vendredi 26 août 2016

Il n'est jamais trottoir pour bien faire

C'est une petite ville au dynamisme culturel bien réel et au patrimoine impressionnant. Elle possède deux monuments classés par l'Unesco au patrimoine mondial: son beffroi  (le plus ancien de Belgique) et sa cathédrale. Et aussi beaucoup d'églises (dont plusieurs du XIIIe siècle), de nombreux musées, des maisons romanes, des maisons Louis XIV, une halle aux draps du XVIIe siècle, des vestiges de ses remparts et quantité d'autres édifices qui méritent le détour. Ses quais le long de l'Escaut et certaines de ses rues, malgré le terrible bombardement allemand de mai 1940 qui détruisit quasiment tout le centre ville, ne manquent pas de charme. Cette ville avait su conquérir les touristes. Mais aujourd'hui, elle semble à l'abandon. Celui qui, comme moi, y revient régulièrement retrouve toujours les mêmes rues fermées à la circulation depuis des années, les mêmes trottoirs défoncés, les mêmes pavés déchaussés. Les mauvaises herbes poussent le long des façades, à côté des mégots, des canettes et des déjections canines. Il vaut mieux y marcher en regardant ses pieds plutôt que les monuments. Les commerces vides ne se comptent plus, tandis que les quartiers commerciaux ne cessent de s'étendre en périphérie. Comment s'étonner d'entendre un guide de la ville déplorer que les groupes de touristes y sont chaque année un peu moins nombreux? C'est une ville que le natif émigré que je suis n'a plus de plaisir à retrouver. Quel contraste avec la plupart des petites villes françaises, parfois sans grands atouts, mais propres, entretenues et où il fait bon se promener. Visiblement, deux bourgmestres (un "en titre" et un "faisant fonction") ne suffisent pas à gérer Tournai. Peut-être en faudrait-il un troisiéme? A temps plein alors.

Un couple de cyclo-touristes berrichons revient d'un périple qui l'a mené en Belgique. Et est revenu enthousiasmé de découvrir "des pistes cyclables partout" et de voir tant de gens pratiquer le vélo. Précisons qu'ils ont essentiellement circulé en Flandre. Ils conservent un autre souvenir de la Wallonie et de ses "mauvaises pistes cyclables" (1). 

(1) "La Belgique à bicyclette", La Nouvelle République - Indre, 26 août 2016.

8 commentaires:

Philippe Dutilleul a dit…

Oh que oui, cher Michel, d'ailleurs, j'ai vendu et je pars en partie pour les raisons invoquées... Cette ville est un "modèle" de non gestion.... Lamentable ! Ph. Dut.

Michel GUILBERT a dit…

Reçu ce commentaire d'une amie tournaisienne qui vit depuis des lustres aux Etats-Unis:

C'est bien triste, et il y a longtemps que je n'ai plus envie d'y retourner. Quand j'étais écolière, Madame Poncin, d'incisive mémoire, l'appelait déjà "cette nécropole royale"…
Tournai vit dans un coin de mon cœur et sur une série de cartes postales "d'avant la guerre" dans lesquelles je retrouve mes vrais et seuls itinéraires de native…
Honte aux édiles qui laissent aller les choses, se décrépir davantage nos pierres millénaires, se tordre les pieds et se casser le cothurne sur ces fichues bordures bleues, et plus grave peut-être, se couvrir de mousse le moral de ses habitants…
Andrée

Bernard De Backer a dit…

Billet salutaire et plus que pertinent. Je reviens d'un long séjour en France par "l'autoroute" Couvin-Charleroi, et à chaque fois le désastre semble plus effrayant, tant le centre de Couvin, la route à quatre bandes (en principe) et la traversée de Charleroi sont une sorte de retour dans la Roumanie des années 1990. Il ne manque plus que les charettes à cheval, mais cela viendra peut-être ! Route défoncée; signalisation inadéquate ou couverte de poussière, illisible (avec des choses du genre "2014. Durée du chantier 180 jours" et nous sommes plus de 600 jours plus tard et le chantier n'a guère avancé). Je me demande comment un étranger voyageant de Charleville à Charleroi peut s'y retrouver !

Mais ce n'est guère mieux lorque l'on revient par la botte de Givet vers Namur. Dès la traversée de la frontière, à Hastières, la déglingue commence et Dinant ne semble plus que l'ombre d'elle-même.

L'impression est souvent la même quand on passe des Pays-Bas à la Flandre. Ce que j'ai souvent fait à vélo, mode de transport qui permet de voir beaucoup mieux les choses. Quant à Bruxelles, voir Quatremer !

L'Etat belge est un Etat "failli" ou "échoué".

Voir à ce sujet l'article du journaliste flamand Walter Pauli : http://www.revuenouvelle.be/Belgique-L-Etat-echoue-3127

Que faire ?

Michel GUILBERT a dit…

"Terrible" article, celui de Walter Paul. Je pense à ce qui était devenu quasiment le slogan du PS (et le CVP aurait pu dire de même): "sans nous, ce serait pire". Mais avec eux aussi.

Bernard De Backer a dit…

Mais cela concerne la Flandre aussi, et les socialiste n'y sont pas vraiment majoritaires. Bon, le CVP...

Pour être plus précis, la déglingue urbanistique se voit surtout dans les campagnes flamandes (une ville comme Anvers, par exemple, semble se porter plutôt bien en termes d'urbanisme). Les campagnes sont épouvantables, je les ai parcourues à vélo de long en large et l'on change totalement d'univers lorsque l'on entrte aux Pays-Bas, comme de Flandre orientale en Zélande par exemple. C'est une expérience quasi métaphysique. Cela fait belle lurette que les Néerlandais qualifient la Belgique (et surtout la Flandre) de "Appenland" (pays des singes).

Comme beaucoup de Belges de ma génération (années 1950) qui passaient leurs vacances à l'étranger, la Belgique était un pays plus prospère et en bien "meilleur état" que la France ou les Pays-Bas jusque dans les années 1970. Lorque l'on partait en France dans les années 1960, c'était assez misérable (les routes, les villages, l'infrastructure...). On avait le sentiment d'aller "chez nos pauvres voisins" et le vie y était d'ailleurs moins chère. Puis le rapport s'est inversé.

Michel GUILBERT a dit…

J'ignorais que la Flandre était dans le même état. J'ai surtout fréquenté Gand et Courtrai.
C'est vrai que ce constat, nous sommes nombreux à le faire. Effectivement, autrefois, je me souviens avoir entendu mes parents et les gens de leur génération déplorer le manque de propreté en France comparativement à la Belgique. Aujourd'hui, la situation s'est inversée.
Pour reprendre l'exemple de Tournai, on y voit dans les rues peu ou pas d'agents d'entretien ou de prévention, de policiers. Ca n'excuse pas pour autant l'attitude incivique de riverains et de passants. Mais si les pouvoirs publics ne mettent pas de moyens pour entretenir l'espace public comment s'étonner que le laisser-aller devienne la règle?

Bernard De Backer a dit…

Ce sont les campagnes qui sont horribles : très peu de patrimoine ancien restauré, urbanisme chaotique, agriculture nauséabonde, routes mauvaises, laideur généralisée. Il y a nettement plus d'argent qu'en Wallonie, mais cela donne des maisons de nouveaux riches - parfois des "vlaamse blokken" de béton brun ou noir - qui se greffent sur un paysage souvent dévasté. Il y a une tendance progressive à s'inspirer des pratiques néerlandaises (pistes cyclables, "knooppunten", petites réserves naturelles, "zones de silence"...) mais on est encore très loin du compte !

Dans l'article de Walter Pauli, le tournant de la "malgoverno" se situe à la fin des années 1960. Cela correspond à la déglingue belge et la déliquescence de l'Etat, sans que les "entités fédérées" ne prennent sérieusement le relais. Par ailleurs, les politiques ont été obnubilés par les "réformes de l'Etat". Il suffit de voir l'énergie qui est encore dépensée aujourd'hui pour analyser les conséquences instututionnelles de la "6e réforme de l'Etat" dans un brol aussi compliqué que Bruxelles.

Grégoire a dit…

Je partage l'avis de l'auteur du blog sur la ville de Tournai, mais ce laisser-aller communal tournaisien s'étend aussi aux villages de l'entité. Ainsi, il y a des hameaux, loin du centre-ville, qui n'ont plus vu de cantonnier depuis trop longtemps. Un troisième bourgmestre à Tournai? N'existait-il pas (difficile à dire si le poste existe encore) un manager de la gestion centre-ville de Tournai? Pour quel résultat... Il a été viré il y a quelques années. Le constat peut s'étendre au Chwapi, où des Tournaisiens en sont à éviter le service des urgences préférant aller à Mouscron. J'ai aussi quitté l'entité de Tournai il y a très longtemps, et j'y retourne aussi régulièrement pour me désoler tout autant de la gestion actuelle. Enfin, actuelle, depuis le temps que le pouvoir est aux mains du même parti... Je me dis souvent que ces élus communaux, s'ils travaillaient dans le privé (une majorité d'élus – bourgmestres, députés, sénateurs, ministres... – n'a jamais travaillé dans le privé), il y a longtemps que leur incompétence les aurait conduit sous d'autres cieux. Comme je l'ai déjà écrit ici-même, on ne vote pas pour des compétences, mais pour des idées...