dimanche 6 juillet 2014

Boire et déboires

Le Français est chauvin, le Belge ne cesse de le dire. Lui ne l'est pas. Mais alors pas du tout, il en est convaincu. 
Quittant pour quelques jours la France, à la veille du match de foot opposant les Bleus à l'Allemagne, je n'y vois guère de drapeaux aux couleurs nationales arborés aux fenêtres. Arrivant en Belgique, à Tournai plus précisément, je n'y compte pas les centaines, les milliers de drapeaux affichés aux fenêtres et aux murs des maisons, accrochés aux voitures, à leurs rétroviseurs, les gens vêtus de rouge-jaune-noir. L'hystérie collective a gagné le pays. Les journaux ne parlent que de foot, que de cette équipe nationale qui enthousiasme le pays et ira, c'est sûr, jusqu'en finale. Si pas au-delà. Le monde a dû s'arrêter de tourner. La presse n'a plus ni espace ni temps pour aborder d'autres sujets. On voit par là que le Belge est un supporteur comme les autres, chauvin, nationaliste, sûr que son équipe est la meilleure.

Ce samedi à 18h, à l'heure de la rencontre opposant les équipes belge et argentine, je sors en ville. Elle n'est qu'une clameur.  Les supporteurs en retard se pressent vers la grand-place, où se donne la grand messe. Ailleurs, les rues sont vides, d'un calme inhabituel à cette heure. Derrière des fenêtres, on entend parfois les commentaires du journaliste de la RTBF, on devine des gens vêtus aux couleurs nationales. La police a mobilisé ses chevaux qui frappent le pavé de leurs sabots. Autour des poubelles s'entassent des canettes de Jupiler. Les rues sentent l'urine. Les homme savent pourquoi. Déjà, la rumeur de la foule s'est adoucie. La Belgique est menée au score. "A la chanson wallonne", à Saint-Piat, l'amertume a gagné les verres. Dans un café du quartier de Sainte Marguerite, Che Guevara ne parvient pas à motiver la petite dizaine de supporteurs qui regardent la télé d'un œil déçu: "hasta la victoria siempre", dit-il. On sait quel camp il soutient.
Aux terrasses des cafés, des supporteurs trop sensibles au stress, boivent une bière, loin des écrans. Au café "Le Paradis", on espère un miracle. Mais c'est Messi et non les Diables qui y fait la loi. La fête est finie. C'est trop injuste. On était pourtant les meilleurs. "Chuis trop zaraf", dit un jeune au bord des larmes. La pluie tombe drue, nettoyant les trottoirs et les coins de porte. Une écharpe aux couleurs belges dérive lentement sur l'Escaut.

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Une chose positive est à retenir dans ce délire foot qui a fait perdre la tête aux médias, aux fabricants de gadgets, à des ministres qui ont eu le temps de faire plusieurs fois l'aller-retour Bxl-Brésil. Après chaque match gagné par les Belges, l'entraîneur et les joueurs interviewés s'exprimaient indifféremment en néerlandais ou en français selon leur interlocuteur.
Jolie démonstration que ce microscopique pays doit rester un.
Imaginez un peu dans une coupe du monde future (ou n'importe quelle compétition internationale) le ridicule d'une équipe "Flanders" opposée à une équipe "Wapi"! :-)