jeudi 6 novembre 2008

La meilleure blague du moment: le nucléaire comme voie verte!

Nucléaire, le retour? On sent bien que le gouvernement Leterme est prêt à prolonger la vie des centrales, revenant sur la loi de sortie du nucléaire, votée voici six ans par certains partis qui sont toujours aujourd'hui dans cette glorieuse majorité qui gouverne la Belgique. Son argument: en 2015, année prévue pour les premières fermetures de centrales, les énergies alternatives ne seront pas suffisamment développées pour remplacer l'apport du nucléaire. On sent bien que le lobby nucléaire dispose de solides relais au sein du Gouvernement. Un gouvernement dont les membres ne se posent évidemment pas la question de savoir ce qu'ils ont fait ces dernières années pour mettre en oeuvre des alternatives renouvelables. A savoir, rien, ou si peu. Ne se demandent pas ce qu'ils ont fait ou ce qu'ils peuvent faire pour diminuer les consommations d'énergie. Et c'est bien là le comble, c'est que pour ces partis les affaires sont les affaires et l'économie doit continuer à tourner à plein régime. Comme dans les golden sixties. Le changement de culture économico-politique, ce n'est décidément pas pour aujourd'hui. Ni même pour demain.

J'avais eu le plaisir et l'honneur de défendre au Sénat la loi de sortie du nucléaire et de rappeler que, selon de nombreux experts, plus un pays recourt au nucléaire, plus il s'inscrit dans une culture du gaspillage énergétique. De rappeler qu'il est possible, sans rien changer à notre confort, de diminuer de 30% nos consommations énergétiques. Ainsi, la simple extinction de tous les appareils électriques qui restent constamment en veille en Belgique permettrait la fermeture de la plus ancienne des centrales nucléaires de Doel. Visiblement, le gouvernement ne s'en soucie guère. L'économie libérale prime et l'ogre a des besoins insatiables.

Dans une note récente, l'ancien ministre wallon de l'Energie, José Daras (Ecolo), rappelle qu'après cinquante ans de développement le nucléaire n'atteint même pas 4% de l'énergie finale dans le monde. Il souligne qu'on s'apprête à fermer plus de 200 réacteurs sur les 439 en fonction dans le monde, que le mineurs d'uranium (entre autres en Afrique) travaillent dans des conditions infra-humaines, qu'une nouvelle centrale nucléaire coûte 5 milliards d'euros et réclame dix ans de chantier. Alors que la lutte contre le changement climatique n'attend pas...

Car c'est bien là l'argument des relais du lobby nucléaire au sein du gouvernement: le nucléaire serait la seule alternative possible aux sources d'énergie génératrices de gaz à effet de serre. L'énergie nucléaire est donc, selon eux, parfaitement propre. Ne se pose pas pour eux la question de la dangerosité du nucléaire et de ses déchets.
Au Nouveau-Mexique, aux Etats-Unis, à 600 mètres de profondeur une ancienne mine de sel accueille un site de déchets atomiques. La sarcophage est garanti (?) 10.000 ans, il sera fermé en 2033 quand le site sera saturé. Pour prévenir les (hypothétiques!) habitants de la Terre en 12.033 de la dangerosité de ces déchets, dans une langue universelle, les experts du coin ont décidé d'entourer le site de représentations du tableau "Le cri" d'Edvard Munch, le symbole universel de... la terreur.

En Ukraine, autour de Tchernobyl, c'est toujours la mort et le maladie qui règnent en maîtres. "La population a diminué de moitié, notre terre est contaminée. Et on voit, encore aujourd'hui, beaucoup d'enfants malades, à l'hôpital. Nous détenons le record des opérations du coeur, des cancers, des tuberculoses.", déclarait à Télérama (16.07.08) Kateryna Dmytrivna Volovyk, préfète de la région de Poliské.
Mais bien sûr, il n'y a strictement aucun risque d'accident nucléaire chez nous, nous disent les défenseurs du nucléaire, on ne peut comparer la sécurité occidentale avec celle qui était de mise sous le régime soviétique!
A Tricastin en France, entre Montélimar et Orange, depuis l'été dernier (2008), les incidents et les révélations se succèdent chaque semaine: fuite d'uranium, salariés contaminés, nappe phréatique polluée, déchets radioactifs mal protégés.
Ce vendredi 7 novembre à 21h, Arte diffuse un téléfilm de François Luciani intitulé "Inéluctable": le test d'arrêt d'urgence d'un réacteur nucléaire menace de virer au remake français de Tchernobyl. Une fiction totalement invraisemblable? Elle est largement inspirée d'un rapport du très sérieux Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, et des incidents qui surviennent chaque année dans les centrales d'EDF...

En attendant, chez nous, le sémillant Ministre fédéral du Climat et de l'Energie, Paul Magnette (Ps), se tâte, mais on sent bien que les jeux sont faits: le nucléaire aura encore quelques beaux jours devant lui. Et après nous les mouches?

P.S. (c'est le cas de le dire): Quelqu'un peut-il éclairer ma lanterne? Dans un article de la Libre Belgique du 22 octobre dernier intitulé "Comment le PS tient la force atomique", un représentant socialiste estime, à propos de ce dossier nucléaire, que, si on se base sur ses positions dans ce dossier, "Ecolo est devenu un parti populiste". Et poursuit en affirmant que "on ne va certainement pas sombrer dans le populisme. D'ailleurs, si c'était le cas, nous arions déjà donné le feu vert à la poursuite du nucléaire: l'atome a le vent en poupe en ce moment". Donc, si on le suit bien, être contre le nucléaire, c'est être populiste. Et être pour aussi. Comprenne qui pourra...

RE-P.S.: Après avoir vu le téléfilm d'Arte cité plus haut, je suis totalement convaincu qu'avec le nucléaire nos vies reposent entre les mains d'apprentis-sorciers! C'est le terme qui me paraît le plus approprié. Mais nos bourgmestres ont l'immense courage de s'opposer à des éoliennes plutôt qu'à des centrales nucléaires...

Voir le dossier complet d'Etopia sur le nucléaire sur www.etopia.be/spip.php?article223

3 commentaires:

azer a dit…

Il est dommage que vous vous forgiez votre opinion sur la base d'un téléfilm d'Arte pour le moins fantaisiste. Il est préférable de remonter à la source du rapport de l'IRSN que vous ne connaissez vraisemblablement pas. Les auteurs auraient dû faire vérifier leur scénario par la CRIIRAD au lieu de demander conseil à Sortir du Nucléaire...
Sur le fond, les risques liés à un accident grave (ie fusion du coeur) existent bel et bien mais le risque statistique n' a vraiment rien d'inéluctable. Une approche trop simpliste telle que la votre (ou celle du téléfilm)dessert la cause que vous défendez.

Michel GUILBERT a dit…

Tchernobyl n'a - hélas! - rien d'une fiction. Et les divers problèmes constatés - notamment par la CRIIRAD - au Tricastin non plus.
Et vous, vous êtes qui, Azer?, une réalité ou une fiction?

Michel GUILBERT a dit…

Et puis, ce samedi 5 novembre à 00h15 (ça veut dire dimanche, en fait), un documentaire sur FR3: "Brennilis, la centrale qui ne voulait pas s'éteindre". L'histoire (vraie) d'un réacteur expérimental construit en Bretagne dans les années '60 qui, peu productif et fuyant de partout, fut arrêté en 1986. Les travaux de démantèlement ont commencé dans les années '90 pour être arrêtés dix ans plus tard: trop dangereux! "Le bilan est désastreux, dit Télérama. Le chantier de Brennilis, qui devait être la vitrine du savoir-faire d'EDF en matière de démantèlement, accumule les surcoûts, les rejets et les risques, ce qui n'est pas de bon augure pour l'avenir des centrales vieillissantes. L'inconséquence des concepteurs et des exploitants de la filière nucléaire apparaît dans toute sa splendeur cauchemardesque." (Samuel Gontier, Télérama, 05.11.2008)