vendredi 8 septembre 2017

Une maladie de l'avenir

Récemment (1), j'évoquais ici les propos répugnants et répulsifs, diffusés sur son blog, d'un prêcheur islamiste, français d'origine algérienne, qui vomit les femmes qu'il considère comme des sous-êtres. Etant entendu que lui a tout compris et est, du haut de sa supériorité de mâle, l'intelligence incarnée. On en rirait si ces positions n'étaient de plus en plus partagées.
L'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, vient de publier "Sexe et mensonges", un livre sur la vie sexuelle au Maroc qui repose sur des témoignages de femmes. 
Parlant de cet ouvrage, l'écrivain algérien Kamel Daoud estime qu'une de ses révélations est "le démantèlement d'une vieille croyance positiviste: le patriarcat, le machisme, la femme comme être minoré, ne sont pas le reliquat d'une culture qui s'imbrique mal dans l'universel et endosse mal la mécanique de la modernité, mais une construction du présent. Ce n'est pas une maladie du passé qui persiste, mais une maladie de l'avenir qui s'installe. Ce qui s'y joue n'est pas le poids de traditions rigides que l'on peine à décarcasser, mais un néoconservatisme qui a pris de la force, de la place, des leviers de pouvoir et même les armes. Les régimes autoritaires cultivent le deal avec des bigots qui ont imposé les termes du débat sur la sexualité: elle est menace, invasion, déstabilisation, trahison... De quoi souder les rangs contre la femme, au nom de Dieu, de la Femme vertueuse, de la Culture, de la Différence." (2)
En écho, Leïla Slimani en appelle "à la raison des Lumières et à l'horizon de l'universalité. Oui, on est des musulmans, on a notre culture, mais il faut arrêter de considérer que tous nos droits sont culturels. On peut aussi revendiquer des droits parce qu'ils sont universels et que, avant d'être marocains, musulmans ou femmes, on est des êtres humains. Sans être les otages de notre culture. Notre culture, c'est quelque chose de mouvant. On peut la faire changer. Et tout ne va pas s'écrouler." (3)
Kamel Daoud encore, avec ces propos qui se passent de commentaire: "nous sommes malheureusement, coincés entre le You Porn et le You pray, refusant la vie, rêvant de la mort comme orgasme, de l'au-delà comme seule compensation. Erigeant la spécificité culturelle là où nous avons peur d'aller vers l'autre, de le toucher, l'aimer, le désirer. Parce que castrés dans leur présence au monde, nos hommes se vengent par l'excision juridique, sociale et physique des femmes".

(1) "La fabrique d'islamophobie", 30 août 2017
(2) "Entre You Porn et You Pray", L'Obs, 31 août 2017.
(3) "Les femmes, le sexe et l'islam", L'Obs, 31 août 2017.

Aucun commentaire: