vendredi 11 février 2011

Good vibrations

Tout à coup, on se sent égyptien. On n'avait jamais pensé l'être un jour. Trois semaines auparavant, on ne pensait pas à l'Egypte. On pensait à la Tunisie à laquelle on ne pensait pas un mois plus tôt. La télévision et internet sont d'énormes caisses de résonance. Mais aussi d'appartenance. On est devant sa télé, branché sur Euronews et on entend ces clameurs de la Place Tahrir, hier des clameurs de colère, aujourd'hui de bonheur. On les partage à sa manière. On est incapable de bouger, de zapper. C'est toujours la même image, le même son. Il n'y en a pas de plus beaux. L'émotion traverse les ondes et la Méditerranée. D'autres régimes doivent aujourd'hui boucler leur ceinture de sécurité, s'accrocher à leur siège.
Les autorités égyptiennes ont eu beau couper internet. C'était trop tard. Le mouvement était parti.
En mai 68 à Paris, les étudiants en révolte s'aidaient de transistors, écoutaient dans les rues les informations d'Europe 1 pour savoir où était la police, ce qu'elle préparait. Aujourd'hui les réseaux sociaux de type Facebook ont pris le relais, plus efficaces encore. Le citoyen peut produire l'information, utiliser les médias pour informer lui-même, faire passer des messages, mobiliser. Facebook aura été le meilleur allié des révolutionnaires tunisiens et égyptiens: "cela nous permettait, en temps réel, de connaître la réalité de la situation sur le terrain et de contourner la désinformation de la télé officielle", explique Lofti Mejri, avocat tunisien (1).
On peut critiquer bien des aspects de l'ordinateur qui isole et crétinise. Mais il crée aussi des liens et peut constituer un formidable outil de mobilisation. C'est la jeunesse Facebook qui a mis fin aux trente années de règne de Moubarak, aux vingt-trois ans de pouvoir sans partage de Ben Ali.

Le gouvernement chinois, pas plus que Moubarak et Ben Ali, n'est très blogueur. Il a créé la Guobao, la brigade de protection de la sécurité intérieure. Entendez par là une police politique qui se balade sur internet, les blogs et les réseaux sociaux et pourchassent tous ceux qui ont l'outrecuidance de critiquer les autorités. Ou tout simplement de s'exprimer librement. Des gouvernements comme ceux-là débloguent complètement. Mais à force de débloguer, ils risquent aussi de dégager. Un jour ou l'autre. Parfois le lendemain du jour où ils affirmaient, convaincus, qu'ils ne quitteraient jamais le pouvoir. Aujourd'hui, le rêve est permis.

(1) le Vif/l'Express, 21.01.2011

2 commentaires:

gabrielle a dit…

On se demande si des boîtes privées (Google, Microsoft, Facebook, Twitter et Cie) ont un jour imaginé qu'elles contribueraient à engendrer des révoltes/révolutions démocratiques.

Le web et la légitime impatience de la jeunesse ont gagné en Tunisie et en Egypte. Il va falloir maintenant laisser tout le temps à la démocratie de prendre ses quartiers.

Michel GUILBERT a dit…

Effectivement, l'armée américaine qui est à l'origine du web n'imaginait pas que celui-ci deviendrait un outil d'accession à la liberté!