mardi 27 avril 2010

Le fossé - de sloot

Le nombril du VLD mène donc la Belgique au bord du gouffre. Et témoigne qu'un fossé, si pas un ravin, s'est creusé entre certains "représentants" politiques et une part importante de la population belge.
Au JT hier soir, Didier Reynders se demandait: "que veulent encore faire ensemble les gens du nord et les gens du sud?". Plein de gens du nord et du sud de la Belgique travaillent ensemble tous les jours, dans l'économie, le commerce, la culture, l'associatif...
Je participais hier à la conférence de presse de la fête de l'accordéon de Tournai. Y étaient présents également des représentants des fêtes et festivals de l'accordéon de Wazemmes (Lille), d'Avelgem et de Brugge. Les liens sont forts et les partenariats nombreux entre les diverses associations. Des étudiantes malinoises en formation à Tournai ont parfois traduit en néerlandais les propos de la responsable tournaisienne. Un Brugeois a vite fait comprendre, en français, que l'intention était sympathique mais l'effort inutile, chaque Flamand présent comprenant parfaitement les propos francophones.
Le Next Festival, issu d'une collaboration entre centres culturels de Flandre, de Wallonie et du nord de la France, témoigne du même dépassement des frontières. Certaines émissions communes à No Télé, WTV et C9 aussi. Le combat environnemental procède d'une même vision transfrontalière: on a vu des militants écologistes flamands et francophones se réunir pour s'opposer au projet de "centre de glisse" de Maubray ou faire fermer la décharge du Radar à Flobecq.
L'associatif et le politique ne vivent-ils pas sur la même planète? Ils n'ont en tout cas pas la même culture.
En Belgique, il est urgentissime de soutenir tous ceux qui participent au rapprochement entre communautés plutôt qu'à leur séparation. On se connaît mal. Ou pas. On se connaît par cliché imbéciles. On se parle dans le mépris. Maingain, évoquant le refus flamand de nomination des trois bourgmestres de la périphérie, parle de pratique des nazis sous l'occupation, De Wever se lance dans une comparaison totalement déplacée entre Reynders et Dutroux.
La proposition (des écologistes notamment) de création d'une circonscription électorale à l'échelle nationale pourrait, pour une part, éviter le repli sur soi d'une communauté. Elle obligerait les candidats à s'adresser aux électeurs de l'autre communauté. Pour l'instant, c'est exactement l'inverse: chacun parle aux "siens", sans le moindre souci de l'impact électoral de ses propos sur l'autre communauté.

On l'a dit et écrit, l'attitude du (bien peu "open") VLD et de son jeune président, Alexander De Croo, semble dictée par des visées purement électoralistes. Peut-être témoigne-t-elle aussi de l'attitude de la génération du "temps réel". L'ordinateur, les courriels, les téléphones portables ont inventé le temps réel. Le temps de l'attente, de la réflexion, de l'échange d'arguments serait donc un temps faux, irréel. Peut-être du temps perdu. Dans "La société immédiate" (1), Pascal Josèphe évoque deux tendances de fond actuelles: "d'une part une tendance à l'accélération et à la compression du temps, qui fait de l'immédiateté le nouveau paradigme des techniques et des pratiques sociales. Entre l'énonciation d'un projet et son accomplissement, l'attente est vécue comme une frustration, un retard, contraires à l'idéal de fluidité généralisée. (...) Notre époque n'aime pas que l'on perde son temps. D'autre part, une tendance à l'individualisation, qui affecte la légitimité des corps intermédiaires que sont les médias, les organisations politiques, associatives, syndicales, les relais d'opinion traditionnels, les institutions publiques, comme le système éducatif. (...) Ces deux tendances prennent en étau la société démocratique d'aujourd'hui."
Plus loin, Pascal Josèphe estime que "avec l'hyperindividualisme et le culte de l'immédiat qui caractérisent les sociétés postmodernes, on peut diagnostiquer la fin de la politique telle qu'elle existait jusqu'à présent. Les identités et les projets collectifs, la responsabilité sociale disparaissent au profit d'une revendication généralisée des droits individuels."

S'il est bien un secteur où le temps compte, c'est celui de la politique. La négociation exige de la patience, le compromis prend du temps. La génération Q - De Croo ne l' a pas ce temps. Pour elle quatre jours de négociations, c'est insupportable. En attendant, en cette année sans élections qui allait permettre aux politiques de travailler plus sereinement, nous allons vers des élections dont nous ne sommes même pas sûrs qu'elles seront validées. Jolie perte de temps!

Et pendant ce temps-là, un Rudy Demotte en pull rouge continue à utiliser ses fils devant les caméras de No Télé, les faisant déposer dans l'urne ses bulletins de vote qui le désigneront président de l'Union communale socialiste de Tournai.
Admirable démocratie!


(1) "La société immédiate", Pascal Josèphe, Calmann-Lévy 2008

2 commentaires:

M a n u a dit…

L'hyper-radicalisation est en cours.

C'est la « loi de Gresham des conflits » : les radicaux tendent à chasser les modérés du jeu politique.

M a n u a dit…

"Si la politique, ce n'est plus que faire des jeux sur Twitter, c'est peut-être une nouvelle génération mais cela ne me semble pas de nature à gérer un Etat surtout aussu compliqué que la Belgique".

Joëlle Milquet, le 30/04/2010 dans Le Soir.

Extrait d'une réponse à la question : Repartir avec le VLD, après les élections, ça paraît impossible ?