jeudi 13 octobre 2016

Le temps des brutes

D'un candidat à l'élection présidentielle de son pays, on attend qu'il soit visionnaire, positif, nuancé, diplomate, enthousiaste, stable, respectueux, sérieux, intelligent. Mais en voilà un qui est l'exact contraire du modèle attendu. C'est Trump le dingue, Trump le grossier, Trump le sociopathe, Trump le vulgaire, Trump l'ignorant, Trump le sexiste, Trump l'autoritaire, Trump le menaçant, Trump le répugnant. Y aura-t-il assez d'adjectifs négatifs pour le qualifier? Robert De Niro le traite de "stupide", de "chien", de "porc", d' "arnaqueur", de "désastre national" (1).
L'homme qui espère devenir président des Etats-Unis confond cessez-le-feu et traité de paix, ne fait pas de différence entre le pouvoir d'un président et celui d'un tribunal, menace son adversaire de l'envoyer en prison, affirme qu'il fait ce qu'il veut des femmes que de toute façon il méprise, affiche ouvertement son racisme, traite les Mexicains de voleurs et de violeurs, veut fermer son pays aux musulmans, crache sur qui n'est pas et ne pense pas comme lui. Ce candidat arrogant, sans programme sérieux, est (parmi d'autres, c'est vrai) une honte pour le genre humain, une menace pour les Etats-Unis, pour le monde et surtout pour l'intelligence et la dignité. Il est le Café du Commerce fait homme, le Redneck érigé en modèle, la goujaterie diffusée planétairement.
Il fait partie de ces gens tellement imbus d'eux-mêmes, à l'ego tellement boursouflé qu'ils croient qu'ils peuvent tout dire. Jusqu'à ce qu'explose la grenouille gonflée qu'ils sont.
C'est aussi le cas d'un Eric Zemmour qui, recueillant un réel succès populaire à pleurnicher sur la France qui n'est plus ce qu'elle fut, se lâche un peu plus, affirmant qu'il y a des Français plus français que les autres, confondant sciemment islam et islamisme et allant jusqu'à déclarer, parlant des djihadistes, qu'il "respecte des gens qui meurent pour ce en quoi ils croient - ce dont nous ne sommes plus capables (2)". Il a même, dit-il, de l'admiration pour eux: "des gens qui meurent pour leur foi, on devrait plutôt être admiratifs que méprisants". Le parquet vient d'ouvrir une enquête à son égard pour apologie de terrorisme (3).
C'est aussi le cas d'un Robert Ménard qui ne peut laisser passer une journée sans cracher sa haine de l'étranger. Ces derniers jours, le maire de Béziers a fait placarder dans sa ville des affiches dénonçant "les envahisseurs" que sont les migrants et veut organiser une consultation populaire sur le refus (plutôt que l'accueil) de ceux-ci (4).
On pourrait parler parler aussi, à d'autres niveaux, d'un Orban, d'un Poutine, d'un Erdogan, d'un Duterte, chacun dans son style se présentant comme un mec qui sait s'imposer avec des méthodes brutales et ne supporte pas la contradiction. 
L'époque est aux grandes gueules arrogantes. Elles plaisent. Comme si les slogans stupides et haineux, les analyses et les solutions simplistes pouvaient améliorer un monde déboussolé. Ces grandes gueules populistes font essentiellement reposer leur discours sur la menace dont souffrirait leur identité. Finalement, ces machos suffisants sont de petits êtres bien fragiles.
"Cela me met tellement en colère, dit encore Robert De Niro, que ce pays soit arrivé à mettre cet idiot, ce crétin à la place qu'il occupe aujourd'hui". C'est là la question: comment expliquer que ces hommes aient autant d'électeurs, de délégués, de lecteurs, d'admirateurs pour les soutenir? L'intelligence collective recule-t-elle? Finalement, tous ces déclinistes ont peut-être raison: l'homme  régresse, il devient plus con. Mais c'est à cause d'eux.

Post-scriptum à propos de Trump: Richard Cohen, dans the Washington Post, estime qu'il est aussi taillé pour la fonction de président "que le cheval de Caligula pour devenir consul de Rome".
("Trump, le scandale de trop", 8.10.2016, in le Courrier international, 13 octobre 2016.
Post-scriptum bis: à lire à propos de Zemmour: http://filiu.blog.lemonde.fr/2016/10/16/zemmour-daech-et-nous/
Post-scriptum ter (dans "28 minutes" le 18.10.2016): Bertrand Badie parle de "trumpo-poutino-erdoganisme"...

(1) http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/08/lacteur-robert-de-niro-sen-prend-violemment-a-donald-trump/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) on notera que Zemmour ne parle que pour lui, ne faisant aucun cas de l'équipe de Charlie Hebdo massacrée pour avoir défendu la liberté d'expression, la laïcité, l'anti-racisme, l'humour.
(3)http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/07/face-aux-envahisseurs-eric-zemmour-denonce-la-collaboration/?utm_hp_ref=fr-homepage
http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/07/des-familles-de-victimes-du-13-novembre-accusent-eric-zemmour-d/?utm_hp_ref=fr-homepage
http://www.marianne.net/eric-zemmour-daech-je-respecte-gens-prets-mourir-ce-quoi-ils-croient-100246845.html
(4) http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/11/robert-menard-veut-organiser-un-referendum-anti-migrants-a-bezie/?utm_hp_ref=fr-homepage

2 commentaires:

Grégoire a dit…

En ce qui concerne Trump,il doit bien exister une théorie pour le genre de sympathie qu'il suscite. D'abord, il fascine, car il ose là où un quidam doté d'une éducation commune, verrai celle-ci lui imposer une retenue. Dans un pays plein de névrosés où les armes sont en vente libre mais où la religion dominante impose l'amour du prochain, voir et entendre un type qui se lâche avec aussi peu de retenue doit provoquer une fascination ambiguë. Il assure une certaine forme de spectacle. Le non-conformisme ou l'anti-système est érigé en modèle. N'a-t-il pas atteint l'avant-dernière marche du poste suprême? Le gars qui s'est fait tout seul, et qui finalement s'est raté...
Zemmour est comme Dieudonné M'bala M'bala. Il a trouvé des boucs émissaires et voyant qu'il avait un certain public, il a décidé de continuer dans la même voie, même si cela le fait creuser de plus en plus profond dans la haine de l'autre.
L'intelligence, comme le faisait remarquer Pierre Desproges, n'est pas de nature à s'additionner. C'est même plutôt l'inverse. Plus on est nombreux, plus on est c. Je ne crois pas non plus qu'il y ait d'intelligence collective, et généralement les manifestations me donnent raison.

Michel GUILBERT a dit…

Ce n'est sans doute pas dans les manif' que s'exprime le mieux l'intelligence collective (même si j'en ai fait énormément, parce que je crois qu'il est important de faire entendre son désaccord et/ou son indignation). Mais je continue à croire en l'intelligence collective. Elle peut s'exprimer dans des réunions, par exemple, de développement rural ou des assemblées de citoyens tirés au sort (cf "Contre les élections" de David van Reybrouck). Ou encore dans le foisonnement d'idées et d'initiatives qui sort des associations (cf, par ex., l'émission "Carnets de campagne" de Ph. Bertrand sur France Inter, du lundi au vendredi de 12h30 à 12h45). A lire aussi: "Les intelligences citoyennes - comment se prend et s'invente la parole collective", de Majo Hansotte, chez De Boeck)