La loi sur la laïcité en France a cent vingt-ans. Et certains, notamment chez les jeunes qui se veulent déconstructeurs, rêvent ou de la voir supprimer ou de la voir plus ouverte, plus inclusive, moins universaliste. C'est mal (très mal) connaître cette loi qui assure "la liberté de conscience" et garantit "le libre exercice des cultes" (art. 1), mais (art. 2) interdit à l'Etat de subventionner ou de financer ces cultes. En fait, la loi de 1905, de séparation entre l'Eglise et l'Etat, garantit la liberté d'esprit, le droit de penser par soi-même, d'avoir le choix de croire ou non, de se laisser coloniser ou non par une religion. Dans son article 31, elle interdit toute pression exercée sur une personne en vue de lui faire pratiquer ou abandonner une religion. L'article 35 interdit aux religieux d'inciter à désobéir aux lois de l'Etat. Elle prévoit (art. 36-3) la fermeture des lieux de culte où se tiennent des discours de haine. (1)
"On prend (...) conscience à quel point la loi de 1905 est indispensable, écrit Riss (2). Il n'y a pas une virgule à y retirer car, dès sa création, elle avait parfaitement bien identifié les dangers que pourraient faire peser les discours et les pratiques religieuses sur les fondements de notre démocratie.
Les jeunes décoloniaux se plaisent à penser que la laïcité serait une loi islamophobe pondue par des Européens pour empêcher les musulmans d'exercer librement leur religion. C'est d'une part ignorer que la loi qui établit la laïcité date de 1905 - et qu'il s'agissait alors de remettre l'Eglise catholique à sa place, et, d'autre part c'est précisément être européano-centré en ignorant que les premières victimes de l'islamisme sont les musulmans et surtout les musulmanes.
"L'actualité de cette loi va bien au-delà des frontières de l'Hexagone, écrit encore Riss. On apprend que le Mali serait sur le point de tomber entre les mains des djihadistes et on relate déjà des exécutions, comme celle de Mariam Cissé, une jeune tiktokeuse tuée par des islamistes, début novembre à Tonka, près de Tombouctou." (...) Partout dans le monde, des femmes et des hommes souffrent et meurent dans des sociétés religieuses intolérantes. Ceux qui, en France, veulent amender cette loi pour la vider de sa force, au nom d'un relativisme culturel hors-sol, sont les complices de ces crimes et de ces oppressions."
On frémit quand on voit aujourd'hui en France une bonne partie de la gauche remettre en question la laïcité quand la droite et l'extrême droite la défendent.
"La gauche, presque toute la gauche, a été atteinte de cette maladie que j'appelle l'orgonisme, s'indigne Ariane Mnouchkine (3). On nous sommait - on nous sommes toujours - d'être Orgon : à toute critique de l'islamisme, du fanatisme, du crétinisme, il nous fallait répondre : Le pauvre homme ! sous peine de subir les insultes suprêmes : raciste ! Islamophobe !
On nous a fait vivre dans un tel déni ! Déni face à l'essor de l'islam politique et ladite radicalisation. Face surtout et avant tout à la régression du sort des femmes. Car là est la question. Là est le principe. Non négociable. Au sujet de ce principe de l'égalité totale, absolue, des femmes et des hommes, nous devons être absolument intraitables, imperturbables, immuables. Or ceux qui nous disent qu'il faut aménager la laïcité ne parlent de rien d'autre que de faire reculer les femmes, de les défaire, de les démettre des victoires si difficilement remportées dans nos pays démocratiques. Voilà pourquoi je suis et me déclare ce que d'aucuns appellent une laïcarde. Car je sais que dans cette fidélité-là est la protection, là est la liberté d'avoir ou de n'avoir pas de religion. Là est la liberté de changer d'avis ou de foi.
Certains de nos concitoyens, musulmans, croyants ou pas, vivent sous la férule de la prétendue communauté. En vérité, ils subissent, au mieux, la surveillance et l'intimidation perpétuelle, et souvent les menaces et la peur.
Et nous, la gauche, par notre déni idéologique, notre lâcheté, nous ne les protégeons pas.
Comble de honte, certains intellectuels, écrivains, journalistes, musulmans ou pas, sont vilipendés et sommés de se taire lorsqu'ils dénoncent, au péril de leur vie, cette gangrène de l'islam."
(1) Jean-Loup Adénor, "Loi de 1905 - Opération place nette contre les narcobondieuseries", Charlie Hebdo, 3.12.2025.
(2) Riss, "1905, c'est l'avenir", Charlie Hebdo, 3.12.2025.
(3) Ariane Mnouchkine, "L'Art du présent - Entretiens avec Fabienne Pascaud", Babel, 2016.
A lire aussi : Philippe Foussier, journaliste, vice-président d’Unité laïque, "Laïcité : le combat sans trêve de la théocratie contre la démocratie",
https://www.leddv.fr/opinion/editorial/laicite-le-combat-sans-treve-de-la-theocratie-contre-la-democratie-20251208