vendredi 29 novembre 2019

Coincés dans ce foutu vieux temps

Qu'y avait-il de bon dans ce vieux temps que tant de gens regrettent?
La mortalité infantile? Le nombre de morts sur les routes? La faim dans le monde? La misère? Le nombre de crimes? Le nazisme, le fascisme et le stalinisme? L'inconscience de la pollution? 
C'était le temps où on produisait, on consommait et on polluait dans la joie et l'insouciance. C'est dans le bon vieux temps qu'on a préparé ce que nous vivons aujourd'hui, qu'on a brûlé tant et plus de pétrole, de gaz et de charbon, qu'on a fabriqué tous ces gaz à effet de serre qui menacent maintenant l'humanité.
Bien sûr, les temps actuels ne sont guère réjouissants, avec précisément la pollution qui atteint des niveaux inouïs et le dérèglement climatique, avec l'érection de murs, avec l'arrivée au pouvoir de fous furieux et haineux. Ce sont ceux-là mêmes qui essaient de nous faire croire que leurs murs, le rejet des étrangers, l'entre-soi nous ramèneront à ce bon vieux temps qui n'a jamais été aussi positif qu'on a envie de le croire. Qui n'est donc qu'un vieux temps qu'il est illusoire - et qu'il serait sans doute suicidaire - de vouloir retrouver. Puisqu'on ne revient jamais en arrière, il faut bien aller de l'avant. Et être inventifs. Plus que jamais.
"La fin du monde approche... Et c'est une bonne nouvelle", titrait la semaine dernière Le Courrier international. La Terre devient invivable et il va bien falloir que nous changions de mode de vie si nous voulons survivre.
"Alors que le doute et le déni autour du dérèglement climatique ont reculé, écrit Rachel Riederer, ils ont été remplacés par des sentiments - tout aussi paralysants - comme la panique, l'angoisse et la résignation." (1)
Mais la peur est utile, estime le journaliste américain David Wallace-Wells (2). C'est le principe de la destruction mutuelle assurée qui a encouragé les dirigeants mondiaux à mettre fin à la guerre froide. Et la peur du cancer, rappelle-t-il, incite bien des fumeurs à cesser de fumer.
"Nous devons accepter que notre de vie n'est plus viable, affirme la psychologue Renee Lertzman, et que nous devons maintenant nous montrer à la hauteur du problème. Ce qui fonctionne vraiment bien, c'est quand les gens se sentent invités et encouragés à participer à quelque chose de constructif, tout en ayant conscience de la gravité de la situation."
Un de ses collègues estime que le seul remède à l'angoisse climatique est l'engagement. Et une autre que ce qui est bon pour le climat - sous forme de participation à un effort collectif - est également bon pour le mental.
Résumons-nous: laissons le prétendu bon vieux temps là où il est: dans le passé et dépêchons-nous de construire les temps nouveaux. Il y a urgence. Mais bon... il faut bien constater qu'une majorité de gens (on n'oserait dire citoyens) continuent à vivre comme dans leur insouciant vieux temps. Même si nombreux sont les appels à consommer moins et de manière plus responsable, on peut craindre qu'en cette journée de grande fête du commerce le friday soit effectivement assez black pour la planète. Le vieux temps dure longtemps.

(1) "La fin du monde approche... Et c'est une bonne nouvelle", Le Courrier international, .11.2019.
(2) auteur de "The Doomed Earth Catalog" - "La Terre inhabitable".

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