samedi 9 mars 2024

"Un vent contraire si violemment inhumain"

Marceline Loridan-Ivens est morte en 2018. Elle n'aura pas assisté à la vague actuelle d'antisémitisme.
A 16 ans, elle avait été internée à Auschwitz-Birkenau. Elle en est revenue vivante, contrairement à son père. Son frère et sa sœur se sont suicidés plus tard, incapables de vivre avec ce passé si lourd. 
Marceline Loridan disait en 2005 "avoir perdu toute illusion sur ce monde où l'obscurantisme gagne et l'antisémitisme renaît". Aujourd'hui, il est à la mode. L'antisémitisme est même devenu un argument électoral, en Grande-Bretagne comme en France visiblement.
Les barbares du Hamas ont allumé le 7 octobre 2023 un incendie que le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou ne cesse d'alimenter. Deux haines se répondent et s'alimentent. 

"À l’heure où les images de Gaza nous parviennent dans toute leur violence, où les morts se comptent par milliers, à l’heure où la colonisation de la Cisjordanie se poursuit, que des volontés inhumaines issues du pire de l’extrême droite ont droit de parole dans un gouvernement israélien ouvertement raciste et pour qui la brutalité militaire est la seule réponse possible, à l’heure où des forces d’une obscurité folle travaillent des deux côtés pour empêcher le moindre espoir, où les empathies vont vers les civils palestiniens mais où la mémoire des victimes israéliennes du 7 octobre est en train de se diluer et que les otages ne sont plus, pour l’opinion publique, qu’un détail secondaire, il est vital de voir le piège dans lequel nous jette le Hamas en nourrissant et abreuvant la plante de la détestation faisant fleurir partout l’antisémitisme." C'est le dramaturge Wajdi Mouawad qui s'exprime ainsi (1).
"Je dois, écrit-il encore, à la lecture de l’actualité de chaque jour, ériger en moi des digues de plus en plus hautes pour empêcher le débordement du marécage. Or c’est précisément là que se trouve le piège tendu depuis le 7 octobre par l’esprit destructeur du Hamas : faire en sorte que l’après soit avant tout antisémite. Que l’après soit un tombeau pour tout Juif où qu’il se trouve. Que l’après soit un temps où chaque Juif vive dans l’effroi, terrorisé, viscéralement méfiant envers le monde. Que l’après soit une autre forme de diaspora. Que l’après soit synonyme d’exil pour tout Juif. C’est contre ce piège que nous devons lutter, chacun." Il faut, dit-il, "par tous les moyens assécher la plante de la détestation". 

Une réflexion de David Grossman : "alors que la peur de devenir des réfugiés est fondamentale et originelle pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, aucun des deux camps ne semble capable d’envisager la tragédie de l’autre avec une once de compréhension – sans même parler de compassion" (2).
Delphine Horvilleur, rabbin, veut croire à un nouveau messianisme, "celui qui dit (...) qu'il existe un avenir pour ceux qui pensent à l'autre, pour ceux qui dialoguent, les uns avec les autres et avec l'Humanité en eux" (2).
Il faut panser l'après, affirme Wajdi Mouawad. "Panser  l’après, c’est se préparer à accueillir quelque chose dont nous ignorons encore tout, c’est tenter de soigner un temps pas encore arrivé, pour que, défait de ses pulsions de meurtres, il puisse être un réel après".
D'où viendra, se demande David Grossman, une "résolution éthique, raisonnable et humaine" ? "Ce qui est tragique, c’est que cette solution naîtra (si tant est qu’elle voit le jour) non pas de l’espoir et de l’engouement, mais du désespoir et de l’épuisement. Car c’est hélas souvent cet état d’esprit qui conduit des ennemis à faire la paix, et c’est tout ce qu’il nous reste aujourd’hui à espérer. Nous nous en contenterons donc. Comme s’il fallait traverser les enfers pour arriver à l’endroit d’où l’on peut apercevoir, par une journée exceptionnellement claire, l’orée lointaine du paradis."   
 

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