samedi 24 mars 2007

Ce que veulent dire les mots

La rénovation a atteint sa vitesse de croisière
On le pressentait : le pétard était mouillé et la découverte de « l’écologie humaine » par le Ps risquait fort de n’avoir que des conséquences superficielles. En fait, il faut comprendre que dans l’appellation « écologie humaine » il y a « écologie » d’un côté, et « humaine » de l’autre.
Traduction : à Antoing, le bourgmestre vient d’annoncer qu’il fera éteindre l’éclairage des monuments publics la nuit. Voilà pour l’écologie. Dans le même temps, il s’est déclaré favorable au projet de centre de sports de glisse porté par le prince de Ligne, projet qui – s’il devait voir le jour - gaspillerait annuellement 54 millions de kWh de gaz, 31 millions de kWh d'électricité et 500.000 m3 d'eau et produirait 21 000 tonnes de CO2, mais qui annonce des création d’emplois. Voilà pour l’humain. Donc, l’écologie oui, mais oui aussi à son contraire. On ne peut que conseiller au bourgmestre d’Antoing et à tant de ses collègues de sortir de leur chère Wallonie pour constater comment une politique soucieuse de l’environnement a été bénéfique également à l’économie et combien d’emplois une véritable politique écologique a pu créer en Allemagne, en Autriche, dans les pays scandinaves, en Espagne, etc.
Mais certains hérauts (à ne pas confondre avec héros) de la Wallonie ont mieux à faire quand ils voyagent. On a appris cette semaine que José Happart et quelques-uns de ses commensaux auraient été chasser en Bielorussie grâce à une caisse noire de la ville de Charleroi alimentée notamment par des fonds européens. Certains avaient cru voir dans le hérisson fouronnais un Astérix wallon se battant avec opiniâtreté et humour contre l’envahisseur. En fait, on a pu constater depuis longtemps qu’il n’était qu’un Abraracourcix même pas drôle, un chef de village qui tombe régulièrement de son pavois. (Luc Delfosse en a tracé un portrait féroce et drôle dans le Soir du 23 mars sous le titre « Mort d’une icône ».) José Happart se soucie, comme de sa première cartouche, de cette caisse noire carolo : « quand je suis invité, je ne me soucie pas de savoir qui règle la facture », a-t-il déclaré. Dans la « Semaine infernale » de ce samedi 24 mars, Pierre Kroll a répliqué qu’il s’en soucie, lui, « pour savoir qui remercier »…
En attendant à Charleroi, toutes les nouvelles révélations ne sont que normales, nous assure Elio Di Rupo : quand on ouvre des placards, il ne faut pas s’étonner d’y trouver des cadavres rances. Donc, tout ce qui arrive et arrivera n’est que normal. Circulez, y a rien à voir.
La rénovation du Ps, elle, suit son cours : le chef de cabinet de Laurette Onkelinx pourrait bien remplacer Georges Dumortier (aujourd’hui inculpé pour des malversations financières) à la direction du Botanique. Même si le C.A. du Bota juge inutile son remplacement à une fonction qui était, jusqu’il y a peu, bicéphale. Henri Simons, ex-échevin bruxellois, a perdu son siège aux dernières élections communales. Son siège mais pas ses ambitions. Transfuge d’Ecolo, le voilà aujourd’hui sur la liste sénatoriale du Ps et peut-être demain président du Bota. Pour le Ps, par « rénovation », il faut entendre « changement de têtes ». (lire l’article « Les copains d’abord » d’Elisabeth Mertens dans le Vif du 23 mars)
Mais il ne s’agit pas de changer toutes les têtes, parfois une même tête peut servir de manière multiple : Philippe Reynaert, l’homme aux lunettes blanches, présentateur à la RTBF et directeur de Wallimage, va désormais cumuler, en plus, un mandat d’administrateur à la RTBF avec la présidence de Télé MB. Deux fonctions incompatibles, mais Reynaert remet en question le décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur l’audiovisuel : son cumul serait bénéfique aux deux institutions audiovisuelles (le Soir du 24 mars). Bon sang, mais c'est bien sûr!
Si le Ps se cherche un hymne, il a le choix entre la chanson des Poppys « Non, non, rien n’a changé » et celle de Dalida « Paroles, paroles, paroles ».


Louis Michel, entre Europe et Ego
Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, a mis à son programme l’éradication de l’extrême pauvreté, la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, l’amélioration de l’accès aux soins sociaux de base, la promotion des droits de l’homme et de la démocratie et d’autres causes tout aussi nobles et urgentes. A de nombreuses reprises, il a eu l’occasion d’expliquer combien il croyait à cette mission. Mais voilà que soudain il a entendu l’appel des urnes : il « poussera » la liste MR du Sénat. On comprend facilement son choix : au MR, loin de l’Afrique qui meurt ou se bat, « le bonheur est au programme » ! « Si le signal de l’électeur est assez fort, j’en tirerai les conclusions », dit-il, ajoutant « je veux d’abord voir quel est mon degré de soutien et de popularité » . Bref, il rêve visiblement - tout en s’en défendant parfois - d’être premier ministre et tous les beaux combats qu’il entendait mener sont peu de choses face au besoin de vérifier combien on l’aime. Si on le comprend bien, s’il recueille beaucoup de voix et que son parti reste dans la majorité, il espère accéder à la plus haute marche du gouvernement ; s’il n’a pas le succès qu’il espère, tout laisse entendre qu’il retournera à l’Europe. L’Europe et la lutte contre l’extrême pauvreté, un pis-aller… A l’heure de la fête pour le cinquantenaire de l’Europe, voilà un message bien éloigné de celui des signataires du Traité de Rome.

Dira-t-on bientôt « l’Exexcel » ?
Bardaf ! C’est l’embardée ! Le château de cartes mouscronnois vient de s’effondrer d’un seul coup. Cent vingt policiers ont emmené des tonnes de documents de l’administration communale, de l‘intercommunale de développement économique, du club de foot, de la société de logement social et d’autres organismes. A Mouscron, l’étonnement tient surtout au fait qu’il ait fallu si longtemps pour que la Justice intervienne. Il y est de notoriété publique depuis longtemps que l’ancien bourgmestre Jean-Pierre Detremmerie (CDH) avait fait passer les intérêts du club de foot l’Excelsior avant tous les autres et que les combines étaient devenues affaires courantes. L’IEG, Intercommunale d’Etudes et de Gestion, aurait dû être baptisée PFF, « pompe à fric du foot ». Le roi de la confusion des genres est aujourd’hui… bien confus.

Bref, encore une bien belle semaine et no s’ton fir’ d’iess’ wallon !

mardi 13 mars 2007

Blasphème ?

La Libre Belgique de ce 13 mars 2007 publie une excellente carte blanche de Patrice Dartevelle, Président de la Ligue pour l'abolition des lois réprimant le blasphème et le droit de s'exprimer librement et Vice-président du Centre d'Action Laïque: il s'inquiète d'un projet de loi réprimant le blasphème. Le Gouvernement belge a déposé devant la Chambre, le 26 octobre 2006, un projet de loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. "Le but de la loi est louable en soi, estime-t-il: lutter contre toutes les formes de discrimination, qu'elles touchent à la race, à la nationalité, au sexe ou aux opinions religieuses, philosophiques ou politiques. (...) Tout autre chose est ce que prévoient les articles 22 et 38 (qui modifie l'article 453 bis du Code pénal) du projet de loi. Le premier punit l'incitation à la haine à l'égard d'une personne pour l'ensemble des critères de discrimination et donc "la conviction religieuse et philosophique, la conviction politique (article 3) et ce dans tout domaine, même hors du champ d'application de la loi". L'article 453 bis modifié vise pour sa part la question des injures, ce qui est exactement le chef d'accusation utilisé par les adversaires de Charlie Hebdo (...)." "Religions, convictions philosophiques ou convictions politiques relèvent résolument de l'opinion, dit-il, et les protéger va totalement à l'encontre de la liberté d'expression."
Je partage pleinement son analyse et vous invite à la lire (www.lalibre.be)
Le débat politique au sens large - donc le débat d'idées - est le fondement de toute société démocratique, de toute société qui avance. Pour certains croyants, le blasphème est simplement la remise en question de leurs dogmes. Condamner le blasphème reviendrait à mettre les religions hors jeu dans le débat d'idées. On pourrait donc rire de tout, mais pas des religions? On pourrait discuter de tout, mais pas de l'existence de dieu(x)? La législation tente aujourd'hui de protéger les citoyens des nuisances des sectes, mais leur interdirait la critique de la religion? Les religions, comme disait je ne sais plus qui, sont des sectes qui ont (bien) réussi...
Aujourd'hui, on entend de plus en plus des intégristes, tant chrétiens que musulmans, remettre en question le darwinisme et l'évolution des espèces pour imposer les vues créationnistes. Contester le créationnisme sera-t-il considéré comme un blasphème? Considérera-t-on que sous prétexte de respecter les dogmes et les croyances le créationnisme ne peut être critiqué? "Si la critique de la religion devient répréhensible, cela signifie que sur le territoire de la République, lorsque des hommes dénieront des droits aux femmes, comme celui se s'habiller comme elles le veulent, d'aller et de venir et de fréquenter qui elles veulent, on ne pourra plus intervenir. Lorsqu'un macho bafouera les droits fondamentaux des femmes, on laissera faire puisqu'il le fait au nom de la religion" (Philippe Val, Charlie Hebdo, 07.02.07).
Le "sacré" ne l'est que pour celui qui le considère comme tel. De la même façon que le blasphème n'est un péché que pour les croyants. Interdire légalement le blasphème reviendrait à reconnaître légalement le péché. Le blasphème, comme la caricature, comme la critique, est un droit inhérent à la démocratie.
Et les croyants doivent avoir une foi bien fragile pour avoir besoin de la faire protéger de toute remise en question. Dans son intervention au procès de Charlie Hebdo, François Bayrou a rappelé sa foi catholique, mais a mis au-dessus le droit de critiquer les dogmes quels qu'ils soient. Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, y a fait la différence entre la critique de la religion et le racisme. Abdelwahab Meddeb y a exposé les nécessités pour les religions d'encaisser les critiques et l'humour (cités par Ph. Val dans Charlie Hebdo, 14.02.07).
Le projet de loi du gouvernement belge (très "laïc", comme le rappelle P. Dartevelle), en ses articles 22 et 38, est plus qu'inquiétant, ses répercussions pourraient être désastreuses pour la liberté de pensée et d'expression et pour le débat d'idées.
J'espère que tous les démocrates s'y sont opposés et s'y opposeront avec vigueur, sans tomber dans le piège du politiquement correct qui voudrait que les religions (et certaine en particulier...) bénéficient d'un traitement divin plutôt qu'humain.

A lire:
"Traité d'athéologie", Michel Onfray, Grasset 2005
"La tentation obscurantiste", Caroline Fourest, Grasset 2005
"Traité de savoir-survivre par temps obscurs", Philippe Val, Grasset 2007
"Contre-prêches", Abdelwahab Meddeb, Seuil
www.prochoix.org

Mauvaise nouvelle : la révolution n’est pas pour demain !

La liste du Ps pour le Sénat n’annonce pas une avancée du progressisme, malgré la présence en son sein de quelques personnalités étiquetées de ce côté de l'échiquier politique Ce ralliement indique surtout le nouveau succès annoncé du Ps. Et signifie donc que le parti social-démocrate ne changera rien à ses pratiques : nominations politiques, cumul des mandats, choix partisans, hiatus entre discours et pratiques, etc. Pourquoi le ferait-il puisqu’il ne cesse d’attirer à lui de nouveaux soutiens et donc de renforcer sa reconnaissance ? La lumière ne cessera jamais d’attirer les papillons.
Le parti qui a tout pouvoir côté francophone va tout doucement virer au parti unique, du centre-droit à la gauche de la gauche.
On sait que le Ps a voulu avoir la peau d’Ecolo, ne supportant pas qu’un parti puisse exister sur sa gauche. Ce « combat »-là, il l’a gagné en bonne partie : Ecolo s’est fait laminer en 2003 et 2004 et prend depuis lors des positions plus tièdes. Pas sûr que la société y ait gagné grand'chose... Le paradoxe, c’est le vide aujourd’hui créé à gauche par les sociaux-démocrates. Y a quelqu’un ???

dimanche 11 mars 2007

Une matinée éolienne

LES GRANDS MESSES EVENTEES DE LA WALLONIE PICARDE

Le vent soufflait fort sur la Wallonie picarde, ce samedi 2 mars. Peut-être a-t-il retenu chez eux les soutiens au projet de région ? Aussi peu suivie que celles des églises, cette grand messe avait plutôt des allures de messe basse, vu le public présent: une petite centaine de personnes plutôt que les deux cents espérés. Aucun représentant politique n’y a participé (à l’exception de deux conseillers provinciaux et de notre Rudy Demotte régional et national arrivé une demi-heure avant la fin) ; deux associations seulement y étaient représentées, mais aucune n’était invitée aux trois tables rondes dans lesquelles se sont exprimés des fonctionnaires, des techniciens et des chefs d’entreprise. En fait, c'était « les technocrates parlent aux entrepreneurs » et vice-versa, et « on-vit-dans-une-belle-région-qui-a-tout-pour-plaire ».
Heureusement qu'il y eut des interventions d'Eric Domb (directeur de Paradisio et président de l’Union Wallonne des Entreprises) et d'Engelbert Petre (directeur de la Maison Culturelle d’Ath et administrateur-délégué de l’Agence Culturelle du Hainaut Occidental) pour apporter quelques réflexions de fond dans ce nouveau salon où l’on cause.
Eric Domb a affirmé que ce serait une « fumisterie » d’imaginer qu’un territoire sans autonomie économique et surtout fiscale puisse monter un projet de développement propre. Il a stigmatisé le saupoudrage sous-régional et le gaspillage des subsides d’Objectif 1 en Hainaut, constatant que les sites touristiques qui en ont bénéficié sont tous déficitaires et ne créent pas d’emploi, contrairement au but poursuivi. Sur le plan international, il a appelé de ses vœux un contre-pouvoir à la compétition mondiale qui amène de plus en plus d’entreprises à se déplacer.
Engelbert Petre a rappelé combien la culture peut apporter du sens aux projets et à une région, tout en constatant la difficulté de la Communauté française à mener des politiques liées à un territoire. Il a appelé à la lutte contre le courant dominant d’une politique de consommation culturelle et a réaffirmé l’importance d’une réelle politique d’éducation permanente avec les populations les plus défavorisées.
De nombreux invités ont fait des efforts visibles pour dire "Wallonie picarde" plutôt que "Hainaut Occidental". Heureusement, car c’était apparemment là un des objectifs de ce forum : imposer le nouveau nom choisi par nos « pilotes ». Il y eut aussi ceux qui continuent à parler de Hainaut Occidental, comme s’ils restaient sourds à l’appel du modernisme !
Il fut beaucoup question de recherche de consensus. Un consensus qui semble peu se différencier de la pensée unique : on ne sort quasiment pas du modèle capitaliste de développement, avec des entreprises classiques, un appel aux investisseurs (parmi lesquels Pétrofina fut cité par Philippe Mettens, patron de la politique scientifique) et le développement des zonings. Tout cela vous faisait comme un bain de jouvence : on se serait cru dans les années ’60.
Bref, autant de vent à l’intérieur qu’à l’extérieur...