lundi 10 mars 2008

Les outils de communication tuent la communication

Les téléphones portables, par définition, permettent à leurs heureux propriétaires d'être en lien permanent avec la terre entière. Mais ils empêchent souvent de rester en lien avec la personne dont on est proche physiquement, celle qui nous fait face. Régulièrement, on assiste à cette scène - hélas banale aujourd'hui - où deux personnes sont en pleine conversation, même au restaurant, et voilà que sonne le téléphone d'une des deux. Et la personne de décrocher, abandonnant immédiatement sa conversation pour entrer dans une autre, donnant priorité à cet appel. On souffre pour ces gens qui brusquement n'existent plus! Celui qui appelle supplante brutalement celui qui se trouve en vis-à-vis. Alors que tout téléphone normalement constitué dispose d'un répondeur... Régulièrement, nous croisons ces grossiers personnages (que nous sommes peut-être parfois?) qui discutent au comptoir d'un magasin avec la vendeuse ou le vendeur et qui cessent, de but en blanc, leur conversation pour se jeter sur l'appel qu'ils reçoivent. Que reste-t-il de la "communication"? Parle à mon gsm, ma tête est malade!

Il en est de même dans la vie politique. "Le Vif" de ce vendredi 7 mars consacre un article à la pollution géessèmienne qui envahit les négocations gouvernementales. Pierre Havaux cite cet observateur qui a constaté que "les appareils étaient allumés en permanence autour de la table: tout le monde pianotait. Leterme passait son temps à manipuler son Blackberry, Reynders consultait ses données sur son PC portable et Milquet était accro au GSM. Ce sont des exaltés de l'immédiat." Et le journaliste de relever que "jamais jusqu'alors, les technologies de la communication n'avaient été accusées de contrarier, voire de nuire à l'action politique".

Je me souviens d'une collègue au Sénat qui passait sa vie suspendue au téléphone (et j'imagine qu'il en est toujours de même aujourd'hui). Nos collègues flamands l'avaient surnommée Miss Proximus. Même dans des réunions de commission à huis clos, son téléphone ne cessait de sonner et elle, à chaque fois, d'entamer une conversation à voix à peine feutrée en plein milieu de la réunion. C'est vrai qu'il faut mériter chaque jour son surnom de Madame Sans-Gêne...

Nous vivons dans le règne de l'immédiateté. Et ça en devient maladif, pour beaucoup d'entre nous. Le décrochage du téléphone et l'envoi de textos tiennent de la toxicomanie.
Dans "La société immédiate", Pascal Josèphe (éditions Calmann-Lévy) constate que les nouvelles technologies de l'information et de la communication favorisent l'individualisme (au détriment du collectif) et l'immédiateté. C'est la tyrannie de la réponse immédiate, du plaisir immédiat. Et les politiques se laissent entraîner dans cette dérive tellement facile. Mais tellement dangereuse pour la gestion de la société. Les décisions ne s'inscrivent plus dans la durée, ne se prennent plus au terme de mûres réflexions et de confrontation de points de vue. Elles répondent immédiatement - et souvent de manière simpliste - à l'émotion. Les exemples sont nombreux ces dernières années. Ce sont les remises en question brutales de la politique de protection de la jeunesse suite au meurtre de Joe Van Holsbecke. Ce sont les déclarations scandalisées de certains leaders politiques suite à l'émission By Bye Belgium de la RTBF (les mêmes étant capables de modifier leur opinion à 180°, deux jours après, constatant que l'opinion publique ne pensait finalement pas comme eux...). C'est la loi Dati en France. Ce sont les positions et propositions, toutes plus ahurissantes les unes que les autres, du grand ado qui préside la France et dont les paroles galopent visiblement plus vite que la pensée.
Tiens, en voilà une idée: si on reprenait le temps de penser?

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