mercredi 25 septembre 2019

Vivement le temps des femmes

Il faudrait plus de femmes à des postes de responsabilités. A tous les niveaux. Les mâles dominants de la planète, tous ces rouleurs de mécanique, ces forts en gueule que sont les Trump, les Poutine, les Bolsonaro, les Erdogan, les Johnson, les Duterte, les Orban et tous ces autres chefs d'Etat qui s'expriment par coups de menton ne sont que grotesques aboyeurs à côté d'une Angela Merkel ou d'une Greta Thunberg.
Les religions sont aussi affaires de mâles. Quasi exclusivement.
Quelques femmes commencent, enfin, à y exercer quelques responsabilités. Telle Seyran Ates, imame de la mosquée Ibn Rushd-Gœthe à Berlin. Elle y accueille en un même espace femmes (y compris non voilées), hommes, LGBT et croyants de toutes obédiences.
Inna Shevchenko, des Femen, l'a rencontrée pour Charlie Hebdo (1). 
"En tant que musulmane libérale, explique Seyran Ates, je mène un combat pour les droits des femmes, contre le patriarcat, au sein de ma propre religion. Contre les structures d'une société où les gens ne tolèrent pas les différences de croyance d'opinion."
Elle soutient totalement une séparation stricte entre églises et Etats. Les religions, affirme-t-elle, n'ont pas à se mêler des droits humains fondamentaux ni du pouvoir étatique. "Je me bats pour un islam qui demeure dans le domaine spirituel et mystique. Je ne reconnais pas le livre saint comme un livre de loi. Ni l'islam comme un modèle de société ou un système politique. Je reconnais la démocratie. Aux religions de s'abriter sous le toit de ce système politique. C'est précisément ce qui garantit la liberté de culte."
L'imame invite à prendre une distance avec le Coran: "les musulmans doivent retrouver leur sens critique vis-à-vis du livre saint. Il y a déjà eu des voix fortes par le passé pour faire progresser la pensée musulmane, au XIIe et au XIIIe siècle, comme Ibn Arabi".

Elle fustige celles et ceux qui, dans les pays occidentaux, se montrent tolérants, voire complaisants, vis-à-vis des diverses expressions de l'islamisme. "Il faut commencer par combattre l'islam politique. Cesser de financer et de soutenir les mosquées et les centres d'éducation coranique. (...) Pourquoi les pays occidentaux coopèrent avec les radicaux au lieu de les combattre? A Berlin, nous avons une coalition sociale-démocrate et écologiste au pouvoir, mais il y a, au sein du parti des Verts, des gens qui m'attaquent personnellement. J'ai ouvert cette mosquée, nous la dirigeons dans la paix, nous nous battons pour l'égalité des sexes, pour la communauté LGBT, pour la liberté d'expression... Pourquoi soutiennent-ils des croyants radicaux, des groupes et des mosquées orthodoxes, où l'on enseigne un islam radical en toute impunité, et pourquoi attaquent-ils les mosquées libérales?" (2)

Comme sa consœur Kahina Bahloul, première femme imame de France (3), Seyran Ates, imame non voilée, est très critique également vis-à-vis du voile, ce "marqueur qui désigne les femmes en tant que telles". Ce sont, selon elle, les Occidentaux qui soutiennent l'idée que le hijab serait pour les femmes un signe de dignité ou un symbole d'empowerment. "Je suis avocate, j'ai travaillé pendant plus de trente ans avec ces femmes qui tentent d'avoir une vraie vie: 80% d'entre elles n'ont pas le moindre choix. Ça va bien au-delà du voile, elles n'ont aucun choix dans aucun domaine, aucune autodétermination."
Ce fichu voile est une imposition masculine. "Quand une femme se couvre, ce sont les pulsions sexuelles de l'homme qu'elle protège. Elle ne se protège pas elle-même, elle protège le pauvre homme qui ne peut plus se concentrer sur sa foi en Dieu et sa pratique de la religion."
Elle défend la loi interdisant aux professeures, aux juges, aux policières de porter le voile. "Et je veux faire interdire le voile dans les écoles".
Aux féministes occidentales qui refusent de s'opposer au voile, voire le soutiennent, au nom de la lutte anti-colonialiste, elle répond que "c'est leur position qui est colonialiste. Ça ne tient pas debout: Je ne veux pas être colonialiste, mais je défends le foulard. Il est là, le colonialisme. C'est positivement raciste. Et arrogant. Il ne faut pas imposer nos valeurs occidentales aux autres pays, donc nous acceptons que les droits de l'homme ne s'appliquent pas aux pays musulmans? Pardon? Je croyais que les droits de l'homme étaient universels... J'aimerais bien voir ces dames faire du bénévolat en Iran. Elles devraient emmener leurs familles et passer six mois là-bas. (...) Quand je vois les conditions d'existence des femmes en Iran, je pourrais en pleurer. Elle se battent contre le voile depuis 1979. Ces féministes ne les écoutent pas. Parce que ce ne sont pas des victimes. Or elles aiment bien quand nous restons à notre place de victimes. Elles peuvent alors nous aider, nous apprendre à lire et à écrire, aller au Pakistan et en Afghanistan... Mais pas en Iran, parce que, justement, les femmes iraniennes se débrouillent très bien toutes seules, vont à l'université, ont un vaste savoir. Elles ne sont pas victimes des pays occidentaux. Elles sont victimes des mollahs. Ces féministes ne veulent pas l'entendre. Elles préfèrent se voir comme des dissidentes de prétendues dictatures occidentales".

Non seulement Seyran Ates croit en une religion postpatriarcale, mais elle la pratique, dans sa mosquée comme d'autres le font dans des églises et des synagogues. Mais, dit-elle, "nous sommes minoritaires aujourd'hui en Europe, parce que les gouvernements, tous les gouvernements d'Europe, protègent et soutiennent l'islam radical et politique. Et les féministes aussi. Ils sont devenus les lobbyistes de l'islam identitaire".
Seyran Ates, imame à Berlin, vit sous protection policière.

A lire aussi au sujet du voile, "drapeau de l'islamisme", l'opinion de Fadila Maaroufi, formatrice sur la radicalisation: https://www.lalibre.be/debats/opinions/le-voile-ce-drapeau-de-l-islamisme-5d2c95d8d8ad5859359a72ad

(1) "Oui, en tant qu'imame, je veux faire interdire le voile dans les écoles!", Charlie Hebdo, 18.9.2019.
(2) (Re)lire sur ce blog "Fâché (très)", 15.5.2019.
(3) France Inter, 16.7.2019, 7h50.

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