lundi 31 août 2015

Une poutre dans l'œil

On s'en doutait dès le premier jour: la tentative d'attaque dans le Thalys déjouée notamment par des militaires américains allait faire les choux gras des complotistes. C'était pour eux du pain bénit (si l'on peut s'exprimer ainsi).  Pour eux, il y a, une fois encore, les pauvres islamistes soupçonnés des pires desseins et les méchants Américains qui les instrumentalisent pour se refaire une virginité (finalement, si on suit les complotistes, ils sont tous sacrément crétins ces militants islamistes, non?). Hani Ramadan, prédicateur, frère de Tariq et tous deux petits-fils du fondateur des Frères musulmans, ne dit pas autre chose (1). On ne connaît pas, dit-il, "les intentions réelles du coupable". Il a raison: peut-être ce brave garçon lourdement armé voulait-il simplement faire comprendre aux services de sécurité combien il est facile pour n'importe quel fou furieux de monter avec une kalachnikhov et neuf chargeurs à bord d'un TGV. (notons néanmoins que si la citation est exacte, Ramadan en parle quand même comme d'un coupable) De toute façon, tout est toujours de la faute  de "l'impérialisme américano-sioniste". Heureusement qu'il existe pour nous permettre de comprendre le monde comme il va (mal).
On apprend dans le même temps que Hani Ramadan a vu dans l'attentat contre Charlie Hebdo "un vaste processus de diabolisation de l'islam, savamment programmé au cours des années". Il a raison: tous ces fascistes islamistes participent à la diabolisation de leur propre religion en en faisant une arme de guerre (sainte, vraiment?). Mais peut-être veut-il nous dire que ces agresseurs sont irresponsables, totalement manipulés? Que l'islam est incapable de condamner les ignominies commises en son nom? Jésus, qui était nous dit-on un prophète de l'islam, invitait à voir la poutre qu'on a dans l'œil plutôt que la paille qui est dans celui de notre voisin. Il est des prédicateurs qui feraient bien de relire les textes qu'ils considèrent comme sacrés. 
"De qui se moque-t-on?", demande Ramadan. Bonne question. De qui se moque-t-il? Des milliers de personnes assassinées au nom de son prophète.

(1) http://www.lalibre.be/actu/international/vrais-faux-heros-du-thalys-le-frere-de-tariq-ramadan-denonce-une-mise-en-scene-55e42e9335708aa437e112da
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/08/30/01016-20150830ARTFIG00130-de-qui-se-moque-t-on-le-frere-de-tariq-ramadan-critique-les-heros-du-thalys.php

dimanche 30 août 2015

Ombre et lumière

Elles sont toutes deux femmes et fortement engagées en politique. C'est bien là tout ce qui les rassemble. Pour le reste, tout les oppose. L'une voit la France ouverte, accueillante, empathique. L'autre la voit repliée, rabougrie, hostile. L'une veut avancer, l'autre reculer.
Christiane Taubira reste l'incarnation de la gauche. La Garde des Sceaux a reçu un accueil enthousiaste à l'université d'été du PS en rappelant la gauche à ses valeurs de tolérance et d'accueil. La présidente du FN (tout comme son clone de nièce) tempête sur les arrivées de réfugiés et fait son beurre du moindre fait de violence.
Christiane Taubira a rappelé ce qui n'est hélas plus une évidence: que la place de la gauche est auprès des exclus, des plus faibles, des défavorisés, des SDF, des chômeurs, des réfugiés. "Lorsque la gauche s'éloigne des catégories populaires, elle devient infidèle à elle-même." Elle a fustigé ceux qui remettent en cause la République, entendez l'extrême droite: "leur but est d'abattre la République, et c'est pour cela qu'ils la dévaluent sans cesse, car ils refusent la liberté des citoyens" (1).
Marine Le Pen, elle, est à l'affût du moindre acte de violence, sachant que tout fait farine à son moulin, surtout les noirceurs humaines. A propos d'un crime commis à Roye en Picardie par un homme armé et éméché qui a tué quatre personnes, elle évoque - et sa nièce le répète comme un mantra - ce "symptôme d'ensauvagement insupportable de la société française". Et tant pis, si les chiffres lui donnent tort, tant pis si  le nombre de meurtres et d'assassinats est en baisse depuis vingt ans en France (2), elle a besoin de tordre la réalité pour exister. Je ne sais plus  quel historien le rappelait: en quatre siècles, dans nos pays, le nombre de crimes de sang a été divisé par cent. Est-ce là le bon vieux temps que regrette le FN?
Entre Christiane Taubira et Marine Le Pen, il y a à l'évidence une grande différence de couleurs. Si la blanche cultive notre face obscure, c'est la noire qui nous fait voir la lumière.

(1) http://www.liberation.fr/politiques/2015/08/29/la-rochelle-taubira-entre-ovations-ferveur-et-esperance_1371913
http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/taubira-enflamme-coeur-gauche-des-militants-rochelle-1023418
(2) http://www.liberation.fr/politiques/2015/08/26/drame-de-roye-marion-marechal-le-pen-et-l-ensauvagement-de-la-societe_1369895

mercredi 26 août 2015

Paroles, paroles, paroles

Les candidats réfugiés sont et seront toujours plus nombreux à tenter de gagner l'Europe. Le mot réfugié dit bien ce qu'il veut dire: il désigne celui qui cherche et demande asile, un lieu, un pays, une ville où trouver refuge. L'Europe a beau faire le gros dos, bougonner, voire tempêter, elle n'y pourra rien: les guerres civiles et les régimes dictatoriaux qui règnent en Syrie, en Libye, en Irak, en Erythrée et dans d'autres pays pousseront toujours plus de gens à fuir et à tenter de sauver leur peau. Les accueillir est forcément un devoir pour tout être humain. Reste à le faire le plus dignement possible et à les répartir équitablement entre pays et entre communes. Le flot de réfugiés ne va pas se tarir. C'est un fait qu'il faut prendre en compte. Sans angélisme, sans cynisme, sans nymbisme.
Visiblement, une étrange vision électoraliste l'a emporté chez Rudy Demotte, l'un des deux demi-bourgmestres de Tournai. On peut évidemment condamner l'absence de concertation qui a amené le Secrétaire d'Etat à l'Asile et aux Migrations, Théo Francken, à décider d'autorité que la caserne Saint-Jean à Tournai accueillerait de 400 à 700 candidats réfugiés politiques, autre chose est de fermer la porte sans précisément cette volonté de concertation. Rudy Demotte affirme que ce projet de centre "revient à ghettoïser des poches entière de populations au statut précaire" (1). Ce type de lieu a pour vocation d'offrir un abri avec un confort minimal aux candidats réfugiés, le temps (raccourci à présent à trois mois) que leur dossier soit traité. Un tel centre d'accueil est ouvert, les réfugiés peuvent y aller et venir, il ne s'agit pas d'un centre fermé. En refusant fermement dans sa ville ce qu'il considère comme un ghetto, Rudy Demotte ignore-t-il que des milliers de  candidats réfugiés restent prisonniers de la jungle de Calais, de l'île de Lampedusa, de Vintimille ou de ports lybiens? Pas de ghetto chez moi, mais ailleurs?
Demotte souligne la précarisation importante de la population tournaisienne. C'est un fait, mais que fait la Ville en la matière? Quelle politique volontariste et novatrice mène-t-elle? Où est son bourgmestre en titre? Cette ville semble à l'abandon depuis plusieurs années. Il est temps qu'elle se réveille et se reprenne en mains.
Rudy Demotte voit dans le projet de centre d'accueil à Tournai "un dessein de PROVOQUER politiquement et, au passage, de créer un climat de tension entre communautés diverses avec des risques d'incompréhension évidents, générés par la peur de l'autre, mais aussi l'absence d'un réel projet  d'accueil de ces personnes". Rudy Demotte fait donc un procès d'intention tant au Gouvernement fédéral qu'à sa population, à qui il ne fait pas plus confiance qu'à son équipe, à son administration, aux services et organismes locaux. Les Tournaisiens auraient-ils automatiquement peur de l'autre, seraient-ils incapables de monter un projet d'accueil? Heureusement, certains d'entre eux lui répondent, l'appelant à leur faire confiance, lançant des initiatives, telle celle du pianiste Fred Wilbaux qui propose aux citoyens tournaisiens de parrainer un candidat réfugié, de manière à lui apporter un soutien moral (2).
Affirmer son attachement aux droits de l'homme et à l'accueil de l'autre ne coûte rien. Appliquer ces valeurs est autre chose. Mais pour cela, il faut être sur le terrain et agir, sortir d'une vision électoraliste du discours politique. Ce qui est difficile quand on cumule les mandats (dans une quasi illégalité), on ne peut être bourgmestre quand ça vous arrange. On l'est ou on ne l'est pas. Tournai est une ville qui mérite mieux que la poussière qui semble la recouvrir ces dernières années. De nombreuses communes un peu partout en Europe ont fait le pari que l'apport de populations étrangères pouvait leur être bénéfique (3). Tournai mérite d'avoir un seul bourgmestre, totalement investi dans sa fonction, capable d'une politique audacieuse pour sortir cette ville de son déclin et de sa frilosité. Et si l'autre était une chance?

(1) http://www.lavenir.net/cnt/dmf20150807_00685171
http://www.lalibre.be/actu/belgique/accueil-des-demandeurs-d-asile-pathetique-lamentable-revue-de-presse-55c844b63570b5465333523c
http://portfolio.lesoir.be/main.php?g2_itemId=971006&_ga=1.132754697.626903632.1439743595
(2) http://www.lavenir.net/cnt/DMF20150810_00686098
(3) (re)lire sur ce blog "Le pays de l'accueil", 12 octobre 2007.

A (re)lire aussi:
- "La honte", 9 juin 2015
- "Il y a trop d'étrangers dans le monde", 3 février 2011.



mercredi 19 août 2015

L'horreur faite homme

S'habituera-t-on un jour à la barbarie du pseudo Etat islamique? Deviendra-t-elle banale? Chaque jour, ses militants multiplient les actes d'horreur. Elle n'a pas plus de limites que leur démence et leur lâcheté. Voilà qu'ils viennent de décapiter un homme de quatre-vingt-deux ans, Khaled al-Asaad, un des pionniers de l'archéologie syrienne. Son crime: avoir été le conservateur des ruines de Palmyre, avoir voyagé à l'étranger et avoir ainsi été en contact avec des "infidèles" (1). A quoi ces gens sont-ils fidèles? A leur sauvagerie? A leur folie furieuse? On espère que la justice des hommes pourra, le plus tôt possible, leur faire payer cette violence abjecte. La justice de Dieu n'y fera rien. Ils nous démontrent quotidiennement qu'il n'existe pas. Mais que le diable, lui, s'est fait homme(s). Ils nous font croire en l'enfer. Ces gens - qu'on ne sait plus comment qualifier, tant les mots font défaut - ne nous feront jamais croire en un dieu quelconque, mais nous font désespérer de l'homme.

(1) Arte Journal, 19 août 2015, 19h45.