dimanche 25 novembre 2007

Les contes de fée, tous comptes faits...

"Etre bon prince: faire preuve de générosité, de bienveillance, de tolérance" (le Petit Robert)

Le Courrier de l'Escaut de ce 24 novembre nous apprend que le "trésor" découvert dans le bollewerk du château d'Antoing sera propriété du prince de Ligne.
Vingt-cinq pièces d’or avaient été trouvées par des guides touristiques de la Ville, enfouies dans une contremarche d’un escalier à l’abandon. La loi précise, dans le code civil, qu'en cas de découverte d'un trésor sur le terrain d'autrui, ce trésor se partage en parts égales entre son inventeur (le découvreur) et le propriétaire.
Mais ici à Antoing, monsieur le prince, dans sa grande bonté, n'accorde qu'une pièce à chacun des cinq inventeurs, se gardant pour sa bourse personnelle les vingts pièces d'or restantes. Pour qui sait calculer, 50/50, c'est une proportion qui vous a des allures d'équilibre démocratique inacceptable. Tandis que 80/20, voilà une proportion qui laisse chacun à sa place. Il faut dire que monsieur a ses frais, nous dit le journal: il doit restaurer sa toiture (noblesse oblige!) et ce trésor est une aubaine qu'il n'entend pas laisser passer. Et qu'importe la loi, elle n'est de toute façon faite que pour les manants. Arrière, marauds! Les guides touristiques avaient fait part de leur découverte en toute honnêteté au châtelain. Mais face à sa menace de déposer le dossier auprès de ses avocats et sous la pression du bourgmestre qui craint de voir le château fermé au public, les guides ont décidé de laisser tomber leurs prétentions à leur part (l)égale du trésor. Et tant pis pour la famille antoinienne dans le besoin à qui - noble attitude ! - ils avaient décidé de donner leur part.

A l'heure où le même prince entend créer sur 350 hectares de ses terres un "centre européen des sports de glisse", au mépris du réchauffement climatique et de toutes les politiques de préservation de l'environnement et d'économies d'eau et d'énergie, il apparaît qu'il ne faut décidément pas croire aux princes charmants: ils se sont transformés en princes marchands.
L'autre leçon à tirer, c'est que Monseigneur Picsou, prince de Glisse (avec un petit "de" comme dans denier) continue à régner en monarque absolu sur Antoing, le bourgmestre n'hésitant pas à s’habiller en laquais pour lui venir en aide.

L'histoire n'a en tout cas pas de quoi rassurer tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, suivent le dossier du "centre de glisse": pour sa souverainissimité, seul compte l'argent et les lois ne sont que roupies de sansonnet!

Filippo de Terre

P.S. : L’anecdote nous amène à imaginer une alternative au projet de centre de glisse : le « site aux trésors » accueillerait des chercheurs qui, pour la somme de 30 €, pourraient fouiller le domaine pendant une période de deux heures. En cas de découverte du trésor, les inventeurs récupéreraient leur mise de 30 €, laissant le reste du butin aux actionnaires.

jeudi 8 novembre 2007

La conjuration des imbéciles *

Ils ont voté, et puis après? (comme disait Ferré) Après, les affaires continuent. Leterme, qui a perdu énormément de crédit, même en Flandre, est toujours missionnaire, chargé de former un gouvernement au plus vite. Et les francophones outrés du MR et du CDH ne se sont donné d'autre choix que de le faire lanterner un peu.
Leterme s'est montré ces derniers jours plus fuyant que jamais, n'assumant rien, ne communiquant pas, coursant les journalistes. Même s'il est un jour premier ministre, il ne sera jamais réellement reconnu à cette fonction par les Francophones.
Si la Belgique se retrouve aujourd'hui divisée comme jamais elle ne le fut, c'est que ce pays est aujourd'hui bloqué, depuis 150 jours, par des champions flamands uniquement obnubilés par les élections régionales de 2009, uniquement soucieux de reprendre des voix au Vlaams Blok. De Wever le pâle borné connaît aujourd'hui son heure de gloire, lui qui rêve toutes les nuits de la fin de la Belgique. Leterme et lui ont fait la preuve tant de leur incapacité intellectuelle que de leur absence de volonté de négocier, de travailler à des compromis, de trouver des solutions acceptables par tous. L'attitude entêtée du CDV/ NVA est hallucinante. Mais des bulldozers sont-ils capables de mener une stratégie?
Le vote d'hier touche à la symbolique, c'est un message aux électeurs nationalistes flamands. Il est clair que BHV ne sera pas scindé demain, et que le pays ne va pas voler en éclats du fait de cette gifle. Mais la Belgique dans son ensemble en sort affaiblie.
Le vote de ce 7 novembre, c'est le triomphe de la faiblesse. De l'incapacité à faire de la politique. Le triomphe du nationalisme le plus borné, celui des populistes et des fascistes du Blok qui ont réussi à occuper tout le champ politique. Le compromis à la belge a pris des coups et on entend aujourd'hui certaines voix flamandes revendiquer fièrement le droit du plus fort, sans souci des minorités. Ce serait donc cela la (leur) démocratie?
Heureusement, il est d'autres propos plus sensés. Au JT de la mi-journée de la RTBF, ce 8 novembre, Luc Vanderkeelen, éditorialiste de Het Laatste Nieuws déclarait que "avoir le courage d'être modéré dans ce pays est le seul moyen pour la Belgique d'en finir avec ce conflit". Et il faut souligner l'attitude courageuse de la députée écologiste Tinne Van der Straete qui s'est abstenue sur cette loi, seule contre l'équipe de la honte qui ne l'a même pas laissée s'exprimer. Ces attitudes et ces déclarations sont rassurantes. Elles nous permettent, même si certains ont perdu la tête, de ne pas perdre le nord!

Au-delà du cas belge, sommes-nous aujourd'hui dans une ère de recul de la diversité culturelle? On ne peut imaginer qu'un jour la Belgique s'engage dans un scénario tragique à la yougoslave ou à la libanaise. Mais on ne peut que s'inquiéter des rêves de certains d'une ceinture linguistiquement pure (een zuiver taalgordel?) autour de Bruxelles...


* La conjuration des imbéciles est le titre d'un roman jubilatoire de John Kennedy Toole (10/18 n°2010).
Son héros, Ignatius Reilly, a beau être un immense producteur de flatulences, d'éructations, d'esbroufe, de mépris et d'invectives, il n'en reste pas moins plus sympathique que les tristes héros de ce 7 novembre.