mercredi 26 novembre 2025

Ne dites plus MAGA, dites MARGA

Comment dit-on larbin en américain ? On pourrait ainsi qualifier Donald Trump. On peut se prendre pour le roi et n'être qu'un valet.
Elle est loin, la guerre froide. Les deux puissances américaine et russe n'en sont plus à se regarder en chiens de faïence avec le doigt sur la gâchette nucléaire. Leurs dirigeants se font des ronds de jambe, se donnent du "cher ami", se congratulent mutuellement. Les Américains sont même devenus, de manière parfaitement consciente, les larbins des Russes. Make America Great Again se combine avec Make Russia Great Again. Leur plan de paix qu'ils veulent imposer aux Ukrainiens a en réalité été rédigé par les Russes.
Plusieurs analystes ces derniers temps soupçonnaient le plan de la Maison blanche de n'être qu'un copier-coller de celui du Kremlin. On en a maintenant la preuve.
L’agence Bloomberg vient de révéler des conversations qui témoignent de la grande proximité qui existe entre le conseiller de la Maison Blanche, le promoteur immobilier Steve Witkoff, et ses interlocuteurs russes et du stratagème russe pour faire passer le projet de plan de paix du Kremlin (1). "Je pense qu’on va juste faire ce document à partir de nos positions, et je le transmettrai de façon informelle, en disant clairement que tout est informel. Qu’ils fassent comme si c’était à eux. Mais je ne pense pas qu’ils prendront exactement notre version, mais au moins ce sera aussi proche que possible de cela." C'est ce qu'a dit à Iouri Ouchakov (conseiller diplomatique de Poutine) Kirill Dmitriev, patron du Fonds d’investissement direct russe et principal interlocuteur de Steve Witkoff.
Celui-ci, de son côté, a suggéré à Ouchakov quelle attitude avoir avec Trump : le flatter encore et encore et lui dire qu'il est "un homme de paix". Witkoff a aussi affirmé sa "conviction" que la Fédération de Russie "a toujours voulu un accord de paix". Il a même fait plus fort encore : "Tu sais que j’ai le plus profond respect pour le président Poutine".

L'Ukraine pourra être dépecée avec les félicitations d'Ubu roi et de ses courtisans à l'agresseur. Les extrêmes droites les plus puissantes s'entendent comme larrons en foire sur le dos des plus petits qui ont juste le droit de se taire et de s'aligner. Et le devoir de dire merci en criant Make America and Russia Greats Again. Amen.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/11/26/steve-witkoff-un-envoye-special-de-donald-trump-tres-proche-de-ses-contacts-russes-j-ai-le-plus-profond-respect-pour-le-president-poutine_6654831_3210.html
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-mercredi-26-novembre-2025-9869769
Verbatim de la conversation entre Witkoff et Ouchakov :
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/11/26/l-integralite-de-la-conversation-entre-steve-witkoff-envoye-special-de-donald-trump-et-iouri-ouchakov-conseiller-diplomatique-de-vladimir-poutine-revelee-par-bloomberg_6654892_3210.html

6 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Michel, voici le petit commentaire que j'ai publié sur le site du Monde suite, à la révélation des conversations téléphonique en question : "C'est comme si le président américain de l'époque avait envoyé un émissaire chez Hitler en 1938 pour "faire un deal" avec le Führer afin de se partager la Pologne (et l'Europe démocratique). Ah, mais oui ! Cela s'est fait ! Mais par un autre... On pensait avoir atteint le fond, mais non, on progresse encore. Drill, baby, drill !"

Il y a quelque chose de mystérieux dans cette alliance. Plusieurs facteurs explicatifs me viennent à l'esprit. 1) Une ignorance crasse, chez Trump et ses "agents immobiliers", de la Russie et de l'Ukraine, notamment de la volonté impériale russe de conquérir ces petits-russes et puis de vassaliser l'Europe pour en faire une "vache à lait" (voir la tribune de Françoise Thom dans LM). 2) Une "haine" commune de l'Europe, pour des raisons en partie parentes (voir mon article en cliquant sur mon nom pour ceux que cela intéresse). 3) L'hypothèse du "kompromat" (qui sera peut-être révélée dans une décennie, selon Sergey Utkin, un chercheur russe réfugié en Allemagne). Le livre de Régis Genté, « Notre homme à Washington » (2024) est totalement accablant. 4) Une sorte de fascination-soumission de Trump pour Poutine et ses possibles ressorts psychologiques.

C’est très très résumé. De toutes manières, la clé de l'affaire se trouve à Washington (dissidence de républicains, perspective des mid-terms, Epstein, résistance de l’appareil judiciaires, etc.). Sans cela, on va vers la guerre en Europe (plusieurs pays s’arment et se mobilisent, surtout au nord-est du continent mais pas seulement). Pas 14-18 ni 40-45 ni "la guerre en dentelles" : une guerre multifactorielle, vicieuse et masquée, tout en étant de plus en plus manifeste (sabotages en Pologne et en mer baltique, drones un peu partout, guerre numérique, "influenceurs", etc.). Autant savoir.

Michel GUILBERT a dit…

Oui, Bernard, tous ces facteurs doivent en effet expliquer ce qui nous paraît tellement inexplicable. Et tellement révoltant. Ce qui m'inquiète (en plus), c'est le silence de l'opinion publique. Nous devrions manifester tous les jours devant les ambassades russes et américaines.
Mais il semble que cette guerre paraît lointaine malgré sa proximité et sans risque pour nous...

Bernard De Backer a dit…

En effet, je partage ton inquiétude. Cela s'explique sans doute par au moins deux facteurs. 1) L'ilusion, comme tu dis, de la "guerre lointaine" (alors que l'UE est directement menacée à plusieurs titres) ; 2) un vieux tropisme "pro-russe" de gauche, y compris chez nombre d'écolos, qui paralyse une majorité des activistes prompts à manifester devant l'ambassade US (et qui associe l'Ukraine soit au "fascisme", soit à "l'antisoviétisme" même si l'URSS est morte depuis un quart de siècle). J'ai eu la surprise lors d'une soirée "artistique" à Rixensart (commune huppée du Brabant wallon) d'assister à une sorte de harrangue politique qui commencait par "ne pas provoquer la Russie". Comme je demandais à la comédienne ce que signifiait son propos, elle m'a dit qu'elle faisait allusion au ministre Franken (nationaliste flamand) qui "voulait bombarder" Moscou. Je lui ai répondu que Poutine n'avait pas besoin de Franken pour bombarder Kyiv, les civils ukrainiens etc. La même comédienne interprétait l'invitation des jeunes à s'engager volontairement dans l'armée (comme dans d'autres pays de l'UE) comme une "militarisation du pays". Cette gauche culture, bien-pensante, ignorante et supidement pacifiste est affiligeante. De plus, Rixensart est une des communes les plus riches de Belgique.

gabrielle a dit…

Le plan russe est imbuvable. Tout comme les conversations des boutiquiers, tendance mafiosi. Ce qui m'inquiète ce sont les timides réactions de Reps. Il n'y a donc plus dans ce parti ou aux Etats-Unis des gens modérés, pondérés, qui ont vécu la 2eGM ou qui connaissent un peu l'Histoire, qui ne voient pas la spirale infernale dans laquelle on essaie de nous entraîner ?
PS : Michel, j'apprends que j'habite depuis plus d'un demi-siècle une "commune huppée", "une des plus riches du pays" qui plus est. C'est terrible. Tu m'excuses, dis ? On reste copains, dis ? ;-)

Michel GUILBERT a dit…

C'est bien parce que c'est toi, Gabrielle ! :-))
Chez les Républicains, il y a bien, oui, quelques timides réactions. Mais Ubu roi parvient à terroriser tout le monde....

Bernard De Backer a dit…

Sans vouloir en faire un fromage ni stigmatiser personne, Rixensart est la première commune wallonne en termes de "qualité de vie", un indice qui reprend plusieurs dimensions, dont les revenus (mais il y a des gens sympas bien sûr). Mais entendre cette harrangue un peu apocalyptique et très "gauchiste" (je résume) en ce lieu était un peu... dissonant.

Classement par qualité de vie (source Batibouw - il y en a d'autres)

Rixensart (100)
La Hulpe (98)
Beauvechain (97,9)
Waterloo (96,2)
Grez-Doiceau (95,5)