vendredi 17 février 2017

Gens honnêtes et honnêtes gens

C'est un homme politique honnête. On peut lui reprocher sa tiédeur, ses reculades, son manque d'audace. Mais pas le moindre délit, pas d'argent planqué ou détourné, pas de pratiques népotiques, pas de favoritisme de copains. A trop vouloir écouter les uns et les autres, vouloir se faire apprécier de tous, il n'a pas osé prendre de décisions fermes et s'est fait rejeter. Les Français ne l'ont jamais aimé, ne l'aiment pas. François Hollande ne se représente pas pour un deuxième mandat de président de la république.
Les candidats ne manquent pas pour la fonction.
A commencer par le champion de la droite. François Fillon incarne la rigueur et la droiture. Ou plutôt incarnait. Depuis qu'on sait qu'il a employé de manière fictive son épouse comme assistante parlementaire, il dégringole dans les sondages. 18% des Français continuent cependant à lui faire confiance.
Celle qui caracole en tête, c'est Marine Le Pen, la candidate anti-système qui a pu faire ses premières armes en politique en étant employée par son père qui lui a ensuite légué son parti. Grâce à son nom, elle a été élue au Parlement européen où elle est classée parmi les plus mauvais élèves pour manque d'assiduité. Elle collectionne les casseroles:
- Le Parlement européen lui reproche de ne pas avoir respecté ses règles et d'avoir employé des assistants parlementaires comme conseillers pour son parti ou comme garde du corps. (1) Mais il faut dire qu'elle a été initiée par papa à ces pratiques: dans les années '90, ses enfants ont eu comme baby-sitter une assistante parlementaire d'un élu européen du F.N. (2)
- Quasiment toutes les campagnes du FN menées depuis qu'elle a pris la succession de son père font l'objet d'instructions judiciaires pour "escroqueries", "recels d'escroquerie", "abus de biens sociaux", "recels d'abus de biens sociaux" et "blanchiment". Son micro-parti Jeanne se serait enrichi de 9 millions d'euros sur le dos de l'Etat. (3)
- L'agence russe d'assurance des dépôts bancaires réclame au F.N. le remboursement de neuf millions d'euros que le parti avait obtenu auprès d'une banque qui a fait faillite. Un prêt qui alimente les soupçons d'accointances entre le parti d'extrême droite et la Russie de Poutine. (4)
- La Haute autorité pour la transparence de la vie publique mène une enquête sur Marine Le Pen et son père pour "sous-évaluation manifeste de certains actifs" que détiennent en commun  père et fille. (5)
Ce parti anti-système sait comment profiter de celui-ci et aime, plus que les autres, l'argent. Ce qui n'empêche pas sa présidente d'être la préférée des Français, donnée en tête du premier tour à 25-26%.
Les électeurs sont comme des supporters de sportifs. Leurs champions ont le droit de tricher, de truquer des compétitions, de se doper, pourvu qu'ils les fassent rêver. Mais les autres qui en feraient tout autant doivent être éliminés radicalement. C'est ce qu'on appelle des fans. Des fanatiques.
Que voit-on par là? Que la démocratie représentative élective ne repose pas sur la raison. Qui peut encore croire que les électeurs mettent l'honneteté (financière et intellectuelle) en tête des valeurs qu'ils s'attendent à voir respectées au premier chef par leurs élus?

Post-scriptum: voir le dessin de Vadot:
http://www.levif.be/actualite/international/la-semaine-de-vadot/diaporama-normal-595431.html#photo=1

(1) http://www.marianne.net/soupcons-emplois-fictifs-fn-bruxelles-rapport-qui-charge-marine-pen-100249922.html
(2) "Le baby-sitting, c'est le Parlement européen qui le lui a payé, avec mes indemnités!, avait déclaré Jean-Claude Martinez à Caroline Fourest et Fiammetta Venner. Ils m'ont fait engager Huguette Fatna, la marraine des enfants, comme assistante parlementaire... Mais à l'époque, le Parlement européen, elle ne savait pas où ça se trouvait, elle n'y venait jamais. Par contre, elle passait son temps à garder les enfants de Marine!" ("Marine Le Pen - biographie", Grasset, 2011, p. 120)
(3) Relire sur ce blog "Au-dessus des lois", 14 octobre 2015 - "Argent, famille, paillettes", 29 avril 2015 - "Ce peu banal parti banalisé", 18 avril 2015 - "Pauvre petite fille riche", 14 avril 2014.
(4)  http://www.huffingtonpost.fr/2017/01/05/les-4-affaires-judiciaires-qui-risquent-de-parasiter-la-campagne/?utm_hp_ref=fr-homepage
(5) http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/12/21/la-justice-appelee-a-se-pencher-sur-sur-le-patrimoine-de-marine-le-pen-et-jean-marie-le-pen_4836079_823448.html#cvG1fUj0trDVtRSe.99




6 commentaires:

Grégoire a dit…

Je crains de ne pas partager, cette fois, votre point de vue concernant F. Hollande. "Pas de favoritisme de copains", Le Canard Enchaîné et Challenge, en autres, ont révélé que le Président favorisait surtout ses anciens camarades de la promotion Voltaire de l'ENA (cfr://www.challenges.fr/politique/20150819.CHA8575/quand-francois-hollande-recase-des-chiraquiens-et-des-proches.html). Quant à l'éventualité d'argent détourné, non, en effet, jusqu'à preuve du contraire. Pour Beaucoup, l'ennemi autoproclamé du "monde de la finance" a renoncé à trop de promesses. D'ailleurs, le projet présidentiel de 2012 ne se trouve plus sur le site du PS français. A quelques semaines de la fin de son mandant de 5 ans, à en croire le Figaro (cfr : www.lefigaro.fr/assets/promesses-hollande/Promesses-Francois-Hollande.html) et si je n'en ai pas raté une, il y a 23 promesses sur 60 qui ont été tenues. Je me limiterai au nombre, objectif, toutes les promesses n'ayant pas la même portée et le même intérêt. En cinq ans, il aurait peut-être aussi pu, accessoirement, prendre des cours de diction pour éviter ce petit bégaiement qui lui donne l'image d'un manque d'autorité et de confiance en lui, et ses actions. Je ne le trouve pas spécialement antipathique, au contraire, je pense que c'est celui qui égayerait tout une tablée un samedi soir sur une terrasse, qu'il a dû être également apprécié par d'autres chefs d'état, mais question de politique intérieure, "BOF".
F. Hollande a offert 30 milliards aux entreprises par la baisse des charges sur le travail (qu'il a été chercher dans les baisses des dépenses publiques, notamment les aides sociales) en contrepartie de la promesse de Gattaz, patron des patrons français, de créer un million d'emplois. Hollande s'est fait avoir sur ce coup là. Car on a beau diminuer les charges sur le travail, si le carnet de commande d'une entreprise est vide, à quoi bon...

Michel GUILBERT a dit…

Je ne soutiens pas Hollande à toute force. Je l'ai écrit: il a trop reculé, trop lâché. Et s'il vit un tel désaveu, c'est - pour une bonne part - de sa responsablité, même si je trouve ce désaveu très excessaif (mais sans doute est-ce l'époque qui veut cela). Voir quand même à ce sujet l'opinion de mon frère Pierre après la lecture du livre des journalistes du Monde: http://www.pierreguilbert.be/hollande-lincompris/
Mais, encore une fois, il ne traîne pas de casseroles derrière lui, contrairement à la fille à papa qui en a toute une batterie. Ce qui semble même la rendre encore plus populaire...
Ca confirme ce que je pense de plus en plus: il faut changer radicalement de système. Le système représentatif électif n'est pas vraiment démocratique et les Français devraient en finir avec l'élection présidentielle. Lire à ce sujet Thomas Legrand (France Inter): "Arretons d'élire des présidents".

gabrielle a dit…

Que propose Thomas Legrand ?

Michel GUILBERT a dit…

Thomas Legrand , dans son ouvrage « Arrêtons d’élire des présidents », estime que « notre mode d’élection présidentielle abaisse le débat et infantilise la scène politique ». Il démontre combien les campagnes électorales présidentielles ne sont que combats de coqs qui ne font que cliver le pays, pousser des candidats à des promesses insensées et maintenir les citoyens dans l’illusion qu’une seule personne a la capacité de changer un pays. « L’élection présidentielle, écrit-il, devenait un mensonge, une supercherie, un déni de la réalité, un moment de fantasme de puissance. »
L’éditorialiste de France Inter propose de continuer à élire le président au suffrage direct (contrairement à ce que propose le titre de son livre), mais en ne lui confiant plus qu’un rôle de représentation et de gestion de la politique étrangère et de la défense. Ce ne serait plus à lui de nommer le gouvernement qui procèderait dès lors du parlement.
En fait, je suis convaincu que la France devrait sortir de ce modèle de l'homme providentiel et fonctionner sur le même modèle que les autres républiques européennes, où le président (n') a (que) un rôle de sage au-dessus de la mêlée. Ca éviterait, du même fait, d'avoir à la tête de la république une antirépublicaine...

gabrielle a dit…

OK Michel, mais que fait-on si, ce qui risque d'arriver de plus en plus fréquemment, un nombre sans cesse croissant de parlementaires est d'obédience FN ?

Michel GUILBERT a dit…

Il faut aussi changer le mode de scrutin et passer à la proportionnelle (proposition portée également par Daniel Cohn-Bnedit et Hervé Algalarrondo - "Et si on arrêtait les conneries?", Fayard, 2016).
Le FN ne dépssera quand même jamais les 50%, donc devrait se retrouver dans l'opposition...