mardi 17 avril 2012

Retour(s) de campagne 1

Installons-nous dans la campagne française. Asseyons-nous et observons ce qui s'y passe. Un coucou joue les réveille-matin; il a dû s'installer dans le nid des autres. Un vieux renard se plante devant nous, il nous regarde droit dans les yeux. Puis, brusquement, il fait demi-tour. Un héron nous survole; il pousse des cris. Une grenouille avance à petits sauts; elle semble se croire aussi grosse que le boeuf du pré voisin. Un chevreuil franchit une clôture, insaisissable. Un rapace nous survole; il trace de grands cercles, guettant ses proies. Les moutons sont nombreux; ils paissent tranquillement.

Mais où est cette campagne électorale française, hors des médias audiovisuels? Se promenant dans le centre de la France, entre Creuse et Vienne, on voit des panneaux vides d'affiche. Parfois l'une ou l'autre de Mélenchon. Aucune autre. Sinon une affiche du candidat Sarkozy aveuglé par deux autocollants du Front de Gauche. Sur le marché d'un petit bourg, cinq ou six militants qui soutiennent François Hollande devisent entre eux, se soucient peu des passants. Une militante des Verts parvient à surmonter son pessimisme et, seule, distribue le programme d'Eva Joly. La France profonde est loin de l'Elysée.

La mère Le Pen (qui est aussi la fille) est à la traîne dans les sondages. C’est de leur faute. Un sondeur ne donnant de bons sondages est un mauvais sondeur. Pour chaque pourcentage supplémentaire qu’elle obtiendra (elle en est convaincue), elle demande que les directeurs des instituts de sondage lui versent un mois de leur salaire. Elle reversera ces sommes à des organisations de bienfaisance. Madame a ses pauvres et ses œuvres. Elle ne s’estime pas reconnue à sa juste valeur. Mais peut-on être aimée quand on n’est pas aimable ? Pendant ce temps, quatre militants du FN, dont le secrétaire départemental du FN de la Haute-Vienne, ont été arrêtés pour avoir menacé les consommateurs d’un bar à Limoges. Armés d’une batte de base-ball, d’une matraque et d’un couteau, ils ont insulté les personnes présentes, les ont traités de « sales communistes » et de « petits-bourgeois ». Ils ont une excuse : ils sortaient d’une réunion du Front National (1). Marine Le Pen n’a pas de chance, elle est mal entourée. Elle oscille entre Calimera et Cruella.

Nicolas Sarkozy sera un autre président, un président différent. Il l’affirme la main sur le cœur. « C’est comme dire à sa femme, Je te promets, je vais changer, écrit Sandrine Blanchard dans Le Monde. Sous-entendu : Je ne serai plus le même. Laisse-moi une deuxième chance. J’ai vieilli, je ne cache pas mes cheveux blancs, je me suis apaisé, je te comprends mieux. » (2) Et s’il fut un président bling-bling, ce n’est pas de sa faute, mais celle de son ex-femme, Cécilia, c’est elle qui a organisé la soirée au Fouquet’s, elle qu’il a essayé de reconquérir sur le yacht de Bolloré. Donc, Nicolas Sarkozy a changé. C’est finalement ce qu’il fait de mieux, changer d’avis. « Les élections sont comme une thérapie pour lui, ça lui donne l’occasion de se transformer. Il devrait annoncer dans son prochain meeting : Cette fois-ci, pour changer, je ne changerai pas. », écrit Mathieu Lindon dans Libération (3), « D‘habitude les candidats disent Voilà ce que je ferai, lui en est réduit à dire Voilà ce que je ne ferai plus. Tout le monde veut être l’anti-Sarkozy, même Nicolas Sarkozy. Il va finir par lâcher : On n’en serait pas là si j’avais été président ces dernières années. »
Il a changé, mais continue à gesticuler, "ivre de lui-même" (5). « L’énergie dont il fait preuve dans la dernière ligne droite ressemble à bien des égards à de l’agitation », écrit Paul Quinio (4) "La France est à la recherche de quelqu'un qui mette le pays en mouvement et pas seulement lui-même", écrit Der Spiegel (5).
A dix-huit jours du premier tour, il présente enfin son programme. Si tant est qu'il en ait un. Un jour, il est européen. Le lendemain, il est eurosceptique. Un jour, il soutient les grandes fortunes; le lendemain, il veut les taxer. Il est "le président qui veut être roi", mais qui n'est que "un homme sans vraie conviction politique" (5).

A suivre.

(1) Libération, 4 avril 2012
(2) Le Monde, 12 avril 2012
(3) Libération, 7 avril 2012
(4) Libération, 10 avril 2012
(5) "De president die koning wil zijn", repris dans Knack, 21 mars 2012

2 commentaires:

gabrielle a dit…

La campagne électorale fut en fait très simple.
Tous les petits problèmes (chômage, logement, santé, éducation, banlieues, pouvoir d'achat, paradis fiscaux, immigration, dette, nucléaire, crise financière, désindustrialisation, Afghanistan, ...) ayant été résolus depuis cinq ans, on a enfin pointé les vraies toutes grosses préoccupations des Français: viande halal et permis de conduire. :-)

Michel GUILBERT a dit…

Bien d'accord! Voilà ce que Jean Quatremer (Libération) a écrit récemment:

"Les médias se sont intéressés essentiellement à l’écume des choses, suivant au jour le jour les petites phrases de la campagne et s’intéressant très peu les dossiers de fond. À quelques jours du premier tour, on commence à peine à s’apercevoir que les candidats n’ont pas parlé des questions essentielles ce que chacun a pu constater depuis longtemps (je pense à l’Europe en particulier). Mais on ne s’est pas plus intéressé à la personnalité des candidats : par exemple, ont-ils bien exercé leur ou leurs mandats(s) public(s). Je suis sidéré que l’on ne m’ait pas demandé un papier sur le travail de Mélenchon au Parlement européen ou de n’avoir pas lu un article sur la façon dont Hollande a exercé son mandat de maire de Tulle et de député national. Rien ou si peu (le Canard enchaîné mis à part) sur leur argent, la façon dont ils ont acquis leurs biens, etc. En réalité, on ne sait pas grand-chose des candidats pour qui l’on va voter. »
www.lesoir.be/debats/chats/2012-04-17/quatremer-melenchon-n-est-pas-un-democrate-909513.php