mercredi 26 septembre 2007

Wallonie, paradis des beaufs?

La Cellule de Développement Territorial, mise sur pied par le Ministre wallon à la même fonction, André Antoine, a six dossiers prioritaires sur le feu. Parmi ceux-ci, des jonctions d'autoroutes qualifiées de "chaînons manquants" et des accès aux aéroports régionaux. Pour soutenir le développement durable, on a vu projets plus novateurs! Mais pas en Wallonie visiblement. Les deux seuls projets privés retenus comme prioritaires sont le projet de technopôle moto à Elouges et le projet de "centre européen des sports de glisse" à Maubray.
L'avenir de la Wallonie repose donc sur la moto et sur le ski...
Le promoteur intelligent aura vite compris que le Gouvernement wallon l'accueillera au champagne s'il vient le trouver avec un projet de terrain de quad, de 4x4 ou de 8x8!

Si ces deux projets ont retenu toute l'attention du Gouvernement wallon, c'est qu'ils "seraient" créateurs de centaines d'emplois: la moto en générerait 300, la glisse 400. Et on ne vous parle là que des emplois directs. Le sport comme solution au chômage wallon. Evidemment, aucun de ces chiffres n'est justifié par les promoteurs qui les avancent. Au contraire.

La moto à l'entrée des Hauts Pays
Les habitants des villages de Thulin, Hainin, Elouges et Boussu-Bois se mobilisent contre l'implantation d'un circuit de sports moteurs.
"Ce projet mégalo, expliquent-ils, consiste à transformer plus de 50 ha de terres agricoles en une sorte de Francorchamps bis dédié à la moto et doté d'une piste asphaltée de 4,1 km pour permettre aux passionnés d'y faire joujou sept jours sur sept, de mars à octobre. Le prétexte utilisé est l'annonce tapageuse de la création de 300 emplois (excusez du peu !). Nous nous sommes rendus sur les circuits du nord de la France et nous avons étudié la chose, c'est du pipeau. Le potentiel de création d'emploi par rapport à ce qu'il y a sur le zoning voisin de Dour serait en fait de l'ordre de la dizaine dans le meilleur des cas. Une disproportion énorme avec le gaspillage d'argent, de terrain et de qualité de vie des villages de Elouges, Thulin, Hainin (1500 habitants dans un rayon de 1000 m!)..."
Le circuit accueillerait des compétitions de moto les week-ends entre mars et octobre. Mais qu'on se rassure (!): l'investissement serait rentabilisé durant toute l'année, puisque les voitures prendraient le relais en hiver.
Interpellé au Parlement wallon, le Ministre de l'Economie, Jean-Claude Marcourt, a reconnu que le chiffre de 300 emplois pourrait finalement n'être que de... 8!
Le Ministre Antoine, toujours au Parlement, a affirmé - sans rire - que ce projet avait notamment pour objectif de "faire progresser la cohésion sociale et valoriser le capital social wallon, s'inscrire dans une perspective d'amélioration continue du cadre de vie; assurer un développement social équilibré."
"Heureusement, disent les opposants, le projet ne semble plus avoir autant le vent en poupe qu'à son annonce fin 2004. KYOTO parvient tout de même à remuer (un peu) certaines consciences !!! Pourtant la menace est de taille et n'est toujours pas écartée."
Le projet de révision de plan de secteur (procédure lancée en janvier 2005) a en effet été adopté le 19 juillet dernier par le Gouvernement Wallon. Les citoyens auront 45 jours pour donner enfin leur avis lors de l'enquête publique, attendue pour les semaines à venir.

Les riverains dénoncent les incohérences de ce projet avec toutes les politiques d'amélioration du cadre et de la qualité de vie. Eux qui, à raison, ne peuvent tondre leur pelouse le dimanche, entendraient à longueur de week-end des tondeuses puissance 100 accélérer et décélérer à proximité de chez eux. Ils se sont organisés en créant l'asbl " Un Circuit ? Non merci ! " dès 2005. Et ont lancé sur leur site (www.uncircuitnonmerci.be) une pétition on-line. Ils espèrent ainsi enterrer un projet qui s'oppose frontalement à la notion de développement durable, quoi qu'en dise André Antoine dans ses sophismes que ne renierait aucun jésuite.

Le ski sur les Plaines de l'Escaut
A Maubray dans l'entité d'Antoing, le prince de Ligne envisage de créer, sur une superficie totalement démesurée de 350 ha, un "centre européen des sports de glisse". Au départ d'une tour de 65 mètres de haut dominant le Grand Large, les skieurs pourront s'élancer sur deux pistes de.. 200 mètres de long. Le bonheur est dans le pré, sur poudreuse artificielle bien sûr. Ces sportifs en chambre pourront également s'ébattre dans un stade de glace, une piscine tropicale ou encore sur une rivière qualifiée de sauvage. Le caractère dépassé et ridicule du projet semblait avoir, au départ, échappé au Gouvernement wallon qui a mis en chantier la procédure de révision du plan de secteur pour ce "projet novateur, unique au monde".
Peu à peu, le Gouvernement, lisant le rapport de l'étude d'incidences sur l'environnement (réalisé par le bureau d'études Planeco), l'avis défavorable de la CRAT, celui du Parc Naturel des Plaines de l'Escaut (B), du Parc Naturel régional Scarpe-Escaut (F), les critiques de centaines de riverains, d'écologistes et de naturalistes, peu à peu donc le Gouvernement semble prendre conscience du caractère gaspilleur en eau, en énergie et en espaces naturels de ce projet. Le promoteur a déjà été chargé de revoir sa copie, mais semblerait cependant avoir beaucoup de difficultés à comprendre les messages qui lui sont adressés et persisterait dans le maintien de toutes ses activités gaspilleuses, polluantes et destructrices de calme et de nature.
Le Gouvernement wallon, visiblement mal à l'aise, n'en finit pas de reporter sa décision.
Au niveau sous-régional, le Conseil de Développement de la Wallonie Picarde (c'est de ce nom nettement plus vendeur (?) qu'a été rebaptisé le Hainaut Occidental) a décidé de se pencher sur le projet fin octobre en auditionnant les différents acteurs: promoteurs (jusqu'ici très taiseux), opposants (jusqu'ici très actifs), communes, parcs naturels, IDETA, etc. On ne peut qu'espérer que les pilotes de la Wallonie Picarde diront leur opposition à ce projet totalement antinomique à toute politique de développement durable, notion sur laquelle ils entendent fonder leur sous-région. Faute de quoi, leur Wallonie Picarde devrait plus pertinemment s'appeler Alpes Occidentales, comme le suggèrent les opposants qui rappellent l'existence du centre Ice Mountain à Comines (dans l'ouest du HO), le projet Snow Games à Lessines (à l'est) et ce dernier projet à Maubray (au centre). La neige artificielle sera-t-elle le ciment de la Wallonie Picarde?
Voir le site de la Coordination Internationale des Alpes Occidentales: www.c-i-a-o.eu

Demain la chasse?
Si le Gouvernement wallon veut poursuivre dans sa vocation de soutien aux projets de beauf, on peut, par exemple, lui suggérer de concrétiser une idée qu'avait lancée l'ineffable José Happart, voici quelques années alors qu'il était Ministre de l'Agriculture et de la Ruralité. Visitant la réserve naturelle des Marais d'Harchies, seule zone "Ramsar"* de Wallonie, il avait suggéré d'y créer une école de pêche. Peut-être pourrait-on aussi envisager d'ouvrir les réserves naturelles à la chasse et les sentiers pédestres aux quads...
En attendant, l'avenir wallon, s'appuyant sur la F1, la moto et le ski, s'annonce enfin rayonnant.
Voilà poukwé no s'tons firs d'iess wallons!
Michel Guilbert

* La convention de Ramsar protège les zones humides d'une grande richesse naturelle. Il s'agit d'un label international.

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