jeudi 13 novembre 2008

Comment être élu et le rester - en 10 leçons

Bientôt les élections!
Voici quelques conseils pour celles et ceux qui voudraient effectuer leurs premiers pas dans ce monde impitoyable mais tellement grisant de la politique.
Bien sûr, on peut partir de rien, mais il est des situations de départ qui constituent un avantage certain:
- être fils/fille/frère... d'un ou d'une élu(e), si possible déjà ministre, parlementaire ou bourgmestre. En marchant dans les traces de papa, il ne vous reste plus qu'à vous faire - éventuellement - un prénom.
- être secrétaire de mutuelle, permanent syndical ou agent d'assurance. Vos membres ou vos assurés deviendront vos électeurs: ayant pu apprécier votre capacité à rendre service et à régler leur dossier, ils vous en sauront gré en votant pour vous. (1)

Leçon n°1: Soyez gentil!
Le sourire aux lèvres en toutes occasions, montrez de la compréhension, de l'empathie, voire de la compassion pour vos interlocuteurs. Serrez leur la main en les regardant dans les yeux, donnez leur raison, ne vous opposez jamais à eux. A la rigueur, permettez vous un bémol (ou un dièse, c'est selon) à leurs réflexions. Affirmez que vous détestez les querelles, toujours stériles, et que vous n'aimez rien tant que le consensus. Ne dites jamais non, préférez dire oui. Faites toujours comprendre à vos vis-à-vis que vous êtes d'accord avec eux, même s'ils sont divisés en deux camps opposés.

Leçon n°2: Affirmez votre amour des gens.
Votre seule et unique priorité, la motivation de votre engagement politique, c'est "les gens"!
C'est pour eux que vous vous battez, que vous êtes capables de travailler autant, de ne pas compter les heures, de ne jamais prendre de vacances. D'autres n'ont d'intérêt que pour l'argent et la bourse ou les petites fleurs et les petits oiseaux, alors que vous, ce sont les gens qui vous passionnent et qui vous boostent! Dans les débats, n'hésitez pas à affirmer que le thème abordé est de peu d'intérêt, que pour vous, ce qui importe, ce sont les gens! (3)

Leçon n°3: Montrez-vous!
Partout et tout le temps. Ne ratez aucune occasion d'être là où sont les gens: fête d'école, de quartier ou de village, inauguration, vernissage, match de foot, banquet, visite de ministre (mieux encore: de souverains), séances (filmées!) du Cabaret wallon (2). Participez à des compétitions sportives, à des karaokés, allez passer une journée à l'usine, mouillez votre maillot! On ne peut être un bon élu, si on n'est pas proche des gens!
Organisez un apéritif et/ou un bal, dont les bénéfices reviendront - évidemment - à une organisation humanitaire.
Montrez vos enfants, portez les dans vos bras (N.B.: il y a un âge pour tout...), emmenez les jusque dans l'isoloir, pour leur montrer à quel point le devoir électoral est fondamental dans nos sociétés démocratiques!
Pour donner plus de sens à votre participation à ces événements, assurez-vous évidemment de la présence de journalistes et de caméras.

Leçon n°4: Ayez l'air d'être ce à quoi à quoi vous voulez ressembler.
Vous voulez donner l'impression d'être quelqu'un qui a le sens des responsabilités. On ne vous demande pas de les prendre, mais au moins de le dire. Soyez convaincu qu'en politique, il s'agit plus d'avoir l'air et de dire que d'être et de faire.
Vous êtes un rassembleur né, un homme de consensus; c'est pourquoi vous pensez au centre (ce qui ne vous empêchera évidemment pas de vous affirmer de gauche ou de droite), loin de tous les extrêmes et de ces "anti-tout". Vous êtes un homme positif et concret, qui veut faire avancer la société et qui a le souci des gens !

Leçon n°5: Répondez toujours à la question posée.
Même si c'est pour ne rien dire. N'avouez jamais que vous ne connaissez pas un dossier. Encore moins que vous vous êtes trompé. Même si vous ne savez que répondre, répondez! N'importe quoi, mais répondez! Dites que c'est un sujet qui mérite réflexion, mais qu'a priori il vous semble que... Reprenez des élements de réponse de vos adversaires, faites en un mix et servez à votre sauce. Ou alors attaquez, critiquez George Bush (succès garanti) ou Nicolas Sarkozy (nécessite plus de subtilité et de métier) ou réjouissez vous du succès de Barak Obama ou de la libération d'Ingrid Betancourt. Citez le développement durable et la création d'emploi dans toutes vos phrases, en affirmant que ce sont des priorités incontournables. Dites de chaque thème abordé qu'il est extrêmement important. Convainquez vous de toute façon que vos électeurs n'entendent rien au domaine abordé, et que ce qui compte, c'est que vous apportiez une réponse, peu importe son contenu, à la question posée.

Leçon n°6: Cultivez vos liens avec des journalistes.
Invitez, de temps en temps, l'un ou l'autre journaliste à manger, pour parler de vos projets, de votre analyse de "la situation". Faites preuve de convivialité avec eux, voire de complicité. Utilisez l'humour. Dès que vous avez la moindre idée, la moindre opinion, transformez les en communiqué de presse. Réagissez à tout ce qui bouge dans l'actualité.

Leçon n°7: Faites confiance au temps.
Dites vous bien qu'en politique six mois, c'est six ans et que l'électeur oublie vite. Ne craignez donc pas les conséquences de vos déclarations intempestives et rappelez vous toujours que les promesse n'engagent que ceux qui y croient. L'essentiel, c'est qu'on parle de vous et l'effet que feront vos propositions (même si ce sera là leur seul effet).

Leçon n°8: Soyez simple!
N'ayez surtout pas l'air d'un intellectuel, les gens ne les aiment pas. Soyez extrêmement simple dans vos explications, utilisez des formules percutantes qui rendent tout de suite compréhensible votre discours. A l'occasion, critiquez ces intellectuels peu au fait de la réalité de terrain, très éloignés des difficultés rencontrées par les gens.

Leçon n°9: Soyez fier de votre commune et de votre région!
Même si le quotidien nous empêche de le voir, nous vivons quand même dans un petit coin qui ne manque pas de charme: nos villes, nos campagnes, nos monuments historiques, nos traditions populaires, et surtout nos populations sont uniques et si attachants. D'ailleurs, vous ne pouvez imaginer vivre ailleurs. Et puis, on ne peut tolérer que Liège et Charleroi mobilisent la majorité des subsides. Si vous êtes élus, votre commune aura sa juste part!

Leçon n°10: Travaillez le non verbal.
Rappelez-vous toujours que dans un discours, d’après certaines études, les mots ne comptent que pour 7%, alors que l’intonation intervient pour 38% et la gestuelle pour 55% ! Tout ce qu'on vous demande , c'est d'apparaître convaincant et empathique!

Leçon bonus: Soyez convaincu que le ridicule ne tue pas plus que l'incohérence!

(1) témoignage d'un député-bourgmestre: "j'ai conservé une certaine activité dans les assurances, tu n'imagines ce que ça rapporte comme voix!"
(2) témoignage d'un bourgmestre: "le Cabaret wallon, ça te fait cinq passages sur la télé locale!"
(3) Post-scriptum (rédigé le 15.11.08, après avoir vu le JT de No Télé): pour témoigner de votre amour des gens, vous pouvez, par exemple, publier votre autobiographie (on n'est jamais si bien servi que par soi-même) sous le titre, par exemple, de "Le goût des gens".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je crois que le conseil qui a le plus d'importance, c'est en effet "les gens". A n'importe quelle question, le nucléaire, l'Irak, les changements climatiques, le club de rugby de Carcassonne, le vaccin contre la fatigue, Mac Cain ou Obama, le dopage au Tour de France, le voile à l'école, l'opération 11 11 11, les résultats de l'enquête PISA, les chiffres du chômage, c'est cela qu'il faut répondre : "moi, ce qui m'intéresse avant tout, c'est les gens !"
Avec un peu d'outrecuidance, on peut rajouter qu'on est le seul à s'y intéresser. Ca aussi, ça marche.

Par ailleurs, à quoi reconnaît-on un politicien efficace dans une kermesse aux boudins ou une remise de coupe ? C'est le seul qui regarde le photographe du journal local avec un sourire pepsodent. Alors que ses interlocuteurs - les gens, en réalité - tentent en vain de lui expliquer quelque chose.