jeudi 8 novembre 2007

La conjuration des imbéciles *

Ils ont voté, et puis après? (comme disait Ferré) Après, les affaires continuent. Leterme, qui a perdu énormément de crédit, même en Flandre, est toujours missionnaire, chargé de former un gouvernement au plus vite. Et les francophones outrés du MR et du CDH ne se sont donné d'autre choix que de le faire lanterner un peu.
Leterme s'est montré ces derniers jours plus fuyant que jamais, n'assumant rien, ne communiquant pas, coursant les journalistes. Même s'il est un jour premier ministre, il ne sera jamais réellement reconnu à cette fonction par les Francophones.
Si la Belgique se retrouve aujourd'hui divisée comme jamais elle ne le fut, c'est que ce pays est aujourd'hui bloqué, depuis 150 jours, par des champions flamands uniquement obnubilés par les élections régionales de 2009, uniquement soucieux de reprendre des voix au Vlaams Blok. De Wever le pâle borné connaît aujourd'hui son heure de gloire, lui qui rêve toutes les nuits de la fin de la Belgique. Leterme et lui ont fait la preuve tant de leur incapacité intellectuelle que de leur absence de volonté de négocier, de travailler à des compromis, de trouver des solutions acceptables par tous. L'attitude entêtée du CDV/ NVA est hallucinante. Mais des bulldozers sont-ils capables de mener une stratégie?
Le vote d'hier touche à la symbolique, c'est un message aux électeurs nationalistes flamands. Il est clair que BHV ne sera pas scindé demain, et que le pays ne va pas voler en éclats du fait de cette gifle. Mais la Belgique dans son ensemble en sort affaiblie.
Le vote de ce 7 novembre, c'est le triomphe de la faiblesse. De l'incapacité à faire de la politique. Le triomphe du nationalisme le plus borné, celui des populistes et des fascistes du Blok qui ont réussi à occuper tout le champ politique. Le compromis à la belge a pris des coups et on entend aujourd'hui certaines voix flamandes revendiquer fièrement le droit du plus fort, sans souci des minorités. Ce serait donc cela la (leur) démocratie?
Heureusement, il est d'autres propos plus sensés. Au JT de la mi-journée de la RTBF, ce 8 novembre, Luc Vanderkeelen, éditorialiste de Het Laatste Nieuws déclarait que "avoir le courage d'être modéré dans ce pays est le seul moyen pour la Belgique d'en finir avec ce conflit". Et il faut souligner l'attitude courageuse de la députée écologiste Tinne Van der Straete qui s'est abstenue sur cette loi, seule contre l'équipe de la honte qui ne l'a même pas laissée s'exprimer. Ces attitudes et ces déclarations sont rassurantes. Elles nous permettent, même si certains ont perdu la tête, de ne pas perdre le nord!

Au-delà du cas belge, sommes-nous aujourd'hui dans une ère de recul de la diversité culturelle? On ne peut imaginer qu'un jour la Belgique s'engage dans un scénario tragique à la yougoslave ou à la libanaise. Mais on ne peut que s'inquiéter des rêves de certains d'une ceinture linguistiquement pure (een zuiver taalgordel?) autour de Bruxelles...


* La conjuration des imbéciles est le titre d'un roman jubilatoire de John Kennedy Toole (10/18 n°2010).
Son héros, Ignatius Reilly, a beau être un immense producteur de flatulences, d'éructations, d'esbroufe, de mépris et d'invectives, il n'en reste pas moins plus sympathique que les tristes héros de ce 7 novembre.

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