mardi 15 mars 2011

Les apprentis sorciers

Voilà que l'énergie nucléaire s'avère dangereuse. Extrêmement dangereuse même. C'est une surprise. C'est pourtant la technologie du futur, sans CO2, sans peur et sans reproche. C'est la solution, seule et unique, pour lutter contre le réchauffement climatique. Une technologie sûre et sous contrôle. C'est ce qu'ils nous disent tous: les électriciens et les partis politiques (à l'exception bien sûr de ces hommes des cavernes que sont les écologistes). En fait, ils le disaient. A présent, ils ajoutent une nuance: "le risque zéro n'existe pas" (1).
Au Japon, il existe d'autant moins que des centrales nucléaires ont été construites à des endroits inappropriés, soumis à de forts risques sismiques. Le lobby nucléaire l'a voulu ainsi (2). En France, Henri Guaino, de la bande à Sarko, jamais avare d'un trait de génie, a rétorqué aux attaques anti-nucléaires en affirmant que "on peut aussi bien retourner à la préhistoire et s'éclairer à la bougie". Ce qui est là, on en convient, propos d'un homme particulièrement éclairé. Les mêmes pauvres arguments ("le nucléaire ou rien") avaient été développés par certains esprits indigents au Sénat chez nous lors du débat sur la loi de sortie du nucléaire le 16 janvier 2003.

Personnellement, j'y avais - entre autres - tenu les propos suivants:
"L'énergie nucléaire ne s'inscrit pas dans une perspective de développement durable. Quelles que soient les garanties de sécurité que l'on puisse offrir, les réacteurs présentent des dangers et même si les risques d'accidents sont faibles, leurs conséquences sont incalculables, non seulement à l'échelle de notre pays mais bien au-delà. De plus, la production d'énergie nucléaire génère des déchets que nous laisserons aux milliers de générations qui nous succéderont. L'énergie nucléaire n'est donc pas aussi propre que certains se plaisent à l'affirmer. (...) Le choix de la filière nucléaire n'est pas celui d'une forme de production économe en énergie, qu'elle soit électrique ou autre. On le constate, les pays les plus nucléarisés sont aussi ceux qui maîtrisent le moins leur consommation énergétique. La Belgique est le troisième pays le plus nucléarisé au monde, mais c'est aussi - après le Luxembourg - celui qui émet le plus de CO2 par habitant, soit 12 tonnes par an. Notre consommation d'énergie est l'une des plus élevées au monde. (...) Nucléaire signifie donc, en général, non maîtrise des consommations, voire gaspillage. Pourquoi ? Parce que la surabondance et la centralisation des moyens de production génèrent une surconsommation, et donc un gaspillage dans tous les domaines. (...) La sortie progressive du nucléaire, et donc le choix d'une autre politique énergétique, devrait nous permettre de réaliser d'importantes économies d'énergie. Différentes études (...) ont fait apparaître qu'il était possible, à l'horizon 2020, de diminuer de 30% les consommations d'énergie finale. (...)
En conclusion, je dirai que cette sortie progressive du nucléaire marque l'entrée de la Belgique dans le club des pays qui vivent et vivent bien sans énergie nucléaire, l'entrée dans une autre culture de l'énergie sans doute, dans une autre politique de l'énergie en tout cas, qui marque une réorientation structurelle vers une politique énergétique réduisant les risques et l'héritage négatif pour les générations futures, qui déconcentre la production et augmente l'emploi, qui investit dans les énergies renouvelables et dans la recherche et qui génère non seulement une attitude, mais surtout des actions concrètes en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie, et ce dans tous les secteurs, et donc une réelle capacité de respecter Kyoto."

Voilà bientôt vingt-cinq ans que la centrale de Tchernobyl a explosé. Saura-t-on un jour combien de morts elles a provoquées? Autour d'elle, la radioactivité reste, aujourd'hui encore, vingt-cinq fois supérieure aux normes admises (2). L'explosion n'était que le fait de soviétiques incompétents. Les accidents japonais ne sont dus qu'à un séisme naturel. Eric Besson, ministre français de l'Industrie, n'est d'ailleurs pas dupe: ce qui arrive à Fukushima n'est "qu'un accident grave, mais pas une catastrophe nucléaire" (3). On voit par là que si ce n'est que grave et pas catastrophique, on peut dormir tranquille.

(1) cf le "Café serré" de Thomas Gunzig ce matin sur la Première
(2) JT RTBF, 13.03.2011

(3) LLB, 15.03.2011

Voir sur ce blog
"Nucléaire? Non merci!!!", 15.10.09
"La neutralité du nucléaire", 03.10.09

"Nucléaire: vous en voulez encore?", 01.10.09

" La meilleure blague du moment", 06.11.08