jeudi 11 septembre 2025

The sky is the limit

Le tueur en série Poutine n'a aucune limite. L'Ukraine ne lui suffit pas. Voilà qu'il a envoyé dix-neuf drones en Pologne. Même s'il s'en défend. C'est pas moi, dit comme à son habitude le tsar irresponsable. Ses drones n'ont plus besoin d'ordre, ils connaissent leur mission : s'en prendre aux nazis. Ils en voient partout à l'ouest. L'Occident n'est qu'un nid de nazis qu'il faut détruire comme des frelons asiatiques. 

Vu le nombre de drones, difficile de croire qu'il s'agit là d'une erreur. "Dix-neuf drones, c’est beaucoup pour une erreur, et ce n’est pas beaucoup pour une attaque, affirmait ce matin sur France Inter l'éditorialiste Pierre Haski (1). Les attaques contre les villes ukrainiennes mobilisent désormais des centaines de ces engins explosifs. D’où l’hypothèse d’un test, pour évaluer la capacité de réponse de l’OTAN, la disponibilité des alliés de la Pologne, ou de tout autre pays frontalier, à voler à leur secours. A tester aussi les réactions américaines." Cette incursion a provoqué la mobilisation de plusieurs pays de l’OTAN : deux avions néerlandais ont participé à la chasse aux drones aux côtés de l’aviation polonaise à la chasse, un avion-radar italien a été mobilisé, un avion-ravitailleur de carburant de l’OTAN a décollé et une batterie anti-aérienne Patriot allemande a été activée. Mais elle a aussi, dit-il "montré la faible préparation de l’alliance. Varsovie parle de « provocation » et l’incident va pousser à accélérer la marche vers la défense européenne."
Seuls quatre de ces dix-neuf drones, de conception iranienne et produits en Russie, ont été détruits. C'est peu. "L’incident montre (...) une faible préparation de l’OTAN, constate Pierre Haski. Que se serait-il passé s’il s’était agi d’une attaque massive semblable à ce que vit l’Ukraine ? L’impact aurait été dévastateur."

Donald Tusk, le premier ministre polonais, est très inquiet : cette « action russe » est de nature à « nous rapprocher plus que jamais d’un conflit ouvert comme cela n’a jamais été le cas depuis la seconde guerre mondiale » (2). Aussitôt, le ministère russe des affaires étrangères a accusé la Pologne de vouloir « aggraver » le conflit en Ukraine en propageant des « mythes » concernant l’intrusion de drones dans l’espace aérien polonais. De son côté, Donald Trump roule des mécaniques en disant qu'il n'est pas content. On a compris depuis longtemps que c'est tout ce qu'il est capable de faire. Tant que le Père Ubu dirigera les Etats-Unis, l'Europe ne doit compter que sur elle-même. Oui, il y a une extrême urgence à construire une Europe de la défense et à envisager tous les cas de figure. Avec le psychopathe russe, ils sont innombrables.

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-jeudi-11-septembre-2025-8150223
(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/09/11/l-otan-face-au-dilemme-de-la-multiplication-des-provocations-militaires-russes_6640365_3210.html



samedi 6 septembre 2025

Sales gamins

Ce monde est rassurant. Lors de la récente et joyeuse réunion des deux enfants que sont Xi Jinping et Poutine et du bébé Kim Jong-un, les deux premiers se sont félicités que "pendant le siècle en cours, il pourrait être possible de vivre jusqu'à 150 ans" et que "avec le développement de la biotechnologie, les organes humains peuvent être transplantés continuellement, les gens peuvent rajeunir en vieillissant, et pourraient même devenir immortels" (1). Selon le dirigeant chinois, "aujourd'hui, à 70 ans, on est encore un enfant". Xi Jinping et Poutine ont tous deux 72 ans et Kim Jong-un en a 43. Les deux premiers peuvent donc espérer continuer à exercer leur fonction durant quatre-vingt ans encore et le troisième pendant plus de cent ans. Ce qui est rassurant, c'est de se dire qu'un jour ils seront donc enfin adultes. Et pourraient alors cesser d'agir en sales gamins irresponsables.

(1) https://information.tv5monde.com/international/il-pourrait-etre-possible-de-vivre-jusqua-150-ans-quand-xi-jinping-et-vladimir-poutine-discutent-sur-limmortalite-2790135
Post-scriptum : Dans Le Monde, l'anthropologue Philippe Charlier estime que "Xi Jinping et Vladimir Poutine entretiennent une fascination communiste pour la lutte contre la dégradation du corps". https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/09/07/xi-jinping-et-vladimir-poutine-continuent-d-entretenir-la-fascination-communiste-vis-a-vis-de-la-lutte-contre-la-degradation-du-corps_6639604_3232.html

lundi 1 septembre 2025

Lettre à mon neveu anonyme

Rentrant d’un week-end familial, je découvre un long commentaire relatif à des billets publiés sur mon blog. Il est « anonyme ». Je n’ai pas l’habitude de publier des commentaires non signés, c’est une règle ici, les lecteurs et commentateurs habituels le savent. Comme d’autres, j’estime qu’un message non signé n’existe pas. Signer ce qu’on a écrit, c’est l’assumer. Ne pas le faire, c’est le contraire. Avec ce blog à mon nom, sans pseudonyme, j’assume ce que j’écris, je ne me cache pas. Celui ou celle qui me répond sans se faire connaître ne joue pas le jeu. Nous ne sommes pas à égalité. Je suis à visage découvert, l’autre pas. 
Dans ce cas précis, je découvre à la fin du commentaire qu’il est écrit par un de mes neveux. Si je compte bien (y compris les conjoints de mes nièces), j’en ai quinze. Je ne sais lequel d’entre eux est derrière ce commentaire. 
Soit. Je l’ai publié
(voir commentaire du billet https://moeursethumeurs.blogspot.com/2025/08/gauche-trumpiste.html) et voici mes réactions.

Mon cher neveu anonyme,

J’ai lu ce que tu m’as écrit. Je me réjouis que tu t’indignes et, j’espère, te mobilises, même si je suis rarement d’accord avec toi, mais l’important reste de dialoguer.

Extrême gauche ou gauche extrême ?

Le Ministère français de l’Intérieur classe LFI à gauche et non à l’extrême gauche, me fais-tu remarquer. Soit. Je parlerai alors de gauche extrême à propos de ce parti qui reste bienveillant avec la Russie de Poutine, est fasciné par le Hamas et entretient une relation assez distante avec la démocratie. Son fonctionnement en lui-même en témoigne : très vertical, le parti d’un homme (que je qualifie de gourou ou de parrain depuis longtemps) comme le décrit précisément le livre « La Meute » écrit par deux journalistes dont l’un a été interdit d’accès aux récentes rencontres de LFI.
Tu trouves « dommage que (je) choisisse de parler de ça mais pas de (mes) nombreux confrères assassinés par le gouvernement israélien ». Ce reproche-là, j’en ai l’habitude. Non seulement sur ce blog, mais aussi dans des combats que j’ai menés, c’est fou le nombre de gens qui m’ont invité à parler d’autre chose que ce que j’abordais. En général, ça témoigne d’une gêne : parlez d’autre chose avec laquelle je serai d’accord avec vous.

10 septembre

Concernant le mouvement de blocage de la France qui semble se dessiner pour le 10 septembre, je lis que tu reconnais  qu’il est bel et bien parti de mouvances d’extrême droite. Donc là, nous sommes d’accord. Tu me dis que « ce mouvement n'est pas du tout un appel à se confiner », mais ça, je ne l’invente pas, je l’ai bel et bien lu et c’était là le premier appel, on le trouve dans de nombreux articles de presse. Depuis, c’est vrai, d’autres, partis et syndicats, appellent, fermement ou timidement, à être dans la rue. C’est bien le signe que ce mouvement rassemble, actuellement, tout et son contraire. Dans Charlie Hebdo, le politologue Jean-Yves Camus, parle « d’un fourre-tout de revendications allant de la politique générale aux intérêts catégoriels. Idéologiquement composite, sans doute aussi faiblement structuré que les gilets jaunes. On peut s’en étonner ou le craindre tant il est indéchiffrable. » (1)

Tu ne veux pas parler de récupération, mais tu affirmes que la gauche veut « se saisir du mouvement mais sans pour autant le récupérer ». Ça, en langage politique, ça s’appelle de la langue de bois. Il faudrait que tu m’expliques la différence que tu fais entre « saisir » et « récupérer ». Qu’il y ait des motifs de protester, bien sûr il n'en manque pas, je l’ai évoqué dans mon billet, mais que la gauche n’arrive plus à se faire entendre qu’en s’accrochant à un mouvement parti de la mouvance d’extrême droite me fait désespérer de cette gauche qui a perdu le nord.

Un dessin de Juin dans le même numéro de Charlie Hebdo résume ce que je pense et qui fait que beaucoup de gens comme moi restent sceptiques et critiques par rapport à ce mouvement gazeux : Mélenchon et Le Pen sont dans une toute petite voiture sur laquelle il est écrit « Blocage du 10 septembre, covoiturage des luttes ». 

Dans le Journal de France 3 du 31 août (19h) étaient interviewés des militants du 10 septembre. Tous anonymes. Pourquoi se cacher derrière des parapluies ou ne laisser filmer que leurs mains pour réclamer la démission de Macron ou une augmentation du pouvoir d’achat ? N’osent-ils pas assumer ces revendications qui n'ont rien de neuf ni d'étonnant ? Ils dénoncent « ces gens (ceux qui nous gouvernent) payés à ne rien faire alors que nous devons travailler toujours plus ». Des propos de Café du Commerce. Aujourd’hui, les réseaux prétendument sociaux sont le Café du Commerce.

Tu écris encore que ce mouvement du 10 septembre veut « bloquer le pays pour faire entendre la voix d'un peuple à qui on demande trop d'efforts et qui ne veut plus de son gouvernement non légitime et corrompu ». J’ai toujours pensé qu’il est très prétentieux de se revendiquer du « peuple » et de se targuer d’être son porte-voix. Seuls les populistes, par définition, l’osent. Le peuple n’existe que dans la bouche de ceux qui veulent berner les citoyens en leur faisant croire à une unité et en s’exprimant à leur place. Un pays est fait d’une multitude de citoyens avec des opinions et des attentes extrêmement diverses, souvent contradictoires. Par ailleurs, j’aimerais que tu m’expliques en quoi le gouvernement Bayrou - pour lequel je n’ai aucune sympathie - est illégitime et corrompu. Sans doute certaines informations me manquent-elles. (*)


Conflit israélo-palestinien

Tu tentes de résumer ce que tu as compris de mon point de vue sur le conflit israélo-palestinien et tu le fais d’une manière qui me sidère et que je considère malhonnête. Je ne sais pas où tu as lu que d’après moi « Il ne sert à rien de manifester pour la Palestine, les militants palestiniens auront mérité qu'on les soutienne seulement quand il n'y aura plus du tout d'homophobie ni de sexisme en Palestine et quand ils seront tous morts (comme ça ce sera officiellement un génocide) ». Quelle caricature !
Il m’est arrivé de dénoncer les incohérences de mouvements occidentaux LGBT ou féministes qui soutiennent le Hamas et méprisent donc de ce fait le sort que réserve le Hamas aux LGBT et aux femmes palestiniennes. L’européanocentrisme de certains qui se drapent dans leur indignation en ignorant sciemment le traitement réservé à ceux dont ils prétendent défendre la cause m’écœure. 
Dans ce conflit (oui, c’est un conflit), je suis des deux côtés : avec les Palestiniens et avec les Israéliens, contre ceux qui s’opposent à la paix et n’ont que mépris pour ce que vivent leurs concitoyens. Les deux peuples sont pris en otage par leurs gouvernements de va-t-en-guerre qui ont choisi la fuite en avant dans une violence sans fin. Je suis pour la paix et donc pour une solution à deux Etats. Ceux qui soutiennent Netanyahou et sa clique sont comme ceux qui applaudissent le Hamas ou qui réclament une Palestine du fleuve à la mer (et donc la disparition d‘Israël) : du côté de la guerre. Et ils n’ont que mépris pour les populations qui souffrent de la guerre, de la menace permanente, de la perte de proches, de l’enfermement d’otages. Je suis de ceux qui pensent que reconnaître un Etat palestinien n’a de sens que s’il est conditionné à une reconnaissance par les deux parties de celle d’en face, à une libération des otages, à un désarmement du Hamas et à un soutien à l’Autorité palestinienne.  
Lis ce que vient d’écrire dans Le Monde l’historien Jean-Pierre Filliu, qui a récemment passé du temps à Gaza (et a été évidemment catastrophé de constater ce qui s’y passe) et qui ne peut être soupçonné de soutenir Netanyahou ni de mépriser les Palestiniens. Son article s’intitule « L’écrasante responsabilité du Hamas dans la catastrophe palestinienne » (2).

« Le nationalisme palestinien a toujours souffert d’un rapport de force écrasant en faveur du mouvement sioniste, puis de l’Etat d’Israël. Il est néanmoins discutable d’éluder la responsabilité de certains dirigeants palestiniens dans les deux désastres historiques que sont la Nakba, la « catastrophe » de 1948, avec l’exode de plus de la moitié de la population arabe de Palestine, et la catastrophe en cours dans la bande de Gaza, d’ores et déjà ravagée.
Dans les deux cas, des mouvements palestiniens en lutte ouverte contre d’autres factions palestiniennes ont fait passer leurs intérêts partisans avant la cause nationale qu’ils prétendaient défendre. Dans les deux cas, ils ont commis plus qu’un crime, mais une faute stratégique, Haj Amin Al-Husseini en s’associant au nazisme en 1941, le Hamas en perpétrant le bain de sang du 7 octobre 2023. » Ce ne sont que les deux premiers paragraphes de son texte que je t’invite à lire.

Lis aussi l’article « Les fascinations morbides de la gauche radicale » écrit par Emmanuel Debono, rédacteur en chef du magazine de la LICRA. Extrait (3) :
« C’est ainsi qu’une partie de l’extrême gauche et certains de ses alliés continuent de la même façon à sublimer les actes commis par le Hamas et ses alliés, ainsi que la guerre d’éradication menée contre Israël, dans la vision irénique d’une guerre juste contre l’oppresseur sioniste. Qu’importe la Charte du Hamas, nourrie d’un complotisme antisémite destructeur, qu’importe la terreur imposée par les fondamentalistes religieux sur les Gazaouis et la transformation du petit territoire palestinien en base armée, construite avec le détournement de l’aide internationale – et notamment européenne. Qu’importe la géopolitique dans laquelle s’insère la guerre qui a suivi le 7-Octobre, le rôle néfaste de l’Iran et de ses proxys palestiniens, libanais et yéménites, ou le rôle trouble du Qatar… Israël est intrinsèquement coupable, par le principe même de son existence. Tout est donc permis contre lui, y compris, et surtout, l’aveuglement idéologique. »


Antisémitisme

Tu me parles du « soi-disant antisémitisme de la gauche, que les gens "raisonnables et pondérés" du centre s'échinent à décortiquer dans les prises de position hostiles envers Israël (et son apartheid, sa politique raciste, son occupation illégale de territoire, ses meurtres de civils, etc). »
Je ne dénonce pas l’antisémitisme de la gauche, mais d’une partie de la gauche. Il est devenu courant, quasi normal chez certains élus de LFI. Et en hausse considérable un peu partout non pas depuis mais dès le 7 octobre 2023. Depuis ce jour-là, depuis que des Israéliens ont été sauvagement assassinés, des femmes violées et éventrées, des bébés tués, depuis lors, des tas de gens, un peu partout, clament ouvertement leur haine des juifs. Et ça, je m’excuserai pas d’en être glacé.


« Depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, la France connaît une recrudescence de faits antisémites. Les Assises de lutte contre l'antisémitisme ont réuni du 27 février au 28 avril 2025 deux groupes de travail, l'un dédié à l'éducation, l'autre à la justice. (…)
Un antisémitisme grandissant
En France, on recense : 1 570 actes antisémites ayant donné lieu à un dépôt de plainte en 2024 (après 1 676 en 2023). 65% d’entre eux sont des atteintes aux personnes : 652 gestes ou propos menaçants et 106 violences physiques. Au premier trimestre 2025, on compte déjà 280 faits antisémites ; 1 670 faits antisémites en milieu scolaire et universitaire durant l’année 2023-2024, contre 400 en 2022-2023 (+317%). Les équipes académiques soulignent la récurrence des apologies du nazisme. » (4)

Je lis en ce moment « Que faire des juifs ? » de Yoann Sfar (Les Arènes). Je lis cette brique de 550 pages par petits morceaux, tant cette lecture est éprouvante, relatant des faits antisémites, anciens comme actuels, tous plus révulsants les uns que les autres. La question que pose Yoann Sfar a tout son sens : les Juifs ont été chassés de tous les pays arabes où ils vivaient depuis toujours, on a tenté de les exterminer en Europe et certaines personnes n’ont pour objectif dans la vie que la disparition d’Israël. Donc que faire des juifs ? 

Tu écris encore : « C’est fou cette tendance à ne parler que de l'antisémitisme (qui est souvent attribué à tort à des positions antisionistes) alors que les crimes racistes en tout genres augmentent, il y a encore deux semaines une CHASSE AU NEGRE a eu lieu dans la creuse, c'est peut-être anecdotique mais ça me semble révélateur de la dangerosité de la montée de l'extrême droite. »
Je te réponds : « c’est fou cette tendance à refuser de voir cette progression inquiétante de l’antisémitisme et à affirmer qu’on ne parle que de cela et non pas aussi du racisme. (De nouveau, tu me dis : ne parle pas de ceci, mais plutôt de cela !) Rien dans ce que j’écris sur ce blog depuis dix-huit ans, rien dans ce que je fais et ai fait dans ma vie ne te permet de laisser entendre que je ne dénoncerai que l’antisémitisme et pas le racisme. Ces deux types de rejet sont aussi inquiétants et abjects. Et il faut les dénoncer et lutter contre eux. Ce que j’ai toujours fait. 

Enfin, tu écris « Et la différence des réaction du gouvernement français face à des actes antisémites ou islamophobes est caricaturale… » Si je te comprends bien, tu considères sans doute qu’on ne dénonce pas suffisamment l’islamophobie. En lisant de nombreux billets de ce blog, tu me considèreras sûrement comme islamophobe. Ce mot a été inventé pour éviter qu’on critique la religion musulmane. Ce qu’on a le droit, et je dirais même le devoir, de faire par rapport à toute religion (les meilleurs moyens qu’on ait inventés pour coloniser les esprits et les corps). Je refuse ce mot d’islamophobie. Soit on parle de racisme et c’est évidemment condamnable, soit on parle de critique d’une religion et c’est sain, comme de critiquer toute idée. 

Voilà, cher neveu anonyme, mes réactions aux tiennes. Et j’avais (j’ai encore) bien des choses à dire. Toute situation est complexe et il faut l’accepter. J’essaie de rester un esprit libre, de ne pas hurler avec la meute. Il faut rester critique, ne pas être naïf par rapport aux jeux (dangereux) dans lesquels certains nous enferment ou tentent de le faire. Je me méfie des slogans faciles, des mots à l’emporte-pièce et je refuse les injonctions à me positionner dans tel ou tel camp, ce qui ne signifie pas que je n’en ai pas. Je suis du côté de l’humanisme, de l’écologie, de la solidarité, du féminisme, de la laïcité, de l’universalisme, des Lumières… J’essaie de garder un regard ouvert, critique et, quand c’est possible, ironique, voire provocateur j’en conviens, de ne pas m‘enfermer dans un point de vue unique. 
On peut évidemment discuter de tout ceci. On peut aussi le faire en privé, ce qui me permettra de savoir qui tu es !

Je t’embrasse.

Michel


(1) Jean-Yves Camus, « Langue de bois », Charlie Hebdo, 27.8.2025.
(2) https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2025/08/31/l-ecrasante-responsabilite-du-hamas-dans-la-catastrophe-palestinienne_6637570_6116995.html
(3) https://www.leddv.fr/opinion/editorial/les-fascinations-morbides-de-la-gauche-radicale-20250720
(4) « Montée de l'antisémitisme en France : une situation « alarmante" (Vie publique - République française, 5.5.2025)
https://www.vie-publique.fr/en-bref/298423-antisemitisme-en-france-une-situation-alarmante
(*) Post-scriptum : à écouter le dernier billet de Sophia Aram sur France Inter :
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-mardi-02-septembre-2025-4122067
A lire : https://www.leddv.fr/analyse/lart-de-la-guerre-et-lirregardable-folie-divine-propagande-et-perversion-humaine-20250816

samedi 23 août 2025

Gauche trumpiste

Marine Tondelier, cheffe des écologistes français, plaide pour l'union de la gauche. Mais quelle gauche ? Ou plutôt quelles gauches ? Minées par le communautarisme et le populisme, les gauches françaises sont en triste état. On les voit aujourd'hui courir derrière les auto-confineurs du 10 septembre (lire le billet précédent) quand d'autres, à gauche aussi, restent plus prudents.
Ce mouvement est "encore totalement nébuleux et sur les modes d'action et sur les revendications", estimait hier matin sur France Inter Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. "Les modes d'action sont flous et puis, du côté des initiateurs, il y a une pluralité de points de vue. On est très vigilants sur les tentatives de noyautage et d'instrumentalisation de l'extrême droite qui, à certains endroits, essaie de développer des discours anti-syndicaux". Une réflexion cependant étonnante quand on sait que les initiateurs de ce mouvement flou viennent de l'extrême droite. C'est plutôt l'extrême gauche qui tente de récupérer l'appel au bloquage du pays.

Le mouvement La France Insoumise est actuellement réuni en université d'été. Mais le journaliste du Monde Olivier Pérou y est interdit d'accès (1). Il a commis un crime de lèse-majesté : avoir écrit un livre qui dénonce les méthodes autoritaires du gourou Mélenchon. Au pays des culs-bénits, Saint Jean-Luc est inattaquable et tout blasphémateur doit être excommunié. En refusant l'accès à ce journaliste, le MélenChe lui donne raison : il agit bel et bien comme un gourou qu'on ne peut critiquer. Règle n°1 : le Chef a toujours raison. Trump agit de la même manière en refusant l'accès à la Maison Blanche à tout journaliste qui lui pose des questions méchantes
Si on ajoute à cette attitude anti-démocratique, les positions ouvertement antisémites de nombre de ses élus, on ne peut qu'espérer que l'union de la gauche ne se fera pas. Au nom de la démocratie, du respect et de la liberté de la presse. Ou qu'elle se fasse sans cette gauche totalitaire et antisémite aux relents staliniens.

"Ceux qui ont toléré et encouragé l'antisémitisme depuis le 7 octobre sont la honte de notre pays. Ils n'ont rien à faire à gauche. Ce sont eux qui ouvrent un boulevard à l'extrême droite. Pas ceux qui les dénoncent. Les accommodements auxquels on assiste depuis le 7 octobre sont une défaite collective."
Joann Sfar, "Que faire des juifs ?", Les Arènes BD, 2025.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/21/a-nos-lecteurs_6633128_823448.html
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2025/08/22/de-nombreuses-societes-de-journalistes-denoncent-le-refus-de-la-france-insoumise-d-accrediter-un-journaliste-du-monde-a-ses-universites-d-ete_6633534_3236.html

jeudi 21 août 2025

Mouvement vaseux

« Le 10 septembre, on bloque tout ! », c'est le mot d'ordre envoyé par un site appelé Les Essentiels. "Sa première activité, rappelle Le Monde (1) : publier une dizaine de posts consacrés au « ras-le-bol français », à la défense des « gilets jaunes », des TPE-PME et des « racines chrétiennes » de la France, ou appelant au « Frexit ». Des idées que l’on retrouve généralement combinées dans les programmes d’extrême droite."
Julien Marissiaux qui est à l'origine de ce site n’a pas répondu aux questions du Monde qui a trouvé sur son profil LinkedIn des louanges en faveur d’Elon Musk, des mentions du Rassemblement national ou une vidéo de Philippe de Villiers."

Dans une video, Les Essentiels appellent pour le 10 septembre au "confinement général et illimité", une forme d'auto-confinement en fait. "Nous refusons de produire, courir, consommer, servir... tant que l'on ne sera pas payé pour chaque jour, chaque heure, chaque centime perdu pendant ce confinement que NOUS imposons." Essayons de comprendre : s'ils sont payés pour leur inaction choisie ils accepteraient d'être actifs. Ils exigent d'être payés à ne rien faire tout en considérant que ce temps de l'inaction choisie est perdu. On se croirait face à une brève de comptoir. Mais non, le mouvement prend de l'ampleur, le Café du Commerce agrandit chaque jour sa terrasse. Et voilà que LFI paie sa tournée (2). Parti de l'extrême droite, le mouvement est soutenu par l'extrême gauche, toujours demandeuse de bordélisation et peu gênée d'alliances contre-nature. Toute attitude populiste doit être encouragée. Ne voulant pas être en reste, les écologistes et les communistes annoncent aussi - même si c'est un peu plus prudemment - leur soutien à ce mouvement gazeux (3). La gauche n'en finit plus de se perdre dans des regroupements vaseux.

A lire les initiateurs du mouvement, on comprend qu'ils sont contre. Une position résumée à ce mot et qui s'apparente à un programme. Contre ! On se permet dès lors de leur suggérer quelques slogans qu'ils pourront tweeter depuis leur salon où ils se seront confinés.
"Home Sweet Home."
"Je me confine si je veux, quand je veux, où je veux."
"Si ça continue, ça va cesser. "
"C'est celui qui le dit qui l'est."
"Assez, c’est assez, mais trop, c’est trop. Et quand on en a marre, on en a marre."
"Trop d’écologie tue l’écologie."
"Vive la France, fille aînée de l'Eglise."
"Les vaccins nous tuent, tuons les vaccins."
"Macron, dégage !"
"Bayrou, dégage ! "
"Mélenchon, dégage !"
"Famille Le Pen, dégage !"
"Pour des incendies en hiver, pas en été !"
"De la pluie, mais pas trop souvent !"

On se permet aussi de les encourager à étendre la notion de confinement en laissant définitivement les voitures au garage, en ne prenant plus l'avion, en boycottant la télévision, les réseaux prétendument sociaux, les supermarchés, les grands groupes et les firmes multinationales, en ne consommant pas de produits traités avec des pesticides ou encore en ne consommant pas d'énergie issue de filières non renouvelables. Evidemment, on n'est pas sûr que ces propositions plaisent aux initiateurs de ce mouvement fourre-tout. On se souvient de ces amis qui, sortant d'une manif pour le climat, s'étaient joints à un cortège de Gilets jaunes. "Qu'est-ce que des écolos viennent foutre ici ?",  leur avait-on dit. On se le demande ici encore.

(1) https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/08/06/bloquons-tout-le-10-septembre-aux-origines-d-un-mouvement-viral-et-fourre-tout_6627156_4408996.html?search-type=classic&ise_click_rank=2
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/17/la-france-insoumise-appelle-a-censurer-francois-bayrou-et-soutient-l-initiative-tout-bloquer-du-10-septembre_6630630_823448.html
https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/19/bloquons-tout-comment-la-france-insoumise-prend-fait-et-cause-pour-le-mouvement-du-10-septembre_6631779_823448.html
(3) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/20/bloquons-tout-apres-lfi-les-ecologistes-et-les-communistes-s-engagent-dans-le-soutien-au-mouvement-du-10-septembre_6632668_823448.html

dimanche 17 août 2025

Rencontre pépère

Le Père Ubu et le Petit Père des Peuples se sont rencontrés. Sont issus de ce sommet qui ressemblait à une butte deux discours modèles de langue de bois, d'hypocrisie et de cynisme. On ne sait s'il faut en rire ou en pleurer. Qu'ont-ils dit ? Rien. Sinon que le sort de l'Ukraine importe peu à Trump et que son anéantissement reste et restera le grand rêve de Poutine. On a les rêves qu'on peut.
Ce fut dérisoire, entre show grossier et mauvais sketch. Ils se sont salués entre voisins, fait des révérences, envoyé des compliments (1). Et n'ont rien résolu. Au contraire : Trump, en le recevant, a considéré Poutine, pourtant poursuivi par la justice internationale pour crimes de guerre, comme un interlocuteur parfaitement respectable.

Comme à son habitude, le tueur en série Poutine a salué en l'Ukraine un "peuple frère" et répété que "tout ce qui se passe est pour nous une tragédie et une terrible blessure. C’est pourquoi notre pays souhaite sincèrement mettre fin à cette situation". Tout en refusant de le faire en se justifiant par un fatras d'arguments qui tiennent de la langue de bois. Poutine est un vrai polyglotte : il manie à merveille la langue de bois, la langue de vipère et la langue de pute.
Le Père Ubu est aussi doué que lui. Il a trouvé "très profond" le discours de son homologue russe, mais a rappelé, en excellent analyste politique, que "il n’y a pas d’accord tant qu’il n’y a pas d’accord". Usant de la même langue de bois, il a déclaré ceci : "Nous avons eu une réunion extrêmement productive et nous nous sommes mis d’accord sur de nombreux points, il n’en reste que quelques-uns. Certains ne sont pas très importants. L’un d’entre eux est probablement le plus important, mais nous avons de très bonnes chances d’y parvenir. Nous n’y sommes pas encore, mais nous avons de très bonnes chances d’y arriver".
Le plus important étant sans doute pour lui que "tout le monde veut traiter avec nous. En très peu de temps, nous sommes devenus le pays le plus en vue au monde. Et nous nous en réjouissons".
Pendant ce faux sommet, l'armée russe a lancé 85 drones et un missile sur l’Ukraine.
Les deux cyniques auto-satisfaits n'ont que mépris pour l'Ukraine et les Ukrainiens. Les gens méprisants sont méprisables.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/08/16/bonjour-cher-voisin-retrouvez-la-retranscription-integrale-de-la-conference-de-presse-commune-entre-donald-trump-et-vladimir-poutine_6630476_3210.html


lundi 11 août 2025

Une autre voix

On l'a écrit déjà, dans le conflit israélo-palestinien, ce qui compte pour chacun des deux camps, c'est l'éradication de celui d'en face beaucoup plus que l'intérêt des siens. Le gouvernement israélien veut (rêve de) supprimer le Hamas bien plus qu'obtenir la libération des otages, tandis que le Hamas veut voir disparaître Israël de la carte, qu'importent les souffrances endurées par les Gazaouis.

Voilà que Netanyahou annonce vouloir occuper l'ensemble de la bande Gaza, au mépris de l'avis du chef d’état-major des forces israéliennes qui a dit tout le mal qu’il pense du plan du Premier ministre. "Si le Général Zamir s’exprime ainsi - et c’est très rare de la part d’un militaire à ce niveau de responsabilité - c’est qu’il voit bien que son armée est devenue l’instrument d’une manœuvre politique", affirmait ce matin sur France Inter l'éditorialiste Guillaume Auda (1). Qui pâtira de cette occupation ? Les otages israéliens et la population gazaouie. Son pari : forcer le Hamas à négocier, même si "rien n’indique que le Hamas veuille bouger. Il garde en mémoire qu’en mars dernier, c’est le Premier ministre israélien qui a rompu la trêve et de fait interrompu le processus de libération des otages."
"Si ce pari échoue, alors l’issue serait de déplacer un million d’habitants sans savoir où les installer sur un territoire en grande partie détruit soumis à de constants bombardements, tout cela sur fond de désastre humanitaire. C’est irréaliste ! (...) D'un côté, vous avez Benjamin Netanyahu dont toutes les décisions semblent guidées par la volonté de se maintenir au pouvoir. Il ménage ses alliés d’extrême droite des jusqu’au-boutistes enclins à sacrifier les otages. Et puis de l’autre, vous avez le Hamas prêt à assumer des jours, des semaines ou peut-être des mois encore le supplice de son propre peuple. Le mouvement islamiste semble déterminé pour sa part à ne pas disparaître de l’équation palestinienne. Dans cette course à la mort, les deux parties au conflit jouent leur survie politique. Deux cynismes qui entrent en collision au péril des vingt derniers otages vivants et de la population palestinienne."

La population gazaouie est prise entre deux feux. L'avocat palestinien Moumen al-Natour vit à Gaza où il lutte depuis des années contre le Hamas. En 2019, il a cofondé le mouvement de protestation « We want to live ». Il a été arrêté à plusieurs reprises et, comme d'autres opposants au Hamas, torturé par ce dernier. La Neue Zürcher Zeitung (NZZ, quotidien suisse en langue allemande) l'a récemment interviewé (2).
Avec sa famille, il vit dans les ruines de sa maison à Gaza. "Comme je suis persécuté par le Hamas, je vais bientôt déménager. La misère est grande. Le Hamas aggrave la situation, car ses partisans volent la plupart des biens humanitaires, avec l'aide de bandes alliées et de voleurs. Presque toute la nourriture vendue sur les marchés provient des camions volés."
Les responsabilités de la misère et de la famine "bien réelle"et "dangereuse" dont souffrent les Gazaouis sont partagées selon lui. "Israël et le Hamas sont tout autant responsables. Le Hamas vole la nourriture des habitants, c'est leur seule source de revenus. Israël est responsable de l'absence de zone de sécurité humanitaire à Gaza, où les gens pourraient se procurer de la nourriture ou recevoir des soins médicaux. Cette zone devrait être surveillée par une tierce partie, ni le Hamas ni Israël. Ce serait la clé pour sauver les habitants de Gaza. Si les Israéliens s'en étaient occupés dès le début, beaucoup de gens seraient encore en vie. Ils savaient bien que le Hamas utilise les gens comme boucliers humains, qu'il sacrifie les femmes et les enfants."
Le Hamas, dit Moumen al-Natour, "a probablement perdu plus de 60 % de son personnel militaire, mais il est toujours capable de diriger des bandes loyales. Il se venge des dissidents et de ceux qui le critiquent. Il leur brise les jambes, certains sont tués ou emmenés dans des quartiers reculés de la ville". L'avocat s'oppose depuis longtemps au mouvement terroriste. "Le Hamas est une organisation radicale et totalitaire qui réprime les manifestations par la violence et les arrestations. Mais nous devons prendre ce risque, nous devons élever la voix pour tous ceux qui, dans le monde, veulent dire : Gaza n'est pas le Hamas. Et le Hamas n'est pas Gaza."
Selon lui, une majorité de la population est désormais opposée au Hamas. "Même ceux qui étaient pour avant le 7 octobre les appellent à abandonner enfin. Ils veulent retrouver une vie normale. Il y a quelques jours, des pays européens et arabes ont appelé à désarmer le Hamas. Même le Qatar, qui a armé et financé le Hamas, l'exige. J'espère que c'est la position réelle du Qatar. Peut-être s'agit-il seulement de déclarations destinées aux médias et à l'opinion publique occidentale. Car qui accueille le Hamas, qui héberge ses entreprises, qui le soutient dans les médias, sur Al-Jazeera ? Le Qatar ! Si les Qataris sont sérieux, ils devraient arrêter les dirigeants du Hamas et confisquer leurs biens. Ils devraient donner cet argent à la population qui souffre."
Moumen al-Natour est très critique par rapport à Al-Jazeera. "Le Hamas s'est forgé une forte influence dans les médias. Il est soutenu par la chaîne internationale Al-Jazeera, contrôlée par le Qatar, qui cite principalement des voix favorables au Hamas. Ceux qui pensent autrement à Gaza ont peur. Les gens comme moi ont rarement une tribune. C'est pourquoi nous appelons les médias à s'ouvrir et à ne pas faire confiance à des médias comme Al-Jazeera."
Critique aussi par rapport aux manifestations Free Palestine. "Toutes ces manifestations ne servent à rien à la population de Gaza. Personnellement, je vois les choses ainsi : ces manifestants aident le Hamas, pas la population de Gaza. J'ai vu des photos de manifestants habillés comme Abu Obeida (un porte-parole du Hamas). Mais je n'ai jamais vu de manifestants qui reprenaient notre revendication d'une zone de sécurité humanitaire."
Quelle issue à ce conflit sanglant ? "Il y a deux possibilités : soit le Hamas capitule, soit des zones de sécurité démilitarisées sont mises en place de toute urgence, qui ne soient pas exposées aux bombardements israéliens. Si le Hamas ne capitule pas et qu'il n'y a pas de véritables zones de sécurité, il y aura des décennies de tueries."

Mais le Hamas capitulera-t-il un jour face à un Israël honni (et qui en ce moment fait ce qu'il faut pour l'être plus encore) ? Comme sa charte l'indique, le mouvement islamiste et antisémite rejette la négociation : "il n'y aura de solution à la cause palestinienne que par le jihad. Quant aux initiatives, propositions et autres conférences internationales, ce ne sont que pertes de temps et activités futiles" (3).
Il y a urgence à sortir de la bienveillance naïve - ou du cynisme. On ne soutiendra réellement les Gazaouis qu'en s'opposant au gouvernement Netanyahou ET au Hamas - et donc au Qatar. 

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-lundi-11-aout-2025-1166926
(2) https://www.nzz.ch/feuilleton/anruf-nach-gaza-fast-alles-essen-wird-von-der-hamas-geklaut-ld.1895932?fbclid=IwY2xjawMC6YdleHRuA2FlbQIxMQBicmlkETFhRDFNazBtdmRqVUJZcDJVAR4-YiQY2FL1kBTzib8gOllGbWOb5A4qSbDnEoVXcBIO9nQUufFQeMDU60v9tg_aem_hoJeYwyTRBxAXbcYCL6GaQ
(3) Extraits de la charte du Hamas de 1988, cités par Thomas Snégaroff et Vincent Lemire in "Israël / Palestine - anatomie d'un conflit", Les Arènes - France Inter, 2024, pp. 109-111.



lundi 4 août 2025

Le mépris des siens et des autres

C'est un conflit sur lequel tant de gens se posent en experts et ont un avis arrêté. Les jugements émis aux comptoirs des bistros ou sur les réseaux prétendument sociaux (c'est parfois la même chose) sont définitifs et font loi. Il y a les méchants Israéliens qui commettent un génocide (1) et les gentils Palestiniens qui sont d'éternelles victimes. Et tant pis si la situation est pourtant d'une complexité inouïe et le cynisme partagé. La compassion et l'indignation ne font pas la vérité et bien malin qui la connaît.

La propagande des deux camps fonctionne bien pour démontrer que chacun est dans son droit et est le seul à souffrir. Une bonne partie des Gazaouis souffre de la faim et leur recherche de nourriture se fait trop souvent au péril de leur vie parce qu'ils sont sous la menace de tirs de mercenaires américains ou de l'armée israélienne et parfois aussi, affirment certaine sources, de tireurs du Hamas.
Parfois on apprend qu'une image d'un enfant décharné présenté comme souffrant de malnutrition était en réalité celle d'un petit malade souffrant d'une maladie rare. Tous les jours, les journaux télévisés nous montrent des gens se battant pour obtenir de la nourriture, des images d'enfants mourant de faim. Mais on se le demande : d'où viennent ces images ? Parmi ses nombreux torts, l'armée israélienne a celui d'avoir interdit l'accès à la bande de Gaza à la presse étrangère. On aimerait que les médias nous indiquent d'où viennent alors les images qu'ils diffusent : de l'armée israélienne ? du Hamas ? de qui ?

Récemment, le Hamas et un autre groupe armé à Gaza ont publié des vidéos de deux otages israéliens encagés et décharnés. "Plus qu’un levier de négociation, ces images sont utilisées comme des armes de guerre par le groupe terroriste, estimait ce matin sur France Inter le journaliste Guillaume Auda (2). "Des otages israéliens contraints de se prêter sous l’œil macabre d’une caméra et la menace d’une arme à feu à des mises en scène tout droit sorties d’esprits malades. Ceux de leurs geôliers du Hamas avec en toile de fond un simulacre d’exécution." L'un de ces otages, une pelle à la main, est sommé de creuser sa propre tombe." L'homme n'a plus que la peau sur les os. "De la nourriture, dit-il, il n’y en a pas ! Et c’est vrai, qu’il n’y en a pas de nourriture ou très peu pour les otages. Il y en a pas assez non plus de nourriture pour les deux millions de palestiniens qui vivent assiégés par Israël à Gaza. En revanche, il y en a sans doute en large quantité, des denrées pour les hommes qui filment ces images car le Hamas lui même affaibli a encore les moyens de mener sa guérilla et de manger à sa faim." 
Pour Guillaume Auda, "ce qu’illustrent ces images, c’est le piège mortel dans lequel sont enfermés ces deux peuples israélien et palestinien. D’une part, elles ont eu pour effet de renforcer l’intransigeance de leurs dirigeants. Désormais Israël exige la libération de tous les otages en un bloc et le désarmement du Hamas, en clair sa capitulation sous forme d’ultimatum. Refus catégorique font savoir ses porte-voix tant qu’un Etat palestinien ne verra pas le jour avec Jérusalem pour capitale. Autant dire qu’à ce stade l’impasse est totale." Les souffrances des deux peuples risquent de se poursuivre encore longtemps. "Celles des familles d’otages et de leurs proches en Israël dont les plaies ne se refermeront pas tant qu’ils ne seront tous pas rentrés. Et puis de l’autre côté, la population à Gaza coincée entre les bombardements israéliens, la famine qui menace et la férule du mouvement islamiste."

"Le drame de Gaza, écrit Caroline Fourest dans Franc-Tireur (3), c’est la définition de l’enfer. Celui de civils gazaouis piégés par le Hamas, qui s’en sert comme boucliers humains, et par l’armée israélienne, qui les traite comme des dommages collatéraux. Le drame de Gaza, ce n’est pas un génocide (1), mais une très sale guerre née d’un pogrom, menée par une armée puissante décidée à éliminer un voisin ayant juré sa mort, quoi qu’il en coûte. Un coût inhumain."

Dans Charlie Hebdo (4), son rédacteur en chef Gérard Biard dénonce les tirs de l'armée israélienne sur des foules qui cherchent juste à se nourrir et ne constituent aucune menace. "Si le mépris qu'ont Netanyahou  et d'autres responsables et élus israéliens pour la vie des Palestiniens  - et par la même occasion pour la vie des otages israéliens toujours détenus à Gaza - est patent, le Hamas a lui aussi prouvé qu'il faisait peu de cas du sort de sa population, qu'il considère avant tout comme un bouclier humain et une chair sacrificielle pour la cause. Plus les Gazaouis souffrent et meurent, de faim, de soif ou sous les balles, plus il est facile de faire d'Israël le monstre absolu - et force est de reconnaître que c'est de plus en plus facile...  (5) La famine est une arme de guerre. Mais il ne faut pas oublier que cette guerre-là est aussi une guerre de communication. Qu'Israël a déjà perdue."

Peut-on entrevoir malgré tout une lueur d'espoir ? "S’il existe un chemin, c’est celui ouvert par la Conférence de l’ONU sur la solution à deux Etats, estime Guillaume Auda. Où pour la première fois des pays comme l’Égypte, le Qatar, la Turquie et même la Ligue arabe en tant qu’organisation appuient la liquidation militaire du mouvement islamiste et l’émergence d’une alternative palestinienne crédible en échange d’une reconnaissance mutuelle Israël - Palestine. Un horizon politique donc, c’est le seul moyen d’obtenir un cessez-le-feu durable, de mettre fin au calvaire des otages et à cette guerre à Gaza où deux millions de Palestiniens n’ont plus aucun recours ni contre la férocité de l’armée israélienne, ni contre le Hamas et son cynisme mortifère."

(1) Sur la notion de génocide, lire l'analyse de Joël Kotek, historien des génocides, professeur à l’Université Libre de Bruxelles, Président de l’Institut Jonathas :
https://www.leddv.fr/analyse/le-mot-de-trop-reflexions-sur-le-terme-genocide-et-son-usage-contre-israel-20250625
L'écrivain israélien David Grossman parle, lui, maintenant, de génocide :
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/08/03/david-grossman-celebre-ecrivain-israelien-qualifie-de-genocide-les-actions-d-israel-dans-la-bande-de-gaza_6626397_3210.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-lundi-04-aout-2025-4694066
(3) Caroline Fourest, "Le Drame de Gaza", Franc-Tireur, 30.7.2025.
(4) "Gérard Biard, "L'info à l'os", Charlie Hebdo, 30.7.2025.
(5) "La population gazaouie paie le prix d’une stratégie calculée. Yahya Sinwar, chef du bureau politique du Hamas et l’un des architectes de l’attaque du 7-Octobre, abattu le 16 octobre 2024 à Rafah, l’écrivait déjà dans un message adressé aux dirigeants du Hamas réfugiés au Qatar : « L’effusion de sang profitera au Hamas. » Et il n’avait pas tort.", Joël Kotek, op. cit.


dimanche 20 juillet 2025

Censeurs à œillères (et à deux balles)

Des artistes se sont scandalisés : Amir, un chanteur franco-israélien, était programmé tout comme eux aux Francofolies de Spa (1). Ils ont préféré de ne pas se produire que partager la même scène que quelqu'un qui n'a pas dénoncé le génocide en cours à Gaza. Tant pis si les juristes ne sont pas d'accord sur la qualification de génocide pour les violences en cours (2). Eux savent. Eux ont décidé que c'est le cas. Donc ils ont raison et a tort qui ne pense pas et ne crie pas comme eux. Ils reprochent donc à un collègue ce qu'il n'a pas dit, alors que quantité de festivals programment des artistes malgré ce qu'ils disent : des artistes de la haine et de l'antisémitisme, des fans du Hamas ou d'autres organisations terroristes qui eux appellent clairement à la violence , des imprécateurs qui appellent à jeter à la mer les Israéliens, à "crucifier les laïcs", à couper les mains des dessinateurs de Charlie Hebdo, à "un autodafé contre ces chiens de Charlie Hebdo", à "couper le pénis des pédés", à s'en prendre aux blasphémateurs (3).

La bruxelloise DJ RaQL a renoncé à se produire aux Francofolies. Son collectif Who's That Girl veut promouvoir les artistes femmes issues des minorités de genre, nous dit-on. On aimerait savoir ce que cette bonne âme pense du Hamas qui tue les homosexuels, fait des femmes des citoyens de seconde zone et a violé systématiquement des Israéliennes le 7 octobre.

La direction des Francofolies a tenu bon, malgré de nombreux appels à la déprogrammation d'Amir. "Nous sommes révoltés par la tragédie en cours à Gaza", a-t-elle déclaré. "Il est compréhensible que des citoyen-nes et des artistes nous interpellent sur les engagements d'un artiste à l'affiche", mais dit n'avoir constaté, concernant Amir, "aucune prise de parole propagandiste (...) sur scène". "Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer moralement sa trajectoire personnelle" autrement que par ses chansons traitant de "thèmes universels et consensuels tels que l'amour, la fête, la quête de soi et la résilience".
Parlophone, la maison de disques d'Amir, a dénoncé un "déferlement de haine antisémite".
L'organisation antiraciste française Licra a apporté son soutien à Amir, estimant qu'il était "victime de la sottise militante". Que dire d'autre face à ces juges auto-proclamés ? 

(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/07/12/israel-a-t-il-commis-un-genocide-dans-la-bande-de-gaza_6620761_3232.html

jeudi 10 juillet 2025

Et à la fin c'est la FNSEA qui gagne

Toujours plus en arrière, c'est désormais le slogan de la majorité politique en France. Le parti macroniste ne s'appelle plus En Marche, mais En Marche Arrière. Plus le réchauffement climatique s'impose et cause de dégâts, plus une majorité d'élus détricote les lois qui tentent de le limiter.
La biodiversité a Duplomb dans l'aile. Comme l'écrit ParlemenTerre (1), "le 8 juillet 2025, les députés ont adopté par 316 voix contre 223 et 25 abstentions la loi (dite Duplomb) visant à "simplifier les contraintes au métier d'agriculteur". Cette nouvelle loi de régression environnementale réautorise les insecticides "tueurs d'abeilles", allège les procédures d'agrandissement des fermes-usines et simplifie la création des méga-bassines. Cette loi ne répond aucunement aux contraintes pesant sur les paysans mais renforce la mainmise de l'agro-industrie tout en détruisant l'environnement." 
Le Monde constate (2) que "les mesures de « simplification » demandées de longue date par une partie du monde agricole – dont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Jeunes Agriculteurs (JA), Coordination rurale – figurent dans ce texte" proposé par le sénateur Laurent Duplomb. Depuis longtemps, on se demande quelle est l'utilité, en France, d'avoir un ministre de l'agriculture. De toute façon, c'est la FNSEA - ce tout-puissant champion de l'agro-industrie, des engrais et des pesticides - qui fait la loi et même les lois.  

En octobre dernier, l'Ademe (l'Agence de la transition écologique) recensait 38% de climatosceptiques parmi les Français, une augmentation de 7 points par rapport à 2023 (3). Plus d'un tiers de la population française pense donc que soit le réchauffement climatique n'existe pas, soit il existe mais n'est pas dû à l'activité humaine. Une bonne manière de s'exonérer de toute responsabilité et de ne rien changer à nos habitudes. Sauf qu'il faudra prendre l'habitude de voir nos maisons de plus en plus menacées par des incendies et des inondations. On voit par là que le réchauffement climatique ramollit les cerveaux. L'extrême droite qui passe son temps et gaspille son énergie à nier le réchauffement climatique exige à présent un grand plan "climatisation", tout en s'opposant à tout plan climat. Un peu comme s'ils réclamaient plus de moyens pour soigner les cancers tout en refusant les politiques de prévention qui permettent de les éviter.  Le climat se porterait mieux sans les bêtises et les contrevérités que ces élus répandent à longueur de journée.

(1) https://parlementerre.fr/?vote=rouge&utm_source=brevo&utm_campaign=CA%20-%20Parlementerre%20NNI&utm_medium=email
(2) https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/07/08/loi-duplomb-sur-l-agriculture-que-contient-le-texte-qui-doit-etre-vote-a-l-assemblee-nationale_6619911_3244.html
(3) Jean-Loup Adénor, "Climatosceptiques - Plus il fait chaud, plus ils sont cons", Charlie Hebdo, 9.7.2025.