vendredi 22 novembre 2019

Donnez-nous un sauveur

On l'a écrit déjà: en France, le président de la République est responsable de tout. Surtout de ce qui ne va pas. Si un bureau de poste ferme, c'est de sa faute. Si les trains arrivent en retard, c'est de sa faute. S'il y a trop d'échecs scolaires, c'est de sa faute. Si une entreprise ferme, c'est encore et toujours de sa faute.
La principale revendication des Gilets jaunes semble être la démission du président Macron. Il est reponsable de leurs divers malaises, aussi disparates soient-ils.
En 2017, le candidat Macron avait promis aux travailleurs de l'entreprise américaine Whirlpool à Amiens, alors en grande difficulté, que celle-ci trouverait un repreneur. Il y en eut un, largement aidé par l'Etat qui apporta 2,5 millions d'euros, mais son projet vira rapidement à l'échec. Il devait sauver 186 emplois. Mais seuls 44 travailleurs sont encore actifs sur le site, employés par une autre entreprise qui a repris une partie de l'ancienne. Le projet de production de chargeurs de batterie et d'armoires équipées de condensateurs destinés à produire de l'énergie propre s'est cassé la figure, "faute de débouchés commerciaux", nous dit Le Monde. Peut-être le projet manquait-il de sérieux et de réflexion, peut-être le repreneur a-t-il profité abusivement de cette reprise, mais pour les travailleurs, les syndicats et François Ruffin, le vrai fautif, c'est le président Macron (1).
Il y a huit jours, une forte tempête de neige s'abattait sur la Drôme. Le poids de la neige tombée en abondance sur les arbres qui ont encore leurs feuilles et sur les lignes électriques a fait tomber de nombreux pylones et cassé un peu partout câbles et branches. Résultat: des milliers de foyers privés d'électricité. Ce matin encore, ils étaient un millier. Hier soir, au JT de France 3, une maire appelait l'Etat, donc son président, à agir. Le problème - bien réel - concerne Enedis, chargé de la gestion du réseau électrique et qui a multiplié les équipes sur le terrain. Mais c'est, une fois encore, du président qu'on attend la solution.
Curieux pays au fonctionnement pyramidal si peu remis en question. Il y a quelques années, le journaliste de France Inter Thomas Legrand écrivait un ouvrage intitulé "Arrêtons d'élire des présidents". Il semble être le seul à le souhaiter. C'est tellement pratique d'avoir un bouc émissaire dont on attend qu'il soit un sauveur en toutes circonstances. Un ancien maire m'expliquait qu'il est impossible d'envisager de supprimer, voire de modifier la fonction présidentielle telle qu'elle est conçue en France: les Français ont le sentiment que l'élection présidentielle est le summum de l'exercice de la démocratie. En fait, ils adorent élire leur roi et le guillotiner le lendemain.

(1) https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/11/22/bouscule-lors-de-son-retour-sur-le-site-de-whirlpool-macron-assure-avoir-dit-la-verite_6020126_3234.html
https://www.huffingtonpost.fr/entry/a-whirlpool-a-quoi-setait-vraiment-engage-macron-devant-les-salaries_fr_5dd693bde4b0e29d727ff4ac?utm_hp_ref=fr-homepage

2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Excellent et tellement vrai. Un indice de plus que "l'universalisme" dont la France se gargarise (et qui attire des auteurs japonais sur le plateau d'Arte) est très particulier. Une révolution (1789) peut très bien conserver la matrice de ce qu'elle a pensé abattre, au point de devoir sans cesse recouper la tête du Roi. De manière semblable, le bolchevisme a reproduit peu ou prou le patrimonialisme tsariste. Bien évidemment, cela change, mais lentement...

gabrielle a dit…

Après avoir coupé la tête à Louis XVI, la France n'a jamais cessé de chercher un roi, un chef, un responsable. Couic la domination mais pas vraiment couic la royauté.
Je ne sais plus qui a dit ou écrit que la France était en fait une monarchie républicaine.