lundi 24 juillet 2023

Fatigue

Je n'ai plus envie d'écrire. 
Des circonstances familiales, fin du mois dernier et début de celui-ci, ne m'en ont pas laissé le temps. Mais, depuis, je n'arrive pas à m'y remettre. 
Une immense lassitude, un grand découragement. Les incendies se propagent un peu partout du fait de la sècheresse provoquée par le réchauffement climatique. L'eau vient à manquer, les rivières sont à sec, la nature est en grande souffrance. Et l'homme aussi par ricochet. Il faudrait prendre des mesures radicales pour modifier du tout au tout nos modes de vie. Il faudrait. Mais personne n'en a envie. Ni les gouvernements, ni les citoyens. Notre confort ne peut être remis en question. Un confort étrange. Nous voilà écrasés par le soleil et nous prenons l'avion à la recherche d'un soleil plus brûlant encore. Qu'est-ce qui pousse tous ces touristes à aller prendre leurs vacances en Grèce d'où ils appellent au secours, cernés par des incendies ?
Récemment, on pouvait lire que les feux de forêt en Alberta n'empêchent pas les habitants de continuer à défendre bec et ongles l'exploitation pétrolière qui a fait la fortune de leur province et est génératrice d'emplois. 
Tous les gouvernements, tous les partis politiques devraient avoir pour priorité absolue la lutte contre le réchauffement climatique, mais ils se contentent de mesurettes, craignant de se mettre à dos leurs électeurs. On cherche en vain des responsables politiques.
Pendant ce temps, Poutine le barbare continue sa guerre sans issue, avec son lot de morts, de blessés, d'atrocités en tous genres, de destructions, de pollution.
Pendant ce temps, les nationalistes et les populistes s'imposent un peu partout. Des maires sont menacés de mort, des écoles détruites, des bibliothèques saccagées pour prétendument venger la mort d'un jeune. Les réseaux (a)sociaux deviennent des vecteurs de haine et de bêtise. Les complotistes pullulent, répandant sur Internet leurs navrantes analyses de comptoir (ou de clavier) qui méprisent la science ou la considèrent juste comme une opinion parmi d'autres. 
Pendant ce temps, les islamistes brûlent une ambassade parce que des pages d'un exemplaire d'un Coran ont été brûlées, sans s'indigner le moins du monde des violences extrêmes provoquées par les leurs.
Pendant ce temps, les  violences inter-ethniques se poursuivent un peu partout, les réfugiés sont rejetés à la mer, les pays construisent des murs pour mieux fermer leurs frontières. 
Le monde court à sa perte et chacun regarde son nombril, défend son intérêt, son confort, son mode de vie.
Combien de fois n'ai-je pas écrit sur tous ces sujets ? Mais à quoi sert-il d'écrire encore ?

Récemment, le jeune cinéaste québécois Xavier Dolan annonçait qu'il ne tournerait plus de films. "Je ne comprends pas à quoi ça sert de s'efforcer de raconter des histoires pendant que le monde s'écroule autour de nous. L'art est inutile, et se consacrer au cinéma, une perte de temps. (...) Je vais construire une maison où je me réfugierai avec mes amis, et je vais regarder le monde brûler." 
Xavier Dolan a la moitié de mon âge. Il a ou devrait avoir toute la vie devant lui, mais combien de temps l'humanité tiendra-t-elle encore ?
Je vais consacrer mon temps à soigner, autant que je le peux, mes arbres, mes oiseaux, mes insectes, mes hérissons. Et j'en publierai des photos sur mon autre blog, Aux Petits Plaisirs https://michelguilbert.blogspot.com/

(Peut-être reprendrais-je ce blog à l'automne. Peut-être avant, peut-être pas. En attendant, il y a deux hebdomadaires dans lesquels je me retrouve, dont je partage les points de vue : Charlie Hebdo et Franc-Tireur.)

J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond, 
quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font.
Molière, Le Misanthrope.

5 commentaires:

Anne-Marie Decoster a dit…

Cher Michel,
Je suis à peu près dans le même état que toi.
Je t'embrasse,
AM

Philippe Dutilleul a dit…

Cher Michel, je lis sans surprise le contenu de ta dernière (?) chronique.... Un mouvement de découragement est vite passé d'autant qu'il peut être accéléré par des problèmes familiaux auxquels tu fais brièvement allusion...

Je me pose les mêmes questions concernant mon propre blog : on ne touche que les convaincus ou presque... Alors pourquoi continuer à prêcher dans le désert des réseaux dits sociaux ?

Je ne me décourage pas mais je suis aussi désabusé que toi par l'évolution du monde, tout en ayant pas les mêmes références journalistiques.

J'ai attrapé la COVID avec ma compagne la semaine dernière( via visite intra familiale); on a bien été malades et on reste hyper fatigués et fragilisés... Cela remet les choses en perspective et cloue le bec à toute la désinformation qui continue de circuler à ce propos mais pas que...

Bien à toi. Ph. Dut.

Michel GUILBERT a dit…

Cher Philippe,
j'ai pensé à toi en écrivant ce billet. Je me souviens qu'il y a quelques années tu avais mis ton blog en stand by (comme on ne dit pas en français), avec l'impression de te répéter. C'est le même sentiment que j'éprouve aujourd'hui, l'impression de tourner en boucle, de m'indigner en vain. Même si je sais qu'une série de personnes me (nous) suivent et apprécient ce que nous écrivons.

On ne parle plus du Covid. Je lisais récemment qu'il cause encore de très très nombreuses morts (j'ai oublié le nombre, impressionnant pourtant) en Europe chaque semaine. Oui, comme tu le dis, en souffrir remet les choses en perspective...
Bon rétablissement.

Amicalement.

Michel

Bernard De Backer a dit…

Cher Michel, cela me désolerait vraiment que tu arrêtes en automne. Certes, "on ne touche que les convaincus", mais peut-être davantage par ricochet. Et puis, même les convaincus ont besoin de ne pas se sentir seuls, d'être nourris par les autres. De mon côté, j'éprouve aussi parfois de la lassitude, mais j'ai l'avantage de balayer un peu plus large. Chacun son style, et j'aime le tiens.

Bernard

Michel GUILBERT a dit…

Merci pour ce message, cher Bernard. C'est étonnant : à peine avais-je publié ce billet que je rencontrais lors d'une fête des personnes que je ne connais pas, mais qui me disent suivre ce blog régulièrement. Oui, je suppose que je reprendrai à l'automne. Chaque jour, je lis ou entends plusieurs infos qui me donnent envie de réagir. Et c'est vrai que j'entends souvent des personnes qui me disent que ça leur fait du bien de lire des textes qui expriment ce qu'elles pensent sans l'avoir formulé.