lundi 19 avril 2010

Du consensualisme et du conflit

Le Courrier de l'Escaut de ce jour publie les deux interventions "écartées" de "wapi à chaud" (celle de Walter De Kuyssche et la mienne - voir billet en date du 13 avril ). Si elles l'ont été, explique une responsable de l'Agence culturelle, c'est parce que "les réactions (...) étaient beaucoup trop engagées politiquement et ne cadraient absolument pas dans la philosophie du numéro de "Wapi à chaud". Le comité de lecture a estimé qu'il ne fallait absolument pas entrer dans cette logique politicienne".
Que nos contributions ne cadrent pas avec la philosophie de ce bulletin, on le comprend rapidement en le lisant. On saisit bien l'objectif de "vente" de notre sous-région. Mais alors pourquoi nous avoir demandé un regard critique?
Nos analyses étaient donc "trop engagées politiquement". Elles sont engagées. C'est vrai. Trop? L'est-on jamais? Elles ne sont en aucun cas partisane. C'est vrai que parler de lutte contre le réchauffement climatique, de population du sud de la planète, de développement durable, d'éducation permanente, c'est politique. Je l'avoue. Tandis que le Projet de Développement de la Wallonie Picarde ne le serait donc pas. C'est à y perdre son latin. Et même son picard. Le projet de développement, faut-il croire, ne serait qu'un concept unanimiste. Ou presque. Rien de politique là-dedans, rassurez-vous.
Et si on en faisait enfin de la politique?
Dans une page Débats publiée dans la Libre Belgique du 10 avril dernier ("Le nouvel opium du peuple"), Marc Van Campenhoudt, directeur de la Revue Nouvelle, évoque le "brouillage des idéologies et ce centrisme diffus (qui) sont en effet en intime affinité avec une vision culturelle de l'action politique, économique, institutionnelle et sociale aujourd'hui envahissante, et que l'on pourrait nommer le consensualisme. (...) Le consensualisme est d'autant plus prégnant qu'il se conjugue dans les discours institutionnels comme dans les pratiques à une autre tendance, moins récente celle-là, de la vision culturelle du monde et des problèmes: la rationalité instrumentale et technique. (...) Hier on parlait plutôt de division et d'organisation rationnelles du travail, de progrès et d'entreprise. Aujourd'hui, on parle plutôt de performance, d'excellence, de synergie et de projet. Mais, au fond, la logique est la même: une approche techicienne des problèmes qui vise à mettre en oeuvre les moyens les adaptés aux fins poursuivies. (...) Les fins en question ne sont guère interrogées en fonction de valeurs et se laissent le plus souvent imposer de l'extérieur (s'adapter au changement, être concurrentiel, rester parmi les meilleurs, gérer les risques...), et surtout qu'à partir du moment où les problèmes sont définis comme purement techniques, ils sont anesthésiés politiquement et socialement. Lorsque la rationalité instrumentale et le consensualisme se combinent, leurs effets sont décuplés, avec pour conséquence principale de rendre plus difficile l'expression des désaccords et des conflits, de neutraliser la dynamique de coopération conflictuelle qui seule pemet la mobilisation collective nécessaire pour affronter réellement les problèmes, et d'alimenter dès lors tous les malaises."
Vive le conflit donc! En conclusion de son billet, Marc Van Campenhout interroge et appelle: "comprendra-t-on cette belle leçon de l'histoire? Dans le respect de l'autre, le conflit est le meilleur antidote de la violence et le ressort même de la démocratie et de la justice."
Si elle veut exister au-delà de la technocratie et de certains apparatchiks, si elle veut dépasser son mode incantatoire et son attitude déjà auto-satisfaite, la Wallonie picarde devra en passer par là.
Et maintenant, rideau! Je m'intéresserai désormais à d'autres thèmes autrement importants.

Post-scriptum: le Courrier de l'Escaut me présente comme "Ecolo". A tort. Ce n'est pas à ce titre, je pense, que j'avais été sollicité par Culture.Wapi. Et je ne suis plus membre d'Ecolo depuis la fin 2008. Je m'expliquerai un jour sur les raisons qui m'ont amené à ne pas renouveler ma carte de membre. L'une d'elles est précisément de me laisser une liberté d'expression la plus large possible. Même si je reste sympathisant et électeur. Et surtout toujours convaincu que l'écologie politique est la voie à suivre.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Mr Guibert,
Je trouves votre blog fort intéressant.
Serait-il possible d'y ajouter la fonction fil RSS afin de pouvoir en suivre les évolutions plus facilement ?
Bien à vous,
JD, Ath

Michel GUILBERT a dit…

Je dois bien avouer mon ignorance et mon incompétence en la matière. Je me renseigne!