dimanche 26 janvier 2025

On n'est jamais si bien élu que par soi-même

"On" vote aujourd'hui en Biélorussie. Entendez par là que le monstre biélorusse se réélit aujourd'hui. On connaît déjà le résultat de cette élection, truquée comme les précédentes. Pour la septième fois consécutive, ce sera Alexandre Loukachenko. Comment être réélu sinon, quand on est à ce point détesté (en ayant tout fait pour cela) par une majeure partie de son peuple ?  
Lors de la précédente élection, en 2020, il avait été réélu avec 80 % des voix. Il était le seul, avec son protecteur Poutine, à (faire semblant de) croire à ce résultat. Les Biélorusses étaient descendus en masse dans les rues pour le contester et réclamer la démocratie. Ils avaient été réprimés avec toute la violence qui caractérise ce régime qui ne repose que sur la brutalité et la terreur. Aujourd'hui, les forces de sécurité ont désormais le droit de tirer sur les manifestants. Les rues biélorusses seront vraisemblablement calmes ces jours-ci. 

"A ce jour, écrit Le Monde (1), le pays compte 1 256 prisonniers politiques, selon l’organisation de défense des droits humains Viasna. En tout, plus de 3 270 personnes ont été condamnées pour avoir participé aux manifestations contre les résultats falsifiés de 2020." Pour tenter de prouver son assouplissement, le dictateur vient de libérer une quinzaine de ces prisonniers qui, selon lui, ne sont pas des prisonniers politiques. Un geste d'autant plus risible que, dans le même temps, avant l'élection, le régime a arrêté d'autres opposants "à titre préventif". 
"Beaucoup, écrit le site tchèque Irozhlas.cz (2), sont (...) convaincus que, au fil de la consolidation et du durcissement de son régime, le président s’est progressivement enfermé dans une bulle, dans laquelle il est désormais incapable de percevoir la réalité et de concevoir le pays autrement qu’avec sa propre personne à sa tête. Et ce, même si les manifestations ont nourri ses craintes qu’il pourrait en être autrement."

Alice Syrakvash, présidente de l’association des Biélorusses à Paris, "décrit (1) une « ambiance de terreur et de paranoïa » à l’intérieur du pays. « Les intimidations sont si massives que tout bug de téléphone ou d’ordinateur évoque une dangereuse surveillance. Chaque sonnerie d’Interphone fait craindre une descente de police. » Effrayés, les Biélorusses n’osent plus contacter les journalistes ni les associations des droits humains, qui peinent à récolter des informations. Pour autant, « les Biélorusses continuent d’être opposés au régime de Loukachenko. Cela n’a pas changé »". 

Les opposants n'ont d'autre espoir que la victoire de l’Ukraine face à la Russie, espérant que la chute de Poutine entraînerait celle de sa marionnette Loukachenko. « L’avenir de la Biélorussie va beaucoup dépendre de cette guerre, mais je ne crois pas, dans l’immédiat, à un retournement significatif de la situation ni sur le front ni au Kremlin », confie Hleb Liapeika, ancien journaliste de 26 ans réfugié à Cracovie, où il gère la communication de la Maison de la diaspora biélorusse (1). « La situation économique de la Biélorussie va continuer à se dégrader, prédit-il, le processus de russification va se poursuivre, et les jeunes vont continuer à quitter le pays. »
Il y a un an, l'écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de la littérature en 2015, pensait aussi que l'évolution de la guerre d'Ukraine, pourrait changer la donne. "Tout dépend de ce qui va se passer en Ukraine. Si les choses vont bouger en Russie ou non. Ces régimes dictatoriaux reposent sur quelques individus. S’il leur arrive quelque chose, que ce soit à Poutine ou à Loukachenko, il se passera quelque chose. Il est vraiment difficile de dire ce que ce sera, mais une chose est sûre : même un Gengis Khan ou un Staline n’ont pu arrêter le cours du temps."
Pour nos amis biélorusses réfugiés en Allemagne, pour toute la population biélorusse, on aimerait tant voir le cours du temps bousculé. 

(1) https://www.courrierinternational.com/article/presidentielle-en-bielorussie-a-force-de-repression-loukachenko-a-reduit-l-opposition-a-un-silence-absolu_226933
(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/26/en-bielorussie-un-scrutin-factice-dans-un-pays-verrouille_6516171_3210.html
(3)  https://www.courrierinternational.com/article/rencontre-svetlana-alexievitch-prix-nobel-de-litterature-nos-appartements-sont-nos-tranchees

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