lundi 30 mars 2020

Chut !

Dans dix ans, nous disait-on récemment (1), le silence de la nature aura disparu de la Terre. Il est aujourd'hui impossible, sur la majeure partie de la surface terrestre, de ne pas entendre un seul bruit causé par les activités humaines pendant un quart d'heure. Quinze minutes sans bruit non naturel, voilà la définition du silence. Voitures, camions, motos et bus, trains, engins agricoles, avions, tronçonneuses, tondeuses, ponçeuses, foreuses, tirs de chasse laissent peu de place au silence. Plus aucun lieu en France n'est à l'abri du bruit. Ce qui met en danger de nombreuses espèces animales qui ont besoin de calme.
Et voilà qu'un petit virus impose le silence. Dans nos campagnes que certains qualifient de reculées et déjà calmes habituellement, voilà que plus un avion ne nous survole, plus une voiture ne passe pendant plus d'une demi-heure. Quasiment aucune le dimanche après-midi ni la nuit.
La faune en profite pour prendre ses aises. Même en ville. On a vu des sangliers cavaler en plein centre de Barcelone, un puma se promener dans un quartier résidentiel du Chili, une famille de canards en balade le long du périphérique parisien, protégée par la police. Les plages de Lima, interdites aux humains, sont occupées par des milliers d'oiseaux, tant sédentaires que migrateurs.
"Le silence n'est pas l'absence de quelque chose, mais la présence de tout." Il suffit de savoir l'écouter.

(1) Arte, "28 minutes", 25.11.2019.
(2) France 2, Journal, 29.3.2020, 20h.

dimanche 29 mars 2020

Comme un virus

Ce coronavirus est un don du ciel pour les complotistes. Ils se frottent les mains. 
ON NOUS CACHE TOUT, ON NOUS DIT RIEN!!!
S'ils s'expriment par vidéo, ils le disent en criant. Par écrit, avec des majuscules et d'innombrables points d'exclamation. Ils se positionnent comme l'extrême droite: à la fois en victimes et en (clair)voyants. Nos discours, nos analyses font peur au système, nous sommes les seuls à voir clair, on essaie de nous faire taire. Heureusement, nous sommes là pour dire la vérité et vous êtes là pour nous soutenir.
Sur Internet se répandent comme un virus ces vidéos de prédicateurs qui s'adressent à des croyants. A celles et ceux qui ont envie de croire qu'ils ne seront pas manipulés, ceux qui ont tout compris. Celles et ceux qui ne font confiance ni à l'intelligence (et en premier lieu à la leur), ni à la science.
Les prédicateurs ont eu la révélation, mais ils sont censurés, clament-ils haut et fort à leurs fidèles indignés.
Pourquoi ce besoin d'aller chercher les explications ou les solutions les plus irrationnelles? Comment tant de gens se montrent-ils si fiers de ne pas se laisser gruger tout en faisant la preuve de leur extrême naïveté?
Il y a ceux qui trouvent avec ce coronavirus une occasion de plus d'exprimer leur antisémitisme maladif. Ceux qui sont convaincus que nous sommes tous les victimes du grand complot pharmaceutique. Ceux qui ont une opinion tellement haute d'eux-mêmes qu'ils jurent que le confinement a été décrété pour les empêcher de manifester. Ils sont ainsi les victimes d'un immense complot mondial qui vise à les faire taire. 
Et puis il y a ceux qui depuis tant d'années ont une explication aux traînées blanches que laissent derrière eux les avions: ils sont le signe visible d'un projet d'empoisonnement de l'humanité.  La situation actuelle démontre, affirment-ils, qu'ils avaient raison: on ne voit plus de traînées blanches puisque le poison s'est répandu sur terre.
On ne connaît pas encore tous les symptômes du coronavirus, mais, visiblement, il empoisonne de nombreux esprits et transforme en yaourt la matière grise de certains.

A lire:
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/28/comment-didier-raoult-est-devenu-la-nouvelle-egerie-des-complotistes_6034761_4408996.html
Post-scriptum: et celui-ci aussi:
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/03/31/l-etrange-obsession-d-un-quart-des-francais-pour-la-these-du-virus-cree-en-laboratoire_6035093_4355770.html

vendredi 27 mars 2020

Tout un monde

Les moments de crise, souvent, témoignent de la diversité humaine.
Il y a en cette période tous ces gestes de solidarité. Il y a ces applaudissements chaque soir en soutien aux soignants. Mais aussi ces restaurateurs au chômage forcé qui fournissent gratuitement des plats au personnel soignant, des garagistes qui mettent des véhicules à disposition des mêmes soignants qui seraient en manque de voiture, des prêts gratuits de logements à celles et ceux d'entre eux  qui voudraient se rapprocher de leur lieu de travail. On voit des hôteliers accueillir des sans-abri, des personnes âgées refuser du matériel de protection, préférant qu'il soit mis à disposition des soignants ou de personnes plus jeunes, des bénévoles faire les courses pour des gens âgés, isolés ou incapables de se déplacer, des échanges de coups de main, de services, des encouragements en musique. On a vu aussi ces fleuristes de Montoire-sur-le-Loir qui, plutôt que de jeter toutes les giroflées qu'ils ne peuvent vendre, ont été fleurir toutes les tombes de trois cimetières autour de chez eux.
Et puis il y a ces rapaces humains qui se font passer pour des gendarmes en civil, contrôlent des véhicules et établissent des PV en empochant l'argent d'une prétendue sanction. Et ceux qui  pénètrent chez des personnes âgées sous le prétexte de vérifier qu'elles vont bien et les volent.
Il y a ceux qui fabriquent de faux masques, de faux gels hydroalcooliques et des médicaments de contrefaçon et ceux qui les vendent (1). Le cornavirus dégage une odeur d'argent.
On a entendu aussi sur la Côte d'Azur (2) des infirmières et des médecins à qui certains de leurs voisins demandent d'aller vivre ailleurs parce qu'ils pourraient diffuser le virus via les poignées de portes de l'immeuble ou les boutons de l'ascenseur. Ceux qui ont trouvé un papier sur leur pare-brise leur demandant d'aller se garer ailleurs pour ne pas risquer de polluer les véhicules proches. Et ce médecin  à qui des voisins, de manière toujours courageusement anonyme, ont demandé de fermer  son cabinet le temps de la crise pour éviter des malades dans leur quartier. Mais quel médecin nous délivrera du virus de l'égoïsme, de la cupidité et de la stupidité? L'abjection se soigne-t-elle?

(1) https://www.lesoir.be/290434/article/2020-03-27/coronavirus-europol-prevoit-une-augmentation-rapide-des-cas-de-fraude
(2) France 3, Journal de 19h30, 26.3.2020.

mercredi 25 mars 2020

Les temps sains

Nous aimerions passer des temps assassins aux temps assainis. Plus et mieux qu'assainis: renouvelés. Nous voulons des temps nouveaux.

L'écrivain voyageur Sylvain Tesson constate (1) que nous sommes passés, en quelques jours à peine, de cette période où "tout doit fluctuer, se mêler sans répit, sans entraves, donc sans frontières" à ce moment de confinement que nous vivons. "L'ultra-mondialisation cyber-mercantile sera considérée par les historiens futurs comme un épisode éphémère", pense-t-il. On veut le croire avec lui. Il voit dans la chute du mur de Berlin, et la fin de l'Histoire prophétisée alors par certains, le début du règne du matérialisme global dont le dogme principal est le mouvement. "Circuler est bon. Demeurer est mal. Plus rien ne doit se prétendre de quelque part puisque tout peut être de partout. Qui s'opposera intellectuellement à la religion du flux est un chien." 
Puis arrive brutalement ce grain de sable nommé virus qui profite de ce monde où tout circule - touristes, conteneurs, informations, affaires, messages - pour se répandre. "Il est comme le tweet: toxique et rapide. La mondialisation devait être heureuse. Elle est une dame aux camélias: infectée." Et le mouvement s'arrête d'un coup ou presque. Nous voilà forcés de nous tenir éloignés des autres, si nombreux, avec qui nous vivions quotidiennement et de nous enfermer dans nos logements. " La mondialisation aura été le mouvement d'organisation planétaire menant en trois décennies des confins au confinement. Du No Borders au Restez chez vous. Il est probable que la globalisation absolue n'était pas une bonne option. L'évènement majeur de cette crise de la quarantaine sera la manière dont les hommes reconsidèreront l'option choisie, une fois calmé le pangolingate."

On se réjouit, bien sûr, de voir les taux de pollution s'effondrer. Les Chinois, nous dit-on, avaient oublié à quoi ressemble le ciel bleu. Ils l'ont retrouvé. Les habitants de Lima montent chaque matin sur leurs toits pour voir au loin la Cordillère des Andes, depuis si longtemps effacée par une brume si peu naturelle. L'eau de la lagune de Venise est redevenue transparente, les poissons et les cygnes s'y baignent à nouveau.
Les échanges, les coups de main, la solidarité, la bienveillance entre voisins, les achats de produits de proximité sont aussi nombreux que les messages d'humour qui aident à surmonter l'angoisse et la solitude.
François Gemenne, chercheur et membre du GIEC, estime (2) qu'à certains égards et en déplorant évidemment les milliers de morts et les souffrances qu'il aura engendrés, le bilan du Covid 19 pourrait être positif. En Chine, il aura épargné davantage de vies qu'il n'aura tué, grâce à la diminution de la pollution. Un million cent mille personnes y meurent chaque année de maladies développées par une pollution que le coronavirus a enfin rendue contrôlable.
Les effets du ralentissement de la production industrielle et de tous les types de trafic resteront éphémères et la pollution risque, pense François Gemenne, de repartir à la hausse une fois cette crise passée. Les plans de relance de certains pays vont dans ce sens. Ce sont des mesures structurelles fortes et pérennes qui doivent être prises pour lutter contre le réchauffement climatique. "Beaucoup de forces souhaiteront relancer la machine comme avant." A quoi consacrera-t-on les paquets de milliards d'euros ou de dollars que les Etats annoncent? A relancer les énergies fossiles ou à se diriger vers une économie post-carbone? Les conséquences sur notre santé du réchauffement climatique nous semblent lointaines, alors que l'impact du coronavirus sur nos vies est immédiat. Nous acceptons des mesures drastiques, totalement inenvisageables hier encore, pour préserver celles-ci. Serons-nous capables d'en accepter d'autres, proposées depuis quarante ans,  pour nous sauver, nous, les générations qui suivent et la Terre?

Les populistes ne les envisagent pas une seule seconde. Ils montrent, à ceux qui ne l'avaient pas encore compris, leur vrai visage. Le peuple? Il n'en ont pas le moindre souci. C'est moi, moi, moi. Ils témoignent, un peu plus encore, de leur bêtise, de leur haine des sciences, de leur égocentrisme. Un seul objectif: être réélu. Et pour cela, faire tourner l'économie à toute vapeur. Même si cette vapeur tue.
Les vrais attardés mentaux, ce sont eux, eux à qui échappe totalement l'évolution des opinions, des pratiques, du monde même. Ils pensent être à la tête du monde, ils n'en sont qu'à la traîne. Même s'ils ont encore aujourd'hui le pouvoir. Quoi qu'ils pensent d'eux-mêmes, ils resteront dans l'Histoire comme des freins néfastes à l'évolution de l'humanité.
Ubu Trump, l'homme qui a tout compris mieux que quiconque, n'a jamais pris le coronavirus au sérieux: il présente "un risque très faible pour les Américains", déclarait-il en conférence de presse il y a un mois (le 26 février). Il ne voyait derrière ce virus qu'un coup des Démocrates pour le faire perdre. Et puis, lui qui a mis en pièces l'Obamacare, lui qui a toujours été critique vis-à-vis des vaccins responsables de l'autisme (sic), intime maintenant aux chercheurs l'ordre de faire vite, de trouver de toute urgence un vaccin. "Faites-moi une faveur, accélérez, accélérez!", les implore-t-il à genoux. C'est que l'élection de novembre approche à grand pas alors que les bourses dévissent et que l'économie trinque.
Le plus grand pays de la planète ne peut quand même pas s'arrêter de tourner, affirme, péremptoire, son président (3). Il veut absolument faire ses Pâques et a décidé que les Etats-Unis devraient reprendre une activité normale ce jour-là. Les églises seront pleines, annonce le président prophète. Ce serait génial!, dit-il. On a les rêves qu'on peut.
Son collègue brésilien Bolsonaro ne va pas mieux que lui: il serre des mains, se moque de ce virus qu'il appelle grippette, refuse le confinement, avant tout préoccupé par la poursuite de la déforestation de l'Amazonie, signe de bonne santé de l'économie.

Plus que jamais, par les temps et les virus qui courent, nous avons besoin des Etats et d'hommes  et de femmes d'Etat. Trump et Bolsonaro (tout comme la fille à papa Le Pen, Salvini, Orban et consorts) ne sont pas des hommes d'Etat. Juste des egos boursouflés. Des gens assoiffés d'eux-mêmes. Avez-vous remarqué? Ceux qui hier encore plaidaient pour "moins d'Etat" se taisent aujourd'hui. 
"Se rend-on compte de notre chance?, demande Sylvain Tesson (1). Pendant quinze jours, l'Etat assure l'intendance de notre retraite forcée. Il y a un an, une part du pays voulait abattre l'Etat. Soudain, prise de conscience: il est plus agréable de subir une crise en France que dans la Courlande orientale. L'Etat se révèle une providence qui n'exige pas de dévotions. On peut lui cracher dessus, il se portera à votre secours. C'est l'héritage chrétien de la République laïque. (...) Subitement, on a moins envie d'aller brûler les ronds-points, non?".
La majorité des Etats (avec parfois des stratégies différentes et donc discutables) jouent leur rôle de protection de leurs populations. A eux demain de s'engager, au sens premier du terme, dans  des politiques durables de santé publique (notamment en redonnant des moyens aux hôpitaux publics), de justice sociale et d'écologie (en prenant des décisions radicales).

Les temps sains seront ceux des citoyens sereins. Pour cela, à ceux-ci aussi de s'engager. Cette crise devra nous avoir donné des habitudes que nous n'abandonnerons pas, de solidarité, d'économie d'énergie, d'achats responsables, de déplacements non polluants. Pas simple à mettre en œuvre. Mais indispensable. A moins que parmi les effets du coronavirus il n'y ait aussi celui du suicide collectif. Mais cela, c'est à nous de choisir de le subir ou non. 

(1) https://www.lefigaro.fr/vox/societe/sylvain-tesson-que-ferons-nous-de-cette-epreuve-20200319
(2) Emission "28 minutes", Arte, 23.3.2020.
(3) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/25/coronavirus-le-souhait-de-trump-de-lever-les-mesures-de-protection-pour-paques-se-heurte-aux-autorites-locales_6034321_3210.html


lundi 23 mars 2020

Des fenêtres à ouvrir

Ces temps enfermés laissent à beaucoup le temps de lire, d'explorer, de découvrir.
Voici le moment de vous proposer quelques blogs à suivre, qui apportent - chacun dans son style - d'intéressantes réflexions socio-politiques.

Routes et déroutes est celui de Bernard De Backer, sociologue bruxellois, grand voyageur et grand lecteur. Sur son blog, il partage tant ses notes de lecture que ses réflexions et analyses menées à partir de ses rencontres et découvertes à travers la planète. Il "ne peut envisager son métier sans une immersion dans la diversité du monde - humain, humanisé et naturel". Etre sociologue, c'est pour lui "faire du terrain". Ce terrain, il le partage avec ses lecteurs via des analyses fines, nuancées et très documentées. Ses centres d'intérêt vont "de la psychanalyse à la géopolitique, en passant par la sociologie des religions". 
https://geoculture.blog

Blogs&Crocs est le blog de Philippe Dutilleul, ancien journaliste de la RTBF, réalisateur à Strip Tease  et à Tout ça ne nous rendra pas le Congo et initiateur et auteur de Bye Bye Belgium. Il suit d'un œil navré l'évolution de la Belgique qu'il a quittée pour s'installer en France. Préoccupé par le sort inquiétant de la planète, par la difficulté à exister de l'Union européenne ou par les dérives du journalisme, il avait provisoirement abandonné ce blog que la propagation du coronavirus l'a poussé  à rouvrir.
http://blogandcrocs.blogspot.com

Mon frère Pierre, qui se présente comme toubib d'entreprise, publie beaucoup plus sur Facebook que sur son blog. Mais, de loin en loin, il y lance des appels, y partage des réflexions et des indignations, y rend hommage à des proches. 
https://www.pierreguilbert.be/mon-blog/

Le professeur Ponchau s'intéresse essentiellement à la politique belge et au sort de notre bonne vieille planète. Il manie l'ironie comme d'autres le lasso. Elle fouette. Il a un style bien à lui. Il peut être d'une humeur massacrante (c'est le cas de le dire), tout en parvenant à nous faire rire.
https://profponchau.blogspot.com

Et comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, je signale mon second blog, Aux Petits Plaisirs. Depuis hier et jusqu'à la fin de la période du confinement, j'y publie chaque jour une photo de nature prise le jour-même dans le jardin.
https://michelguilbert.blogspot.fr

jeudi 19 mars 2020

Nouveau monde

Ici à la campagne, les voitures ont quasiment disparu. Comme le passage des avions là-haut. Le silence a pris plus d'épaisseur encore. La vie confinée au grand air nous amène à penser que c'est le moment. Le moment de préparer le changement. De mettre ce vieux monde cul par-dessus tête.
Nous ne voulons plus de ces bagnoles partout, de cette vitesse qui nous empêche de penser. Nous ne voulons plus de ce bruit, de cette pollution, de ces pesticides et de ces déchets que nous vomissons quotidiennement. Nous ne voulons plus de ces navires de croisière arrogants, de ces avions qui volent pour deux sous. Nous ne voulons plus de la suffisance des puissants, de ces inégalités sociales, de ce mépris pour les autres. Nous ne voulons plus de ces villes qui étouffent. De ce gaspillage monstrueux, de ces marchandises qui voyagent en tous sens à travers la planète. De ces supermarchés qui nous poussent à consommer toujours plus, puis s'affolent parce que nous le faisons. De ces émissions de télé qui nous abrutissent.  De ces hyènes qui aboient et mordent sur Internet. Nous ne voulons plus participer à l'esclavage et à la guerre économique en achetant sur Amazon ou en consommant des fraises espagnoles. Nous ne voulons plus de malbouffe, ni de gadgets, pas même de trottinettes électriques. Nous ne voulons plus des discours populistes et nationalistes et des murs qu'ils construisent. Nous ne voulons plus de la folie et du cynisme de ce monde qui nous possède.
Nous voulons un monde apaisé, assaini, plus convivial, plus solidaire, plus respectueux, plus égalitaire. Nous voulons voir les campagne se repeupler. Nous voulons que revivent toutes ces vieilles bâtisses abandonnées, vendues pour le prix de trois ou quatre billets de croisière en Méditerranée. Nous voulons planter des arbres, redonner du sens à nos vies dont nous touchons du doigt la fragilité.
Nous voulons voir les étoiles, écouter les rossignols et les grenouilles, marcher dans les chemins de traverse, lire, écrire, dessiner, jouer au cerf-volant et de la musique, souffler, regarder. Et rire aussi. Nous voulons échanger, nous parler, nous entraider. Pouvoir nous embrasser sans craindre le baiser de la mort.
Nous voulons, comme le dit Edgard Morin, détoxifier notre mode vie. Nous voulons être passeurs de rêves, pas de virus (1).  Etre lents comme des arbres. Moins mesquins qu'aujourd'hui et sûrement plus beaux. Plus grands peut-être. En tout cas moins courbés.
Nous voulons redevenir des femmes et des hommes sensibles au vent, pas à la publicité, attentifs aux autres, pas aux buzz. Nous voulons sortir de l'invective et de la dépendance, nous retrouver, redevenir autonomes. Intelligents enfin. Responsables et conscients. Humains.

Tu pourras dire plus tard
J'aurai connu la fin d'un monde
En attendant plus tard
Occupe-toi des prochaines secondes
Dominique A, "La fin d'un monde"

Texte d'Arièle Butaux, publié sur Facebook:
"Je vous écris d’une ville coupée du monde. Nous vivons ici dans une parfaite solitude qui n’est pas le vide. Nous prêtons chaque jour un peu moins attention à ce que nous ne pouvons plus faire car Venise, en ces jours singuliers, nous ramène à l’essentiel. La nature a repris le dessus. L’eau des canaux est redevenue claire et poissonneuse. Des milliers d’oiseaux  se sont installés en ville et le ciel, limpide, n’est plus éraflé par le passage des avions. Dans les rues, à l’heure de la spesa, les vénitiens sont de nouveau chez eux, entre eux. Ils observent les distances, se parlent de loin mais il semble que se ressoude ces jours-ci une communauté bienveillante que l’on avait crue à jamais diluée dans le vacarme des déferlements touristiques. Le tourisme, beaucoup l’ont voulu, ont cru en vivre, ont tout misé sur lui jusqu’à ce que la manne se retourne contre eux, leur échappe pour passer entre des mains plus cupides et plus grandes, faisant de leur paradis un enfer. 
Venise, en ces jours singuliers, m’apparaît comme une métaphore de notre monde. Nous étions embarqués dans un train furieux que nous ne pouvions plus arrêter alors que nous étions si nombreux à crever de ne pouvoir en descendre!  A vouloir autre chose que toutes les merveilles qu’elle avait déjà à leur offrir, les hommes étaient en train de détruire Venise. A confondre l’essentiel et le futile, à ne plus savoir regarder la beauté du monde, l’humanité était en train de courir à sa perte. Je fais le pari que, lorsque nous pourrons de nouveau sortir de nos maisons, aucun vénitien ne souhaitera retrouver la Venise d’avant. Et j’espère de tout mon coeur que, lorsque le danger sera passé, nous serons nombreux sur cette Terre à refuser de réduire nos existences à des fuites en avant. Nous sommes ce soir des millions à ignorer quand nous retrouverons notre liberté de mouvement. Soyons des millions à prendre la liberté de rêver un autre monde. Nous avons devant nous des semaines, peut-être des mois pour réfléchir à ce qui compte vraiment, à ce qui nous rend heureux. 

La nuit tombe sur la Sérénissime. Le silence est absolu. Cela suffit pour l’instant à mon bonheur. Andrà tutto bene."

(1) https://www.passeursdereves.be/fr/

mercredi 18 mars 2020

Allez hop, tout le monde à la campagne! *

Voilà que la France profonde est à la mode. Le coronavirus y a envoyé nombre de citadins.
Il y a peu encore - c'était il y a deux mois - le jury du Goncourt n'a pas voulu se donner comme présidente Françoise Chandernagor parce qu'elle a le grand tort d'habiter en Creuse et d'être difficilement joignable. A-t-on idée d'habiter les campagnes perdues?
Tous ceux qui se moquaient hier encore de ces arriérés de Berrichons, de cette France profonde incarnée par la Creuse, de ces campagnes reculées et abandonnées de tous, de quoi ont-ils l'air confinés dans leur appartement parisien, bruxellois, lillois, lyonnais ou bordelais, se pressant les uns contre les autres dans les supermarchés de peur de mourir de faim plus que du coronavirus? Nombre d'entre eux se sont souvenus, avant d'être confinés dans leurs quelques mètres carrés, qu'ils ont des parents, proches ou lointains, à la campagne et sont partis dare-dare s'y réfugier.
A la campagne, on a de l'espace, de l'air, des potagers, des vergers, des congélateurs pleins des produits du jardin de l'an dernier, des confitures faites maison, des voisins maraîchers, des œufs de ses poules (1). Et on regarde effaré à la télé ces assauts de caddies aux portes des grands magasins. On se dit que quand sera finie la crise du coronavirus commencera celle de l'obésité. 

On songe aussi à ce que signifie ce verbe: se réfugier. Etre dans un refuge, un lieu, une maison, un village, un pays où on se sent protégé. Et on se dit que tous ceux qui se réfugient aujourd'hui dans la famille, chez des amis, un gîte loué en catastrophe, pourraient changer de regard sur les réfugiés, comme ils ont changé celui qu'ils portent sur la campagne.

Voilà donc le retour de la France profonde. Mais comment appelle-t-on l'autre France? La France légère? La France de surface? La France superficielle?

Post-scriptum: Un éleveur de Creuse, un peu goguenard: "On est envahi par les Parisiens. Brusquement, le chant du coq ou l'odeur du fumier, ça ne les dérange plus." (France 3, Journal Centre-Ouest, 19.3.2020, 18h50)

(1) A lire ce très bel article de Floris Bressy dans La Montagne:
 "Que la campagne de Creuse est belle"
https://www.lamontagne.fr/gueret-23000/actualites/confinement-qui-vient-que-la-campagne-de-creuse-est-belle_13766707/?fbclid=IwAR0Iy_H0YeO9kk6mxHJwrQ5K665VOFAPipBn_rsADwZOCBk0Cqr9mfoZVlQ

* Inénarrable chanson de Charlotte Julian en 1973. Une époque, un style...
  https://www.youtube.com/watch?v=IxGSJi0Mtac


lundi 16 mars 2020

Il court, il court, le virus

La crise actuelle est révélatrice de nos sociétés humaines.
Il y a la prétention de ceux qui en sont convaincus: le virus ne passera pas par eux, ils sont en pleine forme, jamais malades, rien ne peut leur arriver. Et ils se pressent sur les marchés, dans les parcs, dans les supermarchés, insouciants du rôle néfaste qu'ils jouent.
Il y a l'égoïsme de ceux qui se dépêchent de faire la fête tant qu'ils le peuvent. On "les" emmerde, disent-ils. Sans qu'on sache qui ils visent avec ce "les". Sans doute ne le savent-ils pas eux-mêmes.
Il y a la bêtise de ceux qui le clament haut et fort: on nous raconte des histoires, il n'y pas lieu de s'inquiéter pour ce qui n'est après tout qu'une mauvaise grippe. Et d'ailleurs ils ne connaissent personne qui soit malade de ce virus soi-disant si dangereux.
Il y a le désarroi de ceux qui seront privés de leur bistrot habituel. Tel ce Bruxellois perdu apprenant la fermeture des cafés: "Ça va être très embêtant pour tout le monde! Les gens, y vont aller où?" (1).
Il y a l'ignorance de tant de gens qui aujourd'hui encore avouent ne pas bien connaître et encore moins comprendre le problème, faute de s'informer à bonne source.
Il y a le profit à tirer d'une situation de peur en jouant sur la crédibilité de gogos prêts à tout pour se protéger. Tel ce télé-évangéliste américain qui appelle ceux qui le regardent à poser une main sur l'écran de télé où il apparaît, leur promettant en retour l'immunité et les appellant à lui verser de l'argent. Ou cet homme qui vend son dentifrice barrière au coronavirus. 
Et il y a aussi, heureusement, tous ceux qui ont compris la dramatique diffusion que peut connaître ce foutu virus et s'en protégent au maximum en suivant les consignes des spécialistes, de manière à protéger aussi les autres.
Le coronavirus nous amène aussi à ce constat: on ne savait pas qu'il y avait autant de scientifiques autour de nous. C'est fou le nombre de personnes qui savent mieux que les médecins ce qu'il faut faire, ne pas faire, qui nous conseillent des trucs qui garantissent la non diffusion du virus. Tout est bon pour se rassurer en envoyant des messages avec des conseils qui n'ont, de l'avis des scientifiques, aucun sens.

Et puis, il y a l'attente du sauveur. Le président, le chef du gouvernement doit tout régler, avoir tout prévu, même au cœur de l'imprévisible. Même si nous sommes dans une situation où chacun d'entre nous apprend à chaque instant. Du citoyen le plus lambda au président de la république.
Le virus court partout et vite. Très vite. Et chacun doit adapter son comportement tout aussi vite, se convaincre que la fin de la propagation viendra de l'attitude de chacun d'entre nous et non d'un sauveur de la nation ou d'un deus ex machina qui règlera le problème. A nous d'être juste assez intelligents (et assez humbles sur notre condition d'humains) pour accepter que toutes les décisions ne peuvent être prises en même temps  et qu'une décision prise un jour peut être modifiée quelques heures plus tard, au vu de l'évolution de la situation. Quand on est menacé par un incendie, on appelle les pompiers, on sort l'extincteur, on sauve qui et ce qu'on peut. On ne prend pas le temps de critiquer le maire qui ne nous a pas prévenus avant.
Nous n'en sortirons qu'avec le sens de la responsabilité, individuelle et collective. En cessant de croire en Dieu, au père Noël, à Superman.
Ou en Ubu Trump, plus roi de l'esbrouffe et du galimatias que jamais.
Témoins, ses tweets sur le coronavirus, en traduction littérale, reçus d'une amie américaine profondément désolée.

January 22: “We have it totally under control. It’s one person coming in from China. It’s going to be just fine.

De vraies citations de Trump.

Janvier 22 : " Nous l'avons totalement sous contrôle. C'est une personne qui vient de Chine. Ça va être très bien."

Février 2 : " Nous l'avons presque fermé en venant de Chine."

Février 24 : " Le Coronavirus est très sous contrôle aux États-Unis... Le marché boursier commence à me paraître très bien !"

Février 25 : " CDC et mon administration font un excellent travail de manutention de Coronavirus."

Février 25 : " Je pense que c'est un problème qui va s'en aller... Ils l'ont étudié. Ils savent beaucoup. En fait, nous sommes très proches d'un vaccin."

Février 26 : " Les 15 (cas aux États-Unis) d'ici quelques jours vont être à près de zéro."

Février 26 : " On descend très substantiellement, pas en haut."

Février 27 : " Un jour c'est comme un miracle, il disparaîtra."

Février 28 : " Nous commandons beaucoup de fournitures. Nous commandons beaucoup d'éléments que franchement nous ne commandons pas à moins que ce soit quelque chose comme ça. Mais nous commandons beaucoup d'éléments différents de médicaux."

Mars 2 : " Vous prenez un vaccin contre la grippe solide, vous ne pensez pas que cela pourrait avoir un impact, ou beaucoup d'impact, sur la corona ?"

Mars 2 : " Beaucoup de choses se passent, beaucoup de choses très excitantes se passent et elles se passent très rapidement."

Mars 4 : " Si nous avons des milliers ou des centaines de milliers de personnes qui s'améliorent, vous savez, assis et même aller travailler - certaines d'entre elles vont au travail, mais elles s'améliorent."

Mars 5 : " Je n'ai jamais dit que les gens qui se sentent malades devraient aller au travail."

Mars 5 : " Les États-Unis... a, à partir de maintenant, seulement 129 cas... et 11 morts. Nous travaillons très fort pour garder ces chiffres le plus bas possible !"

Mars 6 : " Je pense que nous faisons un très bon travail dans ce pays pour le garder en bas... un travail énorme pour le garder en bas."

Mars 6 : Quelqu'un en ce moment, et hier, tous ceux qui ont besoin d'un test fait un test. Ils sont là. Et les tests sont magnifiques.... les tests sont tous parfaits comme la lettre était parfaite. La transcription était parfaite. N'est-ce pas ? Ce n'était pas aussi parfait que ça mais pas mal."

Mars 6 : " J'aime ça. J'ai vraiment compris. Les gens sont surpris que je le comprenne... Chacun de ces médecins a dit : " Comment en savez-vous autant à ce sujet ? " Peut-être que j'ai une capacité naturelle. Peut-être que j'aurais dû faire ça au lieu de courir pour le président."

Mars 6 : " Je n'ai pas besoin d'avoir les numéros doubles à cause d'un navire qui n'était pas de notre faute."

Mars 7 : " Nous tiendrons d'énormes rassemblements... Je ne suis pas inquiet du tout."

Mars 8 : " Nous avons un plan parfaitement coordonné et affiné à la Maison Blanche pour notre attaque contre le coronavirus."

Mars 9 : " Cela a aveuglé le monde."


Plus qu'aveuglés, nous sommes éblouis.

(1) France Inter, Journal de 13h, 13.3.2020.

samedi 14 mars 2020

D'où vient l'expression "Con comme un gilet jaune"?

De là:
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/malgre-les-recommandations-du-gouvernement-des-gilets-jaunes-defilent-a-paris_2120896.html

De là toujours, on en arrive à se poser une question qu'on ne s'était jamais posée: et si les Gilets jaunes étaient des agents de l'étranger? Payés par Ubu Trump? On en est au même niveau de réflexion intellectuelle.

mercredi 11 mars 2020

De l'irresponsabilité des bravaches

Le monde est rempli de Superman et Superwoman. C'est ce que nous révèle la crise du coronavirus. Même pas peur, rien ne peut nous arriver, disent-ils, s'apprêtant à braver les interdictions de manifestations collectives. Ils et elles sont plus forts que tous les virus présents et à venir. Dommage qu'ils soient si jeunes. Ils auraient vaincu à l'époque la peste, le choléra et la lèpre. 

Il y a ceux qui n'y croient pas ou en tout cas qui veulent croire qu'ils ne doivent rien changer à leur mode de vie. Ceux-là ne lisent pas les avis et les mises en garde des spécialistes. Ils sont plus malins qu'eux.
Donald De Wever, burgemeester d'Antwerpen, avait, dans un premier temps, annoncé ne pas vouloir suivre l'avis du Gouvernement fédéral et interdire d'événements dans sa ville, l'économie ne pouvant souffrir de limitations (1). 
Des Milanais ont fui dès l'annonce, par le Gouvernement italien, du confinement d'une bonne partie du nord du pays. Ils sont partis en catastrophe se réfugier dans le sud. Qui sera sans doute bientôt contaminé par certains d'entre eux, irresponsables porteurs du virus. La plupart, plus sages, ont compris comment une pandémie se déclenche et restent, résignés, chez eux. Les autorités publiques ne pourront rien maîtriser si chaque citoyen ne prend pas ses responsabilités.
A Tournai, le bourgmestre  a pris une décision inévitable: annuler le carnaval qui devait avoir lieu du 20 au 22 mars.  Le virus se répand presque deux fois plus que la grippe saisonnière, de manière exponentielle. S'il reste le plus souvent sans effet grave, il a de fortes chances cependant d'être létal pour les personnes très âgées et/ou fragiles. Et chacun de nous est aujourd'hui un vecteur potentiel du virus, capable de le transmettre à autrui sans forcément en être affecté. En outre, les urgences hospitalières sont déjà débordées par le coronavirus. Inutile, estime le bourgmestre - qui est là dans son rôle - d'éviter de les encombrer davantage avec des personnes alcoolisées ou blessées suite à des bagarres. Mais des confréries proclament déjà, bravaches, qu'elles n'ont "même pas peur" et feront carnaval quand même (2). Leur plaisir a la priorité. Ou l'irresponsabilité érigée en drapeau.
Ce sont souvent les mêmes qui avouent s'informer peu. On s'amuse à nous faire peur, parviennnent-ils à dire, ignorants et insouciants. Ils n'ont pas peur. Ils font peur.

(1) https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/bart-de-wever-demande-le-declenchement-du-plan-catastrophe-5e68dbdf9978e201d8b554fd
(2) on notera qu'une responsable de l'asbl Carnaval de Tournai a lancé un appel intelligent et sensible au respect de cette interdiction.

dimanche 8 mars 2020

Maintenant

L'homme et la femme modernes n'avaient jamais vécu cela: une économie qui plonge, des avions qui restent au sol, des populations entières interdites de circuler, un taux de pollution qui baisse spectaculairement là où le fonctionnement des usines et la circulation automobile sont extrêmement réduits (1), tout un système qui tremble.
Les écologistes se mettent à rêver: et si était enfin arrivé le moment de changer de modèle de société?
Le coronavirus serait-il en train de réaliser ce à quoi plus personne n'osait croire?
La Chine, où est apparu le virus, est aujourd'hui une des plus grandes puissances économiques au monde. Beaucoup de firmes internationales y ont leurs plus grosses entreprises. "Les secteurs les plus touchés par les conséquences du coronavirus, explique Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste du Bureau d'informations et des prévisions économiques (2), sont la chimie, le secteur pharmaceutique et l'agroalimentaire." L'impact du virus sur les déplacements, les échanges et les production s'ajoute, explique-t-elle, à la crise du protectionnisme et à la transition écologique. Beaucoup d'entreprises, notamment du secteur pharmaceutique, se rendent compte aujourd'hui qu'elles doivent se relocaliser au plus près des consommateurs finaux.
Il y a quelques jours, le secteur aéronautique parlait de trente milliards de perte. On ne déplorera pas sa baisse d'activité, bénéfique à la planète. Le tourisme, lui aussi, encaisse le choc.
Il y a en ce moment moins de demandes pour les smartphones, les appareils électroménagers et les voitures. Mais, précise l'économiste, "beaucoup d'activités sont relocalisées dans d'autres pays de la région, comme le Bangladesh ou le Vietnam, beaucoup moins chers. On aura donc la possiblité d'avoir d'autres fournisseurs très rapidement."
N'empêche que l'économie pourrait devenir, et cette crise du coronavirus pourrait accélérer le mouvement, un peu plus verte. "Aujourd'hui, avec le réchauffement climatique, les coûts (de transport) réapparaissent. C'est donc un réflexe purement économique que les entreprises habillent avec du marketing en disant on relocalise à cause de l'environnement."
On va vers une grande révolution, estime Anne-Sophie Alsif: "avant, on voulait un grand marché pour produire énormément sans contrainte, là, on pense l'inverse. On va relocaliser sans entraver les échanges".

Certains analystes (3) pensent cependant qu'on pourrait revivre ce qu'on a vécu après la crise économique de 2008: un rebond des émissions de gaz à effet de serre à cause des mesures de relance de l'économie qui seront prises par les gouvernements.
Amy Myers Jaffe, du groupe américain de réflexion Counicil on foreign relations, estime qu'on ne pourra pas ne pas tenir compte des changements d'habitude prise dans la crise actuelle et des réductions d'émissions de CO2 qu'elles ont entraînées. En matière de transport à travers la planète, mais aussi de télétravail.
Li Shuo, de Greenpeace Chine, rappelle que "l'épidémie de coranovirus est en partie due au fait que nous avons perdu un équilibre sain entre l'humain et la nature". Il y a urgence à le rétablir. C'est maintenant. Ou jamais.

(1) https://www.lalibre.be/planete/sante/l-epidemie-de-coronavirus-n-a-pas-que-des-mauvais-cotes-la-preuve-avec-les-images-epoustouflantes-de-la-nasa-5e5bed81d8ad58685c4f0b4f?cx_testId=1&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=1#cxrecs_s
(2) https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-le-coronavirus-on-va-vers-une-grande-revolution-economique-promet-cette-chercheuse_fr_5e6121a8c5b69d641c0c2ee5?utm_hp_ref=fr-homepage
(3) https://www.lalibre.be/planete/sante/un-impact-positif-du-coronavirus-oui-mais-peut-etre-de-courte-duree-5e64a83cd8ad5835a1c8e045

jeudi 5 mars 2020

Vieux monde

Le nouveau monde est un vieux pays. L'élection  présidentielle américaine se jouera entre Trump d'un côté et Biden ou Sanders de l'autre. Respectivement 74, 78 et 79 ans au moment de l'élection en novembre. Les Etats-Unis sont devenus une affaire de vieux. C'est dans les vieilles casseroles qu'on fait les meilleures soupes, dit-on. Qu'arrive-t-il à ce pays pour qu'il ne fasse désormais confiance qu'à de vieux mâles blancs? Les Etats-Unis sont-ils devenus le pays de la gérontocratie, comme le fut l'Union soviétique? Ils ne sont en tout cas pas encore prêts à élire une femme.

Mais la France ne l'est pas plus. Les journaux régionaux présentent chaque jour, en cette période électorale, les listes pour les municipales du 15 mars. Si on feuillette, à titre d'exemple, la Nouvelle république - Indre d'hier, on constate que les têtes de liste se prénomment Ludovic, Michel, Jacky, Alain, Jean-François, Roland, Patrick, Hervé, Jacques, Alain, Daniel, Philippe, Pascal, Guy, Pascal, Christian. Claude laisse planer le doute sur son genre. Seules, une Danielle et une Coralie représentent les femmes têtes de liste du jour. Les Français ne semblent pas plus prêts que les Américains à faire confiance aux femmes.

Mais en quoi ou en qui ont-ils confiance, les Français? En pas grand-chose et pas grand-monde, répond Thomas Legrand qui commentait ce matin la récente enquête du CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (1). "Nous sommes méfiants, las et moroses", constate-t-il. Alors que les Allemands et les Britanniques se retrouvent dans les termes sérénité, bien-être et confiance, les Français s'identifient plutôt à méfiance, lassitude et morosité. "Que nous arrive-t-il?", se désole l'éditorialiste de France Inter
46% des Allemands et des Britanniques - soit près de la moitié - pensent que "on peut faire confiance à la plupart des gens". Les Français sont seulement 33% - un tiers - à partager cet avis.
Et 62% d'entre eux pensent que "la plupart des gens cherchent à tirer profit les uns des autres". 
"La défiance française n'est pas neuve, estime Thomas Legrand, elle ne cesse d'interroger, alors que nous sommes censés être le pays de l'art de vivre, avoir parmi les meilleurs services publics du monde, un système de solidarité et de redistribution généreux. C'est peut-être parce que ce système semble unique, fragile et menacé que se développe une angoisse particulière et nationale."
Mais Thomas Legrand nous invite à ne pas désespérer des Gaulois, constatant que les cent cinquante  participants à la Conférence citoyenne sur le climat étaient au départ, "presque par réflexe, méfiants, cyniques, sceptiques" et "s'avèrent, en réalité, investis, généreux, positifs". Restera au gouvernement  au terme de cette expérience, à faire appliquer les propositions des citoyens. Au risque, sinon, de briser définitivement toute confiance. Même dans les mâles blancs, jeunes ou vieux.

mardi 3 mars 2020

Yasmine va à l'école

Pendant que le milieu du cinéma français s'étripe sur le cas Polanski devenu le symbole de la violence faite aux femmes (1) et que chacun est tenu de choisir son camp, une information est passée quasiment inaperçue: le gouvernement américain a signé un accord dit de paix avec les talibans. L'armée américaine va quitter, d'ici quatorze mois, l'Afghanistan, laissant le champ libre aux islamistes qui pourront à nouveau y imposer leur régime de terreur. Comme ce fut le cas entre 1996 et 2001. Les femmes afghanes seront les premières à subir cette violence, obligées de cacher leur corps impur sous une burqa, les filles interdites d'école, forcées au mariage. L'accord en question se résume en fait à un engagement des talibans de ne pas s'en prendre à l'armée américaine. Ils devaient aussi entamer des négociations avec le gouvernement afghan, mais ce point de l'accord est déjà remis en question par les talibans (2) qui annoncent que leurs opérations continueront contre le gouvernement de Kaboul. Avec un objectif: installer leur pouvoir dans tout le pays.
Le Figaro (3) a rencontré Yasmine, lycéenne dans un village de l'est de l'Afghanistan, menacé par le retour prochain des talibans. D'ici quelques mois, Yasmine et ses copines risquent de devoir abandonner leur projet d'avoir un métier. Quelle est donc cette paix qui ôte tout avenir aux femmes? 

(1) Ma solution: pour mettre fin à ces polémiques, supprimons définitivement toutes ces remises de prix (César, Oscar, Victoire et Cie) qui n'ont ni sens, ni intérêt. Qui peut décréter qui est le meilleur en ceci ou cela? Et, en attendant, que celles et ceux qui ne veulent pas cautionner la remise d'un prix à une personne qu'ils en jugent indignes n'aillent pas y parader en smoking ou robe du soir.
(2) https://www.liberation.fr/planete/2020/03/02/afghanistan-le-processus-de-paix-deja-en-danger_1780297