samedi 28 février 2015

Au pays des aveugles, les borgnes sont présidents d'honneur

Elle ne cesse de menacer: elle traduira en justice les journalistes qui présenteront son parti comme se situant à l'extrême droite. La fille à papa Le Pen, qui a autant le sens de l'autocritique que celui de l'altruisme, ne supporte pas la presse. Elle refuse de répondre à certains journalistes, dépose plainte contre d'autres, crache sur certains organes de presse, fait repousser des journalistes par ses gorilles (1). Mais toujours avec son magnifique sourire de carnassier.
A quoi reconnaît-on un régime démocratique? Notamment à la liberté de sa presse. Et un régime autoritaire? A sa volonté de la contrôler. Un parti démocratique accepte la critique, laisse les journalistes faire leur travail et, même s'il en prend parfois des coups, considère que la presse joue un rôle indispensable dans le jeu politique. Un parti extrémiste  n'aime qu'une presse à sa botte. Alors, s'il n'est pas à l'extrême droite, où est le parti de la famille Le Pen? A l'extrême arrière? C'est l'ensemble de la presse, et surtout celle qui entre dans le jeu de la banalisation, qui devrait le rappeler ou alors ignorer celles et ceux qui n'ont que mépris pour elle.

(1) www.huffingtonpost.fr/2015/02/27/front-national-canal-plus-medias_n_6769098.html?utm_hp_ref=france

jeudi 26 février 2015

Comptoir national

Il y a un intellectuel au Front national. C'est le vice-président du parti, Florian Philippot. C'est donc lui qui est envoyé au (et par le) front pour rencontrer les journalistes et les auditeurs de cette radio intello qu'est France Inter (1). Patrick Cohen s'étonne qu'il y ait tant de "dingues" parmi les candidats du FN (2). Il y a des moutons noirs, mais allez voir dans les autres partis, il y en a autant, répond Philippot. Il faut sortir de l'euro pour créer de l'emploi; remettre des frontières un peu partout, politiques et économiques; supprimer le permis à points (les automobilistes sont les vaches à lait de l'Etat); supprimer la loi Evin (l'Europe veut la mort du vin français). L'Ukraine est aux mains de nazis et Bernard Guetta la voix des Etats-Unis. N'a-t-on pas le droit d'aimer la France qui est si belle et son peuple si intelligent? Hein? Bref, que nous dit l'intellectuel du parti de la famille Le Pen? Ce qu'on peut entendre au comptoir de n'importe quel bistrot à l'heure de l'apéro. Un ramassis de lieux communs populistes. La politique pour les simpl(ist)es. 

Il me semble que je commence à savoir ce que le mot national porte en lui de malheur. Il me semble que je commence à savoir que, chaque fois qu'il fut brandi par le passé, et quelle que fût la cause défendue (Rassemblement national, Ligue de la nation française, Révolution nationale, Rassemblement national populaire, Parti national fasciste...), il escorta inéluctablement un enchaînement de violences, en France comme ailleurs. L'Histoire, sur ce point, abonde en leçons déplorables.
Ce que je sais, c'est que Schopenhauer déclara en son temps que la vérole et le nationalisme étaient les deux maux de son siècle, et que si l'on avait depuis longtemps guéri du premier, le deuxième restait incurable. (...)
Bernanos se défiait lui aussi de l'usage abusif du mot nation dont ses anciens amis se gargarisaient. "Je ne suis pas national (disait-il) parce que j'aime à savoir exactement ce que je suis, et le mot national, à lui seul, est incapable de me l'apprendre. (...) Il n'y a déjà pas tant de mots dans le vocabulaire auxquels un homme puisse confier ce qu'il a de précieux, pour que vous fassiez de celui-ci une sorte de garni ou de comptoir ouvert à tout le monde.
Lydie Salvayre: Pas pleurer (Prix Goncourt 2014), Seuil, pp. 94-95

(1) Ce jeudi 26 février, 8h20-9h.
(2) Voir "Le parti du diable angélique", 24 février 2015.

Post-scriptum: à ceux qui doutent que le FN soit encore un parti d'extrême droite, cet article de Libé - attention au risque d'écœurement: www.liberation.fr/politiques/2015/02/27/islamophobie-homophobie-la-compilation-des-derapages-fn_1210335
Post-scriptum 2: si vous en voulez encore... A chaque jour suffit sa haine:
www.huffingtonpost.fr/2015/03/03/candidat-fn-elections-departementales-2015-propos-racistes-homophobes_n_6791716.html?utm_hp_ref=france
www.huffingtonpost.fr/2015/03/03/homosexualite-zoophilie-candidat-supendu-fn_n_6793898.html?utm_hp_ref=france


mercredi 25 février 2015

Charlie, le retour

Les mercredis ne sont plus ce qu'ils étaient. Celui-ci n'est cependant pas comme les autres: Charlie Hebdo paraît à nouveau. Mais avec l'absence de tous ceux qui ont été massacrés à cause de traits de crayon et d'humour inaccepté. Et la blessure de celles et ceux qui doivent vivre avec ce massacre et ce manque des camarades.
On sait que ces assassins, stupides comme seuls des assassins peuvent l'être, ont raté leur projet: non, Charlie n'a pas été tué et quatre millions de personnes en France et ailleurs dans le monde se sont levées pour défendre la liberté d'expression.
Mais les mêmes assassins ont aussi gagné: comment continuer à faire vivre un journal qui s'est donné pour rôle de se moquer de tous les pouvoirs si ses journalistes et dessinateurs doivent vivre en permanence sous haute protection policière?
"Malgré les flots d'encouragement et de soutiens, écrit Riss dans son édito, on est cependant en droit de se demander qui a réellement le courage de mener ce combat. Car, franchement, qui a réellement envie de se battre pour le blasphème, qui a envie de défier le religieux, si c'est pour finir protégé par dix policiers 24 heures sur 24? Personne! Tout le monde a soutenu Charlie: "allez-y les gars, on est derrière vous!" Mais combien oseront dessiner et publier un dessin blasphématoire? Si peu. La foule soutient Charlie comme elle soutient le taureau dans l'arène. Car qui sait, un jour peut-être Charlie mourra, épuisé par les banderilles, sous les applaudissements admiratifs de la foule."
Philippe Lançon écrit de sa chambre d'hôpital, où il vit depuis un mois et demi, sous protection policière lui aussi. Il parle des assassins: "Je n'ai pas vu leurs visages ce jour-là, je n'ai même pas senti les balles qui me touchaient. Ils sont entrés chez mes amis, chez moi, sans y être invités, et ils ont tout cassé en installant leur folie au cœur de nos discussions, de notre amitié, de nos rires".

Quel lien ont-ils avec l'humanité ces humains qui massacrent pour des dessins qu'ils n'ont sans doute jamais vus, sûrement pas compris ou voulu comprendre? "Ils vont chercher leurs idéaux du côté de la religion au lieu d'aller les chercher du côté de l'humain", estime le psychanalyste Gérard Bonnet.
"L'islam ne progressera pas tant qu'il n'aura pas fait sa place à l'individu à part entière", estime un autre psychanalyste, Malek Chebel, "c'est-à-dire l'individu qui outrage, l'individu qui est outragé, l'individu qui blasphème, l'individu qui veut être agnostique, ou athée... Le jour où il reconnaîtra l'individu à part entière, créatif, inventif, désobéissant, l'islam aura fait un grand progrès dans la modernité. Ce qui l'en empêche, ce sont les religieux qui ont décidé de l'orientation doctrinale, philosophique, morale, spirituelle, de l'ensemble de la planète musulmane: ils ont peur de l'individu, car il représente un contre-pouvoir, qui pourrait entraîner la dissolution de leur pouvoir obscur."
Pour y arriver, il faut "revenir à la réalité de luttes sociopolitiques et culturelles", écrit la sociologue et écrivaine Chahia Chafiq, "qui, ici et là, soulèvent le problème du rapport religieux-politique au regard des idéaux démocratiques. Fondée sur la reconnaissance de l'autonomie des individus égaux et libres, destinataires et auteurs des lois, la démocratie, loin de n'être qu'un appel aux urnes, est un projet politique dont l'approfondissement  nécessite une collectivité affranchie de tout pouvoir sacré, intouchable".

Voilà pourquoi il faut que Charlie Hebdo continue à vivre: pour nous aider à rire du monde dans lequel nous vivons, à rire de nous-mêmes, à réfléchir, à montrer qu'on peut penser librement, sans fusil sur la tempe. A être des individus à part entière.
Vivement mercredi prochain!

(note: toutes les citations sont extraites de Charlie Hebdo de ce 25 février 2015. L'appel à s'abonner vient du blog de Tom Goldschmidt: http://tom-goldschmidt.blogspot.fr/)

mardi 24 février 2015

Le parti du diable angélique

Il est difficile de rendre présentable un parti dont les membres ne le sont pas. La fille à papa Le Pen le constate chaque jour. Les candidats F.N. sont aujourd'hui nombreux à se presser sur les listes pour les prochaines élections cantonales. Et beaucoup d'entre eux, très fiers, se laissent aller sur Tweeter, sur Facebook ou tout autre moyen de parler de soi et de bomber le torse. Ils expriment ce qu'ils pensent, et donc leur racisme, leur antisémitisme, leur homophobie, leur pétainisme (biffer la mention inutile, s'il y en a), bref leur bêtise (1). Ils n'ont pas encore compris que ce qui se dit entre militants ne doit pas toujours être communiqué à l'extérieur. Ils ont du mal à faire la part des choses. La présidente-de-père-en-fille a regretté ces "propos maladroits et imprudents". Elle ne les qualifie pas d'abjects, d'immondes ou simplement d'inacceptables. Non, ils sont juste "maladroits et imprudents". On comprend par là qu'ils ne sont pas assez politiquement corrects dans le cadre d'une campagne qui doit donner une image lissée du parti. La fille à papa a dès lors compris qu'il vaut mieux éviter, autant que possible, l'expression publique de tous ces candidats qui profitent de la campagne électorale pour exprimer leur haine des autres. Aussi cette campagne se mènera-t-elle en porte-à-porte plutôt qu'en meetings. On n'est jamais trop prudent.
Voilà pourquoi le parti de la famille Le Pen (2) fera un carton lors de ces élections. Un Français sur trois est nostalgique de l'ancien régime, ce bon vieux temps de la féodalité où des familles se transmettaient le pouvoir en leur sein, plumaient le bon peuple en s'enrichissant sur son dos, tout en tenant des discours d'une consternante teneur intellectuelle. C'est ce qu'il faut croire quand on voit cette confirmation des sondages: 30% des Français seraient prêts à voter pour le F.N. Et tant pis s'il tient un discours d'une extrême faiblesse sur l'économie du pays (3), tant pis si le parti et sa présidente se font de l'argent sur le dos de l'Etat (4). C'est le parti à qui ses sympathisants pardonnent tout. Même de les gruger.
Il faut dire que la présidente a fait bien plus que dédiaboliser le parti, au point que la voilà sanctifiée. Dans un "Hymne à Marine", un candidat F.N., Xavier Sainty, chante la "divine Marine au visage d'un ange", il la voit comme un "sublime cadeau du ciel". Il parle de sa "douceur" et de sa "bonté qui nous fascine". On s'inquiète. On ne sait plus s'il faut rire ou pleurer. Si on est dans le premier ou le trente-sixième degré. En tout cas dans le trente-sixième dessous. Voir la bonté, la douceur et le visage d'un ange en la fille à papa Le Pen, c'est ce qu'on doit appeler des "visions". L'extrême droite semble plus dangereuse à consommer que l'alcool, l'ecstasy et le cannabis réunis. On en a internés pour moins que cela.

(1) www.huffingtonpost.fr/2015/02/23/candidats-fn-departementales-derapages-dediabolisation_n_6731948.html?utm_hp_ref=france
(2) lire "Le sens de la famille", 31 janvier 2015. On apprend en même temps (1) que la belle-mère de la fille à papa Le Pen, Thérèse Aliot, mère de Louis, est également responsable du FN pour le département de l'Ariège. Décidément, oui, ce parti a vraiment le sens de la famille.
(3) lire "Sortie de route", 17 février 2015.
(4) www.liberation.fr/politiques/2015/02/20/fn-les-kits-de-campagne-etaient-bien-obligatoires-pour-les-candidats_1206426

A lire aussi: "Marine Le Pen prise aux mots" de Cécile Alduy - ou le double langage de la présidente-de-père-en-fille
http://www.20minutes.fr/politique/1544247-20150218-front-national-comprendre-double-langage-marine-pen


lundi 23 février 2015

Et Dieu dans tout cela?

Etrange conception de la vie que celle de ces islamistes qui vouent la leur à la haine de qui n'est pas comme eux (barbu fou furieux). Consacrer sa vie à l'assassinat, à la violence, à la destruction, à la terreur, est-cela vivre? Et vivre selon la volonté d'un dieu? Si c'est le cas, il vaudrait mieux que ce dieu aux allures diaboliques n'existe pas.
On le sait, le Dieu des trois religions monothéistes est sensiblement le même. En tout cas, le profil de Yahvé, de Dieu et d'Allah a été - tout comme les religions qui les servent - dessiné à partir de sources communes. Celui des Chrétiens est présenté comme parfait. On peut supposer, sans y connaître grand chose, que les deux autres partagent cette même qualité qui englobe toutes les autres. On dit aussi que Dieu a créé l'homme à son image. Et là, allez savoir pourquoi, on a un doute. Car de deux choses l'une: ou Dieu s'est royalement planté et a raté sa création, en réalité très imparfaite, ou il l'a réussie, ce qui serait la preuve qu'il n'est lui-même pas parfait. Donc, on nous a raconté des bobards: Dieu n'est pas l'incarnation de la perfection (1).
Mais au moins est-il amour, nous disent les croyants, du moins certains d'entre eux. Et là aussi, inévitablement, on a des doutes. On pense aux croisades, à l'inquisition, à la guerre d'Espagne, à l'attitude de l'Eglise durant tant de guerres, à celle de prêtres au Rwanda, aux croisades islamistes, aux lapidations, aux mutilations et aux assassinats, à toutes ces horreurs pratiquées au nom d'un dieu quel qu'il soit. Oui, mais ce n'est pas notre dieu, nous disent les vrais croyants. Il faut donc comprendre que Dieu - quel que soit son nom -  n'est pas unique. Il y en a de nombreux: des gentils et des méchants, des aimants et des haineux, des parfaits et des imparfaits, des inspirateurs de gens bien et des gourous d'immondes crapules.
Résumons-nous: Dieu n'est pas celui que l'on croit.
A moins qu'il ne soit précisément que ce que l'on croit?

(1) et si, d'aventure, il l'était, il n'a alors pas besoin de sombres abrutis pour le défendre contre des caricaturistes qui l'égratignent.

vendredi 20 février 2015

Sortie de route

Que se passerait-il si la France quittait l'euro? Voilà une question qui mérite d'être posée, puisque certains partis politiques sont convaincus que c'est là que réside "la" solution pour sortir de la crise, créer des emplois et relancer l'économie. Ella Cerfontaine y a répondu par un documentaire fiction (1) dans lequel des économistes, des politiques et des citoyens jouent à "on dirait que la France est sortie de l'euro" et imaginent ce qui se passe alors.
La réalisatrice commence par imaginer que c'est l'Italie la première qui quitte la zone euro. Les répercussions sont rapides sur le marché français - et en premier lieu sur l'agriculture - inondé de produits alimentaires italiens à moindre coût. La situation économique se dégrade si vite que le Gouvernement décide, précipitamment, de faire sortir, à son tour, la France de l'euro. Il faut donc créer en catastrophe une nouvelle monnaie: ce sera le franc-euro. Un franc-euro vaut un euro. Mais la parité ne dure pas. Trois jours plus tard, il faut 1,33 franc-euro pour un euro. Bref, la dévaluation a démarré et, de ce fait, tous les produits d'importation augmentent. Les entreprises qui exportent y trouvent un avantage, mais peu de produits sont totalement made in France. La plupart ont besoin de composants, de matériaux, de machines venant de l'étranger, donc à coût plus élevé. Le secteur du tourisme est le grand gagnant, puisque les étrangers peuvent venir passer en France des vacances meilleur marché. Mais il est bien le seul à  se réjouir. Les secteurs industriels et commerciaux européens, concurrencés par l'attractivité des produits français, font pression sur l'Union européenne pour qu'elle diminue ses aides à la France et qu'elle instaure certaines formes de barrières douanières. Beaucoup d'investisseurs étrangers déplacent leurs investissements ailleurs en Europe. Le budget des ménages chute dans le même temps où le chômage et la dette de l'Etat français explosent. Seuls s'en sortiront les plus fortunés, qui auront placé leurs économies dans d'autres banques de la zone euro. Une fois encore, les plus pauvres seront les premiers à encaisser la crise. Les recettes de l'Etat se font plus rares et celui-ci, incapable de gérer son budget, augmente les impôts, licencie des fonctionnaires et gèle les salaires de ceux qui restent en place, diminue les prestations sociales, pratique des coupes sombres dans tous les secteurs.
Bien sûr, l'économie n'est pas une science exacte et elle a parfois des mouvements peu prévisibles. Et il me semble même que Bernard Maris était plutôt en faveur d'une sortie de l'euro (il n'est hélas plus là, abattu par la barbarie, pour qu'on l'entende). Mais quand même, on a du mal à croire qu'il suffirait de quitter l'euro pour voir briller le soleil sur la France.
"La sortie de l'euro serait une absurdité, un suicide qui conduirait la France à la déchéance absolue", conclut Jacques Attali.
On le sait, le parti de la famille Le Pen a fait de la sortie de l'euro la base d'un programme économique et financier critiqué par tous les spécialistes. Pour séduire les braves gens, rien de tel que le yaka. Mais la famille Le Pen, si le scénario devait devenir réalité, convertirait-il sa fortune en francs-euros? On ne l'imagine pas une seconde.

(1) "Bye-bye l'euro", diffusé sur France 5, mardi 17 février 2015.

mardi 17 février 2015

La fable du loup et du rap

Les chasseurs sont des hommes comme les autres. C'est pourquoi quand vous en apercevez deux avec leurs gilets fluos, dans un fossé sur le bord de la départementale, vous levez le pied. Pour passer à 50 km/h, guère plus. Mais voilà que leur chien se jette sous vos roues, comme sur un vulgaire faisan. Vous freinez pile, évitant de peu le canidé. Les chasseurs vous insultent aussitôt (1). Ils pourraient vous remercier d'avoir épargné leur chien qu'ils ne savent pas maîtriser, mais non, c'est vous qui avez tort. Alors que les chasseurs ont toujours raison.
Un exemple: ils demandent au Ministère de l'Environnement de classer comme "nuisibles" toute une série d'animaux, mais sont déjà convaincus que leur liste sera attaquée "par les Associations nationales dites de protection de la nature qui bénéficient de subventions du même ministère qui rédige cet arrêté" (2). Les chasseurs sont des malins, ils ont tout compris: "c'est peut-être pour ça que nos dirigeants souffrent de calvitie... à force de marcher sur la tête", disent-ils. Que font les coiffeurs? Leur activité est menacée par la marche inversée des ministres.
Et que se passe-t-il alors que les capilliculteurs doivent fermer boutique? "Pendant ce temps, les fouines détruisent l'isolation dans les maisons, les oiseaux qui nichent dans les arbres creux; les pies et les geais s'occupent des nids de mésanges, de pinsons et de chardonnet (sic)... Et que dire du loup?", s'interroge avec un sens de l'à-propos qui lui est propre la Société communale de chasse de Lignac (Indre) (2). Voilà une question qu'on avait oublié de se poser, tant on est préoccupé par l'avenir des salons de coiffure. Et on a bien tort, car il y a de quoi être inquiet. "Le loup, protégé par la convention de Berne, auteur, cette année, de 8 attaques sur les troupeaux et qui est en train d'envahir la France en se déplaçant de 150 kms par an. Sachant que les attaques ont été recensées dans le Cantal et l'Aveyron, nous aurons des loups dans moins de 10 ans."
On comprend par là que les chasseurs ont le sens de la métaphore. Le loup, c'est évidemment l'extrême droite qui étend son emprise dans l'est et le sud de la France. Les chasseurs ont raison de nous mettre en garde. Il faut rejeter le Front national et plutôt voter pour les Verts (ce que laisse entendre leur souci des petits oiseaux). Remerciera-t-on assez les chasseurs pour leur vigilance?
Mais le loup n'est rien encore. Il y a bien pire que lui, la situation est alarmante, poursuit la Société communale de chasse de Lignac: "dans quelques années, les canadairs auront remplacés les brebis et les enfants s'endormiront en écoutant du rap plutôt que la chèvre de Monsieur Seguin". Ce qui amène les chasseurs à se poser cette question pleine de bon sens: "et qui paie la note de tout cela: le contribuable".
Et là, brutalement, la lumière se fait dans nos esprits: ainsi donc, c'est nous, braves contribuables qui payons la note du loup, des canadairs et du rap. Je crois que vous en serez d'accord (comme disait Charb), il faut qu'on cesse de nous prendre pour des pigeons et si ça continue, ça va cesser. Mais, au fond, que fait la police? A-t-elle autant de clairvoyance que les chasseurs? On se le demande.

(1) à l'entrée de Rosnay, ce 16 février après-midi.
(2) "Lignac.com", bulletin municipal, 2015.

vendredi 13 février 2015

D'autres voix, d'autres voies

A quelque chose malheur est bon, dit le proverbe. On peut l'espérer. Les massacres perpétrés, en France, en Irak, au Nigéria et dans tant d'autres pays, au nom d'Allah ou de son prophète, suscitent de plus en plus de réactions d'intellectuels du monde musulman invitant celui-ci à une auto-critique et une solide et énergique remise en question.

L'imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, estime qu'il faut "adapter l'islam à la mentalité française (1). C'est lui qui, à la sortie du dernier numéro de Charlie Hebdo, rappelait que "c'est grâce à la liberté que les musulmans peuvent s'exprimer et pratiquer" (2).

Apparaît, à travers une utilisation violente de l'islam, "la grande misère des magistères musulmans contemporains, écrit Rachid Benzine (3), qu'il s'agisse de l'islam qui s'est implanté ces cinquante dernières années en Europe occidentale à la faveur des mouvements migratoires, ou de l'islam qui domine de nos jours dans la majorité des pays musulmans, et surtout dans le monde arabe". Il estime que le Coran n'a jamais été autant brandi et instrumentalisé, mais, dit-il "jamais il n'a été à ce point méconnu et malmené par ceux-là mêmes qui ont la bouche pleine de ses versets mais qui cherchent surtout à imposer leurs propres vues, à réparer leurs frustrations, à exercer leur haine au nom de Dieu".


Il faut lire le Coran avec un regard actualisé, affirme Mohd Asim (4): "alors que d'autres religions ont connu assez tôt leurs mouvements de réforme et leurs grands rénovateurs, l'islam est resté une religion du VIIe siècle". Un texte n'est qu'un texte, dit-il, tout dépend de l'interprétation qu'on en fait: "le texte a été écrit dans un contexte, dans une époque. Quand ce contexte change, la lecture et l'interprétation que nous en faisons doivent faire de même." Or, on assiste, selon lui, à "une stagnation obscurantiste au centre de l'islam (c'est-à-dire dans le monde arabe) qui bloque la circulation vitale vers le cœur".


Il nous faut notre Vatican II, lui répond en écho Slim Laghmani (5): "si aujourd'hui on confond l'islam, au nom duquel les pires horreurs sont commises, et l'islamisme, qui les glorifie, c'est parce que rien ne les distingue dans leur compréhension du texte. Ils adoptent les mêmes paradigmes, les mêmes méthodes, les mêmes techniques d'interprétation. Ce qui les distingue, ce n'est pas leur compréhension du texte, mais les décisions politiques relatives aux attitudes à adopter. Un immense travail reste à faire, ce qui est de notre responsabilité." Il constate que, hélas, ceux qui s'y sont aventurés ont été ou ignorés ou exécutés. "Tant qu'on ne le fera pas (ce travail), il sera difficile de convaincre, autrement qu'en recourant à des arguments d'autorité, que l'islamisme est une interprétation maladive de l'islam."

"Les musulmans ne peuvent plus nier que le terrorisme a quelque chose à voir avec leur islam, affirme la sociologue allemande Necla Kelek (6). L'islamologue tunisien Abdelwahab Meddeb, qui s'est éteint voilà quelques semaines, écrivait: La question de la violence de l'islam est une vraie question. Les musulmans doivent admettre que c'est un fait, dans le texte comme dans l'histoire telle qu'ils la représentent eux-mêmes. Nous avons affaire à un prophète qui a tué et qui a appelé à tuer. Aux musulmans d'organiser le débat comme ils le souhaitent. C'est en affrontant leurs pratiques qu'ils seront respectés en Europe, dit-elle. "Les musulmans organisés veulent que leurs conceptions religieuses, comme le port du voile, le sacrifice du mouton ou les fêtes religieuses soient reconnues comme des droits. Mais le débat restera obsolète tant qu'il n'abordera pas les questions de laïcité, d'égalité entre hommes et femmes et de responsabilité individuelle."

Il ne faut surtout pas plier face à ceux qui, au nom de leur religion, veulent imposer leur terreur, affirme Ayaan Hirsi Ali (7). "Nous devons reconnaître que les islamistes d'aujourd'hui sont animés par une idéologie politique, qui est inscrite dans les textes fondamentaux de l'islam. Nous ne pouvons plus faire comme s'il était possible d'établir une distinction entre les actes et les idéaux qui inspirent ces actes." (...) "Plus nous répondrons à leurs demandes, plus nous nous autocensurerons. Plus nous adopterons une approche conciliatrice, plus l'ennemi sera insolent. Il n'y a qu'une réponse possible à cet attentat djihadiste écœurant contre l'équipe de Charlie Hebdo. Les médias et dirigeants occidentaux ont l'obligation de défendre les droits les plus élémentaires de la liberté d'expression, sous une forme satirique ou autre. L'Occident ne doit plus faire de concessions, ne doit plus être contraint au silence. Nous devons émettre un message unanime aux terroristes: votre violence ne peut pas détruire notre âme."

Le professeur de philosophie Sofiane Zitouni a salué le dessin de Luz en une du dernier Charlie (8): "le prophète de l'islam, Mohamed, pleure avec nous toutes les victimes de la barbarie et de l'ignorance, et demande à Allah le pardon pour les nombreuses brebis égarées se réclamant de sa religion alors qu'elles n'ont toujours pas compris l'essentiel de son message". 

Le philosophe Abdennour Bidar dénonce "la sous-culture de l'islam". Avec cet acte de barbarie (les massacres des 7, 8 et 9 janvier), on a, dit-il (9), "l'occasion de ce que Pierre Rabhi appelle une insurrection des consciences: on ne peut plus laisser passer, il faut intensifier le combat. Contre le défaitisme, le renoncement aux valeurs de la République, de l'humanité, des droits de l'homme. Contre l'idée aussi que derrière chaque musulman il y aurait un terroriste en puissance, que par essence l'islam serait une religion violente. Contre enfin, dans le monde musulman, la sous-culture de l'islam, qui donne le bâton pour se faire battre et alimenter ce type de préjugés...". A ceux, musulmans ou non, qui pensent qu'on ne peut rire de tout et qu'il faut respecter le sacré il répond: "le rire, nous a appris Bergson, est une catégorie de l'esprit critique! Il en va non seulement de la liberté humaine, mais de la puissance de l'affirmation de l'être humain face à ce qui le tétanise, le sacré et la mort. Soit nous choisissons une transcendance qui nous écrase et ne nous laisse d'autre attitude possible que la prosternation et la soumission, et là, on arrête de rire. Soit on affirme que la liberté humaine est à la hauteur de cette transcendance, on la regarde dans les yeux, et on rit. Ce qui est en jeu, c'est bien le choix qu'on fait de notre humanité. Si l'on considère, après Pascal, que l'homme n'est pas seulement faible et misérable, mais qu'il y a aussi en lui quelque chose de l'infini, on n'a pas à se laisser impressionner par ce qui nous dépasse. Le sacré est à notre démesure. Les dieux sont à notre démesure. Donc, Charlie, qui les contestait, avait une fonction métaphysique".

(1) Revue de presse, France Inter, 13 février 2015, 8h30.
(2) www.sudouest.fr/2015/01/13/l-imam-de-bordeaux-sur-les-caricatures-tout-le-monde-a-le-droit-de-s-exprimer-1795577-681.php
(3) Auteur de Les nouveaux penseurs de l'islam (Albin Michel), "L'après-"Charlie": le salut par l'Histoire?", La Libre Belgique, 4 février 2014.
(4) "Une religion prisonnière de son passé", NDTV (New Delhi, 12 janvier 2015), in Le Courrier international, 29 janvier 2015.
(5) "Il nous faut notre Vatican II", Leaders (Tunis, 12 janvier 2015), in Le Courrier international, 29 janvier 2015.
(6) "Allemagne, année zéro", Die Welt (Berlin, 23 janvier 2015), in Le Courrier international, 29 janvier 2015.
(7) "C'est l'islam qui est coupable", De Volkskrant (Amsterdam, 9 janvier 2014), in Le Courrier international, 29 janvier 2015.
(8) www.liberation.fr/societe/2015/01/14/aujourd-hui-le-prophete-est-aussi-charlie_1180802
(9) "Pour une réforme de l'islam", Télérama, 21 janvier 2015.

mercredi 11 février 2015

On peut rire de tout mais pas vraiment

Ce qui est étonnant n'est pas qu'il ne soit plus "Charlie", c'est qu'il l'ait été. Hervé Hasquin, grand libéral  devant un Eternel qui n'est pas le sien mais surtout devant sa propre éternité et ancien ministre-président de la Communauté française de Belgique, s'écoute tempêter. Il adore s'écouter, il ne s'en lasse pas. "Non, je ne suis plus Charlie", dit-il (1), à cause de la couverture du dernier numéro de Charlie Hebdo qui l'a "outré". "Leur bêtise m'exaspère", dit-il parlant de l'équipe de Charlie. "J'accepte le blasphème, on doit pouvoir rire de tout." On se doute alors qu'il y aura un "mais". Effectivement. "Mais il faut pouvoir en user à propos. Et là, quelle connerie!" Nous sommes en guerre, "guerre de civilisation et de religion" selon lui, donc on ne peut pas rire de tout. Sacré Hervé! Visiblement, il n'a pas compris le dessin. La compassion éprouvée par le Prophète serait-elle un sentiment qui lui échappe? Il n'a pas vu comme d'autres (2), la "tendresse" et "l'intelligence" du dessin de Luz. Il devrait prendre le temps de comprendre, mais il ne l'a pas, ce temps. Il n'a que celui de s'écouter. 
Me revient en mémoire cette sortie d'Hervé Hasquin. C'était au Parlement de la Communauté française de Belgique, il y a une quinzaine d'années. Répondant à un député qui venait de l'interpeller, il lui a rétorqué: "Monsieur, vous ne manquez pas de suffisance". Il n'a toujours pas compris pourquoi il avait provoqué un tel fou-rire dans l'assemblée. 
Peut-on rire de la suffisance?

Hervé,
J'suis énervée.
Brigitte Fontaine (NRV)

(1) Le Vif/L'Express, 23 janvier 2015.
(2) www.liberation.fr/societe/2015/01/14/aujourd-hui-le-prophete-est-aussi-charlie_1180802

lundi 9 février 2015

Banalités du diable

Le parti de la famille Le Pen parvient peu à peu à ses fins: se banaliser. Il est aidé en cela par l'UMP qui, hors jeu pour le second tour de législatives partielles dans le Doubs, a refusé de prendre position, si ce n'est dans le "ni-ni". Ni FN, ni PS. Comme si les deux partis se valaient. Oubliant qu'en 2002, quand il a fallu barrer la route à Le Pen père, la gauche s'est mobilisée pour voter pour le candidat de la droite, Jacques Chirac. Beaucoup d'électeurs de gauche l'ont fait en traînant les pieds ou en se bouchant le nez, mais il fallait bien en passer par là pour éviter le pire, voire l'immonde. Aujourd'hui, l'UMP souffre de pertes de mémoire, mais aussi de cécité en refusant de voir la différence entre un parti républicain et un autre qui ne l'est pas. Une position qui a des allures de suicide: comment ne pas voir que cette attitude favorise le FN? comment imaginer que lors d'une prochaine élection qui mettrait face à face le FN et l'UMP la gauche se mobiliserait pour soutenir celui-ci s'il fait le choix de se mettre la tête dans la sable quand il faut se montrer courageux?
En attendant, le parti de la famille Le Pen est passé à deux doigts de la victoire dans le Doubs. Il se banalise donc. Mais il lui reste du travail pour se dédiaboliser. Son président dit d'honneur ne manque jamais une occasion de se montrer ordurier et nombre de ses militants s'affirment racistes et/ou antisémites, quand ils ne sont pas négationnistes (1). Et voilà (2) qu'un proche de la fille à papa Le Pen, ex-trésorier de son micro-parti "Jeanne", a menacé de mort une journaliste de Médiapart qui n'a eu d'autre choix que la fuite pour se préserver. Le même individu avait déjà menacé deux journalistes du Monde.
On voit par là que le FN reste un parti pas banal.

(1) voir Nadia et Thierry Portheault: "Revenus du Front - Deux anciens militants FN racontent",
Grasset, 2014.
(2) www.lalibre.be/actu/international/je-vais-te-tuer-un-proche-de-marine-le-pen-menace-une-journaliste-de-mediapart-54d5be5735701001a198953b