On a parfois l'impression que la France ne serait pas ce qu'elle est si tout n'y était pas compliqué. Sauf la formation d'un gouvernement. Chaque parti a la solution : c'est à lui de le mener. Le ixième gouvernement de Macron II n'était pas encore tombé que déjà on se bousculait pour revendiquer le poste que François Bayrou se préparait à abandonner. Le Parti socialiste le réclamait parce qu'il fallait mettre la barre à gauche. Bruno Retailleau se dépêchait de s'y opposer : pas question de gouverner avec la gauche. Et voilà que dans les heures qui suivaient la chute de Bayrou, le président Macron sortait de son chapeau un de ses proches. Sébastien Lecornu est maintenant un néo-premier ministre à la tête d'un gouvernement démissionnaire avec mission pour lui d'en créer un nouveau. Gabriel Attal, ex-premier ministre (les ex-premiers de Macron pourront bientôt créer une équipe de football) avait proposé que soit nommé d'abord un négociateur, mais il était bien le seul à le souhaiter. C'est pourtant ce qui se passe dans la plupart des pays démocratiques : en général, après des élections ou après la chute d'un gouvernement, le chef de l'Etat désigne un négociateur (1) qui sera chargé de réunir autour de la table différents partis qui formeront une majorité parlementaire et se mettront d'accord sur un programme de gouvernance. Les tractations peuvent ainsi durer des semaines, voire des mois, mais finissent par accoucher d'un projet commun dans lequel chacun trouve des motifs de satisfaction, mais aussi, évidement, d'insatisfaction. Cela s'appelle un compromis. Un terme très conspué en France et pourtant inhérent à la démocratie. Un couple, une famille, une association, un groupe d'amis ne tient que par des compromis. Mais en France le président nomme d'emblée un premier ministre plutôt que d'inviter les partis à négocier.
De nouvelles élections, comme les réclament des partis et de nombreux citoyens ne changeraient vraisemblablement pas la donne si les règles ne sont pas modifiées auparavant. Par exemple, l'instauration de la proportionnelle. "La proportionnelle aurait le mérite d’obliger les responsables politiques à changer de logiciel, affirme le politiste Florent Gougou (3). Pourquoi ? Parce qu’ils sauraient, avant même que les électeurs se rendent aux urnes, que la majorité absolue ne peut pas être atteinte par un seul parti – et donc qu’il faudra, pour constituer un gouvernement, s’engager, après les élections, dans une négociation. Ce serait un changement majeur : les dirigeants ne pourraient plus proclamer, comme beaucoup le font actuellement, qu’ils gouverneront uniquement sur la base de leur propre plateforme."
La négociation oblige à plus d'humilité, à reconnaître qu'on ne détient pas la solution idéale, à accepter de lâcher du lest et à travailler avec celles et ceux qui étaient hier encore des adversaires. Ceci dit, la proportionnelle ne règle cependant pas tout. Ainsi la Région bruxelloise est toujours sans gouvernement (sinon un gouvernement en affaires courantes) depuis juin 2024, victime d'un système électoral d'une complexité absurde et de jeux politiques malsains de certains partis. Triste spectacle. Aussi.
"Tout est identité désormais. Chacun avec la sienne, prêt à anéantir celle de l'autre. (...) On vit pas ensemble en restant derrière nos ordis à insulter celui ou celle d'à côté, on survit ensemble en se disant que ce serait mieux sans les autres. C'est là où nous en sommes. Et hier, j'ai vu des hommes et des femmes politiques incapables d'aller les uns vers les autres. Ils ne font plus l'époque, ils sont le reflet de leur époque." L'humoriste Tangy Pastureau, parlant des réseaux dits sociaux au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou (4).
(3) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/09/12/le-chaos-gouvernemental-n-est-pas-lie-a-l-absence-de-majorite-a-l-assemblee-mais-aux-pratiques-des-responsables-politiques_6640500_3232.html
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/tanguy-pastureau-maltraite-l-info/tanguy-pastureau-maltraite-l-info-du-mardi-09-septembre-2025-6386141
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