mercredi 24 avril 2024

Déjeuner en paix

Il y a des matins comme cela. On ne s'y attend pas, on se lève, on boit un café, comme chaque matin, on lit les infos. Pour une fois, on y découvre de bonnes nouvelles : Kadyrov, le boucher de Grozny, n'en a plus pour longtemps, en phase terminale de cancer (1) ; des drones ukrainiens ont détruit des sites énergétiques dans cette URSS que certains appellent Russie (2) ; un témoin et ex-ami a lourdement chargé Ubu Trump au premier jour de son procès (3). On se dit que cette journée commence bien, qu'il pourrait bien y avoir, un jour, une justice.
Et puis, on lit les informations régionales. Et bardaf, c'est l'embardée. L'Action française, ce vieux groupe d'extrême droite rance et antidreyfusard qu'on croyait mort depuis longtemps, a manifesté à Bélâbre contre le projet d'ouverture d'un centre d'accueil pour réfugiés (4). Délogés par la police, les militants fascistes et royalistes sont revenus se filmer à l'entrée du bâtiment qui abritera le centre et annoncent qu'ils reviendront encore et encore. On soupire. L'extrême droite est partout, même chez nous. Inlassablement, elle répand sa haine et sa bêtise jusque dans les campagnes. Ses militants, courageusement masqués (défendent-ils la burqa ?), affirment que rien ne les arrêtera. Ils lancent une cagnotte en ligne.  Pour racheter la matraque et les fumigènes que leur a confisqués la police ? Ils ont un slogan : « pour que vive la France, vive le roi ». La France vit bien et vivra sans mieux sans eux. De quel roi parlent-ils ? Le roi des cons ? 

(1) https://www.lalibre.be/international/europe/2024/04/23/le-dirigeant-tchetchene-ramzan-kadyrov-en-phase-terminale-comment-son-equipe-tente-de-faire-taire-les-rumeurs-en-vain-6P2T6OHQEBGDZG5BI52Q4OF7HA/
(2) https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2024/04/24/guerre-en-ukraine-des-sites-energetiques-en-feu-en-russie-apres-des-attaques-de-drones-selon-les-autorites-EUJKOVFSZRCCLN5G22LLSRMOMY/
(3) https://www.lalibre.be/international/2024/04/23/regard-noir-journalisme-de-chequier-et-liaisons-secretes-achetees-le-premier-temoin-du-proces-de-trump-pourrait-bien-sceller-son-sort-JCBWK4NJQJGCTCYZI3ZMJNOAJI/
(4) https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/belabre/le-groupe-d-extreme-droite-action-francaise-entend-poursuivre-sa-bataille-contre-le-cada-de-belabre

lundi 22 avril 2024

Toxique et séduisant

Aider l'Ukraine, c'est sauver notre démocratie (voir billet précédent). L'historien américain Timothy Snyder ne dit pas autre chose (1). Il rappelle la toxicité de Vladimir Poutine, tant dans son propre pays qu'à l'ouest, mais aussi en Afrique : en Russie, "depuis le début des années 2000, Poutine étend son pouvoir en minant le processus électoral et en contrôlant les richesses. Il détourne l'oligarchie à son profit pour s'imposer comme le plus puissant, le plus riche des oligarques. Depuis son arrivée au pouvoir, la politique intérieure est figée, la mobilité sociale n'existe pas. Il lui faut donc déployer une politique étrangère spectaculaire et exporter le chaos : il a besoin de faire croire que la corruption et le mensonge ne sont pas l'apanage de son régime mais qu'ils se répandent partout." Sa propagande tend à faire croire que nulle part, et surtout pas en Europe de l'ouest, la démocratie n'est respectée. "L'Ukraine est ainsi devenue un grand danger après la révolution de Maïdan (2014), quand elle s'est affirmée en tant que démocratie électorale et quand elle a mis en avant son désir d'intégration à la Communauté européenne. Si la démocratie est mise à mal en Russie, elle doit aussi l'être ailleurs."
On sait que Poutine et sa clique ont fait et font tout ce qu'ils peuvent - et ils peuvent beaucoup - pour favoriser les mouvements d'extrême droite en Europe, pour pousser le candidat Trump aux Etats-Unis et pour amener les Britanniques à choisir le Brexit. Toujours plus de chaos et moins de démocratie, c'est leur devise. Dans son livre (2), Timothy Snyder parle d'eux comme de "schizo-fascistes", "de véritables fascistes qui traitent leur adversaires de fascistes". Pour lui, "la Russie est aujourd'hui, selon toutes les définitions, un Etat fasciste : un parti unique, un leader dans le style de Hitler ou de Mussolini qui célèbre le primat de la volonté sur la raison, qui glorifie la guerre, mobilise la population et fait prospérer des théories du complot, contre les Juifs ou les lobbys homosexuels accusés de détruire les valeurs traditionnelles." Poutine reproduit beaucoup de pratiques de la Seconde guerre mondiale, affirme-t-il. "Il mène cette guerre selon une logique fasciste dans laquelle l'autre camp n'existe pas. L'Ukraine n'est pour lui ni un Etat ni une nation, il est normal de l'anéantir."

Poutine veut à la fois réécrire l'histoire et gommer le passé. "La propagande russe vise à effacer toute compréhension du passé. Vladimir Poutine proclame que la culture russe est menacée, mais en réalité il fait la guerre aux historiens. Il a fait fermer des ONG comme Memorial (3), qui avait entrepris un travail considérable pour mettre à nu les crimes du pouvoir soviétique, notamment sous Staline, ou de l'armée russe en Tchétchénie. Il mène des actions en justice contre des historiens, et une loi punit ceux qui publient sur Internet des informations sur le passé. Tous les politiciens qui essaient aujourd'hui de détruire la démocratie de l'intérieur procèdent ainsi, ils ramènent l'histoire au mythe d'une innocence perdue qu'il faut reconquérir."

Que pouvons-nous faire ? Pas grand-chose en attendant la chute inévitable du leader fasciste, sinon "aider l'Ukraine à gagner la guerre, ce qui contribuera à définir les paramètres d'une Russie du futur". 
Et pourtant, on ne les compte plus toutes celles et tous ceux qui à l'extrême droite comme à l'extrême gauche, à l'extrême jaune comme à l'extrême complotiste qui refusent de condamner le tueur en série. "Parce que, disait ce matin Sophia Aram (4), pour les poutinolâtres, on aurait apparemment tout à gagner à ne pas énerver la bête, surtout quand elle est occupée à dévorer quelqu'un d'autre que soi ou à continuer après vingt ans d'échecs à négocier avec le boucher de Grozny, d'Alep et de Butcha. C’est vrai, ça, on ne sait jamais, au fond de chaque criminel de guerre, sommeille peut-être l'âme d'un futur prix Nobel de la paix. (...) Un homme qui élimine ses opposants, assassine des journalistes, bombarde Irpin, Sebastopol ou Kherson, pactise avec Bachar Al Assad, s'allie avec les mollahs, assujettit la Tchétchénie et la Biélorussie, déstabilise la Géorgie, annexe la Crimée, lance des cyber-attaques, fait de l’ingérence dans les campagnes électorales américaines ou françaises, systématise le viol et la torture comme arme de guerre, organise la déportation d’enfants... Cet homme, cache peut-être au fond de lui une aspiration au dialogue."
Les partis politiques occidentaux qui soutiennent ou en tout cas refusent de condamner le monstre devraient faire fuir les électeurs. Et c'est le contraire. "Eh bien vous me croirez ou pas, dit encore Sophia Aram, pendant ce temps-là, à un mois des élections européennes, près de 46 % des Français s'apprêteraient à voter pour des partis qui n'ont absolument pas conscience que les Ukrainiens se battent aussi pour notre souveraineté, ou pour des partis qui considèrent que Poutine est un modèle ou un banquier." Poutine fascine. Le chaos gagne les têtes.

(1) "La stratégie du chaos", Télérama, 21.2.2024.
(2) Timothy Snyder, "La route pour la servitude. Russie, Europe, Amérique", éd. Gallimard, 2024.
(3) https://memorial-france.org/
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-22-avril-2024-9568929

dimanche 21 avril 2024

Armement pacifiste

Il fut un temps, pas bien lointain, où nous étions invités à refuser que nos impôts servent à financer les armements. C'était un temps où nous pensions, naïfs que nous étions, que la guerre jamais ne nous concernerait. Que nous vivions et vivrions en paix dans une Europe dont l'union nous préservait du pire, de l'impensable. Et voilà qu'un petit homme voisin, mauvais comme une teigne, sombre comme un tunnel sans issue, hargneux comme le Père Ubu, a fait de la guerre sa vie, décidant de venger les erreurs de ses prédécesseurs en pensant redonner du prestige à  son immense pays qui d'empire n'était plus que le plus vaste de la planète, ce qui le désespère.
Et nous voilà à réclamer de nos gouvernants qu'ils fassent produire des armes, des systèmes de défense, des missiles aux coûts exorbitants  pour donner à l'Ukraine les moyens de se défendre. De nous défendre. Et nous voilà, nous pacifistes, à nous réjouir d'apprendre  que la Chambre des Représentants américaine a décidé d'attribuer à l'Ukraine une nouvelle aide de près de 60 milliards de dollars pour mieux se défendre contre l'agresseur russe. On attend un même geste fort de l'Union européenne dont les promesses sont trop peu respectées. C'est la vie des Ukrainiens qui est en jeu, c'est leur indépendance, leur liberté. Qui peut hypocritement penser que cette guerre n'est pas la nôtre ? Si l'Ukraine perd cette guerre, c'est l'Union européenne qui mourra et avec elle la démocratie et notre liberté. 
La guerre sera toujours une erreur, mais refuser de l'affronter quand elle est à nos portes, c'est poser sa tête sur le billot du bourreau. 

vendredi 19 avril 2024

C'est normal

Le Front du Rassemblement national s'est normalisé.  Il faut donc s'inquiéter de ce qui est devenu la norme.
Le 7 avril dernier, dans le cadre du carnaval de Besançon, des militantes d'un collectif d’extrême droite ont brandi des pancartes associant les termes “immigrés” et “violeurs” » (1). Habituellement, la notion de carnaval est associée à celle de fête. Mais pas pour l'extrême droite qui profite de cette occasion pour exprimer sa haine normale. « Ces propos essentialisants, qui constituent des incitations à la haine envers les étrangers, m’ont conduit à déposer plainte le même jour pour incitation à la haine raciale », a déclaré la maire écologiste de Besançon. Elle a reçu en retour des menaces de viol, des centaines d’injures et de propos haineux ou dégradants. Normal. Elle a à nouveau déposé plainte. Quelques jours plus tard, des élus du Rassemblement national ont brandi des pancartes identiques en pleine séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, pour soutenir les deux femmes poursuivies pour leurs propos haineux. Normal. Cette fois, c'est la présidente du Conseil régional qui a déposé plainte. Elle a également dénoncé l’usage par un des élus du RN du mot Untermensch (« sous-homme » en allemand) au sein de l’hémicycle, une expression empruntée au vocabulaire nazi. Normal. 
Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite, affirme catégoriquement qu'il n'y a pas de racistes dans son parti normal.

Le quotidien Le Monde a analysé (2) les positions prises par le parti normal d'extrême droite au Parlement européen concernant les relations internationales. "Soutien à des régimes autoritaires, refus de dénoncer l’application de la peine de mort ou d’autres sévices contre des opposants politiques, ignorance des cas de violations des libertés fondamentales : les centaines de décisions prises par les eurodéputés du RN à Bruxelles et à Strasbourg, analysées par Le Monde, offrent un panorama des relations internationales telles que le mouvement d’extrême droite les envisage." Soutien constant au Kremlin, refus de condamner la loi russe sur les « agents de l’étranger » (2019), rejet de la résolution consécutive à l’empoisonnement d'Alexeï Navalny (2020), rejet du soutien apporté à la société civile réprimée et notamment à l’organisation de défense des droits de l’homme Memorial, abstention sur la plupart des textes pris en soutien à l'Ukraine, etc. "Cela ne nous regarde pas",  affirment les élus RN qui ne veulent pas avoir l'air de toucher à la souveraineté d'un pays. Comme si la souveraineté ukrainienne était pleinement respectée. De toute façon, l'analyse du Monde démontre combien les députés frontistes appliquent ce principe de non-immixtion, de manière très variable selon les régimes concernés. Et défendent systématiquement les régimes autoritaires ou illibéraux. Normal.

Jordan Bardella est tête de liste de son parti pour les élections européennes. "La coquille vide d'idées mais remplie d'orgueil du RN", comme le qualifie l'hebdomadaire Franc-Tireur, est en campagne mais refuse les débats avec ses adversaires. Il envoie des seconds couteaux, préférant serrer des mains et débiter des âneries. Son adversaire du parti présidentiel, Valérie Hayer, affirme que Bardella "aborde cette campagne de la même manière qu'il a abordé son mandat au Parlement européen : sans aucun respect pour les Français". Normal ?

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/12/la-maire-de-besancon-harcelee-en-ligne-apres-sa-plainte-contre-des-pancartes-antimigrants_6227481_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/17/au-parlement-europeen-le-rn-soutien-constant-des-regimes-autoritaires_6228263_823448.html

mardi 16 avril 2024

Déréglés

C'est une étrange mode. Il est de bon ton de faire la guerre. Vladimir Poutine n'a jamais vécu que pour cela. Chef de guerre, c'est son destin. Depuis vingt-cinq ans qu'il est au pouvoir, il provoque des conflits armés. S'il devait parvenir à conquérir l'Ukraine, ce sont d'autres territoires voisins qui craignent pour leur indépendance : la Moldavie, les Etats baltes, la Pologne...
Les Iraniens, eux, ne menaient la guerre que par milices interposées : le Hezbollah, le Hamas, les Houthis. Voilà qu'en attaquant Israël ils renouent directement avec une pratique qu'ils avaient abandonnée depuis 1988 et la fin de la guerre qui les opposaient à leurs voisins irakiens. Le Hamas est en guerre contre Israël et réciproquement. Après la Syrie, c'est le Yemen qui depuis des années se déchire, tout comme le Soudan où la guerre des généraux - qui a débuté il y a exactement un an - a déjà provoqué 15.000 morts et déplacé 8,4 millions de personnes. Dans l'indifférence du reste du monde. Il y a des guerres qui révoltent et mobilisent l'opinion publique et il y a celles qu'on préfère ignorer.
Et puis, c'est la Chine qui menace Taïwan, la Corée du nord celle du sud, le Venezuela  qui aimerait faire main basse sur l'Essequibo au Guyana voisin, les guerres qui se poursuivent, dans la même indifférence mondiale, dans l'est de la République démocratique du Congo.
Partout les budgets militaires sont revus à la hausse. C'est qu'il faut se préparer si pas à une attaque, du moins à une défense éventuelle. Tous les moyens devraient être mobilisés pour lutter contre le dérèglement climatique, mais certains préfèrent les consacrer à dérégler les rapports humains. On pensait que le sens de l'Homme était de devenir plus intelligent de siècle en siècle. On se trompe.  
Sur les réseaux prétendument sociaux, tant de gens mènent leur guerre, verbale cette fois, vouent aux gémonies qui ne pense pas comme eux et pousse chacun à choisir son camp contre l'autre. La nuance et le doute n'ont pas plus de place que l'analyse dans leurs vies si sûres d'elles. La guerre et la haine avancent de concert. Avec la bêtise.

mercredi 10 avril 2024

Souverainement égoïstes

Les êtres souverains, on vient de les découvrir à l'occasion d'une video ahurissante (1) et on ne sait comment les qualifier. Celles et ceux qui se présentent comme tels affirment ne rien avoir affaire avec la société. Ils ne reconnaissent pas l'autorité de la police ou de la justice, refusent de payer impôts ou amendes, ne "contractent" pas avec les autorités publiques et leurs lois. A leurs yeux, les Etats sont illégitimes, juste des sociétés privées "enregistrées à Washington". Dans la video de ce couple de Drômois contrôlés par la police à Dunkerque, on les entend refuser de donner leurs papiers aux gendarmes qui les contrôlent. Ils leur donnent oralement un nom - "Pierre de la famille Legrand par ouï-dire" -, à écrire "en minuscule s’il vous plaît, car nous ne sommes pas des entreprises".
"Je n'appartiens plus à l'entreprise République française Présidence. C'est une société depuis 1947. Et vous, vous êtes aussi enregistrés à la secte Washington DC sous un numéro, ce qui fait de vous des mercenaires sur le sol français." Voilà ce qu'affirme, péremptoire, le conducteur, avant de voir la vitre de sa voiture éclatée par le gendarme qui ne trouve pas d'autre moyen de le faire sortir de son véhicule. Sa femme, qui ne cessait de répéter "on ne contracte pas", hurle : "vous n'avez pas le droit !". Les non contractés ne sont pas décontractés.

Quand on tape "êtres souverains" sur un moteur de recherche, on effectue une plongée vertigineuse dans un monde halluciné : celui de gens, de personnes, d'êtres humains - on ne sait plus comment les qualifier selon leurs règles (l'un se présente comme "homme naturel vivant" !)  - centrés sur eux-mêmes, qui relèvent visiblement de la psychiatrie. "C'est ma personne, mais ce n'est pas moi", déclare l'un d'eux à un policier qui vient lui déposer une citation à comparaître au tribunal (2).  Il nage en pleine schizophrénie.
Etre souverains et refuser d'appartenir à leur Etat ne les dispense pas visiblement pas de rouler sur des routes, de circuler dans des espaces publics aménagés, entretenus et éclairés par les pouvoirs publics. Ils devraient les éviter s'ils allaient jusqu'au bout de leur logique, ne pas utiliser de transports publics, ne pas fréquenter les hôpitaux publics, ne pas accepter la moindre pension ou aide publique, ne pas faire appel à la police ou aux services de secours en cas de problème. Que font-ils si leur maison brûle ? 

Aujourd'hui, les partis populistes ont le vent en poupe. Ils se présentent le plus souvent comme souverainistes, veulent prendre leurs distances avec l'Union européenne, avec l'OTAN, avec toutes les instances internationales. Leur Etat doit se gérer seul. Ils n'ont pas plus peur de leurs contradictions que les êtres souverains. Ce sont souvent les mêmes partis qui se disent souverainistes et se montrent très tolérants à l'égard de la Russie qui fait la guerre à l'Ukraine pour la conquérir et ainsi mettre fin à sa souveraineté. Que feront-ils ces souverainistes si demain la souveraineté de leur Etat est attaquée alors qu'ils se seront retirés d'instances internationales basées sur la solidarité entre leurs membres ?
La présidente du Conseil italien, la souverainiste Giorgia Meloni, a dû faire machine arrière sur ses principes, comprenant à quel point son pays a besoin de l'Union européenne pour faire face aux vagues migratoires.
A ce propos, que pensent les êtres souverains de l'immigration ? Si personne n'appartient un Etat, tout le monde a le droit de s'installer où il l'entend. Allez savoir pourquoi, on n'est pas sûr qu'ils soient d'accord avec cette logique. Avec leur logique, si ce mot a un sens pour eux.

(1) https://www.youtube.com/watch?v=0Le5LJtW7RU
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/04/07/je-ne-contracte-pas-les-etres-souverains-ces-complotistes-qui-nient-l-autorite-des-etats_6226391_4355770.html
(2) https://www.youtube.com/watch?v=mYrgI1-vZuM



dimanche 7 avril 2024

Hypocrisie éternelle

On a parfois du mal à comprendre les décisions politiques. Ou on les comprend trop bien.
On se félicite évidemment que les députés français aient adopté à l'unanimité une proposition de loi restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, ces substances per- et polyfluoroalkylés, qu'on appelle aussi « polluants éternels » à cause de leur interminable cycle de vie et de leur impact négatif sur la santé. "Le texte, indique Le Monde (1), propose de réduire l’exposition de la population à ces molécules en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits qui en contiennent."

On retrouve des PFAS entre autres dans les emballages alimentaires, les textiles et les automobiles. Et aussi dans les poêles en téflon. Mais celles-ci ne sont pas concernées par l'interdiction. Le lobbying des salariés de l'entreprise Seb - qui prétendaient que leurs emplois étaient en jeu - a été payant.
"Le camp présidentiel avait rapidement sorti du périmètre du texte les ustensiles de cuisine, explique Le Monde. La majorité avait d’abord proposé de repousser l’interdiction concernant les ustensiles de cuisine de 2026 à 2030, un compromis rejeté par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. Le camp présidentiel a répliqué en supprimant purement et simplement l’alinéa concernant ces produits. « Encore une fois », la majorité alliée aux Républicains et au Rassemblement national aura « cédé aux lobbyings [du fabricant] Seb, au détriment de la santé des Français. C’est une honte », ont réagi les députés écologistes."

On repense à l'interdiction de la publicité pour le tabac en Belgique il y a quelque vingt-cinq ans. Les organisateurs d'évènements sponsorisés par une marque de tabac avaient eu un délai de plusieurs années pour se trouver d'autres soutiens. Mais la fédération internationale automobile n'avait rien voulu savoir et menaçait de retirer le grand prix de Spa-Francorchamps de son calendrier des courses de Formule 1. Tous les partis politiques, une partie de la presse et d'innombrables citoyens s'en étaient pris aux écolos accusés de vouloir la mort de la Wallonie, pas moins. L'emploi (direct dans le cas de Seb, indirect dans celui de la F1) et l'électoralisme pèsent plus que la santé et l'environnement. Les élus (des élus) sont faibles. Et hypocrites.

Ceci dit, l'interdiction des PFAS dans les autres produits est naturellement une bonne décision. D'autant qu'elle s'accompagne d'autres mesures : l’application du principe pollueur-payeur, avec une taxe visant les industriels qui rejettent des substances per- et polyfluoroalkylées, l’obligation de contrôler la présence de PFAS dans l’eau potable sur tout le territoire et la fin des rejets aqueux de PFAS dans les cinq ans.

Cette loi - qui doit encore être adoptée par le Sénat - a été votée par 213 députés parmi les 577 que compte l'Assemblée nationale française : 56 de LFI (19 étaient absents), 8 de la Gauche démocrate et républicaine (14 absents), 14 du PS (17 absents), 20 des Verts (1 absent), 56 de Renaissance, le parti macronien, (113 absents), etc. Les 4 LR présents (sur 61) et les 22 RN (sur 88) se sont abstenus (voir tableau dans l'article du Monde). On voit par là que les problèmes de santé publique ne passionnent pas les parlementaires et que ceux de droite et d'extrême droite n'ont pas d'opinion sur cette question sensible. 

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/04/pfas-les-deputes-adoptent-une-proposition-de-loi-visant-a-reduire-l-exposition-aux-polluants-eternels-sans-interdire-les-ustensiles-de-cuisine-qui-en-contiennent_6225927_3245.html


lundi 1 avril 2024

Make Pope Great Again

Plus rien n'arrête Donald Trump. Ses ambitions sont aussi infinies que sa suffisance. Le vendeur de Bible (voir billet précédent) a annoncé ce lundi de Pâques qu'il espérait bien être élu pape. François n'a pu, vu son état de santé lié à son grand âge, participer au chemin de croix vendredi soir. Donald Trump table donc sur un remplacement prochain du pape et rêve d'être le premier pape président d'un pays autre que le Vatican. Il estime être le mieux placé pour occuper la fonction : personne au monde ne met mieux que lui en application le précepte du Christ "Tu aimeras ton prochain comme toi-même".  "Quand on sait combien je m'aime, on peut imaginer combien j'aime les autres", a-t-il déclaré. Il se voit donc déjà à la fois président des Etats-Unis, pape et chef d'Etat du Vatican. Il compte régner sous le nom de Maquereau Ier.

Post-scriptum du lendemain :
la date de publication de ce billet a toute son importance. Il s'agissait d'un poisson, en l'occurrence ici d'un maquereau, d'avril. Il est vrai qu'il est difficile de plaisanter à propos de Trump tant l'invraisemblable est toujours possible avec lui.
A ce propos, sait-il ce qu'est plaisanter ? Et n'est-ce pas une caractéristique des autocrates que d'être imperméable à l'humour ? Quelqu'un a-t-il déjà vu rire Poutine ? 

samedi 30 mars 2024

La Bible trumpisée

On savait depuis longtemps que cet homme avait vendu son âme au Diable. Voilà qu'il la vend à Dieu aussi. Ou plutôt qu'il vend la parole divine. Donald Ubu Trump est maintenant représentant en Bible. Il vend son "livre préféré".  Du moins la version "Bible God Bless the USA", soit une Bible spéciale Trump, "la version du roi Jacques", explique-t-il, qui comprend également "les documents de nos pères fondateurs", à savoir "la Constitution pour laquelle je me bats chaque jour très durement", mais aussi les paroles de la chanson "God Bless the USA" d'un chanteur conservateur.  Suffisant Ier explique qu'on trouve dans sa foutraque version biblique notamment le Serment d'allégeance, celui-là même qu'il a rompu en appelant à prendre par la force le Capitole suite à sa défaite de 2020.
Ce Témoin de Jehovah inattendu a donc mis son nom sur un texte sacré qu'il vend soixante dollars l'unité. "Vous devez l'avoir pour votre cœur et votre âme." Et surtout pour son portefeuille. C'est qu'il doit payer une caution de 175 millions de dollars à la suite d’une de ses innombrables affaires de fraude. Il faut se la procurer pour Pâques, clame-t-il. Il y a urgence. Le site Internet où on peut la commander propose également des casquettes "Make America Pray Again". Avec un tel couvre-chef sur la tête, la Bible s'éclaire sûrement d'un jour nouveau.
On voit par là qu'Ubu Trump est prêt à tout pour gagner des voix et de l'argent. Plus infatué que jamais. Pathétique aussi en démarcheur à domicile qui veut faire croire qu'il doit faire son chiffre quotidien pour ne pas se retrouver à la rue.

Je vends des robes
Des pulls et des manteaux, des bas, des gants
Des jupes, des pantalons
Des sacs, des ceinturons
Des slips et des manchons
De toute espèce, qui me font tourner en bourrique
Nino Ferrer, "Je vends des robes".

https://www.lexpress.fr/monde/amerique/trump-et-la-bible-pour-paques-le-nouveau-commerce-juteux-de-lex-president-4EUVKOUCL5DQ3EEM3IO4T7EH5Q/
https://video.lefigaro.fr/figaro/video/vous-devez-lavoir-donald-trump-vend-des-bibles-avant-paques/

jeudi 28 mars 2024

Le diable s'habille en raciste

Le Front du Rassemblement national s'est-il dédiabolisé ou le diable s'est-il banalisé ? Le parti d'extrême droite caracole en tête dans les sondages, malgré ses liens troubles avec la Russie de Poutine et malgré la bêtise avérée de ses dirigeants. On a vu, lors du débat du second tour de l'élection présidentielle en 2017, combien la fille à papa Le Pen était incompétente en quasiment toutes matières. Son successeur à la tête du parti ne vaut guère mieux, lui qui se prend les pieds dans le tapis en toutes occasions. Un jour, au contraire de la position de son parti, Jordan Bardella défend les prix planchers pour les agriculteurs, avant de s'y opposer le lendemain comme si de rien n'était ou comme s'il souffrait d'Alzheimer. Auditionné par la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, il propose d'instaurer un délai de trois ans pour les entreprises qui passent le cap des cinquante salariés, histoire de leur laisser un temps d'adaptation aux nouvelles règles qu'elles auront alors à respecter. Il ignorait que ce délai existe déjà et qu'il est de cinq ans. Un de ses anciens coachs affirme que Bardella "ne travaille pas, ne lit pas et ne s'informe pas". Il n'arriverait pas à enregistrer ce que lui transmet son nouveau coach qui a "trop de fond pour Bardella". (1) Mais qu'importe ce qu'il sait et ce qu'il dit ? L'important est qu'il soit rassurant et souriant. Mais qui peut donc être rassuré par un homme qui démontre une telle faiblesse intellectuelle? 

Qui peut faire un confiance à un parti qui ne s'est aucunement dédiabolisé et qui reste coincé dans son vieux racisme ? Ce matin, l’Assemblée nationale a voté un texte qui demande au gouvernement d’instaurer une journée de commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Ce jour-là, une manifestation pacifique de 30.000 Algériens avait été violemment réprimée par la police sous les ordres de Maurice Papon. Le bilan officiel n'était que de trois morts et une soixantaine de blessés. Les historiens, eux, évoquent « au moins plusieurs dizaines » de morts, entre une trentaine et deux cents. Soixante-sept députés ont voté pour le texte et onze contre, tous membres du Rassemblement national. Le diable réside toujours au RN où les ratonnades sont ignorées. A moins qu'elles ne paraissent normales ? 

(1) "Le costume craque", Franc-Tireur, 27.3.2024.