jeudi 25 mars 2010

L'appel des carpettes

Les bourgmestres d'Antoing, de Brunehaut et de Péruwelz viennent de lancer - avec l'aide d'IDETA - un appel pressant au ministre wallon de l'aménagement du territoire pour qu'il accepte la modification du plan de secteur pour ce qu'il est convenu d'appeler le projet de "centre de glisse" de Maubray. Le bourgmestre de Péruwelz, à la mémoire visiblement défaillante, semble avoir oublié que son conseil communal s'est prononcé contre ce projet. Son collègue de Brunehaut semble aussi atteint précocement de déficiences mémorielles, son conseil communal s'était montré très critique vis-à-vis du projet, refusant notamment sa partie sud. Mais les bourgmestres restent les chefs et visiblement ils savent faire la part des choses entre leur travail de lobbyiste pour le grand capital et leur fonction de porte-parole de leur conseil communal. Il est vrai qu'il sont tous trois socialistes. Ou plutôt membres du Ps. L'un d'entre eux m'a un jour clairement laissé entendre que la qualité de membre du Ps n'entraînait pas automatiquement l'adhésion aux valeurs socialistes. La précision n'était sans doute pas nécessaire, tant elle saute aux yeux d'un observateur à peine averti.
Une citation que j'offre gracieusement à tous les membres du Ps, bourgmestres, parlementaires, ministres, qui défendent à cor (parfois à corps) et à cri les projets Citta Verde, Centre de Glisse, Cora et bien d'autres aberrations: "Tout homme s'applique à créer pour l'autre un besoin nouveau pour le contraindre à un nouveau sacrifice, le placer dans une nouvelle dépendance et le pousser à un nouveau mode de jouissance. Avec la masse des objets augmente l'empire des êtres étrangers auquel l'homme est soumis et tout produit nouveau renforce encore la tromperie réciproque et le pillage mutuel. La quantité de l'argent devient de plus en plus l'unique et puissante propriété de l'homme; de même qu'il réduit tout être à son abstraction, il se réduit lui-même dans son propre mouvement à un être quantitatif. L'absence de mesure et la démesure deviennent sa véritable mesure."
C'est un texte signé d'un certain Marx. Karl Marx, dans ses Manuscrits de 1844. Un nom qui vous dit quelque chose, camarade Bobo, camarade Pierre, camarade Paul, camarade Hugues, camarade Rudy-qui-se-tait-dans-toutes-les-langues, camarades Daniel?
Le philosophe Daniel Bensaïd, qui cite ces phrases dans un texte intitulé "Keynes, et après?" (1), enchaîne en affirmant que " l'important, c'est que l'idée même d'un développement durable, soucieux des conditions naturelles de reproduction de l'espèce que nous sommes, exige une temporalité longue, incompatible avec les arbitrages instantanés à courte vue des marchés. La gestion des ressources non renouvelables (en particulier les choix en matière de production et de consommation d'énergie) ainsi que les modifications climatiques, les conséquences de la pollution des océans, du stockage des déchets nucléaires, de la déforestation appellent des décisions et des choix de planification à long terme dont la portée dépasse de loin la durée d'un mandat électif."
Sans commentaire, camarades!

P.S.: Une autre citation. De Pierre Desproges cette fois.
"Un gentleman, c'est quelqu'un qui sait jouer de la cornemuse et qui n'en joue pas."

(1) Post capitalisme, imaginer l'après - coordonné par Clémentine Autain, éditions Au diable vauvert, 2009

mardi 23 mars 2010

Faut-il pleurer, faut-il en rire?

Décidément, le Ps envoie ses plus fines lames pour attaquer le ministre Henry. Au théâtre ce soir, après Claude Eerdekens, c'est Bernard Bauwens qui se lâche sur No Télé contre lui, cette fois à propos du projet de son ami Deligne. On apprend par le bourgmestre d'Antoing que les promoteurs ont rencontré le cabinet du ministre de l'aménagement du territoire, qu'il n'y aurait "rien sur la zone sud transformée en zone naturelle, mais qu'on peut peut tout faire sur la zone nord! Incroyable! C'est un marchandage inadmissible!", nous explique Bobo qui ne veut plus qu'on l'appelle ainsi (et on le comprend).
Le discours de Bobo est intéressant à plus d'un titre:
- il témoigne une fois encore, s'il le fallait, de sa méconnaissance du dossier: tous les acteurs concernés, la commune d'Antoing exceptée, ont remis un avis négatif sur la zone sud. Y compris la commune de Brunehaut, et donc son ami Pierre Wacquier, bourgmestre de cette commune et, depuis, président d'Ideta;
- il n'est pas plus socialiste qu'Armand De Decker: c'est le modèle même de l'élu au service de l'hypercapitalisme et de la noblesse. Il y a visiblement eu erreur sur la personne aux dernières élections communales;
- il n'a toujours pas compris que le rôle d'un bourgmestre n'est pas de faire carpette, lui qui a pour ambition de laisser faire et agir librement les promoteurs;
- il ne sait pas ce que signifient négocier et "faire de la politique".
Mais cessons de tirer sur l'ambulance lobbyiste.
Pendant ce temps-là, le patron du Gouvernement wallon joue les grande muettes et se tait dans toutes les langues. Même en picard. C'est dire! Il n'a toujours pas répondu au courrier des opposants daté du 16 décembre 2009. Il n'a toujours pas accusé réception à la remise, ce 15 mars, par ces mêmes opposants de 1900 signatures de personnes s'opposant au projet.
Ceux-là ne voient que le soleil qui poudroie et la neige qui fondoie.
C'est toujours cela de pris. Allez, c'est le printemps!

P.S. Une citation de Desproges, spéciale dédicace au maïeur antoinien:
"Talleyrand, qui savait nager sur le dos et ramper sur le ventre comme personne, qui trahissait à Versailles comme on pète à Passy, c'est-à-dire sans bruit, a vécu tellement courbé qu'on a pu l'enterrer dans un carton à chapeau."

lundi 22 mars 2010

En sortir. Et ver(t)s le haut.

Le capitalisme est-il dépassable? C'est la question qui fâche. Ou plutôt la ou les réponse(s). Ou leur absence.
On a compris depuis longtemps que les partis socio-démocrates n'ont (plus) aucune ambition à ce niveau. Ils sont devenus des gestionnaires du capitalisme, s'efforçant d'en éviter un excès de nuisances. "Sans nous, ce serait pire", serinent depuis leur ligne Maginot leurs représentants depuis quelques décennies. L'argument suprême.
"Le PS est engoncé dans sa culture gestionnaire de parti de gouvernement. Il est à la ramasse face à l'irruption de forces et d'idées nouvelles", déclarait récemment Eric Loiselet qui était tête de liste Europe-Ecologie en Champagne-Ardennes (1). On peut bien sûr se réjouir de la victoire de la gauche et du PS en particulier aux élections régionales en France ce dimanche. Mais à quoi servira cette victoire? A éviter un peu plus les dégâts de la droite, c'est déjà une bonne chose. Mais pas d'illusion: ne rêvons ni d'un grand soir ni d'une succession de quelques heureux matins. Aucun changement basique à l'horizon. Surtout pas de révolution. Même en souplesse. Juste des aménagements. Les actionnaires ne changeront pas leur projets de vacances.

Globalement, le PS belge est dans le même état d'esprit que son collègue français. Citta Verde, exemple parmi beaucoup d'autres, en témoigne. Le ministre-président de la Région wallonne, Rudy Demotte, se révèle clairement libéral au sens nord-américain du terme: socialement à gauche, économiquement à droite. On sent même une fascination. Chez Marcourt, ministre de l'économie, elle transpire.
Le problème, c'est que le PS est loin d'être le seul à manquer d'imagination. Et d'audace. C'est quasiment toute la gauche (toutes les gauches?) qui est "à la ramasse".
Dans le Vif de vendredi, une info interpellante concernant Ecolo. On y apprend que l'économiste Christian Arnsperger a relaté sur son blog une rencontre à laquelle il a participé au cabinet Nollet. "Le capitalisme, m'a-t-on fait comprendre, est incontournable comme moteur central de création de richesse. Il faut le harnacher, le discipliner, voire le contraindre en vue d'objectifs écologiques, mais il n'est pas dépassable vers un horizon post-capitaliste", explique-t-il. "Certains gros bonnets présents affirmaient haut et fort, rejoignant en cela le grand patronat, que l'autogestion, l'économie participative, la démocratie d'entreprise (...) n'avaient pas d'avenir et ne correspondaient pas à la nature de l'homme."
Houlà! Dès qu'on parle de nature, voilà le débat qui vire à droite. Le capitalisme serait-il naturel, au contraire d'une autogestion ardemment défendue par les créateurs du mouvement écologiste? Et Ecolo défend-il la nature face à la culture? Débat essentiel!
Christian Arnspeger explique sur son blog (2) s'être fait remonter les bretelles assez sèchement et... vertement par Jean-Marc Nollet, suite à la publication de ses propos dans le Vif. "Ecolo, souligne l'économiste, a été, jusqu'ici, le refuge de tant de progressistes et d'alternatifs que le problème se pose avec une acuité toute particulière."

Dans un texte précisément intitulé "Dépasser le capitalisme" (3), l'historien Roger Martinelli explique que "depuis plus d'un siècle et demi, les tenants de l'égaliberté sont tiraillés entre deux tentations. La première consiste à penser que, l'échange marchand qui fonde le capitalisme étant indépassable, il faut chercher à l'infléchir en corrigeant ses effets négatifs les plus criants. La seconde tentation part au contraire de l'hypothèse que, le capitalisme étant par nature producteur de polarisation sociale, la seule façon de parvenir à l'égalité est de le nier radicalement et de se projeter dans une autre société. Adaptation ou négation, recherche d'accomodement ou volonté de rupture, réformisme ou révolution: le mouvement critique (à base ouvrière pendant plus d'un siècle) s'est construit autour de cette tension originelle, oscillant entre les deux méthodes."
Le problème, c'est qu'aujourd'hui l'essentiel des forces de gauche, en Belgique comme en France a succombé à la première tentation. Ils appellent cela le réalisme.
Michel Onfray, lui, dans un entretien intitulé "Des microrésistances libertaires" (3), continue à rêver, avec les pieds sur terre: "Il faut agir, créer des coopératives, les fédérer, les mutualiser, inventer des banques de quartier, fédérer des combats locaux, mettre sur pied des structures d'éducation populaire et créer tout un maillage alternatif qui permet de sortir du fantasme de la révolution en bloc pour passer à la révolution en fragments."

Arnsperger lui aussi y croit. Il a rédigé un texte fondateur de son blog (c'est le tout premier, 12 février 2010): "Transition écologique et transition économique: Quels fondements pour la pensée? Quelles tâches pour l'action?" Il défend une transition en deux temps: du capitalisme gris au capitalisme vert, puis du capitalisme vert à un post capitalisme.

P.S.: et pendant ce temps-là, le Front National relève le menton en France. Face à la morgue des Le Pen père et fille, je ne peux m'empêcher de penser que TF1 et toutes les autres entreprises de crétinisation y sont pour quelque chose. Oui, comme dit Onfray, il faut travailler dans l'éducation populaire.
Allez, pour terminer, une citation de Desproges: "Il y a plus d'humanité dans l'oeil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son oeil."


(1) Terra Eco, mars 2010
(2) http://transitioneconomique.blogspot.com/ "Pas d'intimidation s'il vous plaît, 19 mars
(3) Post capitalisme, imaginer l'après - coordonné par Clémentine Autain, éditions Au diable vauvert, 2009

dimanche 21 mars 2010

D'un Claude à l'autre. Allègrement.

Ecolo vient de fêter ses trente ans. Voilà donc trente ans que Claude Eerdekens avale - ou plutôt bouffe, le verbe doit être plus approprié - un écolo à son petit-déjeuner chaque matin. Pour aussitôt le vomir dans le caniveau.
Il y a quelques jours, depuis Cannes où il participait au marché international de l'immobilier (c'est qu'il en a du temps, le camarade!), l'inamovible député-bourgmestre d'Andenne a fustigé, avec cette totale absence de nuance qui fait sa caractéristique, le gouvernement wallon dans son ensemble et son ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire en particulier. Le champion de l'insulte et de la grossièreté en a profité pour dénoncer, pour la 677e fois, "ces écolos intégristes qui veulent nous ramener à l'âge de la pierre et nous obliger à circuler à vélo et à nous éclairer à la bougie" (entendu au JP de la RTBF). Apparemment, s'il voyage beaucoup, le camarade lit peu. Et réfléchit tout autant. Son attaque concernait la décision d'un groupe de distribution d'installer son centre logistique en Flandre. Il déplorait que le Gouvernement wallon n'ait pas mis tout en oeuvre pour que ce centre s'installe en Wallonie. Plus particulièrement dans sa commune. En fait, il apparaît que le groupe n'a pas pris sa décision, qu'aucun dossier n'a été transmis au ministre Henry et que le premier niveau de pouvoir concerné pourrait bien être la commune d'Andenne. Le bourgmestre voyageur donc. Apparemment peu au fait de ses dossiers.
Dans sa grande colère, Eerdekens avait annoncé qu'il quittait le PS pour sièger comme indépendant. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Il a finalement fait volte-face. Il doit savoir où sont ses intérêts.
De retour de Cannes, Eerdekens a déposé devant la commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire du Parlement wallon trente et une questions adressées au ministre Henry. A qui il avait déjà demandé, voici quelques mois, si l'hiver serait rude. On voit par là qu'une certaine confusion peut régner dans l'esprit de certains responsables (?) politiques trop occupés à trop de mandats.
Parmi les questions eerdekensiennes à l'ordre du jour, une quantité de questions très localistes, quatre fois la même question sur la directive européenne sur le recyclage des déchets, une question sur la crédibilité internationale du GIEC et une autre sur l'erreur commise par le GIEC à propos de la fonte des glaces dans l'Himalaya. L'oubliable (et presque oublié - il a bien fait de se manifester!) ministre wallon d'il y a quelques années semble avoir pour modèle un certain Claude Allègre. Celui-là même à qui le Monde accordait récemment un "cent fautes".
Ce 23 mars, le harceleur professionnel posera aussi au ministre l'une ou l'autre question sur les éoliennes, une de ses spécialités: cet homme témoigne d'une exceptionnelle capacité à produire du vent.
On comprend par là que la démocratie fonctionne bien: chaque groupe socio-économique ou socioculturel a ses représentants au parlement. Les piliers de comptoir du café du commerce ont trouvé le leur.

P.S.: reste l'attitude de la presse et des journalistes de Mise au point en particulier: les délires d'Eerdekens méritaient-ils de lui accorder une tribune. Audience, audience... Vous savez ce qu'elle vous dit l'audience?

jeudi 18 mars 2010

De la nécessité de désobéir

Effrayante émission que celle de Christophe Nick, intitulée "Le jeu de la mort", diffusée fin février par la RTBF et ce mercredi par FR2. Un pseudo producteur d'une soi-disant nouvelle émission de jeu télévisé teste son idée avec des candidats qui savent pertinemment que les enregistrements auxquels ils participent ne seront jamais diffusés. On leur demande de poser des questions à l'autre candidat (qui, selon la mise en scène, aurait pu être eux, si le tirage au sort en avait décidé autrement). A chaque mauvaise réponse, ils doivent lui envoyer une décharge électrique. La puissance des chocs électriques va croissant, de 20 à 460 volts. Jusqu'à être fatale donc.
Une réédition en fait de l'expérience que Stanley Milgram mena au début des années '60 sur la soumission à l'autorité. 62% des cobayes de l'époque avaient obéi aux ordres du pseudo scientifique en blouse blanche qui leur enjoignait d'augmenter sans cesse la puissance des impulsions électriques. Ces tests s'inspiraient des analyses d'Hannah Arendt sur les mécanismes du nazisme et la banalisation du mal. D'autres recherches, inspirées de celles de Milgram, ont été menées en Allemagne en 1971, aux Etats-Unis en 1974, en Italie en 1985 et sont parvenues parfois à des taux de soumission de 85% (1).
A la télé, le taux d'obéissance monte à 81%. Effrayant. A la décharge de ces testés à l'insu de leur plein gré, on soulignera qu'ils opéraient devant un public d'une centaine de personnes, régulièrement pris à témoin par une animatrice extrêmement cassante et autoritaire. Le tout sous l'oeil de plusieurs caméras. Bref, dans un univers qui n'est pas le leur, s'avère extrêmement contraignant et, en définitive, tout puissant.
Aucun candidat n'a refusé d'entrée de jeu de le jouer. Seuls, 19% arrivant à la zone dangereuse et entendant les (faux) cris de douleurs et les demandes pressantes de l'autre candidat ont jeté le gant.
Bien sûr, chacun d'entre nous ne peut s'empêcher de penser qu'il aurait fait partie des rebelles, qu'il serait parti rapidement en claquant la porte, qu'il aurait dénoncé le caractère pervers du jeu. Difficile de savoir évidemment comment on résiste ou non à la pression et au conditionnement.

Dans le Ligueur du 7 octobre 2009, Miguel Benassayag, psychologue et philosophe, invite à enseigner la désobéissance civique aux enfants: "elle est un idéal de référence, un idéal qu'on ne peut atteindre tout à fait, qui veut que l'on obéisse seulement en toute conscience. En d'autres termes, il ne faut pas obéir si l'on n'est pas d'accord avec une loi ou avec un ordre. Nombre de pays sud-américains ont d'ailleurs inscrit dans leur constitution post-révolutionnaire une obligation de désobéissance au cas où le pouvoir tomberait entre les mains de personnes dangereuses. (...) Aujourd'hi plus que jamais, la désobéissance civique consiste à refuser de penser avec ses tripes et à faire marcher son cerveau. (...)
Je crois qu'il faut éduquer les enfants dans cette dynamique. Il faut leur expliquer que les gens qui exercent une fonction, parfois, ne sont pas à la hauteur de la justice. On doit donc dire à nos enfants à la fois 'S'il y a un problème dans la rue, prévenez les policiers' et 'Quand la police vient chercher Mohamed pour l'expulser, il faut cacher Mohamed".

Je me rappelle ces pages de ce livre pour enfants de Janosch. La première histoire raconte la vie de ce veau qui veut sans cesse quitter sa prairie pour aller voir ce qui se passe de l'autre côté de la clôture. Sa maman le met en garde contre les dangers auxquels il s'exposerait alors. Mais la tentation est trop forte: il saute le fil de fer. Et se fait aussitôt écraser par une voiture. Moralité: il faut toujours obéir à sa maman.
La deuxième histoire raconte la vie de ce veau qui veut sans cesse quitter sa prairie pour aller voir ce qui se passe de l'autre côté de la clôture. Sa maman le met en garde contre les dangers auxquels il s'exposerait alors. Il lui obéit. Et le boucher vient le chercher pour le conduire à l'abattoir. Moralité: il ne faut pas toujours obéir à sa maman.

Du Desproges pour terminer: "Contrairement à la rage, le nazisme n'est pas remboursé par la Sécurité sociale. Il est pourtant contagieux."

(1) Télérama, 10.03.2010

Une autoroute de poésie wallonne

J’ai eu l’occasion, tout récemment, de traverser tout le sud de la Wallonie. De Namur à Arlon via l’E411. Et de relire les merveilleux slogans qui jalonnent « l’autoroute du soleil » et lui donnent un air de vacances.
Sous de grandes photos sont inscrites des phrases qui visiblement se veulent poétiques. Poétiques à la wallonne. Powétiques donc.
Sous une image de la Sambre, celle-ci : « Entre deux berges, la Sambre gamberge ». Gamberger, selon le Petit Larousse, signifie méditer ou calculer, combiner. Le verbe n’est peut-être pas très approprié à la Sambre, mais on conviendra que la rime est riche.
Autres rimes riches : « Pierres, rivières et mystères ». On cherche en vain le mystère, mais qu’importe, c’est tellement joli !
« Etrange mélange d’églises et de granges ». Là, on est un peu déçu : que viennent faire les églises dans cette phrase ? Personnellement, j’aurais préféré « Etrange mélange d’anges et de granges ». Tant qu’à faire. Les anges faisant précisément penser aux églises, non?
Arrivé aux portes du Grand-Duché de Luxembourg, on a droit à « Retour aux sources de la Semois ». Pourquoi ce retour ? Il implique qu’on soit déjà venu à ces sources. Et pourquoi sont-elles plurielles ? C’est qu’il fallait placer l’expression « retour aux sources », même si elle n’a ici pas vraiment de sens.
Parfois, les affiches donnent plus dans le premier degré : « La Meuse frissonne sous un air de Sax ». Deux images juxtaposées sont illustrées par cette phrase : une de la Meuse qui coule tranquillement dans la nature et une d’un saxophoniste qui n’a aucun lien avec la première image et qui ne ressemble pas à Sax.

En lisant tous ces slogans qui témoignent aux touristes de passage du goût wallon pour la poésie, je songeais à l’appel du ministre-président wallon, lors de sa récente tentative morte-née d’entamer un débat sur l’identité wallonne, à imaginer une devise pour la Wallonie.
S’il aime autant les rimes que la E411 les suscite, je lui en propose quelques-uns :
- Wallonie, le pays où personne n’est honni.
- Wallonie, le pays où tout le monde est au nid.
- Wallonie, terre de boni.
- Wallonie, le royaume des baronnies.
On me dit que mes propositions ne serviront pas. Le président a déjà choisi : « Wallonie, terre d’accueil ». Le slogan qui depuis vingt ans ouvre les autoroutes wallonnes aux investisseurs aux projets les plus fous. Tant pis. Au moins aurai-je participé au grand débat, moi!

P.S. qui n'a rien à voir (quoique):
Avec Claude Eerdekens comme président d'honneur, le festival de la bêtise abyssale bat son plein sur le forum d'actu24. Comme sur beaucoup d'autres, je suppose. Effrayant. Et désespérant.

mardi 2 mars 2010

Deux moments de bonheur dominicaux

Une heure trois quarts de plaisir intense avec "Les Papous dans la tête" sur France Culture chaque dimanche de 12h45 à 14h. Une explosion d'intelligence, de créativité et d'humour par les descendants de Georges Perec.
"Culture sans gaieté n'est que ruine de l'âme. Cette formule est un impératif... catégorique pour les Papous dans la tête", indique le site de l'émission. "Les Papous, c’est une forme radiophonique originale, une provocation ludique à l'imaginaire par le jeu des mots et du langage, un jeu pour le plaisir. "
Ce dimanche, le « club » des Papous a ainsi joué aux bouts rimés, à partir de doubles rimes de Rimbaud ou de Gainsbourg, de Ramuz ou de Péguy, s'est amusé à écrire des lettres d'excuse, a imaginé l'horoscope de la poule ascendant oeuf, etc. L'auditeur peut participer aux jeux, puisque régulièrement il peut, par exemple, s'amuser à retrouver, comme les membres du club, l'auteur d'un texte choisi et lu par l'un d'eux.
Autour de la table et de Françoise Troussard (animatrice et productrice de l'émission) se retrouvent écrivains, cinéastes, journalistes, comédiens, mais aussi peintres ou cantatrice. Tous "ont en commun de prendre leurs distances avec l'esprit de sérieux, ont le courage du dérisoire, osent la légèreté". Quelques noms parmi d'autres: Serge Joncour, Hervé Le Tellier, Hélène Delavault, Jean-Bernard Pouy, Jacques A. Bertrand, Gérard Mordillat, Nelly Kaplan, Eva Almassy, Dominique Muller...

Et le dimanche soir, juste un tout petit quart d'heure, mais plein de saveur avec "Karambolage" sur Arte de 20h à 20h15. Une émission sur les particularités culturelles entre France et Allemagne. Un téléspectateur explique le lien qu'il entretient avec tel objet propre à sa région ou à sa communauté. Un autre qui a passé la frontière fait part ce qui lui manque de sa culture d'origine. L'émission compare les onomatopées, simplement à partir de micro-trottoirs, dissèque une expression, explique une coutume. Et s'appuie essentiellement sur des collages. Ici encore, la créativité et l'humour sont les ferments de l'émission.

Voilà deux moments de bonheur dominicaux.
Et puis hier, lundi, à la maison de la culture de Tournai, deux heures de bonheur Dominique A!