niveaux de pouvoir. La France aux Français? Lesquels? Les pires d'entre eux?

Post-scriptum: de très bon goût aussi:  www.lalibre.be/actu/international/les-montages-photos-polemiques-d-un-candidat-fn-5507438835707e3e93f01bca
Et http://www.liberation.fr/apps/2015/03/carto-fn/

Sur le même sujet, Caroline Fourest: www.franceculture.fr/player/reecouter?play=5010089

(1) "Le vrai visage des candidats FN", L'Obs, 12 mars 2015.
(2) http://www.lentente.net/
(3) interview de la journaliste Anna Maria Poli, Le Courrier international, 12 mars 2015.
(4) par exemple, "Bienvenue au Front - Journal d'une infiltrée", Claire Checcaglini, éditions Jacob-Duvernet, 2012, ou encore "Revenus du Front - Deux anciens militants FN racontent", Nadia et Thierry Portheault, Grasset, 2014 (lire sur ce blog "Dégats de la Marine", 10 avril 2014). A lire aussi: "FN: ils voient des croix gammées partout", Charlie Hebdo, 11 mars 2015.
(5) 11 mars 2015.


jeudi 12 mars 2015

Et pourtant elles tournent

"Je déteste les éoliennes, me dit cet homme. Je ne peux pas les voir. C'est moche, ça coûte cher, ça ne tourne pas, ça ne sert à rien. Vraiment, faut pas m'en parler!" Qu'est-ce qui explique que l'opposition aux éoliennes provoque une telle hystérie? Il s'avère quasiment impossible de discuter avec quelqu'un qui n'en veut pas. On sent bien qu'on se trouve face à des principes érigés en murs. Les éoliennes s'apparentent sans doute à des symboles de l'écologie et doivent gêner les autruches.
Il y a quelques années, un journal régional avait rencontré des riverains de deux parcs éoliens dans le Tournaisis. La plupart étaient, avant l'installation des moulins à vent, farouchement opposés à leur installation. Après quelques années de fonctionnement, la majorité s'y étaient habitués et nombreux étaient ceux qui avouaient n'être aucunement dérangés. Dans un couple, l'un affirmait ne jamais les entendre quand l'autre disait que leur bruit incessant l'empêchait de dormir.
A Houyet, où l'association "Vents d'Houyet" a érigé ses propres éoliennes "citoyennes", un coopérateur reconnaissait entendre leur bruit de temps à autre, mais bien moins que la chaudière de son voisin ou les camions qui passent devant chez lui.
A Saint-Georges-sur-Arnon, dans le centre de la France, dix-neuf éoliennes tournent depuis 2009 (1). Leur implantation rapporte 140.000 euros par an à cette petite commune qui les a réinvestis dans un plan environnemental global. "Comment vivez-vous la proximité de ces éoliennes?", demande la journaliste à la plus proche habitante? Elle semble surprise par la question. "Très bien, dit-elle, que voulez-vous que je vous dise de plus?". Le maire, en fonction depuis vingt ans, envisage aujourd'hui onze éoliennes supplémentaires. Les recettes seront pour les habitants. Apparemment, personne ne s'en plaint. Au contraire. Pourquoi les anti-éoliennes brassent-ils tant de vent?

(1) France 3 Centre, Journal, 9 mars 2015, 19h.

lundi 9 mars 2015

La journée des petits bouts

La Journée internationale de la femme est l'occasion de quantité d'articles et de reportages sur la condition des femmes à travers le monde. L'occasion de découvrir les risques que prennent en circulant sur les routes les cyclistes afghanes, victime d'insultes et de tentatives de les renverser. De voir des hommes afghans s'habiller en burqa pour dénoncer cet asservissement dont sont victimes les femmes. De se rappeler, s'il le fallait, combien les religions sont affaires d'hommes et détestent les femmes. De constater qu'en matière de salaires, les disparités sont toujours scandaleuses: 36% de moins pour les femmes par rapport aux hommes aux Etats-Unis, 18% en France.
Dans Arte Reportage (1), on apprend qu'en Italie 70% des médecins font jouer la clause d'objection de conscience pour refuser de pratiquer les avortements. Si une femme ne parvient pas à trouver un médecin qui s'en charge - ce qui devient fatalement très difficile, c'est que finalement elle avait sans doute envie de garder l'enfant, estime un médecin catholique. Toujours dans Arte Reportage, on découvre avec effarement la condition des femmes japonaises. Il est de bon ton qu'elles quittent leur emploi dès qu'elles sont mariées. Et sont en tout cas vivement pressées de démissionner dès qu'elles sont enceintes. Leur état de grossesse ne donnerait pas une image "saine" de l'entreprise". Une femme mariée a sa place à la maison, nulle part ailleurs. Et celles qui parviennent malgré tout à travailler tout en ayant des enfants mènent une course permanente contre la montre, dans ce pays qui a sacralisé le travail bien plus que la vie et où les travailleurs ne peuvent quitter l'entreprise en fin de journée qu'après que leur supérieur soit parti. Heureusement, il y a des exemples de réussite professionnelle remarquable, telle cette ingénieure tanzanienne, pilote de ligne et cheffe d'entreprise. La journaliste d'Arte Reportage nous propose le portrait de ce "petit bout de femme". Et là, on se dit qu'il en faudra encore beaucoup des Journées internationales de la femme avant qu'on ne les présente plus comme "des petits bouts".

Lisez Causette, "plus féminine du cerveau que du capiton", un mensuel intelligent, militant et plein d'humour (oui, c'est possible).

(1) 8 mars 2015, 20h (à revoir sur Arte+7).




mercredi 4 mars 2015

La honte russe

C'est le pays d'Ubu Roi et il n'a rien de drôle. On ne voit personne sourire dans cette république russe qui vit sous la botte de Ramzan Kadyrov, président aux allures de rustre brutal, mis en place et soutenu par Vladimir Poutine. "Tchétchénie, une guerre sans traces", le (courageux) documentaire de Manon Loizeau (1), nous montre un pays qui semble revenu aux pires périodes du stalinisme, un Etat policier dont les habitants vivent constamment dans la peur, susceptibles à tout moment d'être arrêtés, torturés, tués, de disparaître sans laisser de traces.
Les deux guerres que l'armée russe a menées pour empêcher l'indépendance de la Tchétchénie ont coûté à ce petit pays 150.000 morts, soit un quart à un cinquième de sa population. Aujourd'hui, la guerre est finie et Grozny, la capitale, a été reconstruite, grâce aux "millions donnés par le Kremlin, ainsi qu'une aide des Emirats arabes unis", explique Manon Loizeau (2). Elle a tout d'une ville ultra moderne, avec ses tours géantes (quasi vides tant les locations des appartements sont chères (3), sauf pour... Gérard Depardieu), ses galeries commerciales et ses fontaines de lumières. Kadyrov se fait appeler "le plus grand constructeur du monde". "Destructeur d'humanité" serait plus pertinent: ici, la charia et les caprices de ce dictateur mafieux ont force de loi et ont réussi à mater un peuple longtemps connu comme insoumis. Les femmes sont obligées de se voiler, tout le monde de longer les murs et de faire profil bas. Chacun est soupçonné d'être terroriste, ce qui permet au pouvoir d'enlever ou d'assassiner qui il veut, de manière aveugle. "C'est la terreur au nom de la lutte anti-terrorisme", affirme un témoin. "On vit dans la terreur, la paix est une illusion, on n'a plus d'espoir, on s'attend toujours au pire", se désole une femme. Elle a été battue par la police, vit avec sa vieille mère que la terreur a paralysée, au sens propre.
La population est obligée de célébrer dans la rue les anniversaires de Vladimir Poutine et de Ramzan Kadyrov, présentés comme de merveilleux artisans de la paix. C'est "Tintin au pays des Soviets". Tout sonne faux, les rassemblements, les discours, les applaudissements. Même les enfants ont le visage grave, le regard désespéré. "C'est une sorte de Corée du Nord sur le territoire de la Fédération de Russie", déclare un homme. "La Constitution n'existe pas face à la parole de Kadyrov", explique un militant du Comité contre la torture, ONG dont les locaux ont été incendiés la veille de Noël par des hommes du dictateur.

Des femmes réclament des informations sur leurs maris, leurs fils, leurs frères disparus, certains depuis 1995. Contrairement aux mères argentines, qu'elles ont pour modèles, elles ne peuvent manifester sans mettre leur propre vie en danger. 18.000 personnes auraient disparu, enlevées ou arrêtées. "La Russie sait où ils sont, nous pas", disent des femmes qui affirment vivre comme "des zombies". Il y a eu des exécutions en masse, "comme sous Staline", dit une femme. "Personne ne viendra nous aider", déplore une autre femme dont deux filles ont été arrêtées, sans raison apparente. "Les riches s'amusent et les pauvres pleurent, ajoute son mari. Comment ce système peut-il exister? C'est une bande!"

C'est le règne de l'impunité, de la négation du passé et de la réécriture de l'Histoire, explique la journaliste Manon Loizeau. L'histoire de la Tchétchénie a commencé avec Kadyrov et l'arrivée au pouvoir de Poutine. Il n'y a pas d'avant. Le régime interdit d'évoquer les disparus, les morts, les guerres, la mémoire de toute identité tchétchène passée, de célébrer la déportation du peuple tchétchène par Staline. Du passé, faisons table rase. Il n'a pas existé. Seuls existent les régimes de Poutine et de Kadyrov qui "mériterait le Prix Nobel de la Paix", affirme - évidemment sans rire - un de ses sbires.
Quelques intellectuels résistent et se réunissent pour commémorer la déportation tchétchène. L'organisateur de cette réunion, Rouslan Koutaiev, est aussitôt arrêté, accusé de possession d'héroïne. Il sera tabassé par le bras droit de Kadyrov et le vice-ministre de l'Intérieur. Les membres de ce gouvernement savent donner de leur personne. Koutaiev sera torturé, ses proches menacés. "Ici, si tu veux vivre, dit sa femme, il faut garder le silence. Si tu ouvres un tout petit peu la bouche, tu vas en prison. La Tchétchénie est devenue une prison pour la plupart des gens." Rouslan Koutaiev a été condamné en juillet 2014, à l'issue d'un simulacre de procès, à quatre ans de prison et un an d'assignation à résidence. En Tchétchénie, on n'a pas le droit non seulement de critiquer le présent, mais aussi de réveiller le passé. D'ailleurs, même les tombes des personnes tuées durant les deux guerres ont disparu.
"J'ai compris qu'en Russie l'homme n'est rien, dit un Tchétchène qui cherche à fuir. Quand le peuple russe va-t-il se lever?"

Malgré ses allures de capitale du XXIe siècle, Grozny a tout d'une ville morte, d'une ville qui n'a plus aucune âme, dans laquelle marchent des zombies. Mais qui se soucie de Grozny et de la Tchétchénie? "Pendant des décennies, le monde occidental s'est proclamé défenseur des droits de l'homme, et subitement, dès la fin du XXe siècle, ce même Occident a adopté un double standard: il existe des droits de l'homme canoniques et inaliénables pour une utilisation interne, occidentale, et d'autres droits de l'homme plus souples, voire inexistants, pour les ex-Soviétiques, y compris les Tchétchènes qui souffrent d'un pesant arbitraire militaire." C'est Anna Politkovskaïa qui s'exprimait ainsi en 2003 (4), trois ans avant d'être assassinée pour avoir trop dénoncé la violence de Poutine (dont "le mythe de son intelligence satanique n'est qu'une campagne de publicité à destination de l'Occident"), des forces armées russes et des milices mafieuses tchétchènes.
La Tchétchénie est visiblement pour Poutine un terrain de démonstration de son pouvoir brutal.

(1) diffusé sur Arte ce 3 mars 2015. Visible sur Arte+7.
(2) Télérama, 25 février 2015.
(3) plus de 40% de la population sont au chômage, mais les privilégiés du régime vivent très bien...
(4) "Tchétchénie, le déshonneur russe", Folio documents n° 24.

Post-scriptum: Ce même Poutine - qui mène aujourd'hui la guerre en Ukraine - sert de modèle au Front national français. On comprend pourquoi. Et c'est lui et le brutal Kadyrov qui sont les nouveaux amis d'un Gérard Depardieu qui a perdu tout sens des valeurs (lire sur ce blog "Réfugié pathétique", 15 décembre 2012).

mardi 3 mars 2015

Les usines de l'agriculture

Ils sont nombreux aujourd'hui en France les projets agro-industriels qu'on croyait appartenir à une autre époque. La Confédération paysanne dénonce ces projets qui vont à l'encontre de la diversification des productions, à l'encontre de la qualité de l'environnement, à l'encontre des producteurs. Il ne s'agit plus de fermes, mais d'usines à légumes ou à viande (1). Sachant que l'agriculture produit 18% des gaz à effet de serre, on est tenté de se dire qu'il faut d'urgence changer de mode de production. Mais non, les pesticides sont indispensables aux productions, argumentent les tenants de l'agro-industrie, et, si on en utilise plus en France qu'ailleurs, c'est tout simplement qu'on produit plus. Le bio, c'est très bien, disent-ils, mais il faut de tout pour faire un monde. Et surtout pour le défaire. Il y a la trop connue "ferme des 1.000 vaches" dans la Somme, mais aussi une ferme-usine de 4.500 porcs dans le Pas de Calais, un centre d'engraissement de 2.000 taurillons dans l'Aube, une usine de production de tomates hors-sol dans des serres chauffées sur 25 hectares dans la Manche, un élevage de 125.000 poulets dans le Vaucluse ou encore un élevage hors-sol de 3.000 brebis laitières en Pyrénées occidentales. Au total, la Confédération paysanne a recensé 26 projets ou réalisations d'usines de fabrication d'animaux ou de légumes dans tous les coins de France (2). "Le gouvernement fait le choix d'une agriculture de production sans producteurs, à quoi s'ajoute un déni des préoccupations environnementales et climatiques", estime la Confédération.
Mais qu'on se rassure: l'avenir s'annonce rose, ou en tout cas vert: le président Hollande est devenu un écologiste convaincu. Sa récente visite aux Philippines témoigne de son souci du climat et de l'environnement. On en rira bientôt de tous ces projets néo-libéraux d'une autre époque. Aux oubliettes les usines de l'agriculture; abandonné le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes; terminé le projet de "Pôle des sports mécaniques du Centre" (3): il fera place à une piste de cuistax.
Résumons-nous: on peut rêver. Mais on n'a plus beaucoup de temps.

Pétition à signer sur http://fermes-usines.agirpourlenvironnement.org/

(1) France Inter, Journal de 13h, 20 février 2015.
(2)www.confederationpaysanne.fr/actu.phpid=3347&PHPSESSID=j3fqu29oi4tif0doamkrjssu47
(3) voir http://tourneix-adest.org et sur ce blog: "Tant d'émotions si naturelles", 27 octobre 2014.