mardi 21 octobre 2025

Une misogynie plus puissante qu'un séisme

Autant prévenir les braves âmes : ce billet pourrait leur paraître islamophobe.
Les talibans, ces fous furieux de Dieu, confinent les femmes afghanes dans leurs cuisines. Elles ne sont bonnes qu'au repos du guerrier, à son nourrissage et à son entretien. Elles n'ont plus aucun droit, doivent se cacher entièrement sous leur burqa et sont même à présent obligées de masquer leurs fenêtres pour ne pas être vues des voisins ou des passants. 
Suite aux séismes ravageurs qui ont secoué l'Afghanistan début septembre et qui ont fait plus de 2200 morts, les talibans ont donné priorité à la charia. Des femmes n'ont pu être sauvées par les hommes qui ont interdiction de les toucher. Et il n'y a plus de médecins femmes, ni d'infirmières, les talibans ayant privé les femmes de tout enseignement médical. De plus, depuis le retour au pouvoir des talibans, en août 2021, une grande partie des fonctionnaires et technocrates ont été remplacés par des personnes choisies pour leur orthodoxie au regard de l’islam. Beaucoup de travailleurs de la santé ont été licenciés ou se sont exilés (1).

L'école leur étant interdite au-delà de l'âge de douze ans, les filles et femmes afghanes n'avaient plus qu'Internet pour se former, communiquer entre elles et s'ouvrir à l'extérieur. Même cette fenêtre leur est aujourd'hui fermée. Les talibans ont fait couper la liaison à la fibre optique. Son installation en 2007 avait coûté soixante millions de dollars au gouvernement afghan de l'époque et ses neuf mille kilomètres de réseau permettaient de relier aux réseaux mondiaux vingt-six des trente-et-une provinces du pays. Aujourd'hui, cette infrastructure ne sert plus à rien. Il ne faudrait pas que les Afghanes puissent se former. "Le plus terrifiant est la date choisie, écrit Khadija Haïdary (2). Cette décision coïncide en effet avec le quatrième anniversaire de la promulgation par les talibans de la loi interdisant aux adolescentes d'aller à l'école : les cours en ligne étaient l'une des dernières bouffées d'oxygène des jeunes Afghanes privées d'instruction ; pour des centaines de milliers de jeunes filles, la fin brutale d'Internet signe la disparition de leur seul accès au savoir et de tout lien avec le monde extérieur."

Les réfugiés afghans qui vivaient en Iran, au Pakistan, en Europe et d'autres pays sont à présent renvoyés en grand nombre vers leur pays désormais considéré comme apaisé. Apaisé mais en guerre contre ses femmes, victimes de la haine pathologique des talibans. Toutes les femmes afghanes devraient pouvoir se réfugier dans des pays qui respecteront pleinement leurs droits. Et laisser les talibans entre eux. De toute façon, ce pays sent déjà la mort.

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/09/12/seisme-en-afghanistan-les-femmes-privees-de-soins-en-raison-des-regles-religieuses-edictees-par-les-talibans_6640616_3244.html
(2) Khadija Haïdary, "Afghanistan - L'éducation ne tient plus qu'à la fibre", Zan Times, 23.9.2025, in Le Courrier international, 9.10.2025. 
Zan Times est un site d'information et d'enquêtes créé par des femmes journalistes suite à la reprise de Kaboul par les talibans an 2021. Dirigé depuis le Canada, il couvre l'actualité de l'Afghanistan.

dimanche 19 octobre 2025

La guerre sans fin

Il y a une et une seule personne au monde qui fait confiance à Vladimir Poutine. Ça tombe mal : c'est le président des Etats-Unis. Lui qui allait mettre fin à la guerre d'Ukraine en vingt-quatre heures n'est capable que de rouler des mécaniques. Chaque fois qu'il devrait enfin se montrer offensif, il fait un pas en arrière.
On l'a compris : il faut définitivement cesser de croire que le Père Ubu pourrait être d'une aide quelconque pour s'opposer à Vladimir le Terrible. Il ne fera rien contre lui. Sans doute, comme le soupçonnent de nombreux observateurs, Poutine a-t-il les moyens de faire chanter Trump (1). 
« Je pense que le président Poutine veut mettre un terme à la guerre », déclarait vendredi Fanfaron Ier (2). A nouveau, il est le seul à le croire. En fait, on a l'impression de voir deux chefs mafieux faire semblant de se menacer alors qu'ils ne font que marquer leurs territoires respectifs.

Le philosophe d'origine russe Alexander Mozorov, rappellent Borukh Taskin et Aaron Lea (3), estime que "la guerre d’usure sans fin n’est pas un résultat, mais un objectif de Poutine, car elle maintient l’Ukraine dans un état de déstabilisation et les Russes dans un état de mobilisation permanente, et empêche l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN, atteignant ainsi ses objectifs sans occuper complètement l’État voisin. La propagande du Kremlin, qui présente la guerre comme un affrontement entre la civilisation russe unique, partie intégrante du « Sud global » (n’est-ce pas paranoïaque de penser ainsi pour un peuple si nordique ?), et « l’Occident décadent », martèle cette idée dans l’esprit des citoyens malheureux, ralliant la société russe et la forçant à s’habituer à la guerre sans fin et au programme impérial de Poutine".
Mais qui est décadent ? Celui qui mène la guerre ou celui qui veut la paix ? Avec Poutine, on assiste à un retournement des normes. On plonge dans 1984 d'Orwell. Faire la guerre, c'est être fort. Est faible celui qui prône la paix.
Et est stupide et naïf celui qui prend Poutine au mot. Borukh Taskin et Aaron Lea rappellent que le 28 mai 2002, après la réunion constitutive du Conseil Russie-OTAN, Poutine déclarait : « L’Ukraine est un État souverain et a le droit de décider de manière indépendante de son adhésion à l’OTAN». Huit ans plus tard, il commençait à envahir l'Ukraine. L’extrémisme de Poutine se manifeste également dans le démantèlement des accords multilatéraux de sauvegarde, dans le retrait de la Russie du Conseil de l’Europe et de la Convention européenne des droits de l’homme, dans la suspension de sa participation au traité New START, dans le rejet des conventions internationales, y compris la Convention contre la torture. Ce "ne sont pas des « signaux » diplomatiques, mais des obus lancés contre la normalité qui a vu le jour dans le monde d’après-guerre", affirment Borukh Taskin et Aaron Lea. 
Poutine impose dans la violence et la terreur sa normalité à lui, ses règles et ses lois (celle du plus fort d'abord). "La guerre, écrivent-ils encore, offre de nombreux avantages à l’autocratie, dont la suppression de toute opinion alternative et l’exploitation de sentiments nationalistes généralement dangereux. Et c’est précisément cette guerre en Ukraine et la menace d’une extension de l’agression de la Fédération de Russie à d’autres pays qui servent d’appui au régime de Poutine, en créant des incitations économiques et politiques inattendues (apparues littéralement de nulle part, c’est-à-dire de la guerre elle-même) tant pour les élites que pour la population."

Mais le roi Donald qui s'impose lui aussi comme un autocrate ne veut rien savoir de tout cela et veut réduire la guerre d'Ukraine à une querelle de voisinage. Jamais il ne fera quoi que ce soit pour gêner l'empereur Vladimir pour qui il a tant d'admiration (ou dont il a peur ?).  

(1) https://desk-russie.eu/2025/07/28/le-cloaque-et-le-chaos-la-russian-connexion-de-laffaire-epstein.html
(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/18/donald-trump-presse-l-ukraine-et-la-russie-de-conclure-la-guerre-affichant-a-nouveau-sa-confiance-en-vladimir-poutine_6647943_3210.html
(3) https://desk-russie.eu/2025/10/12/la-guerre-sans-fin-de-poutine-ambitions-imperiales-et-moment-de-verite-pour-leurope.html

mercredi 15 octobre 2025

Réparer

Les armes se sont enfin tues à Gaza. On ne peut que s'en réjouir. Mais pour combien de temps ? Le cessez-le-feu a été acquis et, heureusement, mis en œuvre, mais sans processus de paix. "C’est la recette de futures catastrophes", estime Pierre Haski (1). "Le plan de Trump pêche sur au moins trois points. D’abord, qui va diriger Gaza dans l’après-guerre ? Qui désarmera le Hamas ?, c’est un élément-clé. Et enfin la question de la Cisjordanie, totalement ignorée par le plan Trump." (...) " Le chaos menace si la Force de stabilisation internationale envisagée par le plan n’est pas rapidement en place. Mais quel sera son mandat ? Appuyer une force palestinienne qui n’existe pas encore, ou imposer l’ordre elle-même ? Et qui désarmera le Hamas qui a annoncé qu’il refusait de livrer ses armes tant qu’Israël occupe une partie de la bande de Gaza ? On le voit, c’est d’une complexité folle."
Ni Israël, ni les Etats-Unis ne veulent entendre parler d'une solution à deux Etats. Pas plus qu'ils ne veulent d'une remise en selle de l'Autorité palestinienne. Trump pense demander à Tony Blair de gérer Gaza au risque - dont il se moque sûrement - de faire apparaître cette autorité, même temporaire, comme coloniale. Alors qu'il faudrait impliquer des Etats arabes, qui se sont enfin mobilisés pour agir, dans la gestion de cette zone ultra-sensible.

Qui a gagné quoi que ce soit dans ce conflit ? La Bande de Gaza est dévastée et les morts s'y comptent par dizaines de milliers, sans compter les blessés, les mutilés, les orphelins... La société israélienne est profondément blessée, ne fera jamais son deuil du 7-octobre et est mise au ban de la communauté internationale. Seuls les haineux des deux camps ont gagné. La création des deux Etats apparaît si peu probable. 
Dans Le Monde (2), le sociologue Alain Diekoff relève un sondage réalisé pour le compte du Peace Index, en juillet : il "montre que les Israéliens juifs considèrent majoritairement (43,7 %) que, dans un avenir prévisible, la « situation actuelle se maintiendra », c’est-à-dire qu’Israël se contentera de « gérer le conflit » avec les Palestiniens (alors même que le 7-Octobre a montré l’inanité de cette position). Ils sont 23,3 % à estimer que la perspective probable est l’annexion de territoires par Israël avec des droits limités pour les Palestiniens. Seuls 12,6 % croient à l’édification d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël. La solution à deux Etats est très majoritairement tenue pour peu crédible, et les deux ans de guerre n’ont pas accru sa popularité." Alain Diekhoff constate encore que "les discours d’ouverture ne trouvent qu’un écho limité au sein d’une société traumatisée, dans laquelle la rhétorique extrémiste véhiculée par l’extrême droite s’est banalisée". D'autres sondages indiquent qu'une majorité de Palestiniens s'opposent à la solution à deux Etats, en partie pour des raisons religieuses. (3)

Une paix est-elle alors réellement envisageable ? Delphine Horvilleur, rabbin et philosophe, veut y croire (4). "Moi, je ne veux pas cesser d'y croire, j'ai toujours voulu m'engager dans la construction de ponts et à la fois je veux être lucide. En temps de guerre, on dégomme les ponts et on essaie d'abattre ceux qui les construisent, donc je sais très bien que l'enjeu est particulièrement difficile aujourd'hui. Il y a trente ans de cela, lorsque je vivais à Jérusalem, j'ai assisté à l'assassinat de Yitzhak Rabin. À l'époque, j'avais l'impression qu'on touchait la paix du doigt, et en fait, a posteriori, je dois admettre que je me suis complètement trompée, qu'en fait, on n'avait jamais été aussi loin de cette paix qu'à cette époque. Et je me dis étrangement que dans les moments où on en est à des années-lumière dans notre perception, peut-être que finalement on n'en est pas si loin."
Et ce qu'il faut faire, c'est commencer par 'Réparer les vivants' (5). "Je me dis que c'est exactement ce dont on a tous besoin", explique Delphine Horvilleur. "Comment on va réparer les vivants, ceux qui reviennent, ceux vers qui personne ne revient, ou peut-être simplement des corps ; comment on va se réparer nous, comment est-ce qu'on va tous se réparer de ce qui nous est arrivé collectivement depuis deux ans, et qui ne devrait laisser personne indifférent : ni les personnes sur place, ni les juifs, ni les arabes, ni les palestiniens, ni les israéliens, mais l'humanité toute entière." Nous réparer tous, sortir là-bas de la guerre, de la violence, du rejet, mais aussi, ici, des invectives, des insultes, des injonctions, des analyses brutales et simplistes, de l'antisémitisme, du racisme. Le chantier est immense.

(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/11/alain-dieckhoff-en-israel-l-apres-guerre-mettra-clairement-benyamin-netanyahou-et-son-gouvernement-sur-la-sellette_6645789_3232.html
Alain Dieckoff a dirigé l'ouvrage "Radicalités religieuses - Au cœur d'une mutation mondiale", (Albin Michel), sorti récemment.
(3) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2025/09/impasse-des-religions.html
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-13-octobre-2025-1749423
(5) selon le titre du roman de Maylis de Kerangal.

lundi 6 octobre 2025

Cherche (désespérément) hommes et femmes d'Etat (s'adresser à l'Elysée)

Ces derniers temps, on n'entend plus les Français chambrer les Belges sur leurs difficultés à former un gouvernement.
(La brièveté de ce billet est un hommage à la durée de vie du dernier gouvernement français, celui  de Sébastien Le Bref)

(Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2025/09/une-culture-politique-depassee.html

dimanche 5 octobre 2025

Moteur !

On n'arrête pas le progrès. Voilà qu'on apprend qu'existe en République tchèque un Parti des Motoristes. Il a de grandes ambitions : s’attaquer au pacte vert européen et défendre l’usage du charbon et des véhicules à moteur conventionnel, nous explique Le Monde (1). Dans les meetings du parti sans doute n'y a-t-il pas de musique, mais des bruits de moteur qui mettent les électeurs en transe. Peut-être même des odeurs de gaz d'échappement.
S'opposer à la lutte contre le réchauffement climatique et soutenir le charbon et la bagnole, voilà qui témoigne d'une vision à long terme : sans doute ce parti espère-t-il que la République tchèque, très éloignée de toute mer, soit un jour, grâce à la montée du niveau des eaux, au bord de la mer et puisse alors développer des ports maritimes et créer des stations balnéaires. Un nouvel avenir se prépare.

Ce Parti des Motoristes a obtenu, hier, près de 7 % des voix aux élections législatives. C'est le milliardaire Andrej Babis qui est arrivé en tête avec son parti ANO : 35 % des voix. Il espère constituer un gouvernement avec notamment le parti des amateurs de bagnoles.
Ancien collaborateur de la police politique communiste dans les années 1980, rappelle Le Monde, Babis s’est ensuite enrichi dans l’agroalimentaire, au point de devenir une des dix plus grandes fortunes tchèques. Il a dirigé le gouvernement tchèque de 2017 à 2021. "Son premier mandat a été marqué par des conflits d’intérêts permanents entre ses affaires privées et celles du gouvernement, et il est encore poursuivi dans un dossier de fraude aux fonds européens. Il adore s’attaquer aux journalistes de son pays."
Ces casseroles ne gênent visiblement pas ses électeurs qui apprécient son côté trumpiste revendiqué et son refus de continuer à aider militairement l'Ukraine. 
Le Slovaque Robert Fico et le Hongrois Viktor Orban se sont réjouis de cette victoire, même si l'ANO se dit "pro-européen et pro-OTAN". On n'attend pas pour autant de Babis d'être un moteur de l'UE. Tout n'est pas encore gagné pour lui. Il doit parvenir à former une majorité, et si c'est le cas, il devra compter avec un Sénat "dans les mains des partis pro-européens et un président, Petr Pavel, qui a promis avant le scrutin de veiller à ce que la République tchèque conserve un gouvernement qui ne laissera pas le pays à la merci de la Russie".

On attend - en général du moins - des politiques qu'ils nous aident à aller de l'avant. Il semble cependant que l'époque soit favorable à ceux qui nous tirent vers l'arrière. 
Résumons-nous : la démocratie est une chose bien compliquée.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/04/en-republique-tcheque-andrej-babis-et-son-parti-ano-arrivent-largement-en-tete-des-elections-legislatives_6644426_3210.html

lundi 29 septembre 2025

Puissants comme misérables

L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a donc été condamné par la justice et sera prochainement emprisonné. Le soir-même, sur le plateau du Journal de France 2, un de ses lieutenants s'indignait : cette condamnation est grave parce qu'elle prouve que la séparation des pouvoirs n'existe pas. On a du mal à le comprendre : on y voit plutôt la preuve qu'elle existe, que la justice est capable, en toute indépendance, de condamner ceux qui votent les lois et sont censés les faire respecter. Cette condamnation, rappelait ce matin sur France Inter (1) Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal judiciaire de Paris, s'appuie sur plus de dix ans de procédure et un jugement de 400 pages qui en détaille minutieusement les raisons. Ce qui n'empêche pas les critiques en nombre et la dénonciation de "la République des juges". Eh quoi ? Seuls les politiques devraient donc échapper à la justice ?

Certains ont été jusqu'à adresser des menaces de mort à la magistrate qui a présidé l'audience. "Ce qui se passe dans notre pays aujourd'hui est grave, c'est une véritable dérive dans notre démocratie", se fâchait ce matin Peimane Ghaleh-Marzban. "Concevez qu'une magistrate qui a statué dans une collégialité, trois magistrats, à l'issue de débats dont tout le monde a salué la qualité, même les avocats de Nicolas Sarkozy... Et aujourd'hui, cette magistrate fait l'objet de menaces de mort. On a dit qu'une décision de justice était une atteinte à l'État de droit : non, ce qui est une atteinte à l'État de droit, ce sont des menaces contre les juges. C'est inacceptable et ça devrait être un électrochoc dans notre pays."
Suite à la condamnation du Rassemblement national dans l'affaire des assistants parlementaires, des menaces de mort avaient déjà été adressées à des magistrats. Ces menaces sont, hélas, dans l'air du temps qui veut que les désaccords ne donnent pas lieu à des débats ou des contre-argumentations, mais à des menaces, voire des coups. 

"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir", écrivait Jean de La Fontaine dans "Les Animaux malades de la peste". Cette morale est mise à mal par cette condamnation de Nicolas Sarkozy, comme elle l'a été dans d'autres affaires touchant des élus et des mandataires tant de droite que de gauche (2). Mais certains refusent de le voir. Les mêmes qui trouvent la justice laxiste la critiquent si elle condamne l'un des leurs. 

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-29-septembre-2025-1130494
(2) A écouter ou lire, l'éditorial de Patrick Cohen ce matin :

mercredi 24 septembre 2025

Cherchez l'erreur

Il fait la guerre aux migrants, aux femmes, aux transsexuels, aux Démocrates, à la gauche, au climat, à la science, à la culture, à l'ONU, aux antifascistes, aux humoristes, aux pacifistes, aux journalistes, à l'écologie, aux règles démocratiques, aux escalators, aux télé-prompteurs, à tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Il mène une guerre économique contre tous les autres pays. Il a rebaptisé le ministère de la Défense en ministère de la Guerre. Il a un grand rêve : obtenir le Prix Nobel de la Paix. Le pire, c'est que le Père Ubu américain est vraiment convaincu qu'il le mérite.

Note : il est vrai que le 18 septembre à Londres le Père Ubu s'est vanté, devant le Premier ministre britannique, d'« avoir résolu le conflit entre l’Aber-Baidjan et l’Albanie » ! (1)

Post-scriptum du 30 septembre : Trump a déclaré que ne pas lui attribuer le Prix Nobel de la Paix serait insulter les Etats-Unis. Il est à lui seul les Etats-Unis.

lundi 22 septembre 2025

Impasse des religions

Après d'autres pays, la France s'apprête à reconnaître l'existence de l'Etat palestinien. Une reconnaissance symbolique qui ne règlera rien. Bien sûr, il est indispensable d'affirmer la volonté de la communauté (on a du mal à croire à la réalité de ce terme) internationale de voir le peuple palestinien être maître de son destin. Mais Israël ne veut pas d'un Etat palestinien à ses côtés. Pas seulement le gouvernement Nétanyahou, mais une majeure partie de l'opinion publique israélienne. Tandis que les Palestiniens, de leur côté, ne veulent pas dans leur majorité de l'Etat israélien. 

On n'est pas surpris d'entendre Nétanyahou déclarer que "aucun Etat palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain". Il a de plus "confirmé, dimanche, écrit Le Monde (1), sa volonté d’amplifier la colonisation des territoires occupés en Cisjordanie – un objectif qui figurait déjà dans la plateforme de la coalition gouvernementale fin 2022". Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité nationale, d'extrême droite, estime, quant à lui que "la reconnaissance d’un Etat palestinien par des pays comme le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie (…) impose une réponse immédiate : l’annexion immédiate de la Judée-Samarie ». Il appelle également au "complet démantèlement de l’Autorité palestinienne".

Des reconnaissances inconditionnelles (la libération des otages serait logiquement une des conditions qui devraient être imposées) de l'Etat palestinien sont rejetées par l'opposition israélienne. "Depuis deux ans, écrit encore Le Monde, les sondages montrent que l’idée d’une solution à deux Etats – soutenue par une minorité des Israéliens juifs avant même le 7 octobre 2023 – est très largement rejetée. « En tant que familles qui aspirent profondément à la paix dans la région, nous pensons que toute discussion sur la reconnaissance d’un Etat palestinien doit être subordonnée à la libération immédiate de tous les otages. Il ne s’agit pas seulement d’une condition préalable, mais d’un impératif moral et humanitaire », ont condamné, dimanche, les familles des otages, habituellement très critiques de la politique du gouvernement." La droite, le centre et la gauche rejettent également, dans les conditions actuelles, la reconnaissance de l'Etat palestinien.

Selon les sondages, une majorité de Palestiniens s'opposent à la solution à deux états, en partie pour des raisons religieuses. Le partage de la Palestine contredirait les textes sacrés de l'islam. "Cette terre est islamique et il n'est absolument pas permis de l'abandonner, affirmait hier sur Arte (2) Abdel Hamid, imam de la Grande mosquée de Ramallah. C'est un waqf islamique reconnu dans la religion musulmane et il est absolument impossible de s'en défaire, ni en partie ni en totalité. Il n'y aura jamais de coexistence entre l'islam et le sionisme." 

Bref, tout le monde se rejette et refuse de reconnaître celui d'en face. La solution à deux Etats, pour logique et attendue qu'elle soit, n'est pas près de voir le jour et la paix n'est aucunement envisagée. Les religions ont aujourd'hui pris la main dans ce conflit. "Il ne s’agit pas d’un retour, estime Haoues Seniguer, professeur des universités en histoire contemporaine des relations internationales à l’université de Montpellier Paul-Valéry (3), car le religieux a toujours été présent dans cette zone du monde marquée par une forte imprégnation du sacré. Néanmoins, le développement d’un religieux létal est beaucoup plus récent. Dans le monde arabe, il apparaît consécutif à la défaite de la guerre des Six-Jours, en 1967. L’échec idéologique et matériel du nationalisme arabe a fait le lit du retour d’une religion idéologisée, tandis qu’en Israël l’absence de solutions pérennes et acceptables sur la Palestine a fait fructifier une rhétorique religieuse agressive. L’hypothèse en toile de fond de mon ouvrage est que, dans le conflit israélo-palestinien, l’absence de solution politique fait le jeu d’un religieux ensauvagé. Moins les solutions politiques se profilent pour une résolution pacifique du conflit, plus la rhétorique religieuse est mobilisée face à des institutions qui ne jouent plus leur rôle, sur le plan tant national que mondial – avec la faillite du droit international."

Hier, à Châteauroux, quelque 80 personnes manifestaient, ensemble mais à distance, pour réclamer la paix à Gaza. "Dans le cortège, les fractures de la gauche étaient à vif", écrit La Nouvelle République (4) qui cite une élue LFI  interrogée sur ses relations avec le PS : "De moins en moins frères, de plus en plus ennemis". Comme l'écrit la NR, "quelle qu’en soit la raison, cela traduit que même pour des enjeux de paix, c’est la guéguerre qui règne à gauche". Avec de tels soutiens, la paix au Proche-Orient attendra.

(2) https://www.arte.tv/fr/videos/128952-000-A/la-palestine-cet-etat-qui-n-en-est-toujours-pas-un/
(3) https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2025/09/21/haoues-seniguer-politiste-l-absence-de-solution-politique-dans-le-conflit-israelo-palestinien-fait-le-jeu-d-un-religieux-ensauvage_6642188_6038514.html
Haoues Seniguer est l’auteur de "Dieu est avec nous ! Le 7-Octobre et ses conséquences. Comment les religions juive et islamique justifient la violence" (Le Bord de l’eau, 280 pages, 20 euros).
(4) https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/a-gauche-on-manifeste-pour-la-paix-ensemble-mais-separe-a-chateauroux-1758468612

samedi 20 septembre 2025

Fini de rire

Ce monde est de plus en plus difficile à comprendre. Voilà qu'on n'a plus le droit de rire des bouffons. Donald Trump est risible. On ne peut s'empêcher d'en rire quand on le voit dans sa position habituelle, l'air rogue, penché vers l'avant, les mains pendantes entre les genoux. Il a toujours l'air de ne pas partager ou même de ne pas comprendre ce que dit son interlocuteur. Quand il sort d'un avion ou qu'il entre dans une pièce, quand il prend la parole, c'est avec l'air le plus mauvais qu'il puisse se donner. On dirait un dogue prêt à attaquer. Mais le bouffon qui ne rit jamais interdit qu'on rit de lui ou qu'on le critique. C'est peut-être son côté soviétique. En tout cas il s'affirme de plus en plus comme un autocrate.

Récemment, Jimmy Kimmel, l’animateur d’un late-night show sur ABC a été suspendu par sa chaîne pour avoir reproché à la sphère MAGA d’exploiter politiquement le meurtre de l’influenceur conservateur Charlie Kirk. "C'est une excellent nouvelle pour l'Amérique, a aussitôt commenté le petit président Trump. Félicitations à ABC d'avoir finalement eu le courage de faire ce qui devait être fait." Auparavant, c'est CBS qui avait décidé l'arrêt de l'émission de Steven Colbert, animateur jugé trop critique, lui aussi, du Père Ubu américain. Seuls ceux qui se sentent peu sûrs d'eux-mêmes jouent ainsi les censeurs et abusent des menaces contre la liberté d'expression et la liberté de la presse. Trump vient de porter plainte contre le NewYork Times pour diffamation, il réclame 15 milliards de dollars. Il estime qu'il a contre lui 97% de la presse et annonce qu'il compte suspendre les licences des chaînes télé qui le critiquent. Le bouffon est décidément de moins en moins drôle.

C'est Le Monde qui l'écrit (1) : "l’administration de Donald Trump s’est lancée dans une nouvelle croisade contre la presse. Dans un e-mail envoyé aux médias, le Pentagone exige des journalistes qu’ils s’engagent à ne pas recueillir ni publier d’informations sans autorisation préalable, a révélé The Washington Post, vendredi 19 septembre. Le département de la défense américain avertit qu’il révoquera les accréditations de presse de ceux qui ne se conforment pas à cette mesure, s’il considère qu’il y a une menace pour la sécurité nationale."
Trump et sa clique (qui est aussi sa claque) ont le droit de tout dire, même les informations les plus fausses. Mais leur parole est sacrée. La critiquer, c'est désormais blasphémer. Blasphémons ! Blasphémons !

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/09/20/le-pentagone-veut-imposer-aux-journalistes-son-autorisation-avant-la-publication-d-une-information_6641927_3210.html

mercredi 17 septembre 2025

Répétition des gâchis

A Gaza, l'horreur répond à l'horreur. Le jusqu'au-boutisme au jusqu'au-boutisme. Ne peut-on répondre à la folie furieuse qu'en étant soi-même fou furieux? Les Hommes n'apprennent-ils donc rien de l'Histoire ?
Ce mardi, la chaîne Histoire diffusait le documentaire de Thomas Sipp "Opération Barbarossa", cette campagne que mena l'armée allemande fin 1941 pour tenter de conquérir l'URSS. L'armée soviétique se croyait invincible, elle s'est avérée désorganisée, mal dirigée et sous-équipée. Hitler, lui, n'allait faire qu'une bouchée de l'URSS. Après une avancée fulgurante, ses troupes se sont embourbées, se sont laissé piéger par l'hiver et finalement elles aussi étaient sous-équipées et sous-alimentées. La retraite de Russie de Napoléon ne leur avaient pas servi de leçon. Au bout du compte, les chefs ne gagnent rien, les militaires et les populations civiles perdent tout. Et le compte est cruel : les pertes en vies humaines se sont chiffrées en millions.
Les stratèges étaient mauvais, aveuglés par leur prétention. Chacun se croit plus fort que son adversaire, convaincu de mener une opération éclair. Mais l'éclair dure des années et le triomphe attendra. Au bout de la guerre, un gâchis immense.

On pense à Poutine, aux dirigeants du Hamas, à Netanyahou, tous aussi inconséquents. Poutine, piètre stratège, pensait occuper l'Ukraine en trois jours. Le coût en vies humaines, ukrainiennes comme russes, lui importe peu. Le nouveau tsar n'a aucune intention de conclure la paix, pas plus que de préserver son peuple. Israël ne vaincra jamais le Hamas. Sa guerre jusqu'au-boutiste est en train de fabriquer de nouveaux combattants terroristes qui voudront venger leurs morts. Le Hamas savait pertinemment que son pogrom du 7-octobre se retournerait contre les habitants de la bande de Gaza. Mais il les a sacrifiés pour atteindre son objectif premier : la disparition de l'Etat israélien. Son antisémitisme passe avant l'intérêt des Palestiniens. Netanyahou, lui, sacrifie les derniers otages israéliens et se met à dos une bonne partie de l'opinion publique internationale, ce qui était l'objectif du Hamas. Et les juifs un peu partout en paient le prix, même s'ils sont très critiques par rapport à la politique du gouvernement Netanyahou, même s'ils n'ont strictement rien à voir avec cette guerre. Mais l'antisémitisme est décidément éternel et n'attend que des occasions comme celle-ci pour pouvoir s'exprimer librement.

Dans le documentaire sur l'opération Barbarossa, cette phrase : "il y a deux choses qui peuvent unir les hommes : les idéaux communs et la criminalité partagée". Mais l'heure n'est pas aux idéaux.
Résumons-nous : l'Homme est un triste sire sans mémoire.